La séance est ouverte à neuf heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour un rappel au règlement.
Monsieur le président, mes chers collègues, ce rappel au règlement, qui s’appuie sur l’article 29 bis de notre règlement, concerne l’organisation de nos travaux.
Aujourd’hui, jeudi 30 mai, nous nous apprêtons à débuter l’examen d’un projet de loi important pour nos collectivités territoriales, important pour nos territoires, et donc important pour la Haute Assemblée !
Avant tout, je regrette que nous commencions l’examen d’un texte aussi important un jeudi matin. Je sais bien que cela devient récurrent ces derniers temps, puisque même la discussion d’un texte aussi important que le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe avait débuté un jeudi, à seize heures. Nous continuerons toutefois à dénoncer cette organisation de nos travaux.
Il faut également rappeler que cet examen n’a pas débuté dans les meilleures conditions en commission des lois, et ce pour deux raisons.
Premièrement, il avait été convenu que certains articles du projet de loi seraient analysés au fond par d’autres commissions. Cette méthode n’est pas nouvelle et ne pose a priori aucun problème, à une condition toutefois : cette analyse doit avoir lieu en amont du travail d’élaboration du texte par la commission des lois.
Mercredi 15 mai, cependant, alors que la commission des lois devait établir son texte, nous avons constaté que les autres commissions n’avaient pas encore pu rendre leurs avis ! La commission des lois s’est donc trouvée en situation de devoir se prononcer sur des articles qu’elle n’avait pas analysés.
Cet écueil aurait dû être évité. Il aurait pu l’être si un calendrier adapté avait été établi. Une fois de plus, le Gouvernement contraint le Sénat à travailler dans la précipitation, y compris en commission.
Deuxièmement, il n’est pas souhaitable qu’une commission soit contrainte de siéger jusqu’à trois heures du matin pour élaborer son texte. Il s’agit, me semble-t-il, d’une première au sein de la Haute Assemblée, et c’est une innovation dont nous nous serions bien passés !
Ce ne sont pas là de bonnes conditions de travail ; elles le sont d’autant moins lorsque la commission est conduite ainsi à travailler en effectif réduit.
Chacun connaissait bien l’ampleur du débat que ce texte suscitait. L’organisation des travaux en commission aurait dû être prévue en conséquence.
En outre, notre groupe s’interroge une fois de plus sur l’organisation de nos travaux en séance publique. Entre les semaines où le Sénat ne siège pas le mardi après-midi et les semaines sénatoriales où l’on examine pourtant des textes gouvernementaux, sans parler des jours où le groupe socialiste inscrit dans son espace réservé les textes électoraux du Gouvernement, plus personne n’y comprend rien !
M. Philippe Dallier s’exclame.
Je tiens à rappeler que l’article 48 de la Constitution et l’article 29 bis de notre règlement sont clairs à ce sujet : seules deux semaines de séance sur quatre sont réservées, par priorité, à l’examen des textes gouvernementaux !
Enfin, mesdames les ministres, je regrette que le Gouvernement ait fait le choix de scinder en trois textes distincts cette réforme des collectivités. Certes, un texte global aurait été très lourd et difficile à appréhender, mais il aurait permis d’avoir une vision globale des perspectives qui attendent chaque niveau de collectivités. Nous regrettions déjà un tel découpage en 2010, lors de la précédente réforme ; nous le dénonçons également aujourd’hui.
L’inconvénient d’un tel découpage est flagrant dans ce projet de loi. Il va en effet nous contraindre à légiférer sur les métropoles, les grandes zones urbaines, sans corrélation avec nos territoires ruraux, voire en en faisant abstraction.
La réflexion sur l’avenir et l’organisation de nos territoires ne peut avancer sans une complémentarité nécessaire et évidente des secteurs urbains et ruraux. Envisager de réformer l’un sans prendre l’autre en considération au même moment est donc une erreur. §
Acte vous est donné de ce rappel au règlement, ma chère collègue.
La parole est à M. Jacques Mézard, pour un rappel au règlement.
Mes chers collègues, au nom du groupe du RDSE, j’entends formuler un rappel au règlement concernant l’application de l’article 40 de la Constitution.
Il s’agit d’un problème récurrent, que nous signalons régulièrement. Sur le texte qui instituait le binôme comme sur ce texte, des décisions ont été prises que notre groupe considère unanimement comme arbitraires.
Nous ne remettons évidemment pas en cause le texte de l’article 40, que j’ai sous les yeux et que nous connaissons tous, mais bien la jurisprudence de son application, …
… parce que, compte tenu de l’importance du projet de loi qui est ici soumis à discussion et de la nécessité d’aborder certains sujets touchant, bien sûr, aux questions de ressources financières, certaines décisions sont incompréhensibles – je pèse mes mots – et ont été prises trop rapidement.
J’entends bien que le nombre d’amendements, l’urgence et l’accélération de la procédure qui vient d’être décrite rendent ces décisions difficiles. Mais alors, en cas de difficulté, le doute, comme en matière pénale, doit bénéficier à celui qui dépose l’amendement.
Applaudissements
Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Sans prétendre répondre exhaustivement à votre intervention, je vous informe que le président de la commission des finances se propose de faire établir un recueil d’information sur l’application de l’article 40. Je lui demanderai de faire une communication à ce sujet lors de la prochaine conférence des présidents.
Ce n’est pas ce recueil qui nous intéresse, mais la façon dont l’article 40 est appliqué !
C’est bien pour cela, mon cher collègue, que je ne prétendais pas vous fournir une réponse exhaustive.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
Je suis en total accord avec ce que vient de déclarer M. Jacques Mézard.
Hier, sur l’initiative de notre collègue Pierre-Yves Collombat, nous nous sommes penchés sur cette question et avons décidé, à l’unanimité de la commission, d’engager une démarche : une délégation de la commission, composée de représentants des six groupes de la Haute Assemblée, va demander un entretien à M. le président de la commission des finances afin de comprendre pourquoi, dans certaines situations concrètes, l’article 40 nous a été opposé sans que nous comprenions très bien pourquoi.
En effet, notre procédure est ainsi faite que, dès lors que l’article 40 est invoqué, il n’existe pas de possibilité de recours.
Nous avons choisi d’engager cette démarche afin de nous expliquer à ce sujet, à la suite de quoi notre commission pourra se saisir à nouveau de cette question, et éventuellement vous saisir, monsieur le président, de manière que l’on puisse trouver des solutions.
Madame Morin-Desailly, nous avons travaillé sur ce texte avec beaucoup d’énergie et, je dirai, beaucoup de passion. Nous avons reçu cinquante élus en auditions publiques. M. le rapporteur René Vandierendonck en a entendu cinquante autres, au cours d’auditions ouvertes aux membres de la commission.
Les représentants de trois commissions, ici présents, MM. Jean Germain, Claude Dilain et Jean-Jacques Filleul, ont beaucoup travaillé. Je suis très heureux que nous ayons passé beaucoup de temps sur ces questions passionnantes. Je suis également très heureux que les commissions du Sénat s’apprêtent à vous proposer, à la suite de leurs travaux, des améliorations à nos yeux importantes de ce texte.
Notre objectif est d’imprimer notre marque par le texte du Sénat, parce que nous sommes au contact quotidien des élus et des collectivités locales.
Il est vrai que nous avons travaillé une fois très tardivement, madame Morin-Desailly. Toutefois, hier soir, nous avons achevé nos travaux à minuit et demi : vous voyez ainsi que la sagesse progresse toujours. §Si les débats ont été longs, et je crois que chacun ici peut en témoigner, c’est qu’ils ont été passionnants !
On ne peut donc pas dire que le débat, dans nos commissions, ait été bâclé. Il ne le sera pas ici non plus, et c’est mieux pour notre démocratie et nos collectivités locales.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.
Monsieur le président, Monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, madame la présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, c’est avec d’autant plus de plaisir que je m’adresse à vous ce matin que, ce faisant, je m’adresse à travers vous à la France des territoires et, ainsi, à l’ensemble des Français.
Ma première remarque sera, à la suite de ces rappels au règlement, pour souligner que le travail de votre commission des lois et des commissions saisies pour avis a été extrêmement important.
Tout en entendant les regrets quant au partage en trois de ce projet de loi, je mesure, en observant le nombre d’heures que les sénatrices et les sénateurs ont passé en commission, le nombre d’auditions menées et l’ampleur des travaux engagés jusqu’à hier soir, qu’il n’aurait vraisemblablement pas été possible humainement, physiquement, et démocratiquement, de débattre de l’ensemble du texte. Ce projet gardera donc son unité, mais sera discuté par chapitres.
Je remercie en tout cas les uns et les autres d’avoir participé à un travail de fond extrêmement intéressant qui va nous permettre, je l’espère, de disposer dans quelques jours d’une première partie de projet à transmettre à l’Assemblée nationale.
Je ne veux pas aborder ce texte et ses objectifs sans le resituer dans le cadre de ce que nos concitoyens attendent de leurs élus, évidemment, et de leurs collectivités territoriales, certainement. L’enjeu de ce projet de loi n’est pas, comme je l’ai malheureusement lu ici ou là, d’ouvrir un champ clos aux rivalités de nos associations d’élus.
Il n’est pas, non plus, comme je l’ai lu également, de permettre aux différents niveaux de collectivités de se disputer des compétences et d’élargir leur champ d’action aux dépens les unes des autres. Les compétences locales ne sont pas des trophées, et vos travaux le montrent largement. Nos débats ne sont surtout pas des débats de rapports de forces.
L’objectif prioritaire de ce texte – vous l’avez rappelé dans vos différents écrits –, c’est de renforcer les libertés locales et de les mobiliser au service de notre redressement. Et notre engagement comme nos échanges ne doivent pas faire l’objet de fausses interprétations.
Les élus de France sont plus que jamais engagés auprès de chaque Français, quelle que soit sa situation, auprès de chaque créateur, de chaque entrepreneur et de chaque agriculteur pour que soit donnée à chacun la chance d’une vie meilleure, d’une réussite, la garantie d’une cohésion sociale, la perspective d’une société en redressement.
Parce que la crise nous frappe et que ses conséquences durent, en France comme ailleurs, nous avons plus que jamais besoin de cet extraordinaire réseau d’élus, dont la très grande majorité est engagée bénévolement auprès de nos compatriotes.
Ce texte doit donc être l’occasion de rappeler avec force que les discours de défiance à l’égard des élus n’ont pas de sens et qu’ils ne sont pas acceptables. Ceux-ci mettent en danger l’effort consenti pendant ces trente années de décentralisation, de progrès, de développement et de démocratie dans nos territoires.
Le Président de la République et le Premier ministre ont voulu associer, dès le début de cette mandature, les élus de France au redressement du pays. Notre pays, démobilisé, comme beaucoup d’autres en Europe, par la gravité de la crise et les ravages du chômage, a sans aucun doute besoin d’un engagement déterminé de ses élus.
Nous le savons tous ici, il n’y aura pas de succès dans la bataille pour l’emploi, ni de redressement, sans la mobilisation de tous les élus sur les territoires.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte que j’ai l’honneur de porter veut dire cette vérité, la nécessité absolue de cette mobilisation des élus, que vous avez magnifiquement illustrée avec les états généraux de la démocratie territoriale. Il veut dire également que chaque territoire de France, urbain, rural ou littoral, est non seulement lieu de vie et de travail, mais aussi facteur de création de richesses.
Chaque territoire de France doit contribuer et peut contribuer à la croissance. À l’inverse, chaque territoire qui se sentirait oublié ou éloigné serait vecteur de la perte de confiance que nous combattons tous.
Si, parfois, nos engagements politiques nous séparent, nous partageons tous la volonté d’agir là où nous sommes pour faire en sorte que la spirale du dynamisme de notre pays redevienne spirale de confiance.
Autorisez-moi à citer Gaston Defferre, qui, le 27 juillet 1981, lors de l’examen du projet de loi relatif aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, commença son intervention par ces mots : « Ouvrons les yeux, regardons autour de nous. En quelques années, tout a changé : les sciences, les techniques, les moyens de transmission, de communication, aussi bien en ce qui concerne l’information que la culture, les modes de vie, les aspirations des hommes et des femmes, des jeunes et des vieux, oui, vraiment tout a changé. »
Un peu plus de trente années nous séparent de ce discours ; la vie de nos concitoyens a encore changé. Leurs besoins sont forts, notamment en matière de services, et nous leur en proposons de plus en plus.
Les Français parcourent en moyenne cinquante kilomètres par jour pour se rendre de leur résidence à leur lieu de travail. Il nous a fallu répondre au besoin de mobilité. Et, au-delà de la seule amélioration des transports en commun, plus souples, avec des horaires plus cadencés et des moyens de transport plus confortables, nous avons dû être attentifs à la localisation du logement, des services, des emplois.
Les femmes sont entrées de plain-pied dans la vie active. La natalité française est l’une des plus fortes d’Europe. Aussi a-t-il fallu non seulement développer et adapter les modes de garde, mais aussi progresser dans leur contenu, dans l’éveil des enfants.
Nous devons tous, acteurs publics issus de l’État ou des communes, des intercommunalités, des départements, des régions et de toutes les collectivités, relever un défi majeur : permettre l’innovation, la création des entreprises de demain, le développement des entreprises d’aujourd’hui, tout en assurant la cohésion sociale par l’entretien du lien que fonde la République entre nous tous.
Le Président de la République, en lançant l’offensive pour la croissance et l’emploi, l’emploi et l’insertion des jeunes, a affirmé : « L’offensive, c’est de préparer la France de demain, de lui faire prendre de l’avance, de la mettre en tête dans les domaines les plus essentiels pour son avenir, de promouvoir un modèle fondé sur la performance économique, mais aussi sur la responsabilité sociale, environnementale. »
Le nouveau modèle français doit s’écrire sereinement.
Depuis bien longtemps, tout ne relève plus de l’État. Depuis trente ans, les collectivités ont parfaitement tenu leur rôle, en assumant les responsabilités que leur ont proposé, en 1981, les pères de la décentralisation. Désormais, nombre de réformes sont conduites dans les territoires ou en émergent, avec l’ambition de faire en sorte que chaque citoyen de France puisse vivre et travailler là où il le souhaite.
Il faut donc aujourd’hui tirer les conséquences de trente ans d’une décentralisation qui a témoigné des aptitudes particulières des collectivités : réactivité, souplesse et adaptation.
Depuis 1982, la décentralisation a d’abord été consacrée aux transferts et donc à la construction de nombreux équipements – collèges, lycées, crèches, équipements culturels et sportifs, transports en commun, équipements pour l’assainissement et la voirie –, qui sont aujourd’hui considérés comme de bon niveau. D’ailleurs, la qualité des services de nos territoires fait des envieux !
Il ne s’agit pas cette fois de transférer de nouveaux équipements, de nouveaux personnels, toujours plus nombreux, mais bel et bien de repenser ensemble, de redéfinir et de simplifier l’intervention publique, en allant dans le sens de la lisibilité, de l’efficacité et de l’efficience.
La mission du ministère dont j’ai la charge est de mettre en cohérence les missions de l’État avec les compétences des collectivités locales, en garantissant que la réforme de l’État et la décentralisation avancent à un même rythme sur des lignes convergentes.
Certes, l’exercice est complexe, mais il est décisif pour l’avenir des collectivités, car la présence territoriale de l’État, tout comme la simplification des normes, conditionne largement la capacité d’action des collectivités.
L’action publique est aujourd'hui, me semble-t-il, décriée, alors qu’elle n’a jamais été aussi utile. L’action publique est un facteur décisif de compétitivité et d’attractivité pour notre pays, autant qu’un facteur de cohésion et de justice.
C’est pourquoi il faut réaliser aujourd’hui un effort important pour restaurer la légitimité de l’action publique, qui naîtra sans doute d’un dialogue plus clair entre l’État et les collectivités territoriales.
Il n’est pas acceptable d’opposer, comme je l’ai aussi lu, les collectivités locales à l’État. Laisser croire que les collectivités sont à l’origine de la dette publique et de tous les maux du pays n’est pas juste.
La question est bien plus profonde que cela, plus grave : c’est celle du sens donné à la puissance publique, au travers de sa bonne organisation et de son efficacité. Il s’agit non pas de décrire les doublons, mais de s’engager dans un partage rationnel des rôles.
Nous devons conjuguer action publique locale et action publique nationale. Les collectivités locales doivent être responsabilisées dans leurs compétences et l’État doit être mieux centré sur ses missions fondamentales que sont l’éducation, la justice, la sécurité et la protection sociale.
Je suis profondément attachée à la décentralisation, mais avec un État fort, déterminé, engagé sur le territoire national, mais aussi en Europe, en faveur de la reconquête de l’industrie, du développement, de l’économie des savoirs, de la connaissance, de la créativité et de la jeunesse de ce pays.
C’est vrai, madame la ministre, ce n’est pas incompatible ! C’est complémentaire !
Pendant trente ans en effet, les collectivités se sont forgé une solide expérience. Leurs nouveaux pouvoirs ont permis de rompre avec l’uniformité de l’action publique sur les territoires. Non seulement les compétences décentralisées ne sont pas exercées partout de la même manière, mais, en plus, les expériences des uns nourrissent les projets des autres.
Nombre de politiques publiques marquantes de ces dernières décennies ont d’abord été des expérimentations conduites par quelques pionniers volontaires : je pense aux transports régionaux, aux aides à la pierre ou encore au revenu de solidarité active.
La qualité de vie dans notre pays doit beaucoup à la clause générale de compétence sans laquelle nous n’aurions pas inventé les services d’aide à domicile, les nouvelles mobilités, les programmes les plus innovants de réinsertion dans nos quartiers, les innovations économiques.
Depuis trente ans, l’article 72 de notre Constitution et le code général des collectivités territoriales tracent le cadre d’une action plurielle et égalitaire au service de nos populations.
Il ne saurait être question aujourd’hui de réduire les responsabilités locales, car, chacun le sent bien, c’est la mobilisation commune de l’État et des collectivités locales qui permettra de sortir de la crise économique que traverse notre pays. Soutien des PME, formation des jeunes, logement, enseignement supérieur, recherche, culture, environnement, écologie : c’est ensemble, État et collectivités, que nous serons à la hauteur des attentes des Français pour relever ces défis.
Dès sa prise de fonctions, le Gouvernement a choisi de préparer ce texte. Mais, il a décidé de dresser auparavant, soit au cours des mois de mai, juin, juillet et d’août, le bilan de ces trente années. Il en a tiré quelques principes, qui sont au cœur de la réforme de modernisation de l’action publique qu’il a adoptée en conseil des ministres le 10 avril dernier.
« Au plan territorial, notre pays, d’histoire et d’État, ne progresse durablement que dans l’équilibre. » Il s’agit d’une citation d’Edmond Hervé, qui a rédigé récemment avec Jacqueline Gourault, que je salue une nouvelle fois, un rapport d’information au nom de la délégation aux collectivités territoriales, et qui avait publié, le 28 juin 2011, une importante contribution au bilan des trente ans de la décentralisation.
Ce rapport d’information revient sur quelques idées reçues et analyse les progressions législatives opérées depuis trente ans.
