Il faut avoir à l’esprit que, en vingt ans, la part des collectivités territoriales dans le produit intérieur brut a doublé, tout comme le montant de leurs investissements. Rappelons également que, au cours de ces dernières années, l’État s’est affaibli, devenant « distant » et parfois « incertain ».
Il s’agit d’une nouvelle étape, enfin, parce que le rôle de l’État a changé. L’État dispose de la « compétence de la compétence », est le garant du pacte républicain, mais toutes les politiques publiques sont nécessairement partenariales. Vous n’y changerez rien !
En outre, l’État, ne vous en déplaise, n’a plus le monopole de la promotion de l’intérêt général, de la coordination et de la régulation, auxquelles participent nos collectivités territoriales, quelles qu’elles soient.
Quels sont les principaux choix politiques et institutionnels qui découlent de notre analyse ?
Tout d’abord, une première évidence s’impose : celle de la solidarité entre l'État et les collectivités territoriales, ainsi qu’entre les collectivités territoriales elles-mêmes. C'est dans le cadre de cette solidarité que nous devons apprendre à conjuguer la libre administration et l'autonomie juridique, financière et fiscale. Par ailleurs, nous sommes liés par la discipline européenne, et le temps est révolu où l'on pouvait distinguer, au sein de notre système financier public, la composante « État », la composante « collectivités territoriales » et la composante « organismes sociaux ». Nous sommes liés par d’évidentes solidarités et nous avons à bâtir un nouvel ordre financier et fiscal public.
Je voudrais insister sur une seconde évidence, qui n'est à mon sens pas suffisamment présente dans nos réflexions : nous avons un vaste territoire, faiblement peuplé, avec des densités régionales tout à fait variables. La France ne compte que quatre aires urbaines « millionnaires » : Paris, Lyon, Marseille et Lille. Les causes de cette situation sont très simples : au XIXe siècle, notre pays a pris un très grand retard, en matière d’industrialisation, par rapport à l'Allemagne et au Royaume-Uni, retard qui s'est répercuté sur la formation des villes. Le fait communal est une autre particularité de la France, que nous ne saurions nier. Évitons d’importer des modèles qui ne correspondent ni à notre géographie ni à notre culture !
Quelles propositions pouvons-nous formuler ? Certaines d’entre elles se retrouvent dans les travaux de notre délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, dont je suis heureux de saluer les présidents successifs, tout spécialement Mme Gouraud.
Dans son rapport de synthèse, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation consacre plusieurs pages aux métropoles. Elle se réfère à la loi du 16 décembre 2010, ainsi qu’aux travaux du professeur Christian Saint-Étienne, qui rappelle que « l’institutionnel ne doit pas primer sur le fonctionnel et le stratégique ».
Dans un rapport d’information fait au nom de la délégation et daté du 28 juin 2011, je suggérais de conjuguer des critères quantitatifs et qualitatifs pour définir les métropoles. C’est donc sans surprise que la délégation propose de réexaminer les critères de création des métropoles.
Si l’on ne gouverne pas une société par décrets, il ne suffit pas d’un statut pour consacrer une influence, un rang éventuel. Nous savons tous que l’économie d’une région, la cohésion d’un département sont profondément liées à l’existence d’une métropole active ; vouloir opposer régions, départements, métropoles et communes n’a aucun sens.
Je reconnais la nécessité, pour notre pays, de compter de grandes agglomérations. Paris, Lyon, Marseille sont des atouts incontestables, qu’il nous faut enrichir, mais ces agglomérations ne résument pas, à elles seules, le fait métropolitain français qui, bien évidemment, ne se confond pas avec le fait urbain.
Mes chers collègues, nous devons également nous dégager d’un certain jacobinisme qui hiérarchise nos territoires, les classe, les oppose sans tenir compte de leurs qualités particulières, de leur gouvernance. C'est un héritage dont il faut nous défaire. L’avenir est aux réseaux, aux filières, à la coopération, à la territorialisation.
Concernant la clarification des compétences, nous devons privilégier le principe des compétences obligatoires partageables par accord contractuel. Aucun juriste n’est capable, aujourd'hui, de définir de manière pragmatique la notion de bloc de compétences. Cela n'existe pas !