Au nombre des idées reçues figure le fait que notre système compte trop d’échelons et soit devenu illisible. Le Gouvernement a fait le choix de la clarification. J’ai entendu vos doutes sur les moyens d’y parvenir, et je souhaite en discuter avec vous ; Anne-Marie Escoffier prendra, dans les jours à venir, toute sa part dans ce débat complexe.
Je veux toutefois revenir, si vous le permettez, sur quelques propositions que vous avez formulées voilà deux ans.
La première proposition est intitulée : « Faire vivre les principes constitutionnels. »
Vous ne trouverez pas de velléité centralisatrice dans ce projet de loi. Notre réforme s’appuie, au contraire, sur la responsabilisation de tous, les régions, les départements, le bloc communal et les communes, qui deviennent les chefs de file, conformément à l’ambition de rationalisation contenue dans la réforme constitutionnelle de 2003 conduite sous l’autorité de Jean-Pierre Raffarin et qui n’a pas pu être traduite dans la loi.
Dans cet esprit, le projet du Gouvernement voulait combiner trois principes majeurs – la clarification et la simplification des compétences, la libre administration des collectivités, quels que soient leur taille et leur positionnement géographique, et la non-tutelle d’une collectivité sur une autre –, tout en gardant à l’esprit deux enjeux fondamentaux, le principe de subsidiarité et l’expérimentation, devenue, depuis les textes portés par Jean-Pierre Raffarin, la délégation de compétence.
Votre commission des lois a sensiblement modifié l’économie du projet de loi initial, mais, comme je l’ai indiqué précédemment, c’est l’essence même du débat démocratique que les jours à venir permettront de nourrir encore.
Le rapport d’information de la délégation prévoyait aussi de renforcer le dialogue entre l’État et les collectivités territoriales, notamment en rendant obligatoire et effective la conférence des exécutifs régionaux et départementaux.
Vous le voyez, vos propositions, qui avaient été adoptées à l’unanimité, ont inspiré la réforme : c’est ainsi que le Gouvernement a conçu la conférence territoriale de l’action publique, dont nous discuterons ultérieurement.
Vous proposiez également d’affirmer la priorité de la relation contractuelle entre l’État et les collectivités. C’est tout l’objectif du Gouvernement et de ce que nous décrivions sous l’appellation : « pacte de gouvernance territoriale ». Sans doute parviendrons-nous à un accord sur ce sujet au cours des débats.
Le 4 septembre dernier, un mois avant la conclusion des états généraux de la démocratie territoriale, lors d’une réunion publique préparatoire dans la Drôme, M. le président du Sénat lui-même avait annoncé son ambition de créer un « pacte de gouvernance territoriale » et des « instances de coordination des différents échelons territoriaux pour organiser la clarification des compétences ».
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous vous proposons d’en discuter au travers d’un amendement, qui ne vise pas exactement à rétablir notre proposition d’origine ; j’espère – je le dis en souriant parce que nous sommes encore ce matin tous remplis d’enthousiasme – que nous pourrons parvenir à un accord sur ce point.
Permettez-moi de revenir sur la proposition n° 5 de la délégation sénatoriale : moderniser le département.
Dans le projet de loi qui nous occupera ces prochains jours, le département devient le chef de file pour la mise en œuvre des compétences fondamentales pour le pays. Les missions précises qui lui incomberont en matière de solidarité territoriale notamment figurent dans le deuxième texte, qui sera examiné, si vous le souhaitez bien évidemment, dès l’automne prochain.
Dans ce texte, la mission stratégique de la région sera renforcée, ce qui répond à votre proposition n° 14. Là encore, votre analyse et votre philosophie rejoignent celles du Gouvernement.
Vous avez beaucoup évoqué la modernisation de la fiscalité locale. Après un entretien avec le président de la commission des finances, le rapporteur général, lui aussi, m’a récemment parlé de cette question, que nous aborderons ultérieurement.
La recherche de nouvelles ressources pour les régions et les départements, la recherche d’un dispositif de financement national des allocations de solidarité, le vaste chantier de la péréquation, aussi bien verticale qu’horizontale, tout ce travail est engagé, qui verra son aboutissement dans quelques semaines. Plusieurs d’entre vous participent, dans le cadre de leur mandat exécutif local, aux groupes de travail mis en place pour aboutir à des évolutions dès le projet de loi de finances pour 2014.
Tout ne sera pas prêt, mais nous aurons déjà bien avancé en prenant en compte, en particulier, les travaux déjà réalisés sur la nécessaire révision d’un certain nombre de bases cadastrales.
Vous avez également voulu valoriser les atouts de la coopération entre collectivités, retenir des critères qualitatifs pour définir de grands ensembles urbains, donner aux chambres régionales des comptes des fonctions d’évaluation. Rien, dans vos propositions, ne heurte notre projet.
Vous abordez également la question cruciale de la fonction publique territoriale. Celle-ci constitue le levier majeur de toute politique locale. J’espère que les garanties que nous apporterons aux agents seront de nature à les rassurer sur la stabilité de leur situation et sur la préservation de leurs acquis. À cet égard, je me suis engagée, il y a quelque temps, sur l’autorisation du Premier ministre, à déposer un texte sur la fonction publique le 13 juillet prochain. En effet, il est temps, grand temps que nous rappelions à l’ensemble des citoyens qui l’auraient oublié que ce sont les fonctionnaires qui portent les valeurs républicaines et que les fonctionnaires territoriaux, en particulier, ont un rôle essentiel à jouer aux côtés des élus.
Ces fonctionnaires m’ont beaucoup interrogée sur les conditions des transferts. Quelques-uns des derniers articles du projet de loi devraient rassurer ceux qui ont besoin de l’être et, surtout, assurer la perpétuation de leur dynamisme, aux côtés de celui des élus.
M. Jean-Claude Gaudin s’exclame.
Enfin, vous aviez demandé à reprendre l’initiative législative pour les textes à thème unique, au nom d’une bonne efficacité des travaux parlementaires ; je salue votre clairvoyance.
À cet égard, j’ai l’honneur de vous confirmer publiquement que les deux propositions de loi issues des états généraux de la démocratie territoriale, portant respectivement sur l’évaluation des normes et sur l’exercice des mandats locaux, seront inscrites à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale des 4 et 18 juillet prochain.
Applaudissements au banc des commissions.
Monsieur le président de la commission des lois, vous nous l’aviez demandé, et nous l’avons fait ! Vous le voyez, nous tenons nos engagements.
J’avais déjà communiqué la nouvelle à M. le président du Sénat, qui l’a accueillie avec satisfaction, et, à la demande du Premier ministre, je vous la confirme ce matin, monsieur le président de la commission des lois.
Il est normal que vous ayez réservé à M. le président du Sénat la primeur de la nouvelle !
J’en viens maintenant au contenu de la réforme, que, du reste, vous connaissez déjà par cœur.
Comme j’ai pu le constater à chacune de mes auditions ou en discutant avec les uns et les autres, l’unité de notre République est au cœur de vos préoccupations. Je vous le confirme, l’unité n’est pas mise à mal par ce projet. Cela étant, l’unité n’est pas l’uniformité, et ce projet de loi a pour objectif de reconnaître la diversité et la capacité des territoires à s’organiser en tenant compte de leurs spécificités. Que l’on ne s’y trompe pas, c’est un élément de simplification, et non de complexité supplémentaire. Il s’agit de prévoir une organisation adaptée, au plus près des réalités locales.
En fait, nous sommes tous animés par la même conviction, celle que nos territoires sont des lieux de démocratie, d’énergie, de vitalité, d’innovation et de croissance. Au moment où il faut redresser la France, c’est dans nos régions, nos départements et nos communes que nous trouverons les gisements pour l’investissement, pour la formation et pour l’innovation que nous devons chercher.
Le premier pilier de la présente réforme consiste précisément à reconnaître le dynamisme farouche des élus locaux à trouver des solutions aux défis à relever, quelles que soient les caractéristiques de leur territoire.
C’est pourquoi nous avons voulu réaffirmer les chefs de file. Ainsi, notre texte confirme le rôle essentiel des régions de France en matière de développement économique, de formation professionnelle et de transports, en leur transférant encore un peu plus de compétences dans ces domaines.
Alors que la Cour des comptes vient de publier un rapport faisant état des difficultés que rencontre le service public de l’éducation, nous avons un challenge extraordinaire à relever pour assurer l’avenir de chaque jeune, quel que soit l’endroit où il vit. Il y va des enfants de France !
Certes, notre école est de grande qualité. L’école de la République restera sans doute, pour beaucoup, un grand modèle. Cependant, les présidents de région ont souvent attiré notre attention sur le fait que l’orientation d’un enfant, en particulier lorsque les moyens de sa famille ne sont pas très importants, est souvent fonction de la géographie, et non de son projet personnel.
En effet, pour certains jeunes, l’éloignement de tel ou tel centre de formation signifie l’impossibilité d’y accéder.
Nous devons relever ce défi majeur, pour nos quartiers comme pour nos grandes zones rurales. Par conséquent, je souhaite que nous repensions l’éducation, avec les présidents des régions de France et l’ensemble des élus intéressés, de manière à la mettre en accord avec la carte des formations initiales, avec celle de la formation professionnelle, comme avec les besoins des entreprises. Chaque jeune de France doit avoir droit à son projet personnel ; ne l’oublions jamais !
Le projet de loi confirme le rôle de chefs de file des départements en matière de cohésion sociale, fonction essentielle. Nous voulons que leur action en la matière complète la solidarité existant entre les territoires. En effet, comme je le disais au début de mon propos, aujourd'hui, en France, certaines communes et communautés rurales se sentent, à l’instar de nos quartiers, éloignées, voire oubliées. Pour satisfaire à leurs demandes de services publics, à leur attachement à la présence de la République sur leur territoire, il faudra sans doute conjuguer les efforts des départements et ceux des autres collectivités.
Je ne crois pas que la région puisse assumer seule la responsabilité, très lourde, du schéma d’aménagement et de développement durable du territoire, lequel concerne le développement économique, l’enseignement supérieur et la recherche, l’énergie ainsi qu’une partie de la préservation de la biodiversité. Elle ne pourra assurer seule l’aménagement de chaque petite commune de France.
Le sentiment d’abandon que nous constatons étant sans doute le plus dangereux que nous puissions aujourd'hui rencontrer sur les territoires de France, il faudra que les départements se saisissent de cette question, conjointement avec les régions. Je leur fais confiance pour le faire !
Les chefs de filat réécrits, les maires confortés dans leur rôle – celui de signataire des permis de construire comme celui d’interlocuteur pour le citoyen –, comment ne pas aborder avec enthousiasme ce que nous avions appelé la « conférence territoriale de l’action publique » ?
On ne peut pas agir ou réagir de la même façon dans une région où il y a de grandes villes et dans une région où il n’y en a pas, dans une région périphérique, une région maritime ou une région montagnarde. Si les défis qui s’y posent sont les mêmes – en bref, l’accès aux droits pour chaque citoyen –, nos moyens sont fonction de la géographie ou de l’histoire du territoire.
Contrairement à ce que certains ont affirmé, l’objectif de la conférence territoriale de l’action publique que nous avions prévue dans ce texte – et dont votre commission des lois a proposé une nouvelle rédaction – n’est pas d’imposer une sorte d’organisation des services publics à la carte ni un recul de la République en termes d’égalité de l’accès à ces services : il s’agit de prendre en compte cette diversité. Du reste, si nous encadrons strictement chacune des compétences, si nous ne laissons pas les collectivités s’organiser librement, il nous faudra revenir devant vous pour un nouveau projet de loi de décentralisation, à chaque grand changement, technologique ou autre, à chaque crise ou, à l’inverse, à chaque amélioration de la situation.
Notre objectif est donc d’essayer de disposer d’un texte qui permette, d’une part, aux élus locaux de France en charge des services publics territoriaux de pouvoir s’organiser entre eux pour que les grandes compétences soient exercées de manière partagée, simple et efficace et, d’autre part, à chaque citoyen de savoir qui fait quoi en termes de développement économique, de formation professionnelle, de services publics ou d’aménagement du territoire.
Notre idée est simple – c’est aussi celle de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, que préside Mme Gourault – : permettre aux élus locaux de déterminer ensemble quelle compétence doit s’appliquer sur tel ou tel territoire.
Par exemple, les régions doivent-elles, au-delà des grandes stratégies de filière, de la gestion des pôles de compétitivité et des grands échanges européens sur les pôles mondiaux, s’occuper également de l’immobilier d’entreprise ? Sans doute pas ! Cependant, comment les départements ou les collectivités territoriales organisées en intercommunalités pourraient-ils assumer cette compétence, sinon par un accord passé entre les exécutifs ?
Pour ma part, je crois en les élus de France, et je leur fais confiance pour trouver des accords. On me dit parfois que ce sera long et difficile. Néanmoins, la réalité est là et, aujourd'hui, dans certaines régions de France, de tels accords existent d'ores et déjà.
Quelle que soit la dénomination qui sera, au final, retenue pour cette conférence des exécutifs – pacte de confiance, pacte de gouvernance… –, Anne-Marie Escoffier et moi-même souhaitons que les échanges que nous aurons permettent de discuter de sa mise en place.
J’en viens au deuxième pilier de la réforme : la reconnaissance du fait urbain, à laquelle le Président de la République et le Premier ministre s’étaient engagés, et à laquelle le texte accorde beaucoup de place.
Nous avons en France de grandes villes – sans doute beaucoup moins forte que d’autres grandes villes européennes –, qui doivent être reconnues comme telles.
Cela étant, pour rassurer les auteurs des rappels au règlement qui ont été effectués en début de séance, il est hors de question que nous vous disions tout à coup que la croissance, la compétitivité de la France, la création de valeur ajoutée, l’augmentation de notre PIB ne dépendront, au fond, que des métropoles.
Chaque territoire de France est une source importante de création de valeur.
Dans chaque territoire de France, le citoyen doit se sentir épaulé par la République, via les services publics locaux ou nationaux.
Chaque territoire de France participera, pour sa part, au redressement de la France. Si nous oubliions un seul instant qu’en 2030 ou en 2050 le niveau de dépendance alimentaire, agro-alimentaire et la place de la France en Europe et dans le monde dépendront de la compétitivité de son agriculture, nous commettrions une faute majeure ! Nous devons donc être aux côtés de chaque territoire de France.
Cependant, consacrer le système métropolitain, c’est reconnaître une réalité.
Au travers de nos lectures, il nous est d'abord apparu que la métropole-monde qu’est l’Île-de-France a un rôle extrêmement important à jouer, bien évidemment en Europe, mais aussi, comme me l’a rappelé il y a peu M. le sénateur Karoutchi, dans le monde entier. Dans ces conditions, le Grand Paris a besoin de se structurer davantage. Paris Métropole – association d’élus de toutes tendances politiques, où l’État n’était pas représenté – a travaillé pendant des mois sur ce sujet.
Je rends d'ailleurs hommage au responsable actuel de ce dossier, M. Laurent, maire de Sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Si le statut proposé par ces élus souffre d’une rédaction quelque peu complexe, nous avons partagé leurs constats.
Exclamations sur les travées de l’UMP.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je sens que ce sujet va être animé !
Rires sur les travées de l’UMP.
Pourquoi la première couronne n’est-elle pas parvenue, avec les autorités de l’État – elle aurait aussi pu le faire seule –, à une meilleure écriture de son schéma départemental de coopération intercommunale ? Aujourd'hui, il importe que nous nous attaquions à ce chantier, les départements de la zone dense autour de Paris étant les seuls de France à n’avoir pas été réunis pour réécrire leur schéma départemental. Je pense que cela doit être réparé.
Ce chantier est bien évidemment intéressant pour les citoyens et, en premier lieu, pour les élus. Nous vous proposerons de travailler à ce sujet ensemble. En tout état de cause, ce qui nous est apparu le plus important est le rôle que doit jouer la région d’Île-de-France par rapport à Grand Paris Métropole.
Une inquiétude a souvent été exprimée, que l’on peut résumer ainsi : la dévolution de compétences importantes à Grand Paris Métropole, c'est-à-dire Paris et une couronne, en matière par exemple de logement, ne représenterait-elle pas un danger pour la troisième ou pour la quatrième couronne, lesquelles risqueraient alors de n’être protégées ni des promoteurs…
… ni d’une certaine inorganisation, qui créerait des difficultés pour les populations ?
Sur la base des contrats de développement territorial, qui résultent, eux aussi, d’initiatives transpartisanes, on peut se dire que, si la région doit conserver un important schéma de l’habitat, …
… il pourrait être opportun d’avoir recours, dans la zone dense, à une autorité opérationnelle chargée de conduire un certain nombre d’opérations de construction de logements, de manière à éviter que ne surgissent les problèmes redoutés par certains.
Le travail de très bonne facture qui a été réalisé sur le transport et sur la question encore aiguë du logement doit nous permettre de régler un certain nombre de problèmes posés à la population et aux visiteurs de l’Île-de-France.
Je n’ai pas eu l’impression, en écoutant les uns et les autres, …
… que l’idée de créer une autorité opérationnelle du logement conduisait à une remise en cause du rôle de la région. Je n’entre pas davantage dans les détails, car nous aborderons cette question de façon plus approfondie dans la discussion des articles ; je pressens d’ailleurs qu’elle motivera un engagement fort sur toutes les travées de cette assemblée.
Parallèlement, nous nous engagerons à ce que le Grand Paris Express soit réalisé ; c’est une condition, comme le Premier ministre l’a réaffirmé.
En matière de construction et de rénovation de logements, ainsi que d’équilibre des logements sociaux, nous proposons que la région élabore un schéma régional d’habitat et d’hébergement, qui fixe les objectifs globaux et la déclinaison territoriale, et que la métropole du Grand Paris élabore un plan ; je ne pense pas que quiconque puisse être mis en difficulté.
Le deuxième grand chantier est celui du Grand Lyon, ou de la métropole lyonnaise. À cet égard, je salue l’accord qui a été conclu entre les élus de Lyon et du département du Rhône pour trouver une solution permettant l’équilibre du Grand Lyon.
Quelques petites questions restent à régler dans la discussion des articles, en ce qui concerne notamment les transferts financiers. Quoi qu’il en soit, le projet soutenu par les deux exécutifs locaux – le département du Rhône et le Grand Lyon –, qui s’appuie, d’une part, sur la territorialisation réussie des services du département dans l’agglomération lyonnaise et, d’autre part, sur des conférences locales des maires concluantes au sein du Grand Lyon, a permis à l’agglomération lyonnaise de retrouver une dynamique.
Le Gouvernement a évalué ce projet, s’assurant notamment des garanties d’égalité et de constitutionnalité ; nous essayerons de trouver un accord sur les quelques questions qui nous séparent encore.
En ce qui concerne les métropoles de France, la question la plus complexe est sans doute celle d’Aix-Marseille-Provence. Aix-Marseille-Provence, c’est d’abord un territoire extraordinaire ! §Grande porte méditerranéenne dans l’histoire, il a peut-être un peu de mal à être aujourd’hui la grande porte méditerranéenne dont ont besoin la République, l’État français et l’Europe.
Ce territoire est aussi un grand lieu d’investissement pour l’État : je pense en particulier au port, Fos-sur-Mer, à l’aéroport, au projet ITER et à Gardanne. Ces grands chantiers, l’État les a conduits avec enthousiasme, mais ils ont aussi créé un certain nombre de difficultés. En effet, plusieurs établissements publics intercommunaux s’occupent du transport et du logement. C’est ainsi que, matin et soir, la circulation est difficile dans cette grande agglomération ; ce problème pourrait être assez facilement résolu.
Comme je l’ai fait observer aux élus en souriant, Aix-Marseille-Provence est un véritable bijou, de l’or en barre ! M. le sénateur-maire Jean-Claude Gaudin se souvient certainement que, lorsque nous avons réuni à Marseille les quarante-deux présidents des parlements du bassin méditerranéen, leur enthousiasme pour cette grande porte méditerranéenne était évident.
Aujourd’hui, il nous semble que nous sommes d’accord avec tous les maires sur le diagnostic : une coordination des actions est nécessaire en matière de développement économique, de transport, de logement, d’environnement, d’enseignement supérieur et de recherche.
L’université d’Aix-Marseille, véritablement très grande et qui va devenir sans doute l’une des plus grandes, a récemment reçu le soutien du Gouvernement. Si nous avons besoin d’elle, c’est aussi parce qu’elle accueillera de nombreux étudiants d’autres pays, permettant ainsi à la France d’être plus forte en Europe et dans le monde, notamment dans le bassin méditerranéen.
Responsables tous convaincus, nous devons examiner toutes ces grandes questions à propos desquelles nous sommes d’accord sur le plan du diagnostic. Comment procéder ? Deux solutions s’opposent ; nous en débattrons dans quelques jours.
Pour sa part, le Gouvernement estime que les grandes compétences que je viens d’énumérer peuvent être gérées par un seul établissement public intercommunal : la métropole d’Aix-Marseille-Provence. Nous avons envie de voir cette grande région se développer ! Or le Gouvernement considère que le souci de simplification plaide en faveur de cette solution.
Par un décret signé du Premier ministre, l’État a mis à la disposition de ce grand ensemble une mission de préfiguration qui permettra, d’une part, d’identifier les priorités et, d’autre part, d’élaborer des propositions de projets avec les élus volontaires et avec la société civile.
Il faudra prendre une décision. Elle est certes difficile et je comprends les maires : il est toujours compliqué d’abandonner un établissement public de coopération intercommunale dans lequel on se sent bien et d’envisager, de façon abstraite, la façon dont on travaillera dans l’avenir.
À tous les maires de cette grande aire, je veux simplement faire remarquer que la création des conseils de territoire, également prévue pour le Grand Lyon, nous permettra de retrouver, sur le périmètre de chaque ancienne intercommunalité, la plupart des compétences des actuels établissements publics de coopération intercommunale. Non seulement les maires auront droit à la parole et pourront faire des propositions, mais ils participeront à la gestion des compétences de proximité auxquelles ils tiennent tant.
Naturellement, il est difficile d’imaginer ce que seront ces conseils, puisque le droit actuel ne prévoit leur existence sur aucun territoire. En tout cas, notre proposition permettrait aux maires de gérer l’avenir de leur territoire et d’être maîtres de leur espace.
Pardonnez-moi d’entrer dans les détails, mais il s’agit du dossier le plus compliqué. L’idée que le plan local d’urbanisme, le PLU, pourrait être élaboré au niveau de la grande aire métropolitaine a pu faire peur, en tout cas poser question. Nous considérons aujourd’hui que, pour régler ce point complexe, il suffit de prévoir que, sur le périmètre de chaque ancienne intercommunalité, le conseil de territoire concevra son PLU, après quoi on additionnera les plans pour constituer un grand schéma d’aménagement de la métropole d’Aix-Marseille-Provence.
Avec cette organisation, je pense que non seulement les maires ne perdront pas leur place, mais que cette place sera même enrichie. En effet, les maires continueront de gérer les compétences de proximité qu’ils exercent parfaitement aujourd’hui, mais ils devront aussi s’inscrire dans un grand projet d’avenir. Ce projet, les populations de cette grande aire urbaine en ont besoin ! Elles rencontrent des problèmes de déplacement et souffrent de la crise économique un peu plus durement que les autres.
C’est pourquoi nous souhaitons que la métropole d’Aix-Marseille-Provence voie le jour aussi vite que possible – je sais que la commission des lois a proposé des dates. Une fois qu’elle sera mise en place, l’État s’engagera pour que les grands équipements dont je viens de parler soient non seulement confortés, mais encore davantage soutenus. Il sera présent pour aider financièrement Aix-Marseille-Provence à devenir la grande métropole méditerranéenne dont nous avons besoin.
Je sais que le conseil général des Bouches-du-Rhône, par exemple, est viscéralement attaché à ce que cette grande aire métropolitaine soit un peu, dans l’avenir, le flambeau du bassin méditerranéen.
Deux hypothèses sont possibles, comme le savent le maire du Grand Lyon et le président du conseil général du Rhône, qui viennent de conclure un accord.
Soit on n’avance pas et le bassin méditerranéen s’organisera autour de Francfort, Lyon, Montpellier, Sète, Barcelone et Valence. Soit on avance, et Barcelone et Valence auront leur place, mais la grande porte méditerranéenne de la France sera Aix-Marseille-Provence.
L’Europe elle-même a besoin de cette grande porte méditerranéenne, comme l’a souligné le président du Parlement européen lors du sommet des présidents des parlements de l’Union pour la Méditerranée.
J’espère que les débats nous permettront d’avancer vers la mise en place de cette grande métropole méditerranéenne. Comme je l’ai dit récemment aux maires de cette région, c’est difficile, mais cela vaut le coup !
Cette grande métropole, les populations l’attendent et la France en a besoin. Quand la République fait un constat, elle doit faire des propositions ; avec ce projet de loi, le Gouvernement avance les siennes. Le projet d’Aix-Marseille-Provence, c’est sans doute un moment difficile, mais un moment d’enthousiasme, un moment extraordinaire porteur d’avenir !
J’attire votre attention sur le fait, signalé récemment par le président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur, que nous avons peut-être peu de temps. C’est pourquoi nous devons prendre aussi vite que possible nos responsabilités.
Le projet de loi vise aussi à améliorer l’intégration intercommunale. Dans un monde où l’action publique se complexifie, où les compétences se chevauchent et où les financements se croisent, une coopération préalable entre les différents niveaux de collectivités territoriales est le seul moyen de réunir les conditions d’une clarification de notre paysage institutionnel.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à revenir sur les articles de presse qui sont parus et sur les reportages radiophoniques et télévisés qui ont été diffusés, pour vous dire à quel point je les ai trouvés choquants. À ceux qui suggèrent que les associations d’élus ne penseraient qu’à leur propre existence, nous devons rappeler que l’action publique est assurée à plus de 60 % par les élus de tous les territoires.
Nous devons leur répondre en expliquant à chacun que nous ne supportons plus d’entendre que les intercommunalités de France, en créant moult emplois supplémentaires, auraient été à l’origine d’une gabegie. C’est faux : les intercommunalités ont répondu aux besoins des habitants de ce pays !
On oublie toujours de préciser que, si des emplois ont été créés ici ou là, c’est parce que de nouveaux services sont fournis aux populations. Je pense à la petite enfance, dont j’ai parlé tout à l’heure, mais aussi à l’environnement et à la gestion des déchets, toutes activités qui n’existaient pas il y a quelques années. Lorsque les intercommunalités ont pris en charge ces responsabilités, elles ont eu besoin, en effet, de recruter des fonctionnaires. Du reste, j’estime que les passages en régie, en concession ou en affermage ne sont pas forcément des sources d’économie.
Je le répète, je suis fermement persuadée qu’il n’y a aucune gabegie, et j’ai été choquée d’entendre qu’on le prétendait.
Je pense que nos élus ont envie d’entendre que plus de 400 000 d’entre eux sont bénévoles et qu’ils sont tous les jours sur les territoires pour accompagner des populations dans des situations difficiles. Je veux souligner aussi qu’ils sont prêts à relever tous les défis de l’avenir : les défis de la compétitivité hors coût et de la réindustrialisation du pays, à laquelle les régions et les métropoles participeront, mais aussi le défi de l’écologie. Au cours de ce débat, nous aurons peut-être à aborder un certain nombre de sujets qui ne l’ont pas encore été, ce qui permettra d’enrichir encore le projet de loi.
Reste enfin le défi de la démocratie locale. Certains craignent que, avec la métropolisation, la démocratie ne s’éloigne des citoyens. À cet égard, je tiens à souligner que la métropolisation telle que nous la vivons n’est pas celle de la stratégie de Lisbonne. Il n’est pas question, pour nous, de provoquer la création de quelques métropoles très fortes qui concentreraient les compétences et le dynamisme, les autres territoires étant abandonnés. Le système métropolitain doit respecter les espaces interstitiels que sont les communautés de communes rurales. De ce point de vue, je pense que la France fonctionne bien grâce à son polycentrisme.
En revanche, sur le plan de la démocratie, il est vrai que les compétences transférées aux intercommunalités sont importantes. Il faudra examiner toutes les questions qui se posent ; personnellement, avec l’appui du Premier ministre, je suis prête à y répondre au cours des débats.
Pour conclure ce propos trop long, je tiens à vous remercier, mesdames, messieurs les sénateurs, d’avoir passé des heures et des heures à écouter les élus locaux de France et à rechercher des compromis dans un souci de clarification et de simplification.
Au fond, ce projet de loi est celui de l’action publique au XXIe siècle. Il ne servirait à rien que l’État s’engage dans une modernisation profonde de l’action publique et que la fonction publique soit porteuse de valeurs républicaines pour des services d’État repensés afin de correspondre aux impératifs du XXIe siècle si nous n’avions pas souligné, tout au long des heures que nous avons passé à travailler ensemble, que l’action publique, au fond, est une : mise en œuvre par les maires, par les présidents des intercommunalités, par les présidents des régions et par les présidents des départements, elle est toujours celle de la République !
Aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, au cours du débat qui s’ouvre, c’est tout simplement de la République et des citoyens que nous allons parler, ainsi que de ceux qui ont décidé de consacrer une partie de leur vie à l’action publique locale !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste. – Mme Jacqueline Gourault applaudit également.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, affirmons-le d’emblée, l’examen de ce texte était à la fois attendu et redouté. Redouté, parce que nous allions savoir s’il s’agissait bien d’un projet de loi de décentralisation, où l’ensemble des volets seraient discutés selon un calendrier parlementaire arrêté. Attendu, parce qu’on se doutait bien, monsieur le président du Sénat, que le moment était enfin venu de donner une suite positive aux engagements pris par le Président de la République lors de la clôture des états généraux de la démocratie territoriale, pour répondre aux attentes prioritaires des élus, venus ici même. Elles concernaient notamment la simplification des normes et le problème lancinant du statut de l’élu local. Avec l’inscription des deux propositions de loi d’initiative sénatoriale à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, vous avez apporté, mesdames les ministres, des réponses qui étaient extrêmement attendues. Je tiens à nouveau à vous en remercier.
Nous commençons donc par discuter d’un texte relatif aux métropoles et à l’organisation de l’action publique territoriale. Était-ce l’ordre d’examen souhaité par le Sénat ? Nous n’en ferons pas mystère : ce n’est pas l’ordre que nous aurions retenu.
L’important, cependant, est de pouvoir conserver un ordonnancement complet, sans oublier que les différentes articulations se retrouveront, puisqu’elles seront datées.
En la matière, j’entends encore le tout nouveau président de la mission commune d’information sur l’avenir de l’organisation décentralisée de la République, M. Jean-Pierre Raffarin, affirmer, ceux qui étaient là s’en souviennent, dans son discours d’investiture : « Il existe une pensée du Sénat en matière de décentralisation. » Effectivement, votre rapporteur et la commission des lois n’ont eu qu’un seul guide : retrouver – Edmond Hervé, qui est plus que légitime à s’exprimer sur le sujet, le rappellera également –, le corps de doctrine partagé, non hémiplégique, qui prévalait dès la création, en 2010, à Nice, de la première métropole. Un certain nombre de publications ont permis de lui donner corps, notamment le rapport d’information intitulé Faire confiance à l’intelligence territoriale, de Mme Gourault et de M. Krattinger§dans lequel je me suis plongé.
L’avantage, c’est que tous ceux qui étaient là en 2009 sont encore là aujourd’hui ! Ça aide quand on est un jeune sénateur, ballotté…
Dès lors, balisons le terrain, en repérant quelques-uns des secteurs pavés. La liste que je m’apprête à vous donner n’est pas exhaustive. Mais nous aurons toute la discussion pour les évoquer, Mmes les ministres m’ayant affirmé d’entrée de jeu, je leur en donne acte, que le texte proposé par le Gouvernement…
M. René Vandierendonck, rapporteur. … était parfaitement amendable par le Sénat.
Marques d’ironie
Vous n’allez pas être déçus, mes chers collègues !
Pour autant, n’allons pas faire porter au Gouvernement la responsabilité de la nécessité du chef de file. §J’ai de bonnes lectures, n’est-ce pas…
N’allons pas non plus faire porter au Gouvernement la responsabilité de la composition minimale nécessaire à la conférence territoriale de l’action publique ou la recherche, par voie conventionnelle, sur un principe de stricte égalité entre les parties, et sans subordination d’une collectivité sur l’autre, d’une organisation de l’action publique. Je peux vous dire où, quand et comment plusieurs parmi vous sont intervenus et ont écrit sur ces sujets. En la matière, il faut tout de même être clair !
Empruntons donc quelques secteurs pavés, …
… au nom, bien sûr, de la commission.
Le premier d’entre eux est celui du chef de file. La Cour des comptes estimait, en 2009, que « la notion de chef de file est apparue comme un instrument d’ordre et de mise en cohérence », qui permet de « remédier […] à l’éclatement des compétences décentralisées et à l’intangibilité de leur répartition ».
Ainsi, la notion de chef de file permet d’introduire une meilleure coopération entre les collectivités territoriales, en favorisant une coordination de leurs compétences et de leurs politiques publiques sur un territoire donné.
Pourtant, nous avons pu le constater en commission des lois, cette notion est encore mal comprise. Nous nous sommes donc tournés non seulement vers l’article 72, alinéa 5, de la Constitution, …
M. René Vandierendonck, rapporteur. … mais aussi vers la décision du Conseil constitutionnel du 24 juillet 2008 sur la loi relative aux contrats de partenariat, qui précise de façon non équivoque que le chef de file « organise » – et non « détermine »
M. Roger Karoutchi opine.
(Sourires.) Aujourd’hui, il est évident que plusieurs personnes, et pas seulement dans cette enceinte, ont interprété – je ne dis pas que c’était prémédité – les mesures du pacte de gouvernance comme un système de bonus-malus laissant augurer, au mieux, qu’on était passé « de la tutelle à la curatelle ».
Nouveaux sourires. – Mme Sophie Joissains applaudit.
Un autre secteur pavé est le pacte de gouvernance territoriale. Quand la décentralisation se met en marche, c’est une victoire de l’émancipation, la fin de la tutelle aux « incapables majeurs », comme on disait à l’époque. §
Sur ce point, la commission des lois, je tiens à le dire sans équivoque, tout en reconnaissant la nécessité d’une conférence territoriale allégée, mais dont la composition minimale, monsieur Mézard, tiendrait compte, notamment, de la représentation du monde rural, a estimé, en vertu du principe de libre organisation, que cette conférence territoriale pouvait faire le choix de décider ou non de l’opportunité, par voie de convention, d’organiser une compétence. La commission a mis de côté, hier soir, la question du chef de file sur la compétence tourisme, se demandant si la sagesse n’était pas, finalement, …
J’en viens aux métropoles. Les travaux de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation disent de manière non équivoque – M. Hervé s’en fera tout à l’heure l’écho – qu’il faut se fier, si possible, à une approche fonctionnelle de la métropole et du rôle qu’elle joue par rapport au degré d’intégration des compétences intercommunales et du projet de territoire, celui-ci ne s’arrêtant d’ailleurs pas nécessairement aux frontières de l’EPCI. Par exemple, il y a 88 000 habitants de la région Nord–Pas-de-Calais qui habitent en dehors du territoire de la métropole, mais qui y travaillent. §
C’est ça une métropole. Cela suppose à la fois une certaine taille critique – vous l’avez tous dit – et un certain degré d’intégration des fonctions urbaines et des compétences. Au sens de la DATAR, une métropole doit pouvoir « relever les enjeux de la compétitivité internationale en Europe ». En effet, même si je suis le premier à penser que c’est bien dans le développement de l’innovation liée à la recherche et à l’enseignement supérieur que se trouvent les gisements d’emploi de demain, j’estime qu’une telle exigence de compétitivité économique doit se conjuguer, j’insiste beaucoup sur ce point, avec une exigence de cohésion sociale.
Lorsque je suis à Roubaix, il ne faut pas croire qu’on m’arrête dans la rue pour me demander ce que je compte faire pour ce qui concerne la métropole lilloise.
Dans la mesure où nous avons aujourd’hui dans la métropole lilloise des pôles de compétitivité et, à côté, des quartiers d’habitation résultant de la politique de la ville, on peut se demander quelles conditions permettront à la croissance de la métropole d’être « inclusive », pour reprendre un terme utilisé à Bruxelles, …
… c'est-à-dire d’avoir des retombées sur la population locale ? J’insiste sur cette double intégration, économique et sociale, très importante pour comprendre le débat sur la métropolisation. À cet égard, je remarque que, dans le projet de loi, la seule métropole bénéficiant d’un « m » majuscule soit celle de Lyon. C’est certainement calligraphique !
Nous aurons un débat sur le nombre des métropoles, sujet qui constitue, en soi, un secteur pavé. Hier, j’ai été autorisé par la commission des lois à déposer un amendement visant à retenir un nombre limité de métropoles que le Sénat a toujours appelé de ses vœux, tout en permettant un ajustement.
Pour que la question de la métropole dite de droit commun se pose dans de bons termes, celle-ci doit rester une intercommunalité à part entière. Si elle est de droit commun, il n’est pas question, aux yeux de la commission des lois, de prévoir une automaticité de sa création, la loi décidant d’attribuer ou non le statut de métropole. Excepté Paris, Lyon et Marseille, nous souhaitons que les métropoles de droit commun soient créées suite à un accord des communes membres à la majorité qualifiée. Je tenais à le préciser car ce point a également fait l’objet d’une discussion extrêmement longue en commission des lois hier soir.
S’agissant de Paris
Ah ! sur les travées de l’UMP.
Ils’agit de M. Claudy Lebreton, président de l’Assemblée des départements de France, que nous avons entendu dans le cadre des auditions organisées par la commission. M. Claudy Lebreton refuse, et la commission le rejoint sur ce point, un démantèlement obligatoire des compétences du département destinées à être transférées, à la demande, aux métropoles, estimant qu’une délégation ou un transfert de compétences ne peut se faire que sur une base conventionnelle ? Néanmoins, il admet qu’une formule d’intégration, comme celle que vous défendrez, monsieur Dallier, …
En attendant, j’attire votre attention sur le fait que le choix fait par le Gouvernement, à savoir un syndicat mixte, n’interdit pas une évolution future, tout en priorisant et recentrant sur le logement les compétences du Grand Paris-métropole. Ce choix me paraît parfaitement judicieux.
Le maire de Lyon rappelait que, chaque année, sa communauté urbaine – elle l’est encore à ce jour – produit 10 000 logements et que si la fameuse unité urbaine de Paris adoptait, elle aussi, ce rythme, la production de logements s’en trouverait plus que doublée.
Dans la mesure où le logement est une priorité absolue pour la future métropole, cela doit nous motiver pour permettre sans délai la mise en œuvre de sa compétence pour l’élaboration d’un programme local de l'habitat et permettre effectivement à ce syndicat mixte de pouvoir fonctionner dans les meilleurs délais, en dépit de l’irrecevabilité qui lui a été opposée dans sa formule transitoire.
J'y arrive !
Concernant la métropole de Lyon, la commission a unanimement estimé que l’exemple lyonnais devait être sinon suivi, à tout le moins étudié et faire l’objet d’une réflexion complémentaire.
Mesdames les ministres, tard dans la soirée, hier, il est apparu en commission que sur deux catégories de dispositions en particulier, à savoir le régime électoral à terme et les modalités concrètes de fonctionnement financier, il était absolument nécessaire et indispensable que le Gouvernement rencontre officiellement et ensemble MM. Collomb et Mercier, quels que soient les contacts que vous ayez pu avoir antérieurement. C’est la condition pour que la commission puisse continuer à avancer et c’est pourquoi je vous le demande solennellement en son nom.
S'agissant de Marseille, nous avons œuvré avec pragmatisme et essayé d’accorder un délai supplémentaire à la concertation. Pour ne pas qu’on puisse dire que le Sénat s'attribue le beau rôle, je tiens à préciser que nous avons agi en parfait accord avec les ministres ici présentes, que je remercie, qui ont accepté que cette concertation prenne la forme d’une conférence des maires constituée dès la promulgation de la loi. L’objectif est de faire en sorte qu’Aix-Marseille-Provence, à l’instar de la métropole de Lyon, collectivité territoriale sui generis respectant les communes membres, devienne un établissement public de coopération intercommunale sui generis où seules les strictes compétences de caractère stratégique lui seraient déléguées. En revanche, les compétences non stratégiques seront exercées par les maires en leur qualité de représentant du conseil de la métropole. L’ensemble de ce dispositif sera élaboré, madameJoissains, en étroite concertation avec les maires. Il s’agit là de garantir, avec la participation effective de l’ensemble des maires, un haut niveau de déconcentration des compétences opérationnelles au niveau des conseils de territoires.
Je vous remercie, mesdames les ministres, et vous aussi, monsieur le président Sueur, …
… d'avoir permis que cet objectif soit atteint grâce aux efforts à nul autre pareils que vous avez déployés.
Enfin, monsieur Collombat, sans que nous empiétions sur les deux prochains textes de décentralisation, dont le calendrier d’examen est désormais fixé, nous avons mis en chantier, avec l'accord du Gouvernement, que je remercie, une disposition très attendue par l’ensemble de nos collègues, à savoir le développement d'un nouveau concept de pôle métropolitain qui s'intéresserait au tissu rural.
Pour conclure, monsieur le président, je veux dire que ce texte n’a pas pour but de galvauder le concept de métropole. En revanche, pour valoriser la croissance du fait métropolitain, nous avons tenu à y introduire une disposition dérogatoire aux règles de constitution des communautés urbaines en supprimant la seule condition de seuil démographique afin de permettre aux actuelles communautés d'agglomération de se transformer en communautés urbaines et de remplir ainsi leur fonction de « métropoles régionales ».
Pour ce faire, mesdames les ministres, encore faut-il que vous conceviez que les moyens financiers nécessaires pour une telle réforme de l'aménagement du territoire ne soient pas déduits de l’enveloppe normée de la dotation globale de fonctionnement, qui enregistre une baisse. Ce serait élégant.
Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste ainsi que sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.
Je vais m’y employer, monsieur Karoutchi. Néanmoins, chacun son style !
Merci !
Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la commission des affaires économiques s’est saisie pour avis de plusieurs dispositions du présent projet de loi et c’est donc sur celles-ci que j'insisterai plus particulièrement.
Auparavant, je souhaite formuler plusieurs observations de portée générale, sans revenir bien entendu sur les brillantes explications de notre collègue René Vandierendonck. À cet égard, je dois bien dire que les secteurs pavés étaient quand même moins nombreux et moins difficiles pour la commission des affaires économiques, même si elle n’a guère pu emprunter l’autoroute…
Sourires.
Mesdames les ministres, au nom de la commission des affaires économiques, je vous décerne un satisfecit. Vous avez eu le courage de présenter ce projet de loi en dépit de nos oppositions internes et de nos contradictions. Je ne parle pas de l'opposition entre la droite et la gauche, je parle de la vision et de l’opinion défendues par chacun, l’une et l’autre quelque peu influencées selon le lieu d’où l’on s’exprime.
C'est donc un acte de courage que d'avoir enfin essayé de trancher, ce qui n'est pas simple.
Bien sûr, René Vandierendonck l’a dit, et même si les deux autres textes ont d’ores et déjà été déposés et que l’ensemble forme un tout, vous l’avez rappelé tout à l’heure, nous aurions préféré qu'un seul projet de loi nous soit soumis. Le fait d’avoir scindé celui-ci a rendu moins lisible la réforme.
Nous ne pouvons que nous réjouir que cette partie du projet de loi consacre le fait métropolitain. À l’heure où plus de 60 % de la population française réside dans une aire urbaine de plus de 100 000 habitants et où la métropolisation constitue un enjeu pour tous les pays européens, le projet de loi permet de renforcer les compétences des métropoles françaises.
Vous ne vous étonnerez pas que je me félicite particulièrement de la consécration de la métropole de Paris, rebaptisée, à juste titre, me semble-t-il, Grand Paris Métropole par la commission des lois.
Nul n’ignore le poids économique de la région d’Île-de-France, première région économique française. Elle regroupe par exemple 8 des 71 pôles de compétitivité français et l’un des premiers au niveau européen. La création de cette métropole est dans la droite ligne des initiatives lancées depuis 2009 dans le cadre de Paris Métropole, syndicat que je connais bien puisqu’il a été créé à Clichy-sous-Bois.
Dans le cas de Lyon, l’article 20 du projet de loi prévoit la constitution d’une collectivité territoriale à statut particulier, la métropole de Lyon, résultant de la fusion de la communauté urbaine et, sur le périmètre métropolitain, du département du Rhône. Motif de satisfaction, nos collègues Gérard Collomb et Michel Mercier ont exprimé ici, courageusement, une vraie vision de l’avenir de la métropole lyonnaise. Je me réjouis que le Gouvernement soutienne la démarche engagée par nos collègues.
Pour ce qui concerne Marseille, la métropole d’Aix-Marseille-Provence, instituée à l’article 30, constitue un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont le périmètre excède celui de la communauté urbaine de Marseille puisqu’elle est issue de la fusion de six EPCI.
Nous le savons tous, ce projet rencontre une vive opposition. Pour ma part, je salue la détermination du Gouvernement : quand l’intérêt général, non seulement d’une région et d’un territoire, mais également de la France, puisque nous sommes là à la porte de la Méditerranée, est en jeu, il est indispensable que l’État intervienne.
Les nombreuses auditions organisées par la commission des lois ont révélé les choses. Eugène Caselli, président de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, a en effet souligné l’absence de projets communs à Marseille et une situation marquée par « six autorités organisatrices de transport, une balkanisation des zones d’activité et des zones commerciales » et l’absence de « cohérence territoriale ».
Compte tenu de l’enjeu que vous avez rappelé, madame la ministre, cette situation justifie le projet porté par le Gouvernement.
Je formulerai une dernière remarque sur l’équilibre général du projet de loi. Comme René Vandierendonck y a fait allusion, ce texte n’est peut-être pas allé, sur certains points, assez loin dans la logique de rationalisation de l’organisation administrative.
L’exemple francilien l’illustre. Compte tenu de ce qui est proposé, on peut se poser la question des départements de la petite couronne.
Je ne dis pas cela uniquement pour faire plaisir à mon collègue et voisin Philippe Dallier, mais il est tout de même troublant que non seulement le président de l’Assemblée des départements de France lui-même, mais également l’ancien et l’actuel président du conseil général de la Seine-Saint-Denis soulèvent cette question.
Il est quand même assez rare de voir un président de conseil général s’interroger sur la pertinence de son département.
La commission des affaires économiques s’est donc saisie pour avis de plusieurs articles du projet de loi : l’article 3, qui désigne des collectivités chefs de file ; les articles portant sur les différentes métropoles, à savoir l’ article 12 sur Grand Paris Métropole, l’article 20 sur la métropole de Lyon, l’article 30 sur la métropole d’Aix-Marseille-Provence et l’article 31 sur les métropoles de droit commun, pour ce qui concerne les compétences des métropoles qui relèvent du périmètre de la commission ; l’article 13, que la commission des lois a délégué au fond à notre commission, qui porte sur l’élaboration par le conseil régional d’Île-de-France d’un SRHH, un schéma régional de l’habitat et de l’hébergement ; les articles 18 et 19, qui portent sur le quartier d’affaires de la Défense ; enfin, l’article 45, supprimé par la commission des lois, qui limitait à un le nombre d’établissements publics fonciers d’État par région.
Je reviendrai sur l’ensemble de ces dispositions.
S’agissant de Grand Paris Métropole, la commission des affaires économiques souligne les modifications apportées par la commission des lois à l’article 12, qui ont recentré les actions de ce nouvel établissement public sur la priorité du logement, qui est un enjeu majeur en Île-de-France.
L’article 12 prévoit que Grand Paris Métropole élabore un plan métropolitain qui devra être compatible avec le schéma directeur de la région d’Île-de-France, le SDRIF, et tenir compte du SRHH, prévu à l’article 13.
Je me suis interrogé sur la pertinence de ces deux nouveaux documents de planification distincts et sur le lien entre l’un et l’autre. Au terme de nos travaux et de nos auditions, et après avoir notamment entendu les acteurs du logement qui saluent ces deux dispositions, j’estime que le dispositif prévu par le projet de loi est cohérent et équilibré : le schéma régional sera établi dans le respect des compétences de la métropole tandis que le plan métropolitain tiendra compte du schéma régional.
La commission des affaires économiques se félicite de la détermination du Gouvernement, par le biais de ce projet de loi, à apporter une réponse en termes de gouvernance à l’enjeu majeur que constitue le logement en Île-de-France. Je rappellerai seulement deux chiffres, que j’évoque souvent du haut de cette tribune, pour illustrer la crise du logement dans cette région.
En premier lieu, on construit uniquement – j’insiste sur cet adverbe – 37 000 logements par an, alors qu’il en faudrait 70 000.
En second lieu, en 2011, la région d’Île-de-France concentrait 60 % des recours engagés au titre de la loi DALO en matière de logement et près de 75 % en matière d’hébergement.
Le dispositif proposé dans le projet de loi constitue donc une vraie réponse en termes de gouvernance.
Comme le soulignait Mme Schurch hier à cette même tribune, la gouvernance à elle seule ne suffit pas
Mme Éliane Assassi opine.
, il faut des moyens. Il faut aussi, à mon sens, une volonté politique. Je vais être un peu dur, mais l’importance de l’enjeu le justifie. C’est bien de faire un plan, mais s’il n’est pas réalisé, si, localement, des obstructions graves gênent la résolution du problème, alors, et je n’ai pas peur de dire ici, il faudra sans doute réfléchir à la mise en place de contraintes supplémentaires pesant sur les communes en matière de permis de construire, sans quoi les documents de planification n’auront que peu d’intérêt.
M. le président de la commission des lois applaudit.
J’en viens aux articles 18 et 19 qui concernent le quartier d’affaires de la Défense. J’ai abordé ces deux articles presque la fleur au fusil…
Je connaissais mal le dossier, je l’avoue. J’ai cru qu’il s’agissait d’articles de clarification et de simplification, de peu d’importance.
Et puis, après avoir travaillé sur le dossier, après avoir écouté différents avis, je me suis aperçu qu’il ne s’agissait pas de simples dispositifs de clarification. La situation est extrêmement difficile. §
Le quartier de la Défense est le premier quartier d’affaires européen, avec près de 2 500 sièges d’entreprise et 150 000 salariés. Vous le savez, c’est une opération d’intérêt national depuis 1958
M. Roger Karoutchi opine de nouveau.
La loi de 2007 a déconnecté les activités d’aménagement des activités de gestion, à la suite d’un premier rapport de la Cour des comptes.
Cette loi a donc mis en place un établissement public local de gestion – alors que l’aménagement est national –, l’Établissement public de gestion de la Défense, l’EPGD, habilité à gérer les ouvrages et espaces publics mis à sa disposition ou qui lui sont transférés. Ces deux possibilités sont inscrites dans la loi de 2007.
Plus de six ans après, on constate que les objectifs de la loi ne sont pas atteints
M. Roger Karoutchi le confirme.
M. Roger Karoutchi regarde sa montre.
Et je ne suis pas le seul à affirmer que les objectifs n’ont pas été atteints. Je suis appuyé en cela par la Cour des comptes. Si vous vous intéressez à ce sujet, je vous invite à lire son rapport, qui est assez édifiant.
Il y a une bagarre juridique entre les deux établissements publics, l’EPGD et l’EPAD – devenu EPADESA –, qui s’opposent quant à l’interprétation des dispositions de la loi et au devenir des biens transférés ou mis à disposition de l’EPGD.
Un procès-verbal, un simple procès-verbal, allais-je dire, signé en décembre 2008, dans des conditions que je qualifierai de « surprenantes », …
… est le cœur du problème. Ce document, dont la nature juridique est sujette à caution – là encore, je ne fais que citer la Cour des comptes – a introduit de l’insécurité juridique et la question de la légalité de certaines de ses clauses est soulevée. La situation actuelle est marquée par un vrai blocage : l’État a engagé plusieurs contentieux contre des délibérations prises par l’EPGD.
Les articles 18 et 19 apportent une réponse à cette situation, qui, il faut le souligner, nuit à l’attractivité du site. Je crains que ces différends ne soient très préjudiciables à l’attractivité du site. Bien évidemment, on ne peut plus faire aujourd’hui de l’aménagement comme on le faisait en 1958
M. Roger Karoutchi opine.
Par le biais de ces articles, les frais de remise en état des équipements publics sont mis à la charge de l’EPGD, et donc – c’est là que le bât blesse – des collectivités locales, à savoir les communes de Courbevoie et de Puteaux ainsi que le conseil général des Hauts-de-Seine. Il s’agit de sommes importantes, au moins 100 millions d’euros.
Nous considérons toutefois que les trois collectivités territoriales, qui ont largement bénéficié des retombées du site de la Défense, ont les moyens financiers d’assumer cette remise en état.
Si les articles 18 et 19 constituent donc une avancée, il convient néanmoins, mesdames les ministres, de réfléchir à l’avenir du site de la Défense à moyen et long termes. Selon moi, la problématique se pose en termes simples : ou bien l’État a encore une vision d’aménagement de caractère national, qui justifie une opération d’intérêt national ; ou bien l’État considère que l’aménagement est terminé et alors, dans des conditions qui seront certainement difficiles, y compris du point de vue technique, puisqu’il s’agit d’une dalle, il faudra en venir à des situations de droit commun.
Je ne m’attarderai pas sur les dispositions relatives aux métropoles de Lyon et de Marseille que j’ai évoquées précédemment, même si je souligne la volonté d’apaisement de la commission des lois qui a repoussé d’un an la mise en place de la métropole d’Aix-Marseille-Provence.
J’en viens donc aux métropoles de droit commun, dont l’article 31 prévoit la rénovation du statut, issu de la loi de 2010 de réforme des collectivités territoriales.
Pour ma part, je me réjouis du relèvement par la commission des lois du double seuil démographique de la constitution des métropoles. Comme l’a indiqué M. le rapporteur de la commission des lois, il faut éviter « la métropolisation de l’ensemble du territoire ».
La commission des lois a aussi utilement supprimé la possibilité pour l’État de déléguer aux métropoles de droit commun ses compétences en matière de DALO ou d’hébergement, et le transfert automatique aux métropoles de compétences des départements, lui préférant le simple conventionnement. Je ne peux que l’approuver.
J’en termine, mes chers collègues, par l’article 45 du projet de loi, qui a été supprimé par la commission des lois. Cet article disposait qu’il ne pouvait y avoir qu’un seul établissement public foncier d’État par région, les établissements publics locaux n’étant donc pas touchés. Dont acte. Je n’ai pas d’avis sur ce sujet.
Toutefois, la commission des affaires économiques souhaite que cet article soit réintroduit pour la région d’Île-de-France, où le problème est majeur. Sans m’étendre sur ce sujet à cet instant, je tiens à signaler que la situation qui prévaut en Île-de-France est complexe, injuste et en tout cas non solidaire.
Pour conclure, la commission des affaires économiques estime donc que le texte comprend, pour les articles dont elle s’est saisie, des avancées importantes, telles que la consécration du fait métropolitain ou les réponses apportées à la grave crise du logement en Île-de-France et à la situation de blocage qui existe actuellement à La Défense. J’ose donc espérer que, au terme de nos débats, notre Haute Assemblée adoptera ce projet de loi. §
Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission des lois, madame la présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, permettez-moi avant toute chose de saluer l’enthousiasme de notre rapporteur et le travail formidable qu’il a réalisé.
La commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire a souhaité se saisir pour avis de ce projet de loi puisqu’il touche à plusieurs aspects importants de son champ de compétence.
Elle s’est saisie des articles 3, 4 et 5 qui organisent la coordination entre les collectivités territoriales, que ce soit par la désignation de collectivités chefs de file, par la création des conférences territoriales ou par la mise en place d’un pacte de gouvernance.
Ces articles posent la question de l’équilibre entre la reconnaissance du fait métropolitain, qui est légitime, et la prise en compte du monde rural, qui ne l’est pas moins. Or le découpage du texte initial – excusez-moi d’y revenir, madame la ministre – a pu donner l’impression d’un oubli du monde rural. §J’yreviendrai.
Notre commission s’est aussi saisie de l’article 31, qui modifie le régime des métropoles, et de l’article 35, lequel concerne le transfert à l’établissement de coopération intercommunale à fiscalité propre des pouvoirs de police en matière d’assainissement et de collecte de déchets.
La commission des lois nous a par ailleurs délégué au fond trois articles qui relèvent de notre compétence « transports » : les articles 15 à 17 sur le Syndicat des transports d’Île-de-France et la Société du Grand Paris.
Avant d’examiner en détail ces articles, notre commission vous a entendu, madame la ministre, et a procédé à un échange de vues général sur l’architecture de la réforme.
Si ce projet de loi ne constitue pas une révolution pour l’action publique locale, je m’en tiendrai à l’importance qu’il y a, à mes yeux, d’aboutir à une réforme utile.
Ce projet de loi, tel qu’il est présenté, comporte de réelles avancées pour la démocratie territoriale. Il améliore concrètement l’efficacité et la lisibilité des interventions des collectivités. C’est dans cet état d’esprit que nous avons examiné le texte.
Dans cette perspective, le travail réalisé par la commission des lois nous a semblé décisif, notamment en supprimant tout ce qui pouvait apparaître comme de nouvelles rigidités pour l’action des élus locaux. Elle a par exemple rendu plus souple l’organisation des conférences territoriales. Elle a aussi supprimé le pacte de gouvernance territoriale. Ce montage complexe était composé d’un ensemble de schémas d’organisation. Les élus, comme leurs services, auraient dû consacrer un temps considérable à son élaboration et à sa négociation, pour une plus-value incertaine par rapport aux schémas existants.
La commission des lois a, enfin, modifié les domaines de compétences des différents chefs de file, dans un souci de cohérence et de réalité.
Comment interpréter, en effet, le choix initial du Gouvernement qui faisait du bloc communal le chef de file de la qualité de l’air ? Hormis les plus grandes d’entre elles, les communes et les intercommunalités n’auraient pas eu les moyens d’assumer une telle charge. Notre commission se félicite donc de la nouvelle rédaction de l’article 3 adoptée par la commission des lois.
Cet exemple est malheureusement emblématique de l’oubli des réalités du monde rural, qui est le grand absent de ce texte. La reconnaissance du fait urbain est nécessaire, indispensable, …
… et je l’appelais de mes vœux depuis longtemps. Mais elle ne saurait se faire indépendamment du monde rural, ou, pire encore, à son détriment.
C’est cette approche qui a conduit notre commission à adopter, à la quasi-unanimité, deux amendements visant à combler ces manques.
Le premier amendement intègre à la liste des membres de la conférence territoriale un représentant des communes rurales par département. La présence d’un représentant des communes de moins de 50 000 habitants par département, actuellement prévu, ne suffira pas à garantir la prise en compte des enjeux spécifiques du monde rural, tout le monde en convient aujourd’hui.
Le second amendement vise à créer, sur le même modèle que les pôles métropolitains, des pôles ruraux d’aménagement et de coopération.
Cet outil devrait permettre la poursuite des démarches engagées par les pays et l’approfondissement des dynamiques territoriales existantes. Je pense notamment à la contractualisation nationale, régionale et départementale ; à l’emploi des fonds européens ; ou encore à la solidarité en matière d’ingénierie. Il s’agit aussi de permettre à la ruralité de vivre dans des espaces de projets modernes et innovants, impliquant les habitants et l’ensemble des acteurs locaux.
Notre compétence en matière de transports nous a également conduits à nous saisir d’un autre projet, tout aussi consensuel au sein de notre commission : je fais référence à la dépénalisation du stationnement payant
M. Louis Nègre applaudit.
… et sa transformation en service public décentralisé.
Le stationnement est au cœur des politiques de mobilité durable.
Or son cadre juridique actuel empêche la mise en place de politiques ambitieuses dans ce domaine. Plusieurs rapports récents, dont celui de notre collègue Louis Nègre, l’ont constaté.
Le caractère pénal de la sanction implique tout d’abord un montant uniforme des amendes sur l’ensemble du territoire – il est aujourd’hui de 17 euros. Ce montant paraît peu dissuasif dans certains territoires très denses, comme les grandes villes dans lesquelles les tarifs de stationnement sont élevés, alors qu’il est excessif dans de petites communes.
Ensuite, ces infractions ne peuvent aujourd’hui être sanctionnées que par des agents de la police nationale ou municipale assermentés à cet effet. Or leur nombre et leurs moyens ne leur permettent pas de remplir cette mission de façon satisfaisante. Il en résulte, il faut le dire, un sentiment d’impunité pour nombre de conducteurs.
Le circuit du recouvrement des amendes, enfin, est complexe. Il a été critiqué dans le rapport annuel de la Cour des comptes de 2010.
Ces dysfonctionnements sont connus et dénoncés depuis longtemps. Il était temps d’agir. §C’est pourquoi la commission du développement durable vous proposera deux amendements en ce sens.
En ce qui concerne l’article 31, qui procède à la refonte du régime des métropoles « de droit commun », notre commission a émis un avis favorable à son adoption sans modification, car elle est satisfaite des améliorations que lui a apportées la commission des lois.
Le caractère volontaire de la création des métropoles, la souplesse introduite dans le transfert de certaines compétences du département à la métropole, le maintien à l’État des compétences en matière de logement qui relèvent de la solidarité nationale, l’élargissement des compétences économiques de la métropole et l’instauration d’une conférence métropolitaine des maires : voilà autant de modifications qui méritent d’être approuvées.
Par ailleurs, cette refonte du régime des métropoles « à dimension européenne » s’accompagne, à l’article 40 du projet de loi, dont votre commission ne s’est pas saisie pour avis, d’un élargissement du régime de la communauté urbaine aux villes qui n’atteignent pas le seuil démographique pour sa création, abaissé par la commission des lois à 400 000 habitants, mais qui exercent néanmoins certaines fonctions de commandement qui en font de véritables « métropoles régionales ». L’équilibre ainsi atteint entre métropoles, grandes ou moyennes, me paraît satisfaisant pour nos territoires. Monsieur le rapporteur et cher René Vandierendonck, il est très important d’avoir accepté d’aller dans ce sens. Une communauté d’agglomération forte qui rayonne sur son territoire pourra, si elle le souhaite, devenir une communauté urbaine. Il importe de travailler en réseau avec les grandes métropoles européennes.
J’en viens enfin aux articles 15 à 17 du projet de loi, pour lesquels notre commission a été saisie au fond.
L’article 15 résulte d’un mauvais découpage du texte initial en trois, et notre commission vous proposera donc sa suppression. En revanche, les articles 16 et 17 procèdent à une coordination utile pour l’organisation des transports en Île-de-France.
À l’origine, le réseau de transport public du Grand Paris, vous vous en souvenez, a été conçu de façon très indépendante, voire déconnectée du réseau existant géré par le Syndicat des transports d’Île-de-France.
Le précédent gouvernement avait voulu reprendre la main sur l’organisation des transports dans la région, en se substituant aux collectivités de toutes sortes.
Très rapidement, les limites de la création d’un réseau parallèle au réseau existant sont apparues. Un protocole d’accord a été signé entre l’État et la région en janvier 2011, reprenant des éléments communs à la fois au projet du Grand Paris et à Arc Express, le projet défendu par les collectivités de la région.
Le projet du Nouveau Grand Paris, présenté par le Premier ministre le 6 mars dernier, confirme cette approche. Il englobe, d’une part, des mesures d’amélioration du réseau existant et, d’autre part, le Grand Paris Express.
Cette approche intégrée impose une coordination effective, chacun le comprend aujourd’hui, entre le STIF et la Société du Grand Paris. Le STIF doit pouvoir s’exprimer, par exemple, sur le « coût de possession » de l’infrastructure une fois qu’elle est réalisée, ou sur les exigences de sécurité relatives à son exploitation... Or la loi relative au Grand Paris est quasiment muette à ce sujet.
Il convenait dès lors de combler ces lacunes.
L’article 16 du projet de loi précise que les missions du STIF, maître d’ouvrage « de droit commun » en matière de transports, s’exercent dans la limite non seulement des compétences de RFF, Réseau ferré de France, ou de la RATP, comme cela est déjà prévu, mais aussi de celles de la Société du Grand Paris. Il s’agit de prendre acte de la création de la Société du Grand Paris et de son rôle en matière d’investissement dans le domaine des transports en Île-de-France.
De manière complémentaire, l’article 17 modifie la loi relative au Grand Paris, afin d’associer davantage le STIF aux démarches réalisées par la Société du Grand Paris, et ce pour trois bonnes raisons : tout d’abord, pour suivre l’élaboration du ou des dossiers d’enquête publique précédant la déclaration d’utilité publique des projets d’infrastructures du Grand Paris ; ensuite, pour participer à l’élaboration de l’ensemble des documents établis par le maître d’ouvrage ; enfin, pour accompagner chaque étape du processus d’acquisition des matériels roulants, dont le STIF est le financeur.
Cette coordination devra se faire dans les meilleures conditions possibles pour ne pas allonger les délais de mise en œuvre des différentes étapes du projet. Pour avoir découvert celui-ci dans le cadre de l’examen de cette loi, je crois que les deux parties prenantes, que j’ai rencontrées, partagent le même objectif et la même volonté d’avancer en commun. Une association le plus en amont possible du STIF devrait en outre permettre d’éviter un certain nombre de blocages.
La commission vous propose donc d’adopter ces deux articles tels qu’ils nous sont proposés par le Gouvernement. L’enjeu du projet du Grand Paris est considérable – faut-il le rappeler ? Il doit désormais avancer rapidement dans de bonnes conditions, madame la ministre.
Au total, le texte du Gouvernement, largement modifié par la commission des lois, est porteur de progrès pour notre démocratie territoriale : il clarifie le rôle des différents acteurs territoriaux et recherche une cohérence accrue entre leurs interventions. Il se place en outre dans un contexte, que j’approuve, de confiance en l’intelligence des territoires et des élus.
Aussi, la commission du développement durable a émis un avis favorable à l’adoption de ce projet de loi, sous réserve, bien sûr, des amendements qu’elle vous présente. §
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, en préambule, je reprendrai la dernière phrase du rapporteur M. Vandierendonck, qui, après avoir exposé la position de la commission des lois sur le présent texte, avait ajouté : « Avec quel budget ? »
En tant que maire et président d’une agglomération, j’aurais beaucoup à dire, certainement comme d’autres, sur le fond du projet de loi. Mais partageant à 100 % les propos de René Vandierendonck, j’aborderai directement les dispositions financières ou ayant des incidences financières.
Comment peut-il en être autrement alors que, chaque jour, la question des finances publiques est abordée dans notre pays ? Comment peut-il en être autrement alors que de nombreuses collectivités territoriales ne savent plus comment préparer leur budget ? Comment peut-il en être autrement eu égard aux annonces qui sont faites sur la restriction de l’aide de l’État aux collectivités territoriales dans les années à venir ?
La commission des finances a souhaité se saisir pour avis des dispositions financières ou ayant des conséquences financières.
Premièrement, j’aborderai l’achèvement de la carte intercommunale francilienne
L’article 10 du projet de loi prévoit la couverture intégrale par des EPCI à fiscalité propre de l’ensemble des départements de la petite couronne francilienne, qui n’étaient pas concernés par la loi de 2010 de réforme des collectivités territoriales. Le projet de loi prévoyait que ces EPCI regroupent au moins 300 000 habitants ; la commission des lois a abaissé ce seuil à 200 000. Il prévoyait également un seuil minimum de 200 000 habitants pour les EPCI de la grande couronne inclus dans le périmètre de l’aire urbaine de Paris ; cette condition a également été supprimée par la commission des lois.
L’achèvement de la carte intercommunale en Île-de-France va entraîner une hausse de la dotation d’intercommunalité, …
M. Jean Germain, rapporteur pour avis. … comme cela a été le cas pour l’achèvement de la carte intercommunale dans le reste de la France. On peut évaluer cette hausse à 75 millions d’euros, lissée sur les années 2015 et 2016.
M. Roger Karoutchi opine.
En ce qui concerne la péréquation, l’achèvement de la carte intercommunale en Île-de-France pourrait avoir un impact sur le Fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France. En tout état de cause, celui-ci serait limité. Quant aux conséquences sur le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, elles n’ont pu être évaluées, du fait du trop grand nombre d’inconnues pesant sur la future carte intercommunale.
M. Roger Karoutchi opine de nouveau.
Deuxièmement, j’évoquerai la création de Grand Paris Métropole. L’article 12 du projet de loi crée un établissement public, dénommé « Grand Paris Métropole », comprenant la ville de Paris et « les établissements publics de l’unité urbaine de Paris ».
Concernant le financement de cet établissement, il est prévu qu’il disposera « des ressources que lui attribuent ses membres, d’une dotation de fonctionnement et d’un fonds d’investissement métropolitain conformément aux dispositions qui seront fixées par une loi de finances ».
Le Gouvernement n’a pu me présenter une évaluation du montant à financer, dans la mesure où celle-ci suppose une connaissance de l’étendue des compétences exercées.
Pour ce qui est des contributions des membres, elles devraient être fixées dans les statuts de Grand Paris Métropole.
Ensuite, s’agissant de la dotation de fonctionnement, le directeur général des collectivités locales m’a assuré qu’elle n’était pas assimilable à la dotation globale de fonctionnement, dans la mesure où Grand Paris Métropole ne sera pas un EPCI à fiscalité propre mais relèvera de la catégorie des syndicats mixtes.
Ces crédits ne formeront donc pas une dotation d’intercommunalité et n’entraîneront pas une augmentation de la dotation d’intercommunalité de l’ensemble des EPCI. Ils n’entreront pas non plus dans le périmètre de l’enveloppe normée.
Enfin, il est prévu que la métropole de Paris bénéficie d’un fonds d’investissement métropolitain. Le Gouvernement n’a pu m’indiquer précisément l’objet de ce fonds et ses modalités de financement. Il pourrait s’agir d’un fonds financé localement, par les collectivités concernées, …
… mais il n’est pas exclu qu’il soit, au moins en partie, abondé par l’État.
Mes chers collègues, sur cet article, la commission des finances vous proposera un amendement de précision.
Troisièmement, je traiterai du fonds de péréquation des départements franciliens.
L’article 14 du présent projet de loi tendait, à l’origine, à créer un fonds de péréquation propre aux départements de la région d’Île-de-France, doté de 60 millions d’euros.
La commission des lois, et je l’en remercie, a délégué à la commission des finances l’examen de cet article au fond. Néanmoins, « à titre conservatoire [et] afin de marquer sa nette opposition aux modalités du fonds », elle a supprimé l’article 14 ! §
Pour sa part, la commission des finances a considéré que le principe d’une péréquation propre à l’Île-de-France se justifiait, du fait des grandes inégalités qui y règnent.
Toutefois, les modalités proposées par le Gouvernement n’étaient pas acceptables : le déséquilibre entre critères de ressources et de charges conduisait à ce qu’un seul département bénéficie de près des trois quarts des versements du fonds.
La commission des finances a également estimé que l’examen de cette question pourrait utilement être reporté en loi de finances, ce qui permettra de connaître les résultats du groupe de travail entre l’État et les départements sur le financement des allocations de solidarité, …
M. Jean Germain, rapporteur pour avis. … et de faire en sorte qu’une véritable concertation entre les départements concernés ait lieu.
Applaudissements
La commission des finances a donc souscrit à la suppression de cet article.
Quatrièmement, je me pencherai brièvement sur le quartier de la Défense.
Les articles 18 et 19 du présent texte visent à régler les conséquences des relations conflictuelles entre deux établissements publics compétents sur le site de La Défense. La question qui a intéressé la commission des finances est celle de la répartition, entre ces deux établissements, des frais de remise en état des biens. En effet, dans sa rédaction actuelle, ce projet de loi tend à mettre ces obligations à la charge des collectivités qui financent l’un des établissements.
Les conséquences financières de ces deux articles n’ayant pas été explicitées, je vous proposerai un amendement prévoyant la remise d’un rapport au Parlement pour l’informer des coûts réels de remises en état du site de La Défense.
Cinquièmement, il convient de s’arrêter sur les métropoles de droit commun, dont l’article 31 vise à modifier le régime de droit commun.
La création des métropoles augmentera le volume de la dotation d’intercommunalité, dans la mesure où certaines communautés d’agglomération deviendront des métropoles et bénéficieront de dotations par habitant plus élevées. La DGCL, la Direction générale des collectivités locales, évalue ce coût à 36 millions d’euros sur la base des seuils prévus par le projet de loi initial, c’est-à-dire en supposant que les communautés d’agglomération concernées deviennent métropoles. Ce coût pèsera sur la dotation de compensation de la DGF des établissements publics de coopération intercommunale.
La commission des lois a rehaussé le seuil démographique à partir duquel un EPCI peut devenir métropole. Il est désormais fixé à 450 000 habitants pour une aire urbaine de 750 000 habitants, ce qui diminue le nombre d’agglomérations éligibles. Elle a également assoupli les conditions exigées pour former une communauté urbaine.
Néanmoins, l’introduction de ces nouvelles dispositions ne devrait pas modifier l’impact financier précédemment estimé, dès lors que les communautés d’agglomération décideraient de devenir métropoles ou communautés urbaines, dans la mesure où leurs dotations d’intercommunalité respectives sont désormais calculées de la même manière.
Sixièmement, la métropole de Lyon constitue un point particulier, au sujet duquel la commission des finances s’est saisie de cinq articles. Nous avons examiné ces dispositions avec beaucoup d’attention, considérant qu’il s’agissait du projet le plus abouti et certainement le mieux ficelé, ce travail ayant été accompli – quelle horreur ! – grâce à un accord entre des parties d’origines politiques différentes.
Il s’agit d’une collectivité territoriale à statut particulier qui remplace la communauté urbaine de Lyon et – sur le territoire de cette dernière – le département du Rhône. La commission des lois a décidé d’avancer la date de sa création du 1er avril au 1er janvier 2015.
La création de la métropole de Lyon rend nécessaire l’adaptation des règles fiscales et financières et a pour but de permettre à cette agglomération de bénéficier à la fois des ressources d’un EPCI à fiscalité propre de type métropole et des ressources d’un département.
Néanmoins, les recettes et dépenses relatives aux compétences départementales exercées par la métropole de Lyon seront identifiées dans un budget annexe, pour lui permettre de participer, au titre de ses seules recettes et dépenses départementales, aux mécanismes de péréquation départementaux.
La création de cette métropole n’entraînera pas de coût supplémentaire au titre de la dotation d’intercommunalité, dans la mesure où Lyon bénéficie déjà du régime des communautés urbaines. Elle nécessite cependant un certain nombre d’ajustements techniques. C’est pourquoi l’article 29 précise que le Gouvernement est habilité à déterminer, par voie d’ordonnance, les règles financières, fiscales et budgétaires applicables à la métropole de Lyon.
En effet, les modalités de répartition de certaines dotations ou impositions départementales entre les deux collectivités ne sont pas fixées dans le présent projet de loi. Faute d’une répartition précise de ces recettes, il est techniquement impossible de calculer les potentiels fiscal et financier des deux nouvelles collectivités. Aussi, la DGCL n’a pu fournir aucune simulation ni hypothèse de travail concernant les effets de la création de cette nouvelle collectivité sur les mécanismes de péréquation départementaux.
Enfin, l’article 20 prévoit les modalités d’évaluation et de compensation des transferts de charges entre la métropole de Lyon et le département du Rhône. Ces compensations visent non seulement à assurer la neutralité budgétaire des transferts mais aussi à éviter tout risque de tutelle d’une collectivité sur l’autre.
Mes chers collègues, la commission des finances vous proposera plusieurs amendements à ce titre, notamment pour faire apparaître clairement certaines recettes de la métropole de Lyon et pour adapter plusieurs dispositions à la nouvelle date retenue par la commission des lois pour la création de cette entité.
L’article 22 du présent texte modifie le code général des impôts : il s’agit d’adaptations techniques permettant à la nouvelle collectivité de bénéficier à la fois des impositions de type intercommunal et départemental.
L’article 29 autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures législatives rendues nécessaires par la création de la métropole de Lyon. L’ordonnance en question devra préciser les règles s’appliquant à celle-ci, notamment en matière de finances et de fiscalité locales. En particulier, il est prévu qu’elle fixe les modalités de partage de diverses dotations – la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle, ou DCRTP, la garantie individuelle des ressources, etc. – ainsi que les modalités de calcul des potentiels fiscal et financier de la métropole.
La commission des finances vous présentera un amendement tendant à préciser que le financement de tout organisme institué par la loi en conséquence de la création de la métropole de Lyon sera pris en charge exclusivement par les deux collectivités concernées.
Étant donné l’originalité de ce projet de loi et les nouvelles formes de calcul des transferts – notamment avec l’intégration de l’épargne nette, qui constitue une recette extrêmement dynamique, contrairement aux ressources que transfère généralement l’État –, il serait anormal que le ministère ne puisse pas recevoir le plus rapidement possible et en même temps MM. Collomb et Mercier. Cette méthode permettrait évidemment d’avancer plus rapidement. De fait, ce dossier, en tout point exemplaire, mérite d’être traité avec le plus grand soin, car il pourrait servir de modèle à beaucoup d’autres.
Septièmement, j’évoquerai la métropole d’Aix-Marseille-Provence.
L’article 30 du présent texte prévoit la création de cette métropole, issue de la fusion de six EPCI existants.
S’agissant des aspects fiscaux et financiers, une dotation d’intercommunalité dérogatoire et incitative est prévue pour la première année. En effet, il s’agit d’appliquer le régime des fusions tel qu’il était en vigueur avant la loi de finances pour 2013 : la première année de sa création, la dotation d’intercommunalité serait calculée en fonction de la population et de la dotation d’intercommunalité par habitant la plus élevée par habitant perçue l’année précédente parmi les EPCI préexistants.
La commission des finances a jugé que ce régime dérogatoire n’avait pas lieu d’être et que la métropole d’Aix-Marseille-Provence devait se voir appliquer les règles de droit commun pour le calcul de sa dotation d’intercommunalité la première année suivant la fusion.
En conséquence, elle vous proposera un amendement allant dans ce sens, qui aurait pour effet de limiter l’augmentation de la dotation d’intercommunalité des EPCI du fait de la création de la métropole d’Aix-Marseille-Provence à 15 millions d’euros, au lieu des 34 millions d’euros prévus par le projet de loi. Ainsi, le montant à financer par les autres EPCI sera moins élevé. J’y reviendrai tout à l’heure. L’État, s’il veut faire de l’aménagement du territoire, peut contribuer au financement ; il n’est pas normal qu’il prélève les sommes nécessaires sur la dotation des autres collectivités territoriales !
Huitièmement et enfin, les articles 43, 44 et 55 forment un ensemble particulier.
L’article 43 adapte les dispositions relatives à la dotation d’intercommunalité. L’article 44 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour prendre les mesures techniques propres à compléter et à préciser les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables. L’article 55 précise les modalités de compensation financière des transferts de compétences à titre définitif inscrits dans le projet de loi. À ce stade, nous n’avons pas d’observation particulière à formuler à ce propos.
En revanche, au terme de cet aperçu des articles relatifs aux finances, je tiens à récapituler l’ensemble des conséquences financières de ce projet de loi, en particulier pour ce qui concerne les collectivités territoriales.
Tout d’abord, l’achèvement de la carte intercommunale – hors petite couronne francilienne –, au titre de la loi de 2010, représente un coût de 75 millions d’euros pour 2013 et de 100 millions d’euros en 2014. §
En la matière, le présent projet de loi ajoute une charge de 37, 5 millions d’euros par an pour 2015 et 2016, au titre de la petite couronne. Au titre de la grande couronne le montant était à l’origine de 5 millions d’euros par an, mais la commission des lois a supprimé ces crédits pour l’année 2015.
Ensuite, concernant la création des métropoles, j’ai déjà indiqué que Grand Paris Métropole constituait un sujet spécifique qui, a priori, ne pèserait pas sur l’enveloppe globale.
Cependant, la métropole d’Aix-Marseille-Provence représentera, pour 2016, 34 millions d’euros, à prélever, en l’état actuel du texte, sur les dotations globales.
Pour la métropole de Lyon, ce coût est neutre.
Enfin, pour les métropoles et communautés urbaines, ces sommes s’élèvent à 18 millions d’euros pour 2015 comme pour 2016.
Au total, le présent projet de loi pèsera sur les dotations d’intercommunalité pour un montant global que j’évalue à 145 millions d’euros, répartis sur les années 2015 et 2016. Cette estimation se fonde sur le texte tel qu’il résulte des travaux, très poussés, de la commission des lois avec qui, je le répète, la commission des finances a travaillé en parfaite osmose.
Mes chers collègues, quand on additionne la réduction de 1, 5 milliard d’euros des crédits destinés aux collectivités territoriales – mesure récemment annoncée –, la péréquation horizontale et verticale, l’achèvement des schémas départementaux d’intercommunalité, …
M. Jean Germain, rapporteur pour avis. … que je viens de mentionner, on aboutit à un total d’environ 250 millions d’euros.
MM. Gérard Larcher et Roger Karoutchi opinent.
Il nous paraîtrait donc normal que, dans les semaines à venir, une discussion s’amorce avec le Gouvernement pour déterminer ce qui, dans ce domaine, relève de l’aménagement du territoire et ce qui relève de la décentralisation. Il convient en effet de distinguer les crédits qui doivent être prélevés sur l’enveloppe globale des collectivités et les sommes qui doivent être imputées sur le budget de l’État !
Un effort, qui est à fixer – 150 millions ou 200 millions d’euros –, doit être fourni par le Gouvernement. Eu égard à la masse du budget, ce ne sont tout de même pas les collectivités territoriales qui creusent le déficit de la France !
À mon sens, il faut débattre de cette somme, faute de quoi le présent projet de loi pourrait être gravement handicapé, alors même que, jusqu’à présent, les commissions des lois et des finances du Sénat ont travaillé dans un souci de clarté, de bonne compréhension et de mise en mouvement, à l’opposé même de toute hostilité résolue. §
Parlons vrai ! L’amitié qui nous lie depuis longtemps m’y autorise, mesdames les ministres. Car parler vrai est une marque d’amitié et de respect.
Nous avons voulu que ce texte fût profondément changé. Nous avons demandé, au lieu de l’avant-projet initial, trois textes plus courts, plus simples et plus percutants. Nous l’avons dit clairement, et le Gouvernement a avancé dans cette direction.
Pourquoi cela ? Parce qu’un triple impératif s’impose à tous : simplicité, clarté, lisibilité. Finalement, la question est tout simplement de savoir ce que nous voulons. Et ce que nous voulons pourrait tenir en trois ou quatre phrases, peut-être moins.
Premièrement, nous voulons la solidarité territoriale, qui implique l’action des communes, au cœur de notre conception de la démocratie et de la République §et des départements, en première ligne, avec des difficultés, pour la solidarité sociale et territoriale. Les propos de M. le rapporteur pour avis de la commission des finances nous montrent bien qu’il faut aller vers plus de justice et de péréquation. Cela ne sera pas facile, mais c’est un chemin sur lequel nous devons nous engager fermement.
Deuxièmement, il nous faut des régions plus fortes, avec plus de pouvoirs, plus de moyens et plus de liberté financière et fiscale. §
Non pas pour le plaisir, mais pour l’économie et pour l’emploi ; c’est ce qui préoccupe aujourd'hui nos concitoyens.
Comparons avec d’autres pays d’Europe. Si, dans tel ou tel pays, on a plus de facilité à créer des PME, à les aider, si les collectivités territoriales peuvent plus aisément prendre une participation – nous devons aller en ce sens, et c’est urgent –, c’est parce qu’il y a non seulement des politiques nationales, mais également des politiques régionales fortes.
Nous voulons donc des régions fortes pour l’économie et pour l’emploi !
Troisièmement, nous voulons les métropoles du futur, les communautés du futur. En disant cela, nous pensons aux aires urbaines. Comme M. Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques l’a indiqué avec force, il nous faut des logiques cohérentes, mais dans le respect des communes, car l’intercommunalité est au service des communes et du bien commun.
Il nous faut ces métropoles du futur. Mais j’ajoute que l’on pourrait évoquer « la solidarité des régions fortes et des communautés fortes ».
Mesdames les ministres, pour nous, les « communautés fortes », cela signifie les métropoles, les communautés urbaines et les communautés de communes.
En effet, autant il est important de structurer le monde urbain, autant il est essentiel de poursuivre le chemin qui a fait que les communautés de communes sont partout dans notre pays aujourd'hui. Cela a été une grande innovation : pour mettre en œuvre des stratégies de développement, ces communautés sont aujourd'hui irremplaçables. Mais ce qu’il faut, c’est que les communautés urbaines et les communautés de communes rurales dans les petites et moyennes communes se donnent la main. Aujourd'hui, dans un bassin de vie, dans un bassin d’emploi, il n’y a pas l’urbain et le rural ! (Ça change ! Regardez la démographie de notre pays : elle change ! Tout marche ensemble.
Solidarité communes et départements, régions fortes pour l’emploi, l’économie et les PME, métropoles du futur en lien étroit avec toutes les communautés de notre pays… voilà ce que nous voulons. Pour cela, il faut des textes courts, simples, percutants. Et nous allons y contribuer.
C’est pourquoi le texte que propose la commission des lois – il a été remarquablement exposé par M. René Vandierendonck, qui a beaucoup travaillé et qu’il convient de féliciter
Marques d’approbation.
(M. Vincent Capo-Canellas s’exclame.) et des complications à n’en plus finir où l’on ne comprendra plus rien !
Applaudissements sur certaines travées de l'UMP. – Mmes Muguette Dini et Évelyne Didier ainsi que M. Roland Povinelli applaudissent également.
Quelle est notre philosophie ? J’ai commencé par dire simplicité. Madame la ministre, il existe des conseils régionaux ; très bien. Il existe des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux ; très bien. Il existe ou existera des conseils de développement ; très bien. Faut-il en plus une conférence territoriale, peuplée de quantité de personnes qui seront là à devoir donner des avis sur une multitude de schémas ? Cela va créer un embrouillamini §
Madame la ministre, si nous avons dit que la conférence territoriale était utile, c’est parce qu’elle permet à quelques responsables de se réunir, comme en Bretagne, où cela se passe remarquablement. Mais point n’est besoin d’une loi ! En vertu de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et de nombreux autres textes, les présidents de département et de région peuvent se parler, se réunir, se concerter…
Préférons donc une structure souple permettant tout simplement le dialogue.
Pourquoi s’encombrer d’une telle multitude de schémas ? Que l’on sache ce que chacun fait et de quoi chacun est le chef de file !
S’il faut d’abord donner des avis sur chaque projet de compétence, puis soumettre ces avis à des délibérations dans toutes les collectivités concernées et faire en sorte que les délibérations se coagulent en un pacte… on n’en finira jamais !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il faut de la simplicité, de la clarté et de la lisibilité.
Applaudissementssur certaines travées de l'UMP. – Mme Muguette Dini et MM. Roland Povinelli et Rachel Mazuir applaudissent également.
Venons-en aux compétences des communes. Voyez-vous, nous sommes autant attachés aux communes qu’aux départements et aux régions.
(Même mouvement.) Mais enfin, mesdames les ministres, d’où cela peut-il sortir ? Vous savez bien que l’air est une substance qui ne connaît pas les frontières entre les communes, ni entre les collectivités locales !
Applaudissements sur certaines travées de l'UMP. – MM. Roland Povinelli et Jean-Noël Guérini applaudissent également.
On lit que les communes sont cheffes de file en matière de « mobilité durable » §– nous avons reçu les maires des petites villes ; comment voulez-vous que les communes rurales puissent être cheffes de file en matière d’aviation ou de transports ferroviaires ? – et de « qualité de l’air » ! §
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Le Sénat de la République vous propose donc de dire que les communes ont une responsabilité majeure en matière de services de proximité et de services publics de proximité ; je pense que chacun comprendra cela.
Applaudissements
Mes chers collègues, avec les rapporteurs, nous avons également veillé tout particulièrement au volet consacré aux métropoles. Nous avons refusé l’inflation en la matière, parce qu’il ne faut pas croire qu’un mot résoudrait tout.
Nous avons veillé à faire en sorte qu’il puisse y avoir des dispositions particulières pour Strasbourg, dont le rôle européen est manifeste, pour Lille-Roubaix-Tourcoing – par pudeur, M. le rapporteur n’a pas insisté sur ce point, mais je me permets de le faire –, dont le rôle frontalier est important et dont le rayonnement est très sensible, ainsi que pour Paris, Lyon et Marseille.
Pour Paris, je salue les efforts de Jean-Jacques Filleul, qui a beaucoup parlé de la métropole, et de Claude Dilain. Nous avons voulu, là aussi, des solutions simples et pratiques. Comment demander à des élus qui ont délibéré longuement pour bâtir des intercommunalités de tout refaire quelques mois plus tard ?
C’est impossible.
En outre, il nous paraît tellement nécessaire, comme l’a souligné M. le Premier ministre, de lutter contre ce que j’appellerais les « intercommunalités de confort ». Si vous avez, d’un côté, des villes pauvres avec des villes pauvres et, de l’autre, des villes riches avec des villes riches, c’est le contraire de la solidarité.
Tous nos rapporteurs, et je les salue une nouvelle fois, ont insisté sur la nécessité d’une simplification. Nous avons un problème : le logement. Attaquons-nous à cela en priorité. Il faut donc que tout soit mis en œuvre afin de pouvoir construire tous les logements nécessaires dans cette entité de l’Île-de-France, si chère au cœur de tous les Français.
Nous avons beaucoup discuté de Marseille, d’Aix-en-Provence et des Bouches-du-Rhône. Il y a eu beaucoup de dialogue. Je salue tous les élus qui se sont impliqués. Là encore, il faut reconnaître l’attachement des élus à la commune, cellule de base de la démocratie. Il y a une volonté et une nécessité d’avancer dans la concertation. L’État joue son rôle lorsqu’il dit qu’il faut aller de l’avant. Mais il y a encore du travail à faire pour que l’on puisse se réunir sur ce dossier. Je sais que vous vous êtes beaucoup dépensée à cet égard, madame la ministre. Je sais aussi que le Gouvernement continuera de travailler. J’appelle de mes vœux une initiative du Gouvernement et du Premier ministre, afin de répondre à des attentes qui sont aussi financières. Il faut se donner les moyens de la vaste perspective à laquelle nous aspirons tous, même s’il n’y a pas accord aujourd'hui sur les modalités.
Je tiens à saluer le travail remarquable qui a été accompli par Michel Mercier et Gérard Collomb s’agissant de Lyon. Ce qui est intéressant dans le projet relatif à Lyon, et ce qui eût peut-être aussi été intéressant dans ce qui s’est passé récemment en Alsace, même si cela n’a pas donné le résultat escompté, …
… c’est le fait de croire que, si la loi peut changer les choses, il y a aussi des initiatives locales qui doivent être prises en compte et qui vont changer le paysage.
Je pense à Edmond Hervé, ici présent, qui a été le premier maire de France à prôner l’articulation entre une ville-centre, une agglomération et un pays rennais, ainsi qu’une taxe professionnelle unique, condition pour créer les solidarités. C’est une expérience qui a porté ses fruits.
Je souhaite que l’expérience qui va naître à Lyon et dans le Rhône porte aussi ses fruits, parce que c’est, j’en suis persuadé, l’une des voies du changement.
Mesdames les ministres, si nous faisons un autre texte, nous le faisons bien entendu à partir du vôtre. Et la discussion loyale qui va s’engager nous permettra d’avancer, parce que le Sénat de la République aura dit ce qu’il porte en lui !
Pour finir, je dirai que nous voulons – c’est un point très important pour nous tous – la clarté et la séparation des pouvoirs.
Finalement, ce qui prédomine dans le texte qui nous a été présenté, c’est une certaine confusion des pouvoirs.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Or nous ne voulons pas de la confusion des pouvoirs ! Nous voulons œuvrer ensemble, en disciples de Montesquieu, pour cette séparation et cette clarté des pouvoirs qui fera que la décentralisation continuera d’être une espérance, une condition de l’efficacité pour notre pays. Ce qui compte, ce ne sont pas les formes, mais les objectifs : l’emploi, l’économie, la solidarité, en un mot tout ce qui nous permet de vivre ensemble dans les meilleures conditions les uns avec les autres, l’État et les collectivités, dans la clarté !
Applaudissements
La parole est à Mme la présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission de lois, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, depuis sa création en avril 2009, la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation a élaboré près de vingt-cinq rapports et procédé à de multiples auditions sur un ensemble très divers de thèmes intéressant les collectivités locales, les politiques locales et la décentralisation.
Je veux associer les deux anciens présidents de la délégation, Alain Lambert et Claude Belot, à cet important travail, et rendre hommage à Edmond Hervé, qui a réalisé une synthèse, que nous avons publiée récemment, de l’ensemble du travail de la délégation et de toutes ses propositions. Je remercie René Vandierendonck et Mme la ministre d’avoir montré combien les travaux de la délégation pouvaient enrichir les discussions législatives en cours, comme celles à venir.
La délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation combine à la fois une visée stratégique et un regard concret, car nous sommes tous les élus de territoire.
Dans son champ de compétences, la délégation articule les tendances longues de la décentralisation et les besoins actuels des collectivités. D’où le pragmatisme et la technicité de ses débats, le caractère concret de ses propositions et le caractère généralement consensuel de ses conclusions – ce qui est bien sûr très important.
Je soulignerai quelques lignes de force à prendre en compte dans le débat sur le projet de loi.
Le premier point est la prégnance des questions de gouvernance.
La décentralisation reste une création en développement à la croisée de l’évolution de l’État unitaire et du besoin de plus en plus accentué de politiques de proximité. Actuellement, les questions les plus sensibles ne tournent plus autour des transferts de compétences, même si les problèmes liés au financement des compétences transférées restent cruciaux. Ce qui est essentiel, en l’état actuel de la décentralisation, c’est la clarification des compétences – ce point a déjà été évoqué – et la coordination des acteurs.
La délégation a toujours mis l’accent sur ces deux lignes directrices. Il est justifié, dans ces conditions, d’avoir le débat que nous avons aujourd’hui sur la décentralisation et l’action publique, la notion d’action publique prenant ici tout son sens.
Le deuxième point, qui me paraît très important, est la diversité des cultures territoriales.
L’un des faits les plus régulièrement constatés dans les débats de la délégation est la diversité des cultures territoriales et la demande du respect de ces dernières : ce qui est bon pour la Bretagne ne fonctionne pas nécessairement en région Centre ;…
… ce qui est acquis à Lyon ne peut pas être appliqué tel quel à Marseille. Je pourrais multiplier les exemples.
Dès lors, pragmatisme et souplesse sont les maîtres mots de notre délégation : il ne faut pas enfermer les collectivités dans des schémas susceptibles de rester lettre morte en raison de la diversité des réalités locales, il faut « faire confiance à l’intelligence territoriale ». En d’autres termes, il est nécessaire de mettre des outils à la disposition des collectivités et leur laisser le soin de se saisir de ceux qui correspondent à leurs besoins.
Le troisième point est, bien sûr, la légitimité de l’ensemble des collectivités territoriales.
Tous les niveaux de collectivités possèdent, à l’heure actuelle, une incontournable légitimité. Chacune, dans son champ d’action privilégié, bénéficie d’une pertinence qu’il serait vain de mettre en cause en fonction de modèles étrangers non transposables ou de concepts technocratiques impraticables.
On ne peut pas faire progresser la décentralisation et résoudre les problèmes du moment sans respecter toutes les collectivités, à commencer par les communes, échelon de base de la démocratie française.
Mlle Sophie Joissains et M. Roland Povinelli applaudissent.
Pour autant, il appartient au législateur de préparer les évolutions à long terme de l’organisation territoriale, notamment en consolidant les intercommunalités et en permettant la création de collectivités territoriales nouvelles là où le besoin s’en manifeste ; nous voyons d’ailleurs apparaître des communes nouvelles. C’est pourquoi la création de la métropole lyonnaise en tant que collectivité territoriale constitue une initiative emblématique, d’autant qu’elle simplifie le paysage.
Le quatrième point, qui a été cité fréquemment par les orateurs précédents, est l’évolution profonde des dynamiques territoriales.
L’économie de notre pays, qui traverse une phase très difficile, est de surcroît en pleine recomposition territoriale. Le fait urbain est une réalité et il apparaît comme la figure centrale de l’économie. L’organisation administrative doit en tenir compte, mais sans que cela aboutisse à complexifier les compétences, et sans dénier aux instances existantes leur légitimité et leur pertinence. Cette quadrature du cercle appelle une certaine différenciation du cadre juridique applicable aux collectivités territoriales, et justifie l’approche pragmatique et diversifiée du projet de loi en ce qui concerne les métropoles.
Le cinquième point est la permanence d’un développement territorial équilibré.
La pérennité des différentes composantes de la ruralité – je dis bien « des différentes composantes de la ruralité », car on ne fera plus croire à personne qu’il y a une ruralité et une urbanité
Très bien ! au banc des commissions.
; ceux qui ne cessent de vouloir opposer la ruralité et l’urbanité sont, passez-moi l’expression, « à côté de la plaque » !
Très bien ! et applaudissements au même banc.
Comme il a été dit à plusieurs reprises, toute démarche législative qui ne prendrait pas à un moment ou à un autre du débat le soin de veiller à ce que les ruralités soient respectées, considérées comme des territoires à part entière, complémentaires des zones plus urbaines – ne sont-elles pas des chances pour l’urbanité ? Évidemment la réciproque est aussi vraie puisque les ruralités ne peuvent pas vivre sans l’urbanité – serait un échec. Je sais que les prochains textes que nous examinerons traiteront de tous ces aspects. Il est néanmoins important de rappeler ici cette vérité première.
Les propositions adoptées par notre délégation, depuis sa création, sont largement présentes dans le texte que nous examinons aujourd’hui.
J’insisterai simplement sur quelques principes : la non-tutelle d’une collectivité sur une autre ; la mise en œuvre dynamique de la notion de chef de file ; la mise en place d’une procédure de constat de carence en cas d’inertie de la collectivité habilitée à exercer une compétence obligatoire ; la gestion coordonnée des compétences partagées au sein de conférences territoriales regroupant les représentants de l’ensemble des catégories de collectivités ou des catégories de groupements de collectivités concernées.
S’agissant de l’intercommunalité et de l’organisation territoriale, la délégation s’est prononcée en faveur d’incitations tendant à faire de l’intercommunalité l’échelle privilégiée pour l’aménagement opérationnel et pour l’administration du droit des sols, notamment par la mise en place de services d’instruction mutualisée des autorisations d’urbanisme pour le compte des communes.
Elle s’est également prononcée en faveur d’incitations tendant à encourager la vision de l’urbanisme à l’échelle intercommunale, le maire conservant dans tous les cas la signature des permis de construire.
Par ailleurs, la délégation s’est prononcée en faveur d’un réexamen des critères de création des métropoles en fonction de l’objectif d’organiser le fait métropolitain autour de convergences économiques et structurelles, et pas seulement démographiques.
Qu’il me soit permis, à ce point du débat, de souligner que l’on n’a pas assez mesuré les effets importants de la sémantique. On a peut-être trop parlé de « métropoles » pour des réalités différentes
M. Ronan Dantec opine.
Par souci de différenciation, j’ai proposé d’appeler « communautés métropolitaines » les métropoles d’équilibre à l’intérieur du territoire. §Cela éviterait de véhiculer l’idée fausse que ce texte aurait pour ambition de créer des grosses villes partout, au détriment de la campagne. Selon moi, la sémantique et la pédagogie, en politique, revêtent une importance considérable.
Avant de conclure, je veux dire que nous ne devons pas oublier les filières de la fonction publique territoriale.
Sans elle, l’action n’est pas possible. Nous devrons donc veiller, à un moment où à un autre des textes, à une meilleure fluidité entre les filières.
La délégation est également favorable, sur le principe, à l’intensification de la portée des dispositifs de péréquation. Mon collègue sénateur de l’Indre-et-Loire et maire de Tours a bien exposé tout à l’heure les problèmes financiers.
En tant que présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, il me reste à préciser que l’immense travail accompli par cette délégation, ainsi que celui qui est réalisé par la commission des lois, me donne l’espoir que le texte résultant de cette première lecture au Sénat sera « construit » et aura, tout en respectant les grandes lignes fixées par le Gouvernement, sa propre originalité, voire sa propre nature, sa propre essence, sa propre « couleur ».
Je le rappelle à un certain nombre d’entre vous, mes chers collègues, ce projet de loi se situe aussi dans le prolongement de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, qui initiait déjà les métropoles et les intercommunalités, aspect du texte qui avait rencontré une quasi-unanimité ; c’est l’autre versant, dont je ne parle plus, bien sûr, qui posait problème.
Il importe donc que le Sénat, représentant des collectivités territoriales, produise un texte à la fin de la première lecture de ce projet de loi – c'est ce qu’attendent les élus locaux –, car le bicamérisme doit toujours être une réalité tangible. §
Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous ne pouvons commencer l’examen de ce texte sans regretter les conditions de sa rédaction et les modalités de son étude par la Haute Assemblée. Nous y reviendrons plus en détail lors de l’examen de la motion de renvoi en commission que nous avons déposée et qui sera défendue par la présidente de notre groupe, Éliane Assassi.
Cependant, force est de constater que les ambitions et la méthode employée par le Gouvernement se situent bien loin de la nouvelle étape de décentralisation qu’attendent nos concitoyens et les centaines de milliers d’élus locaux.
Et pourtant l’expérience de la réforme de 2010, qui traduisait la volonté du Président de la République de l’époque et de la majorité de droite de mettre au pas les collectivités locales, aurait dû vous alerter. Car chacun se souvient ici combien cette mauvaise réforme a pesé dans le basculement à gauche du Sénat.
Mes chers collègues, qu’il semble loin le temps où notre assemblée décidait il y a presque deux ans d’engager les états généraux de la démocratie territoriale !
L’ensemble des groupes avait alors décidé de soutenir la proposition du président du Sénat, Jean-Pierre Bel, de préparer une réforme en se tournant résolument vers les élus locaux pour qu’ils expriment leurs besoins et leurs attentes. En confiance, 20 000 d’entre eux répondirent ainsi à notre questionnaire et des dizaines d’associations et de syndicats nous firent parvenir des contributions.
Puis, après l’élection présidentielle et le changement de majorité qui s’ensuivit, chacun d’entre nous se souvient des rencontres départementales que nous avions organisées et pendant lesquelles les prises de parole furent libres et exigeantes.
Enfin, plusieurs centaines d’élus locaux participèrent aux ateliers et à la séance plénière à Paris.
Tous ont exprimé leur désarroi devant les réformes entreprises, les contraintes réglementaires de toutes sortes, le manque de moyens freinant leurs initiatives.
Tous ont demandé le respect de chaque niveau de collectivité, un statut de l’élu local, un cadre rénové précisant les missions de chacun pour améliorer les coopérations nécessaires aux développements de leurs actions, pour que les intercommunalités restent des outils entre les mains des communes, et ne soient donc pas des instruments d’intégration visant à leur disparition.
Ouverts à l’éventualité de nouveaux transferts de compétences, tous ont insisté sur la nécessité d’opérer une stabilisation globale.
Enfin, tous se sont mis d’accord pour affirmer le rôle primordial de nos communes dans la vie sociale et politique de la République et la nécessité d’une nouvelle étape de décentralisation centrée sur les droits et libertés locales, comme cela avait été le cas avec les premières lois de décentralisation en 1982, tout en attendant une présence forte de l’État à leurs côtés pour assurer la cohérence d’ensemble et l’égalité entre les territoires et les citoyens qui y vivent.
Tous ont manifesté le souci d’un développement équilibré de nos territoires.
Malheureusement, madame la ministre, force est de le constater, le texte que vous soumettez à notre examen est éloigné de ces préoccupations, de ces attentes clairement exprimées.
C'est non pas de décentralisation dont il est ici question, mais, au contraire, de déstabilisation de nos administrations locales, d’effacement des communes et des départements au profit des régions, des intercommunalités et des métropoles, comme l’avait suggéré la commission Balladur et comme avait commencé à le faire la réforme de décembre 2010.
Nous nous sommes toujours opposés à une telle perspective, nul ne sera étonné de notre désaccord aujourd’hui. Certes, le projet de loi que vous nous présentez, madame la ministre, ne porte pas sur l’ensemble des mesures que vous comptez mettre en œuvre. En effet, devant l’ampleur des mécontentements, vous avez préféré scinder votre texte en trois plutôt que de revoir votre copie. Cependant, les deux autres projets de loi ont été déposés, et nul ne peut ignorer leur contenu.
Aujourd’hui, vous nous proposez donc un texte partiel, à la cohérence imparfaite, si ce n’est qu’il couvre finalement les aspects les plus centralisateurs de vos propositions, celles qui doivent sans doute répondre à des exigences venues d’ailleurs. Je pense aux fameuses réformes de structure que vous vous êtes engagée auprès de l’Europe à mettre en œuvre afin de réduire encore la dépense publique.
Plutôt que de partir logiquement de la commune pour éventuellement adapter l’architecture des structures locales et de leurs relations, de commencer en fait par les fondations, vous avez préféré partir d’en haut, du toit, pour imposer votre vision. De cette façon, même si vous n’arriviez pas à faire adopter les autres mesures contenues dans les deux textes suivants, l’essentiel serait assuré.
Ainsi, vous avez décidé d’instaurer une conférence territoriale de l’action publique, placée sous l’égide de la région et vous proposez qu’elle soit chargée de régenter l’ensemble des politiques publiques mises en œuvre au niveau départemental et communal, par le biais des pactes de gouvernance et autres schémas sectoriels.
On le voit, c’est la porte ouverte aux transferts à la carte entre l’État et les régions, en prenant le risque de mettre à mal l’unicité de la République.
En concentrant ainsi tous les pouvoirs en un seul lieu, vous mettez fin aux principes constitutionnels de libre administration des collectivités territoriales §et de non-tutelle d’une collectivité sur une autre.
Certes, le texte de la commission, et nous nous en félicitons, a remis en cause cette conférence territoriale, la libre coordination en son sein des politiques publiques avec l’État et le pacte de gouvernance.
Cependant, les conférences territoriales ont été maintenues alors qu’elles n’ont plus lieu d’être, si ce n’est pour pouvoir par la suite développer leurs missions. On le voit bien, ce sont les premiers pions avancés, anticipant des évolutions futures.
Il existe dans notre droit des conférences des exécutifs qu’il suffirait de démocratiser et de développer, y compris au niveau départemental, pour en faire des lieux de coopération et d’harmonisation des politiques locales. Mais, à vos yeux, leur tort est sans doute qu’elles respectent trop les collectivités territoriales qui les composent et, surtout, qu’elles ne peuvent rien imposer d’en haut.
Car c’est cette volonté de pilotage unique qui semble vous animer en permanence, à la différence d’une véritable visée décentralisatrice qui s’attacherait au contraire à rechercher le développement des coopérations.
En atteste la conception du chef de filat que le texte de la commission maintient et qui s’apparente davantage à une compétence exclusive attribuée à un niveau de collectivités. Cette compétence pourra être mise en œuvre avec d’autres, mais sera pilotée par une seule. Je ne suis pas sûr que cette conception du chef de filat soit la même que celle qui a été portée par M. le rapporteur. Voilà donc l’essentiel de l’ambition de ce texte : concentrer les pouvoir locaux et hélas ! les éloigner des citoyens.
C’est on ne peut plus clair avec l’affirmation des métropoles dans notre paysage institutionnel local.
Dans ces vastes territoires urbains, madame la ministre, votre projet prépare la fusion des communes et des départements par le transfert programmé de l’essentiel de leurs compétences à des structures administratives éloignées des citoyens et véritables monstres technocratiques.
Une telle concentration de pouvoirs ferait de ces territoires des lieux dérogatoires à plus d’un titre, risquant de mettre à mal l’unité nationale.
Si la commission n’était pas revenue sur le seuil de leur création, ces territoires métropolitains auraient pu absorber 5 000 communes et concerneraient près de 30 millions d’habitants. C’est dire l’enjeu de leur création, qui risque de modifier en profondeur notre paysage institutionnel.
Si l’urbanisation de nos territoires et la métropolisation de certains constituent des phénomènes incontestables, faut-il pour autant les accélérer et bouleverser l’ordonnancement des collectivités territoriales de la République ?
Il y aura alors, ne nous le cachons pas, contradiction entre ces phénomènes portés par la mondialisation financière de notre économie et notre action publique en faveur d’un développement équilibré du territoire national.
En effet, ces territoires métropolisés sont appelés, pour se développer, à agir comme de véritables trous noirs absorbant l’essentiel de l’énergie des capacités de développement autour d’eux. Doit-on encore accélérer ce mouvement ? §
C’est prendre le risque d’une France des territoires à plusieurs vitesses, avec des territoires métropolitains où se concentreraient l’essentiel de la richesse et tous les autres, qui devraient se contenter des miettes.
Dans le même temps, au sein même de ces territoires métropolitains, nous craignons le développement d’inégalités sociales et territoriales dangereuses pour la cohésion sociale. Ce sont des phénomènes que nous pouvons observer partout dans le monde.
Dans le même esprit, doit-on accompagner les phénomènes de métropolisation en imposant une nouvelle carte administrative pour un pilotage central de ces nouveaux territoires ?
Doit-on favoriser, par la présidentialisation renforcée des exécutifs locaux, la constitution de ce qu’on pourrait appeler de nouvelles baronnies locales, détenues par des élus au quatrième niveau ? §
Nous ne le pensons pas. On ne construit pas l’avenir en niant son histoire ; on ne construit pas du collectif en niant l’individualité.
Or la France des territoires, celle de la décentralisation, repose sur la cohérence de l’action conjointe des communes, des départements et des régions, dans un équilibre qui, reconnaissons-le, a permis à la démocratie locale de progresser ces trente dernières années et aux services publics locaux d’apporter à nos concitoyens une écoute, une protection et une capacité d’innovation auxquelles ils sont aujourd’hui très attachés. Ce sont, à nos yeux, de véritables atouts. Pourquoi vouloir aujourd’hui fragiliser cela ?
Pourquoi vouloir éloigner les citoyens des lieux de décision, alors que la demande sociale est à plus de proximité et de transparence ?
Pourquoi vouloir privilégier la technocratie au détriment des services publics locaux ? §
Notre conception du développement national, plaçant l’humain au centre de nos préoccupations, est fort éloignée de ce que vous nous proposez avec ce projet de loi et reste tout aussi distante du texte de la commission qui, s’agissant des métropoles, ne vise qu’à ralentir le processus, et non à le remettre en cause comme nous le souhaiterions.
Par ailleurs, comme votre propre texte, madame la ministre, celui de la commission n’apporte rien en termes de renforcement de la démocratie locale.
Finalement, votre réforme annoncée comme étant l’acte III de la décentralisation ne constitue aujourd’hui qu’un nouvel acte de concentration des pouvoirs ! Elle ne répond pas aux besoins pour un développement harmonieux de nos territoires, auxquels nous restons tous très attachés.
Et pourtant, il faut le dire, le statu quo ne peut être de mise : oui, nous avons besoin d’une nouvelle étape de décentralisation !
Ce nouvel âge de la décentralisation que nous appelons de nos vœux doit répondre à trois enjeux majeurs.
D’abord, celui de développer la démocratie locale en donnant plus de place aux citoyens dans la délibération collective de proximité.
Pour y parvenir, il faut d’urgence un statut de l’élu qui permette au plus grand nombre d’exercer des responsabilités électives – et je pense tout particulièrement aux salariées.
Il faut donc inscrire de nouveaux droits dans le code du travail et créer les conditions d’un véritable retour à l’emploi, il faut, dans le même temps, limiter le cumul des mandats, y compris local, en nombre et en durée. Il faut aussi donner davantage de place aux élus en déprésidentialisant les exécutifs locaux et en renforçant le rôle des élus, de la majorité comme de l’opposition, au sein des assemblées délibérantes.
Dans le même mouvement, il faut créer et institutionnaliser la concertation et la consultation régulière des habitants eux-mêmes.
En outre, et c'est un engagement qu’il aurait fallu tenir, il faut donner le droit de vote à tous les résidents. §
Il faut aussi augmenter le pouvoir d’intervention des assemblées délibérantes locales pour renforcer leur capacité à répondre aux besoins et aux attentes des habitants.
Pour y parvenir, chacune doit disposer de la compétence dite générale, lui permettant d’intervenir dans le cadre des intérêts du territoire et des habitants qu’elle représente. Aussi, nous entendons privilégier le développement de coopérations volontaires de projets, dans le cadre d’une confiance renforcée dans l’intelligence locale, sous contrôle d’une démocratie locale revivifiée.
Il faut ainsi respecter chaque niveau de collectivités, sans en ajouter de nouveau, en créant les conditions de leur coopération régulière, en institutionnalisant leurs relations, mais en les fondant toujours sur le volontariat.
Mlle Sophie Joissains applaudit.
Enfin, pour que toutes ces mesures ne soient pas un jeu de dupes, il faut évidemment doter les collectivités territoriales des capacités financières leur permettant d’intervenir pour répondre aux besoins et assurer la sauvegarde de leur territoire.
Cette autonomie financière est intimement liée à une réelle autonomie fiscale, pour permettre, aux élus, de lever les impôts au regard des besoins et, aux citoyens, de mesurer l’impôt qu’ils versent au regard des services que la communauté leur rend. C’est un véritable enjeu démocratique.
Ces perspectives de réforme que nous portons, profondément décentralisatrices, citoyennes et sociales, permettent de mesurer ce qui nous sépare encore de votre texte et de ceux qui suivent.
Alors que notre monde se développe de plus en plus sous la forme de réseaux collaboratifs et que notre société recherche les coopérations multiples, la construction qui nous est proposée, hiérarchisée, fondée sur un pouvoir concentré entre quelques mains, est finalement profondément archaïque. Nous portons une tout autre vision.
Nous regrettons que les conditions de mise en place de cette réforme ne nous aient pas permis de travailler plus sérieusement avec le Gouvernement pour parvenir à une vision partagée, décentralisatrice et progressiste, plus conforme aux combats menés par la gauche depuis des décennies.
Au cours de nos débats – si débats il devait y avoir –, nous défendrons des amendements constructifs offrant une alternative à vos propositions et une série d’amendements de repli pour essayer de corriger quelques oublis ou anomalies.
Il va de soi que l’adoption de nos amendements de contre-proposition serait, seule, de nature à nous faire adopter ce texte.
Nous comptons sur la sagesse des membres de la Haute Assemblée, représentant les collectivités locales de la République, pour modifier profondément ce texte qui, malgré les avancées réalisées par la commission des lois, est, en l’état actuel, encore bien trop éloigné des intérêts de nos collectivités.
Nous voulons promouvoir un tout autre acte décentralisateur, et c’est dans cet esprit que nous abordons ce débat essentiel pour la démocratie locale.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées de l’UMP.
M. Michel Mercier . Monsieur le président, mes chers collègues, je voudrais d’abord souhaiter bon courage à Mmes les ministres
Sourires.
En effet, dans notre pays, la rénovation de nos institutions locales et leur adaptation aux réalités présentes est un chantier permanent, toujours extrêmement difficile à conduire, et ce non pas pour une question d’égoïsme ou d’attachement à des mandats ou à des positions, comme on le dit trop souvent, mais pour des raisons bien plus profondes : les Français et les Françaises sont viscéralement attachés à leurs institutions locales et à leurs communautés locales ; leurs existences sont, pour ainsi dire, consubstantielles. Changer ces institutions, c'est en quelque sorte changer ses tripes !
Lorsque l’on veut toucher à l’organisation des collectivités locales, le problème n’est donc pas celui du refus du changement, mais celui de l’adaptation nécessaire de sa propre identité.
Il faut donc beaucoup de courage, et de ténacité, aussi. Il faut encore savoir que l’on n’arrive jamais là où on le voulait. Mais il convient aussi, toujours, de restituer la nécessaire rénovation de nos institutions locales dans le temps et de regarder ainsi les quelques pas qui peuvent être faits. Ce texte, avec les deux suivants, vous conduira à un port que personne ne connaît encore.
Je comprends que tout faire figurer dans le même texte serait revenu à le tuer. Vous avez fait le partage que vous avez pu et c'est à nous de replacer ce projet de loi dans la perspective des trois épisodes que nous vivrons.
J’ai moi-même eu l’occasion de défendre un texte – ce n’était pas très facile – et l’on est parvenu à un résultat qui était très mauvais pour les uns, pas si mauvais que cela pour d’autres. Je vois aujourd'hui qu’il en reste quelque chose. Ce texte-là a donc permis de progresser d’un pas. Nous allons essayer d’en faire de nouveaux.
Je voudrais dire quelques mots du cadre général, puis vous parler – vous le comprendrez – de ce que nous proposons, le maire de Lyon, Gérard Collomb, et moi-même et peut-être avec votre soutien, pour Lyon.
Je remercie le président et le rapporteur la commission des lois du Sénat d’avoir su faire en sorte que nous nous sentions à l’aise pour travailler, donner nos avis et, ce faisant, avancer. Mais je leur sais surtout gré d’avoir affirmé des idées simples, permanentes, pratiques et concrètes dont, en premier lieu, celle de liberté.
Et la liberté ne va jamais sans la responsabilité. Quand on est élu local, on se sent libre de prendre telle ou telle position, mais on la prend en responsabilité, c’est-à-dire avec la responsabilité de tous ceux qui nous ont élus et qui attendent des résultats de notre part.
Je me félicite de la position que la commission des lois a adoptée sur le titre Ier du texte ; en effet, c'est la liberté qui en sort gagnante, avec son corollaire, la responsabilité des élus locaux. C'est à eux de faire et, selon les cas, ils feront, ou ne feront pas ! Nous n’avons pas d’autre maître que le suffrage universel qui, à un moment donné, nous dit si nous avons eu raison, ou si nous n’avons pas fait ce qu’il fallait…
Vous avez également affirmé la prééminence de la méthode conventionnelle, c'est-à-dire celle de l’accord local. Nous n’allons pas vous dire le contraire ! C'est parce que nous avons passé un accord local que, pour notre part, nous pourrons essayer d’avancer.
Vous avez dit des choses toutes simples, par exemple, qu’il n’y a pas de collectivité supérieure à une autre. C'est vrai, et il faut toujours rappeler que chacune de ces collectivités a son utilité et que la commune a un rôle particulier à jouer.
Il est impératif de sortir de l’opposition, à la fois stérile et infondée, entre le rural et l’urbain. Dans un pays comme le nôtre, selon le jour ou la semaine, on passe de l’un à l’autre – ou l’on est l’un et l’autre – si bien que l’on ne peut opposer ces deux mondes, qui ont besoin l’un de l’autre ! La ruralité se développe si les villes vont bien. Et les villes ont besoin d’un espace rural qui soit capable de leur apporter, à tout le moins, des territoires de développement.
Bien entendu, vous avez choisi, pour ce premier texte, d’affirmer le fait métropolitain et d’essayer de l’organiser. Nous en sommes d’accord, mais veillons tout de même à ne pas galvauder le terme de métropole.
On ne peut pas tout appeler métropole, sauf à s’exposer au même problème que celui des chefs-lieux de canton avec leurs bureaux de poste ! Si toute ville veut demain être une métropole, honnêtement, cela peut faire plaisir, mais cela n’a aucun sens. Quelques métropoles jouent des rôles particuliers, exercent des fonctions particulières – il s’en trouve peut-être cinq ou six en France –, mais on ne saurait les multiplier à l’envi.
Comment ce texte peut-il s’appliquer à Lyon ? Lorsque Gérard Collomb et moi vous avons proposé, mesdames les ministres, d’aller vers l’instauration d’une métropole à Lyon – la Métropole de Lyon –, cela correspondait, pour moi, à une volonté déjà ancienne, que j’avais manifestée à plusieurs reprises. Nous pouvions donc nous rejoindre sur ce point.
Nous sommes assez différents pour nous entendre. D’ailleurs, pour s’entendre, pour dialoguer, il faut être différent : si l’on est pareil, on peut monologuer, mais cela ne revient pas au même…
Sur ce point, nous avons donc fait les efforts nécessaires pour nous entendre. C'est une bonne chose, et nos concitoyens n’attendent rien d’autre de nous. Que l’on ait des différences, oui ! Mais que l’on soit prévoyant et capable d’organiser l’avenir.
C'est ainsi qu’aujourd'hui nous vous demandons, certes, de nous laisser faire, mais en nous guidant, en nous orientant, en veillant à éviter les chausse-trapes ou les oublis.
Alors oui, c'est un projet formidable que de construire cette métropole. D'abord, elle existe déjà ! Ce n’est pas nous qui allons la construire… Lyon, depuis longtemps, est une très grande ville, une ville autonome. Peut-être a-t-elle toujours secrètement regretté que la capitale soit Paris – il fait tellement meilleur chez nous que l’on voit bien que la capitale pourrait être ailleurs ! §–, mais elle ne l’est pas devenue, pour toutes sortes de raisons historiques.
Nous avons aussi une habitude : nous ne demandons rien à la capitale.
Pour le moindre projet, on voit les uns obtenir trente millions d’euros, les autres quinze millions d’euros… Quant à nous, parce que nous nous sommes déjà mis d’accord, nous vous servons une métropole toute faite, et nous n’aurons rien ; d’ailleurs, nous ne demandons rien !
Nous savons très bien que ce ne sont pas les quelques millions que l’on obtiendrait qui nous rendraient meilleurs, ou plus forts.
Simplement, nous ne nous donnons pas pour modèle.
Aujourd'hui, la République peut s’appuyer sur la diversité. En définitive, le véritable ennemi de l’unité de la République, c'est l’uniformité. On peut avoir une belle, une grande métropole à Lyon, un projet extraordinaire, sans pour autant l’imposer aux autres.
Applaudissements au banc des commissions.
Tout reste à faire, et c'est ce qui est formidable.
Pour la communauté urbaine, prendre la place du département n'est cependant pas une victoire. En réalité, c'est un énorme boulot qui incombera aux élus de cette communauté urbaine…
Alors qu’ils ont une culture faite de projets, notamment de projets d’urbanisme, ils devront désormais s’occuper des plus pauvres, des exclus. Voilà qui requiert une nouvelle culture, mais c'est cela qui est intéressant.
Évidemment, on essayera de faire au mieux.
Il reste cependant encore quelques points – de tout petits – qui ne vont pas. Par exemple, s’agissant des transferts financiers, vous nous dites que les ressources doivent assurer, le moment venu, la compensation intégrale des charges transférées. Quel beau programme, mesdames les ministres !
On va donc transférer le RSA – le revenu de solidarité active – et la ressource affectée, sachant que celle qui nous vient de l’État ne couvre que 27 % de la charge. J’interroge le directeur général des collectivités locales : où trouve-t-on le reste ? Dans notre projet politique, et pas dans le texte… C'est bien entendu la même chose pour toutes les compétences sociales que l’on transfère.
Ainsi, le principe d’une compensation des transferts de compétence qui est écrit dans le texte ne correspond pas à la réalité, car il n’y a pas les recettes qui vont avec.
Cher collègue, vous connaissez les règles : vous avez dépassé votre temps de parole.
Il me suffira de m’inscrire dans un débat et de ne pas intervenir !
Je veux terminer sur notre SDIS, le service départemental d'incendie et de secours, qui marche bien et qui doit continuer ainsi ; n’allons surtout pas le casser. J’observe simplement que les communes de la métropole n’ont jamais été membres du SDIS en tant que telles, parce que c’est la communauté urbaine qui exerce cette compétence. Jamais les communes de la métropole n’ont versé de taxe au SDIS, parce que c'est la communauté urbaine qui paye. Or, à l’article 25, alinéa 38, vous voulez les faire payer. Quel vilain cadeau pour saluer l’avènement de la Métropole de Lyon !
Alors oui, ce projet est formidable. Oui, j'ai envie de voter votre texte. Alors aidez-nous à le voter !
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi qu’au banc des commissions.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je tenais à rendre hommage au rapporteur de la commission des lois, qui a fait un travail d’« honnête homme », au meilleur sens du terme.
Chers collègues, sommes-nous toujours dans le pays de Descartes ? La Ve république est-elle celle de la raison ?
In limine, en abordant la discussion de ce texte, je voudrais dire que deux vers de Boileau me sont venus régulièrement à l’esprit : « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement » et « Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage ».
Sourires.
Remis le 5 mars 2009, le rapport Balladur avait pour titre : Il est temps de décider. Nous sommes à la mi-2013, une alternance s’est produite et, si une chose me paraît claire, c’est que citoyens et élus locaux sont encore plus qu’hier plongés dans un abîme d’incompréhension et d’indifférence toujours plus grand face à la complexité de notre organisation territoriale, une organisation dont personne ne peut sérieusement soutenir qu’elle est devenue plus performante et rationnelle ces dernières années.
Existe-t-il une vision d’ensemble de la modernisation de l’action publique territoriale ? J’en doute.
Moderniser, cela doit signifier rendre les institutions plus efficaces au meilleur coût pour les contribuables tout en assurant, comme le disait le président de la commission des lois, Jean-Pierre Sueur, une meilleure solidarité entre les territoires. Il faut donc plus de simplicité et une compréhension facilitée pour nos concitoyens.
Est-ce le cas quand on commence par s’abstenir de définir un cadre global d’action avant de décliner ensuite les différents volets ? C’est bien de consulter toutes les associations d’élus, mais les ministres successifs le font depuis longtemps et l’on connaît, depuis tout aussi longtemps, les positions respectables mais figées de ces associations. Madame la ministre, s’il s’agit d’un projet de loi, au Gouvernement d’assumer ses responsabilités comme le firent, en 1982, Pierre Mauroy, Premier ministre, et Gaston Deferre, ministre de l’intérieur et de la décentralisation !
Comment peut-on avancer rationnellement et avec bon sens quand, un jour, un texte est examiné qui traite des ressources financières, que, plusieurs années plus tard, vient en discussion un autre texte traitant cette fois des transferts de compétences entre l’État et les collectivités et qu’un autre texte, après ou avant, est relatif aux compétences de chaque strate territoriale ou à la définition de ces strates ?
On arrive même à cette absurdité que, sur le même objet, trois textes différents peuvent être en navette entre le Sénat et l’Assemblée nationale, comme c’est le cas en ce moment.
Je prendrai un autre exemple : le fameux « binôme », successeur du non moins illustre « conseiller territorial », exige un redécoupage cantonal qui sera le plus souvent déconnecté des intercommunalités, dont la carte n’a pas été suffisamment rationalisée.
Il est très difficile, certes, de modifier l’organisation territoriale. Difficile, car il s’agit d’un meccano très complexe dont les pièces sont indissociables : définition et structure des collectivités locales, répartition et harmonisation de leurs compétences et, fondamentalement, ressources financières.
Les articles de la Constitution relatifs aux collectivités seraient-ils gravés définitivement dans le marbre ?
Considérons que c’est le cas en l’état, puisque, à supposer qu’il existe un projet, réunir une majorité de trois cinquièmes est un exercice plus que délicat. Il faut donc impérativement s’inscrire dans l’interdiction de la tutelle d’une collectivité sur une autre, dans l’existence constitutionnelle des communes, des départements et des régions, dans la notion de libre administration et, telle qu’elle figure dans le cinquième paragraphe de l’article 72 de la Constitution, dans celle de concours de plusieurs collectivités pour l’exercice d’une compétence. Quant à la fin de ce paragraphe, quelque peu floue, est à l’origine de l’exégèse sur la définition du « chef de file », résultante d’une formulation transactionnelle qui aurait plu au défunt président Edgar Faure.
Les quatre principes dégagés par le Président de la République peuvent nous convenir : clarté entre l’État et les collectivités et entre les collectivités elles-mêmes dans l’exercice de leurs compétences, confiance entre les partenaires de l’action publique, cohérence pour conforter la logique des blocs de compétence et démocratie.
Le problème, c’est la déclinaison de ces excellents principes. Qu’attendons-nous, nous ? Un ciselage de la décentralisation ! Il est encore des morceaux de compétence partagés entre certains services de l’État et les collectivités. Il convient de finir le travail et donc d’achever certains transferts. En sens inverse, la question des services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, mérite aussi d’être réexaminée. Il faut également avancer sur la question de la compensation du coût des transferts de compétences.
Nous voulons, nous, une simplification dans tous les domaines. Les états généraux ont mis en évidence la question des normes : trop de lois, de règlements, de contraintes administratives, de blocages, d’enterrement de projets, et, au bout du compte, la lassitude des élus.
S’agissant de l’architecture territoriale, comment les citoyens et même nombre d’élus peuvent-ils aujourd’hui s’y retrouver entre communes, intercommunalités, syndicats mixtes, sociétés d’économie mixte, sociétés publiques locales, cantons, arrondissements, pays, départements, régions ?
Au nom de la démocratie et de la pseudo-concertation, on veut multiplier les schémas, les conférences, les comités de pilotage, les hauts conseils, dans tous les domaines. Le comble, d’ailleurs, serait l’instauration d’un haut conseil des territoires : que deviendrait notre Sénat ?
Arrêtez cette inflation pseudo-démocratique, madame la ministre ! Nous sommes en désaccord profond avec vous sur la question des cumuls : vous voulez le non-cumul des mandats pour les parlementaires et affichez votre volonté de maintenir les cumuls horizontaux. Toutefois, à force de multiplier les organismes de réflexion, de concertation, à force d’absence de décision, je comprends qu’avec le non-cumul horizontal il nous faudra plus d’élus qu’il n’y a d’électeurs et donc encore plus de professionnels de la politique !
Oui, nous attendons une simplification et une clarification des compétences. Oui, nous devons faciliter les fusions de collectivités à tous les niveaux, c’est le bon sens, cher collègue François Patriat ; oui à de plus grandes et plus fortes régions. Mais n’oublions pas que le succès de la loi Chevènement sur l’intercommunalité a largement reposé sur des enveloppes de dotation globale de fonctionnement...
… et que cela est plus difficile à mettre en œuvre en période de vaches maigres.
M. Jacques Mézard. Madame la ministre, votre projet de loi suit depuis l’origine un parcours chaotique. Il inaugure le système de la scissiparité législative
Sourires.
Vous annonciez, le 25 septembre dernier : « Nous voulons un seul texte de loi. Il est écrit, il est prêt. Son but : organiser le qui fait quoi ? ». Nous connaissons la suite et le parcours du combattant qu’a connu ce texte. Nous avons entendu, début mars, le Président Hollande faire confiance au Sénat pour apporter à ce texte tous les aménagements nécessaires, pour bien répartir les compétences, définir les chefs de file, faire émerger les métropoles.
Le Sénat a réécrit le texte ; je salue le travail du rapporteur et du président de la commission des lois. En fait, ce texte est devenu un projet de loi sénatorial. §C’est une originalité. Le restera-t-il ? Sachez que nous sommes prêts, madame la ministre, à faire la même chose sur le non-cumul.
Nous considérons que le Sénat a amélioré le texte initial.
Pour ce qui est des métropoles, et j’en termine rapidement, monsieur le président, il est évident que Paris, Lyon et Marseille justifient que le fait métropolitain soit conforté. À cet égard, la présence ce matin des maires de Lyon et de Marseille dans l’hémicycle témoigne de l’importance du cumul. Ces métropoles sont indispensables au développement de tous les territoires, de par leur rayonnement national et européen et leur capacité à jouer un rôle moteur.
En revanche, comme Michel Mercier, nous sommes réservés quant à la multiplication des métropoles sur tout le territoire. Ce serait d’ailleurs une curieuse façon de procéder à l’évaporation du département.
Nous restons sceptiques sur la pertinence des conférences territoriales, en raison de la question de leur compatibilité avec l’article 72 de la Constitution et des difficultés qui en découleraient.
Enfin, s’agissant de la spécialisation des compétences, il n’est de meilleure conclusion que de se reporter au travail de Gaston Defferre, à une époque où l’État assumait ses responsabilités sans se noyer dans les consultations forcément contradictoires et paralysantes. L’article 3 de la loi du 7 janvier 1983 sur la répartition des compétences entre collectivités et État disposait que « chaque domaine de compétence ainsi que les ressources correspondantes » devaient être « affectés en totalité soit à l’État, soit aux communes, soit aux départements, soit aux régions. »
Cet objectif législatif n’a pas été respecté. Il a été dévoyé par tous les gouvernements successifs à travers nombre de dérogations législatives spéciales ultérieures ! Tirons tous ensemble la leçon de cette malheureuse expérience.
En tout cas, et j’en termine tout fait, notre groupe votera ce texte en fonction de l’évolution du débat et nous espérons, madame la ministre, que l’on fera confiance au travail réalisé par le Sénat.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste, du groupe UDI-UC et du groupe UMP.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures.