La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures.
La séance est reprise.
L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur le budget européen.
Je rappelle que l’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée maximale d’une minute peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.
Ce débat est retransmis en direct sur la chaîne Public Sénat et sur France 3 ; il importe donc que chacun respecte son temps de parole.
La parole est à M. Simon Sutour.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question porte sur la négociation du cadre financier de l’Union européenne pour la période 2014-2020.
De l’avis général, le Président de la République a bien négocié lors du Conseil européen de février dernier, compte tenu d’un contexte très difficile et fortement contraint, les États membres ayant les yeux rivés sur leur solde net.
Nous aurions, bien sûr, préféré un accord plus ambitieux, mais ce résultat préserve l’essentiel et ouvre de nouvelles perspectives dans des domaines clés. Je pense notamment à la recherche, à l’interconnexion des réseaux, à l’emploi des jeunes et à la création de la catégorie des « régions en transition », qui concernera dix régions françaises.
Cela ne veut pas dire que nous ignorons les zones d’ombre, comme les moyens encore insuffisants accordés au programme Erasmus ou au Fonds européen d’aide aux plus démunis. Mais, sur ces points, le dernier mot n’a peut-être pas été dit.
En effet, le traité de Lisbonne, je le rappelle, a consacré le rôle du Parlement européen dans l’élaboration du cadre financier pluriannuel. Certes, le Parlement européen avait déjà un rôle important puisque, en pratique, il fallait un accord interinstitutionnel pour mettre en œuvre ce qu’on appelait les « perspectives financières ». Maintenant, les traités indiquent expressément que le cadre financier pluriannuel est soumis à l’approbation du Parlement européen, statuant à la majorité des membres qui le composent. Le Parlement européen a donc pleinement son mot à dire.
Cela m’a conduit à mettre ce sujet à l’ordre du jour d’une réunion conjointe des commissions des affaires européennes de l’Assemblée nationale et du Sénat, qui s’est tenue en présence des membres français du Parlement européen.
Nos discussions ont fait ressortir un très large soutien, pour ne pas dire un soutien unanime, aux demandes du Parlement européen : une clause de flexibilité pour mieux mobiliser les crédits, une clause de révision à mi-parcours pour réévaluer les besoins et, enfin, une négociation pour doter à l’avenir le budget européen d’authentiques ressources propres. En effet, tant que le budget européen sera financé, pour l’essentiel, par des prélèvements sur les budgets nationaux, nous aurons toujours les mêmes difficultés à développer des politiques européennes.
Je souhaiterais donc connaître, monsieur le ministre, la position du Gouvernement à l’égard de ces demandes, la manière dont vont se dérouler les discussions avec le Parlement européen, ainsi que les probabilités qu’un accord soit trouvé.
Monsieur le président de la commission des affaires européennes, vous avez rappelé les conditions dans lesquelles le cadre financier pluriannuel a été négocié, le 8 février dernier. Le contexte était très difficile. Nous avons dû faire face à des gouvernements conservateurs, qui ne souhaitaient pas que l’Europe soit dotée d’un vrai budget, et avaient pour base de négociations un montant de 820 milliards d’euros.
Nous avons dû user de toute notre force de conviction pour donner des moyens à l’Europe et orienter son budget vers la croissance et la solidarité, en faisant passer ce montant à 960 milliards d’euros.
C’est maintenant une phase de négociation avec le Parlement européen qui s’ouvre. Nous voulons concrétiser les acquis de ce budget – l’augmentation des dépenses en faveur de la recherche et du développement, du mécanisme d’interconnexion pour l’Europe –, pérenniser le programme européen d’aide aux plus démunis, et engager la lutte contre le chômage des jeunes, notre priorité.
Nous souhaitons donc créer les conditions d’un accord du Parlement européen, et abordons de manière positive les échanges que nous avons avec lui. Je tiens, monsieur le sénateur, à vous indiquer la position du Gouvernement sur les conditions que pose en quelque sorte le Parlement européen.
Premièrement, nous sommes favorables à une clause de révision générale, qui pourrait être mise en œuvre au milieu de l’année 2017. Une telle révision devrait porter à la fois sur le volet « dépenses » et sur le volet « recettes », les deux étant liés.
Deuxièmement, lors du Conseil européen de février dernier, le Président de la République a défendu une clause de flexibilité maximale, ce qui est une demande du Parlement européen.
Troisièmement, nous soutenons pleinement la mise en place d’une feuille de route claire et précise sur l’ensemble du système de financement de l’Union, y compris les corrections, rabais et chèques. Nous souhaitons, avec vous, que le champ exploré s’étende à d’autres ressources propres que les seules TVA et taxe sur les transactions financières, que soit prévu un calendrier précis, avec une échéance au 1er janvier 2017, et que le Conseil soit responsabilisé sur ces questions.
Tout en tenant compte des conditions et des rapports de force politiques en Europe, nous avons bon espoir de pouvoir élaborer, sous la présidence irlandaise, le meilleur budget possible, un budget orienté vers la croissance et l’emploi.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.
Je fais le même souhait que vous, monsieur le ministre, mais le voir se réaliser sous la présidence irlandaise est peut-être un peu optimiste ! Il faut y travailler ; nous avons un peu plus d’un mois pour y parvenir.
À mon sens, il est positif que, pour la première fois, les parlements aient à se prononcer. §Le traité de Lisbonne requiert l’approbation, et non la codécision, du Parlement européen sur ces questions.
Les parlements nationaux profitent de cette nouvelle procédure pour dire leur mot. C’est ce que nous faisons aujourd’hui. Tout cela me semble positif.
Je voudrais insister sur un des points que vous avez développés, monsieur le ministre. Il faut à tout prix que les crédits affectés aux régions en transition soient maintenus, voire augmentés. Ils représentent, pour l’heure, une somme de 3 milliards d’euros. Les régions françaises le demandent. Comme vous l’avez indiqué, dix régions françaises, qui n’étaient pas concernées pour la période 2007-2013, pourront l’être pour la période 2014-2020.
Je vous remercie, monsieur le ministre, et vous souhaite bon courage dans votre action !
Monsieur le ministre, les chiffres publiés par Eurostat à la fin de la semaine dernière attestent une augmentation dramatique du chômage des jeunes au sein de l’Union européenne.
Près de 23 % des Européens âgés de quinze à vingt-quatre ans sont aujourd’hui sans emploi. Dans près de trois quarts des régions d’Europe, le taux de chômage des jeunes représente au moins le double du taux de chômage total.
Confrontée à une situation sociale explosive – 6 millions de jeunes de moins de vingt-cinq ans sont sans emploi –, l’Union européenne a jeté, en février dernier, les bases d’un dispositif destiné à lutter contre le chômage des jeunes. Dans son futur budget 2014-2020, elle prévoit à cette fin une enveloppe de 6 milliards d’euros, dont 3 milliards d’euros seraient issus du Fonds social européen.
Ces sommes devraient permettre de financer une « garantie pour la jeunesse », censée proposer à tous les jeunes de moins de vingt-cinq ans une offre de qualité portant sur un emploi, un complément de formation, un apprentissage, ou bien un stage dans les quatre mois suivant leur sortie de l’enseignement ou la perte de leur emploi.
Parallèlement à la mise en place de ce dispositif communautaire, je constate que plusieurs États membres passent des accords bilatéraux. C’est ainsi que l’Espagne et le Portugal se sont entendus ces dernières semaines avec l’Allemagne, pour coopérer étroitement dans la lutte contre le chômage de leurs jeunes.
Il y a deux jours, nous avons à notre tour dévoilé une initiative du même type, en commun avec nos voisins allemands. Au cours de la présentation de ce projet, le Président de la République a insisté sur l’urgence à mobiliser très rapidement les fonds européens prévus.
Monsieur le ministre, je souhaiterais vous poser trois questions.
Quelle est l’originalité du dispositif que nous voulons mettre en place avec l’Allemagne ? A-t-il vocation à être étendu à l’ensemble de l’Europe ? Comment s’articulera-t-il avec les décisions qui doivent être prises à ce sujet lors du sommet européen des 27 et 28 juin ?
Monsieur le sénateur, l’emploi des jeunes est la priorité nationale. Nous tentons, sous l’impulsion du Président de la République, d’en faire une priorité européenne.
Les ministres français et allemand des affaires sociales, M. Michel Sapin et son homologue, Mme Ursula von der Leyen, ont pris une initiative en ce sens cette semaine. Ils ont discuté ensemble de ce que la presse a présenté comme un « New Deal » franco-allemand pour la lutte contre le chômage des jeunes. Ce plan pourrait s’articuler autour de trois points, que je veux vous indiquer très précisément. Ils s’inscrivent dans la ligne des propositions que la Commission a formulées dans son paquet pour l’emploi des jeunes, en décembre 2012.
Il s’agit, tout d’abord, de la création d’une ligne de crédit spéciale pour stimuler la création d’emploi dans les petites entreprises, que pourrait mettre en place la Banque européenne d’investissement. La BEI a, d’ailleurs, été recapitalisée à hauteur de 10 milliards d’euros, à la suite de l’adoption du pacte de croissance voulu par la France, en juin 2012.
Ensuite, la création d’une Europe de l’alternance est proposée, afin de stimuler la mobilité des apprentis. Pour cela, nous avons suggéré d’élargir le dispositif Erasmus aux jeunes apprentis, qui ne peuvent y prétendre aujourd’hui.
Nous allons porter cette ligne de 8 milliards d’euros à 12 milliards d’euros sur la période 2014-2020.
Enfin, la création d’entreprise par les jeunes devra être encouragée, par un accès facilité au crédit et grâce aux pépinières européennes, qui soutiendront ces initiatives. Les réseaux Erasmus et EURES seront développés.
Comme vous le voyez, il s’agit d’outils mis en place à l’échelon européen, et qu’il nous faut pleinement mobiliser.
Je vous indique également, monsieur le sénateur, que nous souhaitons mobiliser le plus rapidement possible la ligne de 6 milliards d’euros proposée dans le cadre financier pluriannuel pour 2014-2020. Pour créer un effet de levier, nous désirons concentrer cette somme sur les années 2014 et 2015, plutôt que l’étaler sur sept ans, afin de nous placer aux côtés de la jeunesse qui attend un emploi en Europe, et l’aider à trouver cet emploi en Europe.
Je pense que le Président de la République ne manquera pas d’évoquer ce sujet ce soir, à l’issue de son entretien avec Mme Merkel.
Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse détaillée.
Cependant, je voudrais vous faire part d’un certain scepticisme face à cette multiplication d’initiatives nationales. Ces dernières, d’ailleurs, semblent irriter le commissaire européen à l’emploi, qui préférerait que la « garantie jeunesse » soit d’abord mise en œuvre.
J’ai tendance à penser que ces initiatives, prises sous la houlette de nos partenaires allemands, s’inspirent trop facilement du modèle d’outre-Rhin, dont le faible taux de chômage des jeunes serait l’une des grandes réussites, grâce, en particulier, à l’efficacité du dispositif d’apprentissage allemand.
Différentes études, y compris en Allemagne, ont pourtant montré les limites de ce système, qui semble avoir pour grand avantage de rapporter aux employeurs plus qu’il ne leur coûte, et de permettre, surtout, d’attirer des jeunes de pays européens en crise.
Monsieur le ministre, depuis 2008, le budget annuel de l’Union européenne et, surtout, les cadres financiers pluriannuels dont il découle relèvent du domaine de la codécision entre le Parlement européen et le Conseil. C’est l’une des grandes avancées du traité de Lisbonne.
Le problème tient au fait que nous nous retrouvons face à une anomalie démocratique : les cadres financiers pluriannuels sont toujours déterminés pour une période de sept ans, distincte de la durée des mandats au Parlement, soit cinq ans.
Ainsi, le cadre financier pluriannuel, dont les institutions européennes devraient accoucher, avec les difficultés que l’on connaît, dans les semaines qui viennent, fixera un cap extrêmement contraignant à l’assemblée européenne qui sera renouvelée, elle, en mai 2014.
À cette aberration de nature politique s’en ajoute une autre, de nature économique. En effet, on peut se demander s’il n’est pas absurde, vu l’évolution très rapide de nos sociétés et de nos économies, de prétendre bâtir une planification à horizon aussi lointain.
Je souhaite soulever un autre problème, celui de la fongibilité qui semble s’être établie au sein des grands chapitres du budget européen. Je pense notamment à la politique agricole commune, où on envisage la fongibilité des crédits entre la partie consacrée aux subventions agricoles, qui sont récurrentes et versées automatiquement, chaque année, et la partie budgétaire, dédiée au développement rural et au verdissement de la PAC. Il est évident que la seconde partie mettra beaucoup de temps à produire des effets. Compte tenu de l’étroitesse du budget voté, il y a donc de fortes chances que les subventions agricoles prennent le dessus, et que l’on ne soit pas en mesure de financer les changements structurels que la politique agricole commune mériterait.
Ainsi, monsieur le ministre, ma question est double. Premièrement, ne pensez-vous pas qu’il serait temps de faire passer la durée du programme pluriannuel de sept à cinq ans, et de faire élaborer ce dernier au cours des deux premières années d’une nouvelle mandature du Parlement européen ?
Deuxièmement, n’est-il pas urgent de se doter de garde-fous au sein des grands chapitres budgétaires de l’Union, entre les dépenses récurrentes, prévisibles et constantes tout au long du programme, et les politiques de transformation du modèle économique et social européen, qui renvoient à une montée en charge plus progressive ?
Monsieur le sénateur, Simon Sutour a rappelé tout à l’heure avec insistance que le traité de Lisbonne accordait, ce dont nous nous réjouissons, des pouvoirs plus importants au Parlement européen, notamment pour l’approbation du cadre financier pluriannuel. Il nous revient, bien évidemment, de garantir la légitimité démocratique des grands choix budgétaires de l’Union, et je me réjouis donc que ce traité ait conforté la place du Parlement européen dans le cadre institutionnel européen.
Nous devons néanmoins conjuguer ces garanties démocratiques avec la nécessité d’une programmation pluriannuelle de l’Union européenne dans la durée, afin de définir le sens de ses grandes actions. Ce cadre financier fixe de grandes orientations pour sept ans, vous l’avez rappelé. Cette durée, longue, est aussi la condition d’une prévisibilité optimale des engagements, donc d’investissements cohérents à moyen et à long terme.
Ce cadre est l’un des facteurs qui expliquent le succès des grandes politiques européennes telles que la politique de cohésion, la PAC, que vous avez citée, ou encore la politique de la recherche.
Le nouveau Parlement européen aura toutefois son mot à dire sur les orientations de la politique budgétaire de l’Union européenne : d’une part, les budgets annuels doivent être approuvés en codécision chaque automne et, d’autre part, selon les dispositions de la clause de révision à mi-parcours de 2007, que la France accepte, le Parlement européen aura la possibilité, s’il le désire, de revoir le contenu du budget, en lien avec le Conseil et la Commission.
Concernant la fongibilité, vous savez que la possibilité de réaffecter des sommes programmées dans une rubrique vers une autre existe, mais encadrée et limitée par les plafonds du cadre financier. L’un des principaux atouts de cette règle est qu’il garantit le respect, sur une période longue, des grandes orientations politiques que fixe le cadre. Cela n’est en rien contradictoire avec une bonne utilisation de l’argent disponible, grâce à la flexibilité applicable aux marges sous plafond entre années et entre rubriques. La France accepte cela, ce n’est pas le cas de tous les pays. En outre, permettez-moi de rappeler que la mise en œuvre de cette flexibilité dans le cadre du budget annuel se fera avec l’accord du Parlement européen, qui sera codécideur.
Merci, monsieur le ministre, pour toutes ces précisions. Je me permets tout de même d’insister : à mon sens, il serait plus conséquent de définir une programmation à cinq ans, qui serait ainsi en cohérence avec les mandats politiques. Les pays de l’Union européenne ont tous aujourd’hui abandonné la planification, pour certains il y a quelques années, pour d’autres dès les années quatre-vingt, précisément en raison de la difficulté de bâtir des plans quinquennaux ! Établir des plans septennaux apparaît donc particulièrement compliqué.
Enfin, concernant la question de la fongibilité, je vous remercie de votre vigilance. Travaillant actuellement sur le dossier du programme de soutien à la surveillance de l’espace, je sais que la Commission européenne suggère déjà de retirer 45 millions d’euros au programme Galileo, pourtant éminemment stratégique, afin d’essayer de financer l’ensemble de la politique de soutien à la surveillance de l’espace. La volonté de la Commission de mettre en œuvre la fongibilité, souvent à l’encontre de la volonté des États et des politiques, est inquiétante et présente des risques. Nous devons effectivement être très vigilants.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a deux manières d’aborder l’accord auquel est parvenu le Conseil européen de février 2013 sur le cadre financier pluriannuel de l’Union européenne pour les années 2014 à 2020.
On peut d’un côté se réjouir de ce succès, puisque, après un premier échec en novembre 2012, les Vingt-Sept sont enfin parvenus à s’entendre. Mais on peut aussi considérer qu’il n’y a aucune raison de s’en réjouir, puisque cet accord prévoit, pour la première fois dans l’histoire de l’Union européenne, un budget en baisse, bien loin d’être à la hauteur des enjeux.
Nous sommes très favorables à la construction européenne et très conscients des difficultés que traversent actuellement nombre d’États membres, dans ce contexte de crise exceptionnelle. Nous restons convaincus que nous ne pourrons en sortir qu’à l’aide d’un budget européen ambitieux, et non au rabais.
Les députés européens, toutes tendances confondues, ont fait part de leur mécontentement, menaçant de ne pas adopter ce budget. Ils demandent, avant toute décision pour l’avenir, le déblocage de 11, 2 milliards d’euros dès cette année afin de faire face aux impayés de 2012, qui mettent en péril notamment les crédits dédiés aux jeunes.
Peut-être l’Europe est-elle victime de l’austérité qu’elle a elle-même imposée depuis plusieurs années ? Si la Commission semble prête à sortir de cette logique, en accordant un délai supplémentaire aux États membres menacés d’une procédure pour déficit excessif, il n’en reste pas moins que les rabais et les autres calculs égoïstes nuiront à long terme à l’ensemble des États européens.
Nous voulons, nous, que soit donnée une véritable impulsion à l'Europe, que le Président de la République a d’ailleurs initiée : le retour de la croissance et de l’emploi nécessite un budget européen significatif.
Monsieur le ministre, quels progrès pouvons-nous espérer sur la question des ressources propres ? Comment permettre à ce nouveau cadre financier de réorienter la politique européenne en faveur de la croissance ? Comment, dans le même temps, œuvrer à l’émergence d’un gouvernement économique européen, ce que souhaite désormais la France ?
M. André Gattolin applaudit.
Monsieur Mézard, je connais à la fois l’engagement de votre groupe sur les questions européennes et l’attention que vous portez, comme élu local, à la bonne consommation des fonds européens.
Or, souvent, dans ces dossiers un peu complexes, le diable est dans le détail. Il existe toutefois des solutions que l’on ne perçoit pas toujours sans une analyse précise.
Le mécanisme du cadre financier pluriannuel, tel qu’il a été adopté, garantira, en dépenses engagées, sur la période allant de 2014 à 2020, 50 milliards d’euros supplémentaires par comparaison avec la période de 2007 à 2013. Nous avons en effet placé des « cliquets » à la consommation qui permettent à nos pays d’engager plus d’argent sur un certain nombre de lignes budgétaires, celles qui sont consacrées à la croissance et à l’emploi, rassemblées dans la rubrique 1a, que je vous invite à consulter. Il s’agit de la recherche et de l’innovation, avec une augmentation de 40 %, du développement des infrastructures, avec 140 % d’augmentation par rapport à la période 2007 – 2013, et encore des infrastructures de transport, de développement de l’énergie et des télécoms, dont je sais qu’elles sont un secteur important pour les territoires de France et d’ailleurs. Cette rubrique recouvre également le programme « Erasmus pour tous », dont les crédits passeront de 8 milliards d’euros à 12 milliards d’euros, au bénéfice de la jeunesse de l’Union européenne.
Alors, bien entendu, cela nous conduit à nous demander si notre Europe se dotera un jour d’une ressource propre, au-delà de l’affectation de la TVA et, je l’espère, d’une partie du produit de la taxe sur les transactions financières. La France porte cette proposition. Elle est certes isolée, mais moins aujourd’hui qu'elle ne l’était il y a encore un an.
Peut-être verrons-nous dans les jours prochains, sinon dans les prochaines heures, certains chefs d’État ou de gouvernement rejoindre la France dans l’ambition de voir l’Union européenne se doter d’un budget assis sur des ressources propres. J’en forme devant vous le vœu, et je dispose peut-être de quelques informations qui me conduisent à l’optimisme !
Mme Bernadette Bourzai, MM. Richard Yung et André Gattolin applaudissent.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de vos propos et de l’annonce sur laquelle vous les avez conclus. Vous nous confirmez très clairement la volonté de la France d’aller vers des ressources propres et vous laissez entendre que nous commencerions à être écoutés. Il s’agit là d’un changement fondamental, indispensable pour l’avenir de l’Europe.
Je vous remercie également d’avoir rappelé l’intérêt que notre groupe portait à l’Europe et le fait aussi qu’en tant qu’élus locaux nous avons un intérêt tout particulier à suivre le développement des crédits européens. C’est d’ailleurs, entre autres raisons, ce qui justifie notre attachement au cumul des mandats !
Sourires.
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Bien vu !
Nouveaux sourires.
Mais, au-delà, je vous remercie de nous avoir confirmé que les dépenses engagées seront supérieures à ce qu’elles avaient été dans la dernière période, depuis 2007. Je sais que vous y serez particulièrement attentif. Il est en effet important que nous puissions aller plus loin, en particulier sur la recherche, l’innovation et les infrastructures, parce que c’est cela qui montrera à nos concitoyens que l’Europe présente un avantage réel et qu’il est indispensable de toujours mieux la construire.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aujourd’hui, sur l’initiative du Parlement européen, qui remplit là pleinement le rôle qui lui est dévolu par les traités, une vraie négociation est engagée avec le Conseil sur le budget 2013 et le cadre financier pluriannuel 2014-2020.
Comme toute négociation, elle est longue et difficile. Pour la première fois, toutefois, le budget européen ne se décide pas à huis clos. C’est un bon point pour la démocratie et un bon point pour la crédibilité des institutions européennes. À ce titre, nous tenons à saluer les propositions équilibrées et courageuses des eurodéputés, en particulier des membres du parti majoritaire, le Parti populaire européen, sous l’autorité de son président, M. Joseph Daul.
Nous souhaiterions tout d’abord, monsieur le ministre, connaître votre objectif en ce qui concerne le calendrier de la négociation. Visez-vous un accord sur le cadre financier pluriannuel avant l’été, comme semble le souhaiter la présidence irlandaise ?
Les conséquences de la négociation du budget européen sur la réforme de la PAC seront importantes, notamment en termes de calendrier. Comment les anticipez-vous ? La nouvelle PAC entrera-t-elle en vigueur en 2014 ? Pourrait-il y avoir un accord politique sur la réforme de la PAC avant le vote définitif du cadre financier pluriannuel ?
Par ailleurs, le gouvernement français a déclaré que l’essentiel de la PAC était préservé.
… puisque l’agriculture, dans son ensemble, perd, et ce n’est pas négligeable, 52 milliards d’euros.
Pour la France, la baisse est de 10 % et les pertes du premier pilier ne sont pas compensées au niveau où vous l’avez laissé entendre, ou, plus exactement, comme l’ont laissé entendre le Président de la République lui-même et le ministre de l’agriculture, qui ont été assez affirmatifs sur le sujet. La contrepartie est en effet non pas de 1 milliard d’euros par an mais de 1 milliard d’euros sur sept ans.
Dans ces conditions, comment comptez-vous préserver notre politique d’installation des jeunes ? Comment allez-vous soutenir le verdissement, auquel nous sommes tous favorables, mais qui nécessite un accompagnement des producteurs ? Les financements disponibles pour la gestion des crises seront-ils suffisants ?
Les agriculteurs français, monsieur le ministre, ont besoin de connaître ces orientations ainsi que de disposer d’un échéancier et d’un budget clairs. Je vous remercie par avance de votre réponse.
Il est difficile dans le temps qui m’est imparti de vous répondre à la fois sur les négociations du budget pluriannuel et sur la PAC. Je vais donc aller à l’essentiel.
La position de la France quant aux demandes exprimées par le Parlement européen afin de trouver un accord nous donne bon espoir. La France a, de surcroît, accepté, il y a quelques jours, l’adoption du budget rectificatif demandé par le Parlement européen, qui souhaitait « solder » les dépenses du passé, estimées à 11, 2 milliards d’euros. Après vérification des comptes, nous sommes tombés d’accord sur 7, 3 milliards d’euros dès cette année. La France va donc verser un chèque de 960 millions d’euros à l’Union européenne, au titre de sa quote-part de ces dépenses du passé.
Les discussions avec le Parlement européen nous conduisent à être optimistes quant à une adoption du budget de l’Union européenne, sans doute durant la session de ce mois de juillet. C’est ma conviction, mais, bien entendu, personne, aujourd’hui, ne peut assurer que les choses se passeront bien ainsi.
La France, notamment, a fait preuve d’une grande ouverture afin de trouver un accord. Dans le cadre financier pluriannuel, il y a en effet des avancées qui sont pour nous essentielles, notamment la politique liée à l’emploi des jeunes et à la lutte contre le chômage. Faute d’accord, si nous ne votons pas le budget, nous n’aurons ni avancées ni plan d’aide alimentaire aux plus démunis.
En ce qui concerne la PAC, sachez, monsieur Bizet, que le retour attendu de la PAC pour les agriculteurs français sera assuré au niveau obtenu pour la période allant de 2007 à 2013. Simplement, mais vous connaissez excellemment ces sujets, certaines sommes seront réaffectées entre le premier et le deuxième pilier, qui sera renforcé par rapport à ce que nous obtenions par le passé.
Que recouvre le verdissement ? Toutes les adaptations de la politique agricole qui sont permises par le second pilier, c'est-à-dire la rotation des cultures, les prairies permanentes, les surfaces d’intérêt écologique, comme les haies. Ces indications sont présentes, aujourd’hui, dans le règlement que nous sommes en train de discuter en trilogue. Stéphane Le Foll, qui négociait encore en début de semaine durant une réunion informelle à Dublin, m’a assuré que nous étions proches d’un accord sur la partie agricole dès cette année, pour une application au 1er janvier 2015, 2014 étant une année de transition.
Monsieur le ministre, je vous remercie de vos réponses. Je me permettrai, n’y voyez aucune malice, de considérer malgré tout que, si mes questions étaient claires, vos réponses l’étaient un petit peu moins…
Sur la partie budgétaire, par exemple, vous avez évoqué effectivement l’impasse de 11, 2 milliards d’euros, héritée de la période précédente. Pour le moment, seuls 7, 1 milliards ou 7, 2 milliards d’euros ont été sécurisés, il en manque donc quelques-uns !
Pour ce qui concerne la politique agricole commune, le compte n’y est pas.
Le rattrapage de 1 milliard d’euros pour le deuxième pilier n’est pas annuel ; il porte sur sept ans, comme je l’ai précisé. Les agriculteurs français ont donc tout lieu d’être inquiets.
L’agriculture française ne sera pas aussi bien accompagnée par les fonds européens sur la période 2014-2020 que sur la période précédente. C’est qu’elle se trouve confrontée à une concurrence intra-européenne, avec l’augmentation de plus en plus importante des charges et des normes, notamment en matière environnementale - je ne dis pas que cette situation date de 2012, …
M. Jean Bizet. … mais l’accumulation commence à devenir préoccupante -, et à une concurrence avec les pays tiers rendue plus intense encore du fait du manque de compétitivité découlant du surcroît de charges subies par les professions agricoles.
M. René-Paul Savary applaudit.
Monsieur le ministre, le Conseil européen qui s’est tenu les 7 et 8 février dernier est parvenu à un accord sur le cadre budgétaire pluriannuel 2014-2020, au terme d’âpres discussions pour contenir l’évolution des crédits, notamment des dépenses administratives.
La Commission européenne a dû accepter de réduire sa proposition, qui était d’un peu plus de 63 milliards d’euros, à 61, 6 milliards d’euros. Les chefs d’État et de gouvernement ont exercé une pression forte sur la Commission européenne pour qu’elle réduise ses dépenses administratives, notamment les frais de personnel, qui comptent pour 75 % du total de ces dépenses.
Pour mener à bien cette mission délicate, la Commission propose de porter la durée du temps de travail hebdomadaire de 37, 30 heures à 40 heures, sans compensation salariale, et de relever l’âge légal de départ à la retraite de soixante-trois ans à soixante-cinq ans. Ces mesures doivent être engagées dans les plus brefs délais pour réduire de 54 % les frais de personnel d’ici à 2018.
Monsieur le ministre, je souhaite connaître la position du gouvernement français sur ce sujet. Pouvez-vous nous confirmer qu’il soutient l’augmentation de la durée du temps de travail hebdomadaire pour l’ensemble des 50 000 fonctionnaires européens ainsi que le relèvement de l’âge légal du départ à la retraite ?
Sourires sur les travées de l'UMP.
Monsieur le sénateur, vous avez raison de le souligner, le cadre financier pluriannuel a été négocié dans des conditions très difficiles dans la mesure où plusieurs pays voulaient s’en tenir à un budget de 820 milliards d’euros. Après discussion, nous sommes parvenus à 960 milliards d’euros.
Nous considérons en effet que l’Europe doit se doter d’un budget qui lui permette d’agir concrètement à l’égard des pays qui plaident aujourd'hui en faveur d’une relance par l’économie. Toutefois, cela signifie que nous devons en quelque sorte négocier des efforts pour toutes les parties prenantes.
Je le dis ici, nous voulons que la fonction publique européenne soit forte et de qualité, car la mise en place de politiques structurelles cohérentes en dépend aussi.
C’est ce à quoi nous nous attachons dans le cadre des négociations en cours sur le statut de la fonction publique européenne. Il est indispensable que la Commission européenne elle-même, qui avait proposé une hausse de plus de 10 % de la rubrique des dépenses administratives, ne s’exonère pas des efforts qu’elle demande aux fonctions publiques nationales, des efforts que la France réalise, me semble-t-il, en parfaite conformité avec ses responsabilités. C’est ce que nous avons plaidé, lors de la négociation du cadre financier pluriannuel.
C’est dans ce contexte qu’est engagée, depuis quelques semaines, une réforme de la fonction publique européenne, et un accord devrait aboutir d’ici au vote du budget, en juillet prochain ; c’est en tout cas ce que nous espérons.
M. Jean Arthuis. Je veux rendre hommage au Gouvernement pour le courage qu’il manifeste en proposant de porter l’âge légal de départ à la retraite de soixante-trois à soixante-cinq ans et d’augmenter la durée du temps de travail hebdomadaire de 37, 3 heures à 40 heures.
Rires sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.
Monsieur le ministre, je vous assure du soutien de l’UDI-UC.
Je me suis étonné des commentaires du Président de la République lorsque la Commission européenne a fait connaître ses recommandations pour permettre à la France de respecter la trajectoire et de ramener ses déficits publics sous le seuil de 3 % du PIB.
Dans un souci de cette cohérence qui est une autre des vertus du Gouvernement –, il serait peut-être souhaitable d’ouvrir des négociations dans notre pays pour revoir la durée du temps de travail hebdomadaire dans les trois fonctions publiques et peut-être d’être audacieux s’agissant de la réforme des retraites et de l’âge légal de départ.
Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.
Monsieur le ministre, ma question porte sur le budget de la future politique agricole commune dans le cadre financier pluriannuel de l’Union européenne. Par ailleurs, j’évoquerai aussi la politique de cohésion. Ces deux politiques étant les plus visibles de l’Union européenne, elles sont naturellement au cœur des préoccupations de nos territoires.
Le gouvernement français, à l’instar des gouvernements des vingt-six autres États membres, est entré depuis le 13 mai dernier dans un trilogue entre la Commission, le Conseil et le Parlement européen, y compris pour ce qui concerne la politique agricole commune.
Je relève que M. Bizet pose, de manière inlassable, d’ailleurs, la question du montant du budget de la PAC à chaque fois qu’une séance de questions cribles thématiques lui en fournit l’occasion. En tant qu’ancienne députée européenne, membre de la commission de l’agriculture et du développement durable, je veux lui dire que tout le monde savait à Bruxelles que les crédits de la PAC allaient décroître sur la période 2007-2013.
Comme M. Cazeneuve vous l’avait fait observer à de nombreuses reprises, cher collègue, je vous rappelle que le montant dévolu à la PAC correspond exactement au montant de la dernière année, en l’occurrence celle de 2013, multiplié par sept.
Il fallait donc se préparer à cette évolution, et je pense que la France a particulièrement bien tiré son épingle du jeu, en obtenant 1 milliard d’euros supplémentaire pour le développement rural.
Monsieur le ministre, qu’en sera-t-il du développement rural au titre du cadre stratégique plurifonds qui sera désormais le nôtre ? Par ailleurs, comment peut-on s’assurer que les zones rurales pourront accéder dans de bonnes conditions au Fonds européen de développement régional, le FEDER, et au Fonds social européen, le FSE ?
Enfin, je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir plaider en faveur du Fonds européen d’aide aux plus démunis, auquel il manque manifestement 1 milliard d’euros.
M. André Gattolin applaudit.
Madame la sénatrice, votre question me permet de réaffirmer à l’intention de tous vos collègues qui m’ont interrogé sur les questions agricoles que les retours espérés pour la France au titre de la politique agricole commune seront, pour la période 2014-2020, identiques à ceux qui avaient été actés pour la période 2007-2013, c'est-à-dire 47, 6 milliards d’euros au titre du premier pilier et 8, 8 milliards d’euros au titre du deuxième pilier, ce dernier étant renforcé dans la prochaine programmation. Vous y serez sensible, madame la sénatrice, en tant que défenseur inlassable de la montagne, car cela signifie que des massifs seront plus aidés que par le passé.
À nos yeux, une bonne enveloppe était la condition nécessaire pour pouvoir moderniser et réformer la PAC, en la rendant plus juste, notamment au profit des jeunes agriculteurs et des petites exploitations d’élevage notamment, et plus verte aussi, afin de répondre à ce qui correspond aussi à une demande de la société.
S’agissant du développement rural, dont vous savez qu’il relève autant de la PAC que de la politique de cohésion, le renforcement du deuxième pilier de la PAC, avec le Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER, y contribuera directement.
Quant à la politique de cohésion, nous nous sommes attachés à faire en sorte que la prochaine programmation permette l’action conjointe de tous les fonds structurels, qu’il s’agisse du FEDER, du FSE, du FEADER ou du FEAGA, le Fonds européen agricole de garantie.
Vous m’avez interrogé sur la question des régions en transition, une innovation que le gouvernement précédent n’avait pas souhaité défendre.
Ces régions en transition ont dorénavant la garantie d’obtenir des aides d’un montant supérieur.
Enfin, vous souhaitez, madame la sénatrice, que le Fonds européen d’aide aux plus démunis soit réévalué de 1 milliard d’euros.
Vous auriez pu rappeler que le Conseil européen avait pris la décision de le supprimer au 31 décembre 2013. C’était écrit noir sur blanc ! Le Président de la République française a demandé en février dernier que les associations caritatives qui œuvrent à nos côtés sur les territoires puissent bénéficier de ce fonds. Il a été pérennisé à hauteur de 2, 5 milliards d’euros, et nous sommes ouverts à la demande du Parlement de le porter à 3, 5 milliards d’euros.
Je salue la détermination du Président de la République et du Gouvernement, la vôtre et celle de Stéphane Le Foll, qui, dans le trilogue agricole, mène, me semble-t-il, de façon tout à fait magistrale, des négociations dans l’intérêt de l’agriculture française et, plus particulièrement, des secteurs qui en ont le plus besoin.
Pour ma part, j’estime que la répartition des aides doit être plus juste pour les populations des zones défavorisées et des zones d’élevage.
Je vous remercie des éléments de réponse que vous m’avez apportés quant au Fonds européen d’aide aux plus démunis. La commission des affaires européennes a adopté, ce matin, une proposition de résolution pour faire de 2014 l’année de lutte contre le gaspillage alimentaire. Certes, il faut produire, mais il faut aussi respecter les produits agricoles et les consommer convenablement.
Comme l’a dit mon collègue Jean Bizet, nous nous réjouissons de l’engagement réaliste et responsable du Parlement européen, en particulier celui de nos collègues du PPE. La négociation budgétaire, qui a été difficile, peut paraître complexe, mais elle conforte la démocratie européenne, dans l’esprit du traité de Lisbonne.
Je ne reviendrai pas sur le niveau du budget, en baisse – certes, de manière moindre qu’on aurait pu le craindre –, mais c’est le résultat, il faut bien l’accepter, de la crise économique que traversent la plupart des pays européens.
Cette situation ne doit pas nous faire douter de l’avenir. Plus que jamais, nous devons afficher nos convictions européennes et notre ambition politique pour l’Europe, en maintenant l’objectif d’un budget plus élevé à terme, lorsque cela sera possible, mais, peut-être et surtout, plus efficace.
Le Gouvernement évoque, de manière assez incantatoire, le retour à la croissance. Je m’interroge, car je ne comprends pas bien quelles en sont les conséquences en matière budgétaire, et pour cause.
Le Gouvernement est-il l’avocat d’une politique de stimulation de la dépense au niveau européen ? Défend-il des programmes qui conforteraient la croissance potentielle ? Soutient-il des projets transfrontaliers à forte plus-value ? Il me semble qu’il serait nécessaire de s’entendre avec nos partenaires européens sur ces questions, en préalable à toute utilisation des financements européens.
Par ailleurs, dans la négociation en cours sur le budget, le Parlement européen a mis sur la table des propositions concrètes et courageuses. Je souhaiterais connaître la position du Gouvernement sur ces propositions.
Êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à accepter une clause de revoyure, qui est une manière d’adapter le budget européen à l’évolution de la situation économique ?
Êtes-vous prêt à accepter plus de flexibilité ou de fongibilité dans la gestion des crédits ?
Enfin, êtes-vous prêt à garantir une gestion rigoureuse, grâce, par exemple, à une révision générale des politiques publiques adaptée au niveau européen ?
Monsieur le sénateur, je me réjouis, moi aussi, que nous ayons adopté un budget de 960 milliards d’euros pour la période 2014-2020. Même si vous estimez que c’est encore insuffisant, je vous rappelle que Nicolas Sarkozy avait accepté un budget de 860 milliards d’euros. Nous avons donc obtenu 100 milliards de plus que ce qui était prévu par la majorité précédente. Je me devais d’apporter cette précision.
Vous évoquez, s’agissant de la relance des dépenses, ce qui serait selon vous la méthode incantatoire du Gouvernement.
Je veux vous répondre très précisément que, lors du premier sommet européen qui s’est tenu en juin 2012, le Président de la République, François Hollande, a acté un pacte de relance qui a permis de recapitaliser la Banque européenne d’investissement à hauteur de 10 milliards d’euros. Celle-ci va ainsi pouvoir accorder aux différents États des prêts à hauteur de 60 milliards d’euros pour les années 2013, 2014 et 2015. La France en bénéficiera à hauteur de 21 milliards d’euros.
Je vous le dis à vous, élus de la République, sur ces trois années, 7 milliards d’euros seront accordés tous les ans aux collectivités locales pour financer tous les projets d’accompagnement sur vos territoires. Nous avons également demandé à la BEI qu’elle accorde des prêts aux petites et moyennes entreprises qui ne trouvent plus de fonds disponibles dans les banques classiques.
Comme je l’ai déjà précisé tout à l'heure, une ligne budgétaire de 6 milliards d’euros, dont nous allons essayer de concentrer la consommation sur les années 2014 et 2015, a également été créée pour accompagner les politiques à destination de la jeunesse.
Quant aux grands travaux d’interconnexion – je pense, par exemple, au canal Seine–Nord ou à la grande liaison ferroviaire entre la France et l’Italie –, ils bénéficieront, après arbitrage, d’une augmentation budgétaire de 140 %. C’est que tout le monde est intéressé. En effet, derrière ces grands travaux, il y a de l’emploi non délocalisable. Nous en avons besoin, pour l’économie française et pour une relance à l’échelle de l’Europe !
Monsieur le ministre, alors que les élections européennes auront lieu l’an prochain, il me semble que tous les sénateurs sont inquiets du résultat qui pourrait sortir des urnes, non seulement en France, mais aussi dans tous les pays européens.
On le voit, le sentiment anti-européen progresse de manière très inquiétante.
Nous devons nous interroger sur les raisons de cette progression.
Nous devons aussi faire preuve de pédagogie et de responsabilité.
La pédagogie est nécessaire pour que nos compatriotes comprennent mieux ce à quoi sert l’Europe, ce que nous faisons du budget européen, et pour qu’ils soient davantage conscients du fait qu’elle les a beaucoup protégés lors de la crise de 2008-2009.
Comme l’a indiqué Jean Arthuis, il faut aussi que l’administration de Bruxelles accepte de faire des économies. Comme moi, vous avez lu la presse et vous avez vu que cette dernière faisait l’objet de nombreux commentaires très négatifs. Beaucoup de nos concitoyens trouvent que des efforts doivent également être faits à ce niveau.
Mes chers collègues, telles sont les évolutions que j’appelle de mes vœux pour que le sentiment pro-européen puisse progresser de nouveau.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.
Monsieur le ministre, ma question porte sur le financement de la garantie pour la jeunesse.
Cette politique vise, je le rappelle, à aider les États membres à proposer aux jeunes Européens un emploi, une formation, un contrat d’apprentissage ou un stage dans les quatre mois qui suivent leur sortie du système scolaire ou la perte de leur emploi.
Nous considérons tous, je pense, que cette initiative est bienvenue, voire fondamentale. Comme M. Bocquet l’a rappelé, presque 25 % des jeunes Européens sont au chômage, soit un sur quatre ! Six millions de jeunes sont concernés, et presque 7, 5 millions si l’on prend en compte ceux qui sont en périphérie, en quelque sorte. Ce chômage des jeunes, c’est évidemment le cancer qui ronge notre société de l’intérieur.
Le cadre financier pluriannuel, que vous avez évoqué, monsieur le ministre, a prévu de doter la garantie pour la jeunesse d’un budget de 6 milliards d’euros entre 2014 et 2020. Ce montant paraît élevé mais, si on le rapporte au nombre d’années et de jeunes concernés, on aboutit à une somme d’environ 150 euros par jeune chômeur et par an.
M. le ministre marque son scepticisme.
Le Président de la République propose de mobiliser « tout de suite, avant même que le cadre financier ne soit en place pour 2014, une partie de ces fonds ».
Comment comptez-vous procéder pour mobiliser une partie de ces fonds avant que le budget ne soit voté ? Ce sera ma première question.
Ma deuxième question porte sur le financement de cette politique – aspect d'ores et déjà abordé, mais sur lequel je souhaiterais davantage de précisions.
Cette semaine, le ministre de l’économie et des finances, Pierre Moscovici, a déclaré…
… qu’une partie de la taxe sur les transactions financières devait être affectée à ce financement. Que pense le Gouvernement de cette proposition ?
Monsieur le sénateur, le Gouvernement rejoint votre préoccupation relative à tous les dispositifs devant être mis en place pour que l’ensemble des pays se mobilisent dans la lutte contre le chômage, qui gangrène, hélas ! une partie du territoire européen. Je dis bien « une partie », car les situations sont inégales d’un pays à l’autre. Ainsi, dans certains pays de l’Union européenne, le taux de chômage des moins de vingt-cinq ans est, aujourd'hui, supérieur à 50 %. Heureusement, la France n’en est pas là !
Pour la première fois dans l’histoire du budget de l’Union européenne, nous avons souhaité créer une enveloppe affectée à cette mobilisation. Cette enveloppe sera dotée de 6 milliards d’euros, que nous souhaitons consommer le plus rapidement possible.
Pour obtenir un « effet masse », ces crédits seront ciblés sur les régions enregistrant les taux de chômage des jeunes de moins de vingt-cinq ans les plus importants, c’est-à-dire supérieurs à 25 %. Cela permettra à huit régions françaises et à l’ensemble de nos territoires d’outre-mer, où, malheureusement, le chômage est plus important, d’émarger à ces sommes disponibles.
Nous souhaitons également que ces crédits soient consommés dès le 1er janvier 2014, sous réserve que le budget soit adopté d’ici à cette date.
Pour « faire masse », nous souhaitons aussi restreindre la consommation de ces 6 milliards d’euros sur les deux seules années 2014 et 2015, plutôt que de l’étaler sur sept ans.
Telle est la conviction de la France, qui doit désormais entraîner l’adhésion d’autres pays. Peut-être certains la rejoindront-elle sur cette ambition dès cette fin d’après-midi…
Du reste, ces 6 milliards d’euros s’ajoutent au budget du programme Erasmus, lequel va passer de 8 à 12 milliards d’euros, tandis que le profil des jeunes susceptibles de bénéficier du programme sera élargi, notamment aux apprentis, qui, jusqu’ici, n’avaient pas droit à la mobilité financièrement aidée par l’Union européenne.
Sachez enfin que, dans notre pays, la garantie pour la jeunesse, à savoir l’engagement de chacun des États à proposer une formation professionnelle, un emploi ou un stage aux jeunes n’ayant aucune possibilité de trouver un emploi dans un délai de quatre mois suivant leur sortie du système scolaire, sera mise en œuvre en septembre prochain, à titre expérimental, dans dix départements – sous l’autorité de Michel Sapin –, avant d’être élargie les années suivantes, avec un objectif de 100 000 jeunes bénéficiaires.
L’idée de concentrer les moyens sur les deux premières années de l’exercice 2014–2020 procède de la bonne approche. Si cette concentration est juridiquement réalisable, ce que vous avez certainement vérifié, …
Elle est soumise à l’accord des États !
… je la soutiendrai. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques sur le budget européen.
Nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin.
Monsieur le président, je souhaite faire une mise au point au sujet de deux votes.
Lors du scrutin n° 240 sur l’ensemble du projet de loi portant refondation de l’école de la République, notre collègue Alain Fouché a été déclaré comme votant contre, alors qu’il ne souhaitait pas prendre part au vote.
En outre, lors du scrutin n° 243 sur l’ensemble de la proposition de loi portant déblocage exceptionnel de la participation et de l’intéressement, M. Alain Fouché a été déclaré comme votant contre, alors qu’il souhaitait voter pour.
Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique des scrutins.
J’informe le Sénat que la question orale n° 442 de Mme Françoise Férat est retirée du rôle des questions orales, à la demande de son auteur.
Nous reprenons la discussion du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Hélène Lipietz.
Digne adepte de Diderot, j’y suis très attachée ; malheureusement, la jupe-culotte s’est usée.
Ne pouvant me résoudre à en changer, je n’ai eu d’autre choix que de la rapiécer. En bonne écologiste, j’ai donc récupéré du tissu d’un vieux canapé et j’ai réparé un premier trou. Seulement, de fil en aiguille, cette vieille jupe-culotte s’est transformée intégralement en quelques mois, au point que l’on peine aujourd’hui à y trouver trace du tissu d’origine.
La réforme dont nous débutons l’examen me fait beaucoup penser à ce vêtement : on rapièce une structure usée, vieille au mieux de trente ans - « reliftée » par les intercommunalités il y a vingt ans - au pire, de deux cents ans, et l’on obtient un vêtement qui n’est guère portable dans le monde…
Pourtant, les maîtres mots du Gouvernement pour cette réforme sont porteurs de sens : confiance, clarté, cohérence ; sans oublier le plus important, démocratie. Las ! Au lieu d’un projet ambitieux et surtout cohérent, riche d’une réflexion sur l’État moderne adapté à la France du XXIe siècle, on nous propose découpée une timide tentative pour améliorer quelques points. Entre la France du Marseillais Defferre et celle d’aujourd’hui, entre le centralisme français et l’envol des libertés des territoires à travers l’intercommunalité, nos gouvernements n’ont pas su réfléchir globalement pour agir territorialement.
Résultat : un projet de loi qui traite des métropoles, mais surtout pas des régions qui les abritent, des départements ou encore des communes qui vont se trouver agglomérées, de force ou volontairement, dans une métropole. Sans compter les lacunes déjà relevées par la commission des lois, et qui ont été en partie rappelées au début de la discussion générale.
Si la biodiversité des métropoles est assurée par l’existence de quatre structures différentes, cette richesse juridique ne rassure pas sur la capacité des métropoles françaises à affronter les enjeux européens, sans parler des enjeux mondiaux, en particulier sur le plan écologique. Je pense notamment aux problèmes liés à la concentration des pouvoirs politiques, sociaux et économiques dans des zones urbaines dont il faut rappeler qu’elles vivent grâce à des territoires nourriciers en hommes, en eau et, bien sûr, en aliments.
Les écologistes défendent une réforme ambitieuse des collectivités territoriales, fondée sur quatre principes. Le premier est la démocratie, colonne vertébrale sur laquelle se greffent les trois autres : efficacité et rationalité de l’organisation territoriale, solidarité des territoires, simplicité et lisibilité pour les citoyens.
Ces quatre notions fondamentales doivent s’appuyer sur des régions fortes et à taille européenne, des intercommunalités adaptées aux réalités humaines, dont les métropoles, et une organisation rationalisée et performante des territoires ruraux.
Or les auteurs du présent projet de loi nous convient à examiner uniquement les métropoles, de sorte que toute réflexion d’ensemble et de conceptualisation est impossible.
J’ajoute que, si nous devons donner aux métropoles, fait humain incontournable, les moyens de leur cohérence, il ne faut pas pour autant se laisser emporter par la fascination pour une labellisation qui ferait de la métropole le territoire de demain, sans tenir compte des habitants d’aujourd’hui.
À la vérité, le projet de loi va recréer les cités-États de la fin du Moyen Âge italien. Mes chers collègues, nous aurons bientôt des doges métropolitains, élus par l’aristocratie des élus territoriaux pour au moins six ans !
Sourires.
Pour nous, écologistes, il est inimaginable que les conseils métropolitains ne soient pas élus au scrutin universel direct. Il faut en décider, ici et maintenant !
Mes chers collègues, j’en appelle au souvenir des plus anciens d’entre vous. En tant que personnes morales décentralisées, les régions ont été instituées par la loi du 5 juillet 1972 portant création et organisation des régions, mais sous la forme d’établissements publics, avec peu de compétences et toujours sous la tutelle du préfet.
C’est l’article 59 de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, qui a réalisé la transformation des régions en collectivités territoriales de plein exercice. Toutefois, la vraie naissance de la région, le début de son travail autonome, était reportée au 16 mars 1986, date de l’élection au suffrage universel direct des conseillers régionaux.
Mes chers collègues, pourquoi ne pas faire dès 2014 ce que nous avons été capables de faire en 1982 ?
Sur un plan démocratique, le suffrage universel direct est essentiel pour faire accepter les métropoles. Lorsque l’on confie des pouvoirs aussi importants, lorsqu’on bouleverse ainsi les rapports de gouvernance des territoires, il faut donner aux citoyens le choix des gouvernants et susciter, par des élections, un débat public autour des projets métropolitains !
À quoi serviront demain les élections municipales à Paris, à Lyon ou à Marseille, si c’est la métropole qui doit décider après-demain ? §Où sera le lien entre le vote et lagouvernance pendant six ans ?
L’élection au suffrage universel, c’est maintenant ! Sinon, la porte sera ouverte à toutes les dérives dans la gouvernance, mais aussi dans les urnes, ainsi qu’à l’établissement de potentats locaux.
Je parle de potentats potentiels, mais aussi de potentats fantasmés, conduisant à la montée du Front national.
Mes chers collègues, nous ne pouvons pas dire aux citoyens que la démocratie est possible, mais demain : pour la démocratie, il n’est jamais trop tôt ! Du reste, je suis sûre que les écologistes ne sont pas les seuls à se préoccuper de la démocratie. Seulement, l’habitude, voire peut-être aussi le conformisme ou le souci de préserver des mandats locaux, rend certains un peu timides.
Ma chère collègue, c’est la première fois qu’il va y avoir un fléchage et deux listes sur le même bulletin : on ne peut pas réclamer la réforme d’un système qui n’a pas encore été mis en œuvre !
Sourires.
Monsieur Sueur, dans le cas de Lyon, on voit bien que la métropole sera mise en place, oui, mais en 2020, pas en 2016 !
Mes chers collègues, il faut vaincre notre timidité et faire confiance non seulement aux territoires, mais surtout aux citoyens et aux citoyennes. Osons la démocratie dès la création des métropoles !
La démocratie, c’est sans doute aussi la séparation des pouvoirs au sein des collectivités territoriales. Or le projet de loi n’aborde absolument pas cette question : y reviendrons-nous ultérieurement ?
Si notre histoire nous a habitués à organiser des territoires urbains et ruraux pourtant continus comme autant de structures administratives indépendantes, nous devons maintenant raisonner en termes d’interdépendance des territoires, non en termes de millefeuille de structures. Entre les territoires urbains et ruraux, il faut sauvegarder et favoriser les solidarités par l’interdépendance aussi bien que l’interdépendance par les solidarités !
Pour cela, les citoyens doivent être le moteur de l’évolution, y compris à travers leurs associations, afin qu’il n’y ait pas de rejet de la future loi. En effet, l’action publique dépend aussi de la qualité de la relation avec le monde associatif, situé au plus près des intérêts des citoyens – pour le coup, cette question sera traitée dans un autre texte. Faire évoluer la notion de pays et les organes citoyens tels que les conseils de développement serait un premier pas dans ce sens.
Mais le statut général des métropoles ne doit pas simplement être affaire de démocratie. Au lieu de se quereller sur la pertinence d’un seuil, pourquoi ne pas proposer l’introduction de critères qualitatifs et d’objectifs ? Pourquoi ne pas inciter les territoires urbains à se rassembler démocratiquement autour d’un projet commun et d’une vision de long terme, lorsqu’ils désirent pouvoir se glorifier du titre de « métropole » ?
Approfondir les compétences de chef de file des régions dans les domaines stratégiques et environnementaux et confier aux communes la responsabilité de la démocratie de proximité sont deux autres moyens de restaurer cohérence et confiance dans l’action publique territoriale et d’éviter que l’on n’ait à parler de métropoles d’un côté et, de l’autre, du désert rural français.
Cet exposé des problèmes que le projet de loi pose aux écologistes n’est qu’un survol ; nous préciserons nos positions métropole par métropole. Pour l’heure, nous tenons à affirmer que les métropoles, hyper-centres d’attractivité économique, ne doivent pas occulter les réalités historiques, sociales, écologiques et surtout humaines des territoires alentour. Ces territoires attendent de nous une loi équilibrée qui ne les écrase pas, mais qui réaffirme la responsabilité de chacun, notamment celle des métropoles, pour un aménagement du territoire équilibré. Mes chers collègues, ne les décevons pas !
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi qu’au banc des commissions.
Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, le moins que l’on puisse dire, c’est que le projet de loi soumis à notre examen était très attendu sur nos travées. Il y a plusieurs raisons à cela.
D’abord, dans la mesure où le projet de loi touche aux collectivités territoriales dont nous sommes l’émanation par le suffrage des grands électeurs et dont nous connaissons les problèmes pour y être quotidiennement confrontés, il nous concerne bien évidemment au premier chef.
Ensuite, parce que nous devons aujourd’hui rechercher des solutions adaptées à la fois aux besoins et aux enjeux de nos territoires, nous sommes nombreux à avoir placé beaucoup d’espoirs dans ce projet de loi, sur lequel je ne doute pas, mesdames les ministres, que votre majorité travaillait depuis longtemps.
Le 5 octobre dernier, lors des états généraux de la démocratie territoriale, ici même, le Président Hollande affirmait : « Les pays qui réussissent le mieux dans la compétition mondiale sont ceux qui sont capables de fédérer tous les acteurs dans un même projet. » Une telle déclaration pouvait laisser plein d’espoir le plus incrédule. Mettre à contribution les territoires et servir leur dynamique de développement et leur attractivité auraient pu et dû constituer le fil conducteur d’un projet de décentralisation fédérateur.
Au lieu d’une loi-cadre fixant l’ambition d’un nouvel acte fort, audacieux et « entraînant » de la décentralisation, vous « saucissonnez » le texte en trois morceaux, pour procéder finalement à une forme inédite de projet à la découpe, en reportant, qui plus est, à une date relativement incertaine la troisième partie. Le projet est peut-être vidé de sa force, sinon de sa substance…Mais je n’ose le croire.
Le Gouvernement avait pourtant tout en main pour porter une réforme d’envergure : une majorité absolue à l’Assemblée nationale, une majorité, certes aux contours variables, au Sénat, une écrasante majorité dans les régions, une majorité dans les départements et de nombreuses villes… Presque les pleins pouvoirs, en somme ! Encore eût-il fallu faire preuve du courage indispensable à qui veut bousculer certaines situations ou certains droits acquis !
Le plus tristement ironique dans cette histoire, c’est qu’à ne vouloir brusquer personne le Gouvernement a tout de même réussi à déplaire à sa propre majorité sénatoriale, qui ne s’est pas privée, on l’a entendu, à l’occasion de la discussion du projet de loi que nous abordons, de le réécrire en bonne partie.
Dans son souci de satisfaire tout un chacun, le Gouvernement réussit ainsi la prouesse de mécontenter presque tout le monde.
Pourtant, le Président Hollande avait bien résumé, à Dijon, en mars 2012, les besoins de notre pays en termes de décentralisation : « Nous définirons les bases du pacte de confiance et de solidarité entre l’État et les territoires. […] Il faut donner une plus grande lisibilité à notre organisation. […] Il est nécessaire de garantir le niveau de dotation de l’État aux collectivités locales. »
Exclamations sur les travées de l'UMP.
Eh oui !
La France a un double défi à relever : clarifier les compétences des collectivités et de l’État, sans dépenser plus. J’ai tendance à penser que c’est en période de crise que les grands talents se révèlent. Le Gouvernement me semble aujourd’hui laisser passer une nouvelle occasion de se montrer talentueux, ce que je regrette.
Chacun s’accorde sur la nécessité de redéfinir clairement le rôle et les fonctions respectives de l’État et des collectivités locales : un État stratège et garant des dynamiques d’équilibre entre les territoires et, pour les collectivités, une articulation nécessaire, par exemple, entre les pôles urbains et les territoires qui s’y attachent et les entourent. Tels doivent être les fondements de nos travaux.
L’examen de ce texte doit permettre de travailler sur cette approche fonctionnelle de nos territoires, et faire fi, pour mieux les transcender, des limites et périmètres « administratifs ». Les fonctionnalités observées et celles de l’avenir, dont nous traçons les perspectives, pourront alors trouver leur traduction dans un cadre d’actions favorisant la performance territoriale dans les ensembles identifiés que constituent notamment les aires urbaines, lesquelles regroupent villages et villes et traduisent des bassins de vie homogènes dans leurs fonctions.
Mais le Gouvernement a jugé bon de nous soumettre un projet « à la découpe » qui, d’une certaine manière, scinde ces différents enjeux. Comment voulez-vous, mesdames les ministres, que le Parlement se prononce lucidement sur l’émergence ou la création de métropoles, privé qu’il est de la connaissance exacte et précise du projet susceptible d’émerger pour les autres collectivités ? Certes, des annonces ont été faites. Toutefois, considérant les tergiversations du Gouvernement sur ce texte au cours des six derniers mois, je crains de ne pouvoir me fier à la parole de l’État sur le moyen terme.
En fait de choc de simplification, appelé de ses vœux par le Président de la République, je crains plutôt un choc de complexification. Un bel exemple a été exposé ce matin à cette tribune par le président de la commission des lois, Jean-Pierre Sueur.
Quelles sont donc les avancées proposées pour encourager la créativité dans les métropoles et pour les agglomérations ? On assiste aujourd’hui à une querelle de chiffres sur les seuils. À quelle réalité de terrain cela correspond-il ? Les méthodes employées risquent de freiner les initiatives et d’éloigner encore des enjeux les habitants, qui n’ont que faire d’une quelconque logique administrative ou cartographique.
Il nous faut au contraire exploiter le rôle moteur des métropoles, qui sont en quelque sorte, avec les agglomérations, le réacteur des territoires, afin de leur permettre de travailler ensemble, et avec leur bassin de vie élargi. Ce partenariat entre les territoires, sans complexification administrative superflue, assurerait un réel développement dans nos régions, emportant de façon équilibrée zones urbaines et rurales dans une belle et même dynamique.
Il est nécessaire aujourd’hui d’encourager l’initiative, la mutualisation des actions et le travail en réseau.
Le pôle métropolitain, par exemple, se fonde sur un constat lucide et réaliste de l’évolution des liens possibles entre territoires. Le pôle métropolitain est aujourd’hui un territoire de vie.
Le rôle incontournable des agglomérations n’est plus à démontrer. Nous devons leur permettre d’aller plus loin. Elles doivent assumer clairement un rôle structurant, qui entraîne, se nourrit et rayonne sur l’ensemble du territoire.
Mes chers collègues, ce projet de loi devait reposer sur quatre grands principes – confiance, clarté, cohérence et démocratie –, énoncés par le Président de la République en octobre dernier. Force est de le reconnaître aujourd’hui, ces principes ne sont ni mis en œuvre ni reconnus dans le texte qui nous est proposé.
Un avis de gros temps, si ce n’est de tempête, sur nos collectivités a été lancé et aucune amélioration ne se profile à l’horizon. J’en veux pour preuve, notamment, le bulletin d’alerte annonçant une baisse de 4, 5 milliards d’euros, d’ici à 2015, des concours financiers et des dotations de l’État aux collectivités.
C’est assurément un mauvais coup porté à ces collectivités, au sein desquelles, entendez-le, la colère gronde. Vous devez le reconnaître, cet acte III de la décentralisation est, dans ce contexte, et en l’état actuel des choses, un acte manqué !
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, l’enthousiasme suscité par ce qu’il est convenu d’appeler « l’acte III de la décentralisation » – je ne sais d’ailleurs pas pourquoi – est pour le moins mitigé, c’est un euphémisme.
Dans la bonne tradition socialiste, on omet de citer toutes les réformes intervenues depuis 1982. Vous-même, monsieur le président de la commission de lois, n’avez-vous pas soutenu, quand vous étiez secrétaire d’État aux collectivités territoriales, un projet de loi de décentralisation…
On l’a oubliée. Pourtant, la loi relative à l'administration territoriale de la République avait apporté son lot de progrès.
Les communautés de villes, elles, n’avaient pas résisté, et il avait fallu attendre la loi Chevènement pour les voir réapparaître, sous une autre forme.
J’imagine que cette loi Chevènement a constitué l’acte II de la décentralisation !
Mais n’oublions pas non plus la loi Raffarin, de 2003.
Protestations amusées.
Qui pourrait oublier la loi de notre collègue, aujourd’hui président de séance ?
M. Jean-Jacques Hyest. C’est pour cela que je la cite ! Au demeurant, je l’aurais fait même si vous ne présidiez pas nos débats, monsieur Raffarin.
Nouveaux sourires.
Cette loi a tout de même fait progresser les choses. Rappelons-nous également la loi de 2010, car les métropoles, dont il va être abondamment question, en sont issues. Certaines d’entre elles sont d’ailleurs une réussite.
Nous n’avons qu’une vague idée des autres volets de la présente réforme, qui a été saucissonnée. Nous commençons par examiner les dispositions relatives aux métropoles, ce qui est tout de même un peu regrettable. Où est la cohérence ? Surtout, on occulte complètement l’aspect financier, qui est fondamental. Bien sûr, les mesures financières ne doivent figurer que dans une loi de finances. Néanmoins, il me semble que nous pourrions bénéficier d’un certain nombre d’indications ! Il y a bien eu un article 14, qui surnageait, en quelque sorte, mais la commission des finances a proposé à juste titre son report. Comme vous l’avez dit, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des finances, il reposait, c’est le moins que l’on puisse dire, sur des critères orientés et injustes.
Je suis très tenté de vous dire tout l’intérêt que je trouve au texte présenté par la commission des lois. M. le rapporteur et M. le président de la commission des lois, dont je salue le travail et la volonté de progresser vers un consensus, l’ont dit très explicitement, la philosophie du texte de la commission ne correspond pas tout à fait à celle du projet de loi initial.
Nous allons bien évidemment travailler sur le texte de la commission des lois, d’autant qu’il se réfère explicitement aux travaux menés par le Sénat dans le cadre de la commission dite « Belot-Krattinger ». Cependant, il y a lieu de se pencher sur le texte initial du Gouvernement, parce que c’est sur ce texte-là que nous devons nous engager politiquement.
On affirme la clause de compétence générale, notion que beaucoup de juristes sérieux considèrent comme peu pertinente.
À cet égard, nous nous souvenons des débats interminables que le sujet a suscités dans notre assemblée en 2010. C’était formidable ! Ce matin encore, l’un de nos collègues a démontré que, pour ce qui concerne les communes, la clause de compétence générale n’avait pas grand sens.
Immédiatement après, saisi d’effroi devant la liberté d’administration prétendument retrouvée des collectivités locales, on encadre les conférences territoriales de l’action publique dans le carcan étroit du pacte de gouvernance territoriale.
On avait rarement fait plus technocratique ! Je pense aux schémas territoriaux volontaires, mais en fait imposés – en Île-de-France, on connaît, on a le SDRIF, ce qui n’est déjà pas mal ! –, avec intervention des préfets de région à tout moment et évaluation par les chambres régionales des comptes.
Voilà pour le titre Ier du projet de loi, dont il ne reste, dans le texte de la commission, que la conférence territoriale de l’action publique, que j’estime utile. Il y avait d’ailleurs, et depuis longtemps, un consensus sur la coopération nécessaire entre les divers niveaux de collectivités.
Quant aux métropoles, il s’agit d’une nouveauté, même si leur création est permise par l’article72 de la Constitution, dans sa version, je le rappelle, du 28 mars 2003, dont la rédaction avait été très compliquée, certains voulant que toutes les collectivités fonctionnent suivant le même régime.
En Alsace, une tentative n’a pas abouti. Nous aurons désormais une métropole lyonnaise, collectivité locale se substituant non seulement au département, mais aussi, largement, aux communes ; une métropole Aix-Marseille, qui a, quoi qu’on en dise, sa logique de territoire et demeure un EPCI, et, enfin, la métropole parisienne, dont la gouvernance est pour le moins curieuse, avec un conseil métropolitain composé du maire de Paris et des présidents des intercommunalités obligées. Bel exemple de démocratie locale que cette superstructure et le schéma de coopération interdépartementale qui l’accompagne !
On oublie ainsi totalement que les départements de la grande couronne ont déjà élaboré leur schéma départemental de coopération intercommunale. Il va leur falloir recommencer le travail, six mois plus tard, alors qu’il avait été très difficile de fédérer les uns et les autres.
Le schéma départemental…Que n’ai-je entendu sur cette formule si critiquée de la loi de 2010, dont l’opposition de l’époque disait qu’elle accordait trop de pouvoirs aux préfets. J’en conclus qu’aujourd’hui les mêmes, cette fois dans la majorité, trouvent les préfets très bien ! §C’est d’ailleurs ce que j’ai toujours pensé : les préfets sont indispensables à notre société.
Bien sûr, le retard apporté au développement de la coopération entre Paris et les communes de l’unité urbaine nuit à l’aménagement du territoire de la métropole, cela fait longtemps qu’on le dit. Pour autant, celle-ci ne peut se développer contre la région. Telle qu’elle est bâtie, elle risque de faire des départements de la grande couronne des ensembles appauvris et sans avenir, surtout si l’on s’ingénie à les transformer en super-bureaux départementaux d’action sociale.
Reste le chapitre IV, qui concerne les métropoles : c’est un vocable magique, un titre que le moindre chef-lieu de département, voire d’arrondissement, aurait tendance à revendiquer. Sans remettre en cause l’existence des métropoles, prévue par la loi de 2010, évitons de les multiplier au-delà des cas de Lille et de Strasbourg, spécifiques en raison de l’environnement européen de ces villes, alors que la structure des communautés urbaines est adaptée à beaucoup de nos territoires.
Ces réformes partielles, dont le moins que l’on puisse en dire est qu’elles n’ont rien à voir avec un jardin à la française, ne constituent certes pas un « choc de simplification » ; elles accroissent au contraire la complexité de nos structures locales, au point que nos concitoyens risquent de ne plus rien y comprendre.
Mes chers collègues, je voudrais maintenant vous faire part d’observations plus générales.
Depuis quelques années, on assiste à une offensive permanente contre la commune et le département, échelons prétendument obsolètes. Ainsi, en particulier dans le rapport Attali, le rapport Balladur ou le rapport Jospin, seules apparaissent modernes les intercommunalités – qui sont en fait de plus en plus des « supracommunalités », et l’on nous invite à aller encore plus loin –…
… et, jusqu’à aujourd’hui, les régions. On assiste à une asphyxie des départements sous la charge croissante de leurs dépenses d’aide sociale, non compensées, et il est proposé de transférer aux métropoles l’essentiel des compétences communales. On attend la suite annoncée…
Dans nos campagnes, chacun fait l’éloge de la commune, berceau de la démocratie locale, mais on la cantonne, comme le département, « dans la gestion de la vie quotidienne et l’organisation des services de proximité », pour reprendre les termes d’un rapport de l’Assemblée des communautés de France.
Mlle Sophie Joissains applaudit.
La réforme de 2010, que j’ai soutenue, était une tentative courageuse pour apporter une réponse nouvelle. Vous n’en avez pas voulu, certains d’entre vous souhaitant maintenir les baronnies qui se sont constituées au fil des temps, avec leur cortège de petites prébendes, d’obligés et de dépenses somptuaires. Pensons aux hôtels que se sont fait construire certaines collectivités !
Pourtant, on nous dit que les collectivités locales doivent contribuer au redressement financier de notre pays. Nous ne voyons pas la logique de ce projet, bien éloigné de l’engagement du Président de la République de conclure « un pacte de confiance et de solidarité […] entre l’État et les collectivités garantissant le maintien des dotations à leur niveau actuel ».
J’approuve certaines dispositions du projet de loi, notamment la création de la métropole lyonnaise, qui peut être un modèle. Cependant, même amendé, ce texte ne me paraît pas répondre à l’objectif affiché d’une véritable modernisation de l’action publique. Je le regrette profondément et j’ai vraiment le sentiment que nous perdons notre temps.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l’UDI -UC.
Selon vous, mesdames les ministres, ce texte constitue l’acte I d’un projet et non l’acte III de la décentralisation. Nous attendons beaucoup de ce projet, qui comprendra, je l’espère, une réforme profonde, moderne et juste de la fiscalité locale.
Quelle est l’origine de ce premier texte ? Elle se trouve dans l’engagement pris par le candidat à la présidence de la République François Hollande de conduire une « nouvelle étape de la décentralisation », assortie de la conclusion d’un « pacte de confiance et de solidarité ».
Lors des états généraux de la démocratie territoriale, le Président de la République a assigné deux objectifs à ce pacte, la relance de la croissance et le rétablissement des comptes publics, en prenant soin de préciser que les collectivités territoriales étaient aussi concernées.
Il s’agit aussi d’une nouvelle étape parce que le paysage territorial a changé.
J’ai beaucoup regretté que, au cours des années passées, la polémique et les préjugés l’aient emporté sur la prise en considération de la réalité. La coopération intercommunale a connu une formidable avancée, même si quelques régions sont encore en retard.
Monsieur Vandierendonck, vous avez eu raison de souligner, à la page 17 de votre rapport, l’excellence et l’expertise de la fonction publique territoriale, qui n’a aucun complexe d’infériorité à nourrir à l’égard d’autres fonctions publiques.
Il faut avoir à l’esprit que, en vingt ans, la part des collectivités territoriales dans le produit intérieur brut a doublé, tout comme le montant de leurs investissements. Rappelons également que, au cours de ces dernières années, l’État s’est affaibli, devenant « distant » et parfois « incertain ».
Il s’agit d’une nouvelle étape, enfin, parce que le rôle de l’État a changé. L’État dispose de la « compétence de la compétence », est le garant du pacte républicain, mais toutes les politiques publiques sont nécessairement partenariales. Vous n’y changerez rien !
En outre, l’État, ne vous en déplaise, n’a plus le monopole de la promotion de l’intérêt général, de la coordination et de la régulation, auxquelles participent nos collectivités territoriales, quelles qu’elles soient.
Quels sont les principaux choix politiques et institutionnels qui découlent de notre analyse ?
Tout d’abord, une première évidence s’impose : celle de la solidarité entre l'État et les collectivités territoriales, ainsi qu’entre les collectivités territoriales elles-mêmes. C'est dans le cadre de cette solidarité que nous devons apprendre à conjuguer la libre administration et l'autonomie juridique, financière et fiscale. Par ailleurs, nous sommes liés par la discipline européenne, et le temps est révolu où l'on pouvait distinguer, au sein de notre système financier public, la composante « État », la composante « collectivités territoriales » et la composante « organismes sociaux ». Nous sommes liés par d’évidentes solidarités et nous avons à bâtir un nouvel ordre financier et fiscal public.
Je voudrais insister sur une seconde évidence, qui n'est à mon sens pas suffisamment présente dans nos réflexions : nous avons un vaste territoire, faiblement peuplé, avec des densités régionales tout à fait variables. La France ne compte que quatre aires urbaines « millionnaires » : Paris, Lyon, Marseille et Lille. Les causes de cette situation sont très simples : au XIXe siècle, notre pays a pris un très grand retard, en matière d’industrialisation, par rapport à l'Allemagne et au Royaume-Uni, retard qui s'est répercuté sur la formation des villes. Le fait communal est une autre particularité de la France, que nous ne saurions nier. Évitons d’importer des modèles qui ne correspondent ni à notre géographie ni à notre culture !
Quelles propositions pouvons-nous formuler ? Certaines d’entre elles se retrouvent dans les travaux de notre délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, dont je suis heureux de saluer les présidents successifs, tout spécialement Mme Gouraud.
Dans son rapport de synthèse, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation consacre plusieurs pages aux métropoles. Elle se réfère à la loi du 16 décembre 2010, ainsi qu’aux travaux du professeur Christian Saint-Étienne, qui rappelle que « l’institutionnel ne doit pas primer sur le fonctionnel et le stratégique ».
Dans un rapport d’information fait au nom de la délégation et daté du 28 juin 2011, je suggérais de conjuguer des critères quantitatifs et qualitatifs pour définir les métropoles. C’est donc sans surprise que la délégation propose de réexaminer les critères de création des métropoles.
Si l’on ne gouverne pas une société par décrets, il ne suffit pas d’un statut pour consacrer une influence, un rang éventuel. Nous savons tous que l’économie d’une région, la cohésion d’un département sont profondément liées à l’existence d’une métropole active ; vouloir opposer régions, départements, métropoles et communes n’a aucun sens.
Je reconnais la nécessité, pour notre pays, de compter de grandes agglomérations. Paris, Lyon, Marseille sont des atouts incontestables, qu’il nous faut enrichir, mais ces agglomérations ne résument pas, à elles seules, le fait métropolitain français qui, bien évidemment, ne se confond pas avec le fait urbain.
Mes chers collègues, nous devons également nous dégager d’un certain jacobinisme qui hiérarchise nos territoires, les classe, les oppose sans tenir compte de leurs qualités particulières, de leur gouvernance. C'est un héritage dont il faut nous défaire. L’avenir est aux réseaux, aux filières, à la coopération, à la territorialisation.
Concernant la clarification des compétences, nous devons privilégier le principe des compétences obligatoires partageables par accord contractuel. Aucun juriste n’est capable, aujourd'hui, de définir de manière pragmatique la notion de bloc de compétences. Cela n'existe pas !
M. Bernard Cazeau applaudit.
Pour prendre le cas de la région, chacun conviendra qu’elle a une responsabilité économique ; elle ne peut cependant l’exercer sans lien avec les départements, qui sont compétents en matière d'insertion sociale, ou avec les métropoles, les bassins de vie, les intercommunalités… L’exercice d’une compétence passe par des contrats, des conventions de site liant les différents acteurs. Si l'on veut que les différents schémas de la région, du département ou de l’intercommunalité aient une valeur prescriptive, ils doivent être fondés sur un minimum de concertation et de contractualisation.
Je suis très heureux que la définition du chef de file ait été rectifiée grâce à votre éclairage, monsieur le rapporteur, et conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Le chef de file ne décide pas, il n’ordonne pas : il organise, il met en rapport.
Madame Lebranchu, vous avez souligné à juste titre que le problème essentiel de notre administration, aujourd'hui, c'est celui de la transversalité, et non pas celui de la hiérarchie !
Lors de la réforme de 1982-1983, nous avons modifié le statut préfectoral. La transversalité est nécessaire, fondamentale. Qui peut l’assurer ? Les grands exécutifs, quels qu'ils soient, en s'appuyant sur la concertation et la coordination.
Nous sommes tous d'accord pour dire que notre territoire est différencié. Il faut assumer ces différences, tout en respectant nos grands principes constitutionnels. Cela appelle l'expérimentation, l'adaptation aux réalités locales : l'indivisibilité n'implique pas l'uniformité.
Enfin, permettez-moi d’évoquer un passage du rapport de notre collègue Jean Germain aux termes duquel, financièrement, eu égard à la conjoncture, il n’est pas de bonne politique d’allouer des subsides aux métropoles au détriment des autres collectivités, tout spécialement des départements et des communes. §
En conclusion, madame la ministre, je voudrais saluer la démarche de M. le Premier ministre, qui a mis en place par anticipation, le 12 mars dernier, une préfiguration du Haut Conseil des territoires. Six chantiers ont été identifiés ; je souhaite que le Sénat soit régulièrement informé des travaux de cet organisme.
Monsieur Vandierendonck, vous avez évoqué la grande course cycliste Paris-Roubaix : je souhaite qu’il n’y ait pas de faux départ, que le carrefour de l’Arbre et la tranchée d’Arenberg puissent être franchis rapidement et dans de bonnes conditions, que chacun se retrouve dans les vestiaires avec sa plaque. §
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je voudrais évoquer le sort particulier réservé, dans ce projet de loi, à mon département et à Marseille.
Les Bouches-du-Rhône sont coupées en deux avec, à l’ouest, une population d’environ 150 000 personnes vivant sur des territoires essentiellement ruraux, et, à l’est, des territoires industrialisés à forte densité urbaine que le texte prévoit de regrouper autoritairement au sein d’une métropole à qui l’on assigne comme priorité essentielle de faire entrer dans l’ère de la compétitivité ses entreprises et quelque 1, 7 million d’habitants. Faire concurrence à Gênes et à Barcelone, tel est le cap, telle est l’ambition.
Pour mettre fin aux trafics qui trop souvent s’accompagnent de sanglants règlements de comptes : la métropole ! Pour circuler rapidement et confortablement d’un bout à l’autre du département : la métropole ! Pour permettre le développement de l’université : la métropole ! Pour assurer le développement du grand port maritime : la métropole ! Pour favoriser l’essor industriel : la métropole ! Cela paraît simple, mais le simplisme du raisonnement est assez confondant pour qui a pris le temps de la réflexion, pour qui a échangé avec les acteurs sociaux des quartiers, les syndicalistes des entreprises en lutte, les acteurs du monde économique, les élus, celles et ceux qui se battent pour faire de ce territoire un espace vivant, un espace commun à l’échelle de sa population.
Le désengagement flagrant de l’État s’agissant du port et de ses infrastructures, les abandons des années soixante-dix en termes de création de filières industrielles à partir de la sidérurgie et de la chimie du pétrole, l’inadaptation aux usages contemporains d’un réseau ferré à bout de souffle, alors que notre territoire se situe au carrefour de flux européens en constante augmentation : là sont les causes premières des difficultés que nous traversons actuellement.
Les résistances à ce projet de loi qui s’expriment aujourd’hui et que le Gouvernement dénigre en les apparentant à des réactions épidermiques de caciques locaux plus préoccupés de clientélisme que de l’intérêt général traversent tout l’échiquier politique : elles rassemblent 109 maires sur 119, la majorité des exécutifs communautaires, des sénateurs et, sans doute, des députés ; elles reflètent les inquiétudes de nos populations, qui, sur le fond, voient se profiler un monstre administratif et technocratique, et, sur la forme, constatent la négation de la démocratie, de la citoyenneté se construisant dans chacun des territoires de notre département.
Chacun sait bien que le mode d’élection au sein de la métropole, même s’il respecte le principe de la représentation des communes, aboutira à la formation d’un « gouvernement » de gestionnaires, dans la mesure où les membres de l’organe délibérant seront élus non pas sur un programme, un projet, mais au travers d’un fléchage lors des élections municipales. Il n’y aura pas de débat sur les orientations de la métropole, et donc pas d’appropriation citoyenne des grandes décisions à prendre à l’échelle de ce territoire ; il y aura seulement des conseils de territoire, dont le rôle consultatif laisse assez facilement augurer que, au final, tout se décidera ailleurs qu’à l’échelon des communes.
Marseille, la deuxième ville de France, cette ville sans banlieue que tout le monde plaint pour l’extrême pauvreté de ses quartiers populaires, mais dont on ne dit pas assez que s’y développe aussi la richesse la plus opulente. Voilà deux ans, La Provence classait déjà Marseille au quatrième rang des communes où vivent les Français les plus fortunés, derrière Lyon, mais devant Nice. Je ne pense pas que les choses aient évolué depuis.
Attaquons-nous à la répartition des richesses créées dans ce pays, à Marseille comme à Aix-en-Provence et dans tout le département. Travaillons avec l’ensemble des collectivités à partir des communes, liées par des coopérations mutuellement avantageuses, choisies. La liste est longue de ce qui peut être fait en commun si les incitations financières de l’État remplacent l’autoritarisme administratif qui, jusqu’à aujourd’hui, a tenu lieu de ligne directrice.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Roland Povinelli applaudit également.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi, le premier d’une trilogie, n’est pas l’acte III de la décentralisation. Le Gouvernement l’a reconnu avec une lucidité que je salue. Le groupe centriste ne peut que regretter cette orientation : ayant toujours été favorables à un approfondissement de la décentralisation, nous restons sur notre faim.
Mesdames les ministres, vous avez des circonstances atténuantes. L’exercice est risqué : simplifier, clarifier en matière de décentralisation, c’est bien sûr arbitrer. Il fallait pour cela partir d’une vision nouvelle de notre organisation territoriale et faire évoluer notre système en fonction de celle-ci.
Il faut dire à votre décharge, mesdames les ministres, que vous n’aviez pas une feuille de route bien claire. La clôture par le Président de la République des états généraux de la démocratie territoriale organisés par la Haute Assemblée fut l’occasion d’une synthèse certes brillante, mais inopérante.
À trop vouloir concilier les points de vue, on finit par perdre le cap : ce qui manque à votre projet de loi, c’est sans doute une ligne directrice. Chacun peut y trouver ce qu’il veut, personne n’est réellement enthousiaste et, au final, beaucoup sont insatisfaits. Nous verrons si la discussion permet d’améliorer le texte.
Le débat sur la décentralisation soulève des questions récurrentes. La place des communes peut paraître remise en cause par le rôle grandissant des intercommunalités. Nous voulons réaffirmer notre attachement au couple commune-intercommunalité, conçu comme un moyen de souveraineté pour la commune.
Le rôle du département est, quant à lui, mis en question depuis plusieurs années en raison de la métropolisation et de la montée en puissance des régions. Il l’est à juste titre, de mon point de vue, pour les zones urbaines, tandis que, au contraire, le département joue un rôle majeur dans les zones rurales et est un facteur de cohésion et de solidarité territoriale. On s’interroge de toute façon partout sur la place des départements, du fait du poids des prestations sociales.
Le deuxième mouvement majeur est la baisse de l’ensemble des dotations publiques aux collectivités locales, qui s’accentuera encore dans les prochaines années, en raison des décisions récemment annoncées. Cela nous oblige à faire évoluer notre organisation territoriale et à avoir quelques idées claires.
Vous serez confrontées à un choix, notamment en zones urbaines. À Lyon, le choix est fait… par les élus. En Île-de-France, il n’y a pas aujourd’hui de vision partagée, et vous contournez le problème. En province, vous laissez les élus démêler la contractualisation entre métropoles et départements ; c’est sans doute un moindre mal.
Chacun peut trouver, dans ce texte compliqué, foisonnant, souvent bavard, quelques motifs de satisfaction et des motifs de mécontentement, plus nombreux à ce stade.
Au titre des motifs de satisfaction, je relèverai la structuration de la métropole lyonnaise et la reconnaissance du fait métropolitain, même si le terme de métropole reste ambigu dans le projet de loi, comme l’a souligné ce matin notre collègue Jacqueline Gourault. Il recouvre en effet trois réalités : une collectivité territoriale de plein exercice à Lyon, un EPCI en province et, curieusement, un syndicat mixte à Paris. Cette réalité polymorphe sur le plan juridique n’empêche pas de constater l’envie de métropole chez les élus, pour qui elle constitue une reconnaissance de leur territoire, et chez les habitants, pour qui elle signifie, à terme, plus de services. À notre sens, l’organisation des territoires en métropoles conçues comme pôles de développement est un facteur de croissance économique. Il faut aussi organiser la solidarité entre les métropoles, d’une part, et le monde rural et périurbain, d’autre part.
Au titre des motifs de mécontentement, je soulignerai la multiplication des instances et des schémas à travers les conférences territoriales de l’action publique. Elle conduit à complexifier l’action publique territoriale à tous les niveaux. Cette voie, certes diplomatique et conventionnelle, mais floue, va rendre encore plus difficile la prise de décision à tous les niveaux, avec un risque d’embouteillage, voire de contentieux. Elle va également rendre plus illisibles, pour nos concitoyens, les politiques conduites par les collectivités. Saluons toutefois les efforts de la commission des lois, de son président, de son rapporteur et de l’ensemble de ses membres, pour apporter de la clarté à ce texte.
Le rétablissement de la clause de compétence générale pour les départements et les régions est emblématique de ce refus de clarifier les compétences des collectivités. Convenons que le débat est un peu théorique.
Rétablir la clause de compétence générale est une concession symbolique : elle fait plaisir aux élus, mais, bien souvent, elle sera sans effet, car la réalité des finances locales fait que les collectivités ne pourront plus agir au-delà des compétences obligatoires qui sont les leurs. D’ailleurs, notre collègue Hervé Maurey proposera de maintenir la suppression de la clause de compétence générale, qui était une première étape dans la simplification et la clarification.
Le « chef de filat », me direz-vous, se veut un début de clarification des politiques locales. Il peut aboutir à un fatras, avec, au surplus, un risque de mise en place d’un tutorat de certaines collectivités sur d’autres. Encore la commission des lois a-t-elle, avec brio, évité le pire à cet égard ! Félicitons-la aussi d’avoir supprimé le pacte de gouvernance territoriale, trop complexe, et son corollaire, l’abominable sanction financière pour les collectivités non signataires de ce pacte.
J’en viens maintenant au cas de l’Île-de-France. Cependant, avant d’arriver à Paris, il faut passer par Lyon et le département du Rhône.
Il nous faut saluer la hauteur de vues de Michel Mercier, alors président du conseil général du Rhône, et de Gérard Collomb, maire de Lyon et président du Grand Lyon, qui ont su proposer une vraie clarification et une simplification, avec la création d’une collectivité territoriale nouvelle, aux compétences étendues et clairement définies. Dans le Rhône et à Lyon, de vrais choix ont été faits !
Clarté et efficacité sur les bords du Rhône et de la Saône, mesdames les ministres, nébulosité et inefficacité sur les rives de la Seine : telle est la réalité.
Le projet de métropole en Île-de-France n’est pas inspiré, c’est le moins que l’on puisse dire. Il y a d’abord une erreur de méthode manifeste : Paris Métropole ne pouvait être la pythie espérée. Il y a aussi, sans doute, un problème de leadership : ni le maire de Paris ni le président de la région n’ont pu ou su proposer un schéma novateur qui puisse répondre aux attentes des Franciliens. En effet, il existe, en Île-de-France plus qu’ailleurs, l’envie et le besoin d’une métropole et d’une gouvernance renouvelée.
L’Île-de-France crève de l’inefficacité et de l’empilement des structures. Pourtant, il y avait une source d’inspiration : le Grand Paris. Cette inspiration, on la retrouve d’ailleurs à certains égards, malgré les clivages, dans la version finale du prochain schéma directeur, qui reprend en partie la vision d’un Grand Paris métropole mondiale. Si nous ne partons pas d’une vision, nous ne parviendrons jamais à régler les problèmes institutionnels de l’intercommunalité en Île-de-France.
Curieusement, quand nous parlons de la métropole francilienne, le Gouvernement déconnecte l’organisation institutionnelle du projet d’ensemble du Grand Paris ; du moins en donne-t-il le sentiment. Ce mal est sans doute celui de l’administration qui, dans son ensemble, considère trop souvent que l’intercommunalité en Île-de-France est une chose et que le Grand Paris en est une autre.
La construction du Grand Paris en Île-de-France doit évidemment s’appuyer sur l’intercommunalité, en partant de la vision proposée par les architectes, du tracé du réseau du Grand Paris Express et des contrats de développement territorial qui sont en cours de négociation. Même le schéma directeur de la région d’Île-de-France en prend acte : il est parlant que le projet de loi n’en fasse pas mention.
Cela étant, nous avons pris collectivement, me semble-t-il, le problème par le mauvais bout.
Tout d’abord, on a voulu imposer une toise à 300 000 habitants pour le développement de l’intercommunalité – la commission propose de la ramener à 200 000 habitants –, ce qui est vécu comme une perte de proximité et une régression démocratique.
Ensuite, vous proposez d’ajouter une couche supplémentaire au millefeuille territorial, ce qui n’est pas acceptable. Vincent Delahaye interviendra sur ce sujet.
Enfin, vous n’accordez pas à Paris Métropole, qui serait un syndicat mixte, les compétences de base que vous attribuez aux collectivités et aux métropoles d’équilibre. Je veux dire mon désaccord avec l’idée de centrer Paris Métropole sur le logement : cela peut être une finalité à terme, mais non un point de départ. Les maires le vivent comme un dessaisissement. Je ne vois pas ce qu’apportera cette complexification supplémentaire.
En ce qui concerne la question du périmètre, deux visions existent, entre lesquelles il faut maintenant trancher.
Tout d’abord, si l’on retient l’aire urbaine de Paris comme périmètre de la métropole, on se condamne en réalité à reprendre le périmètre de la région d’Île-de-France, puisque 95 % de la population de cette dernière y vit.
Le second schéma, que Philippe Dallier exposera avec le talent qu’on lui connaît, commence un peu à dater.
Il consiste à inclure dans le périmètre Paris et la petite couronne, la métropole remplaçant les départements.
En conclusion, la proposition de la commission des lois nous paraît plus réaliste que celle du Gouvernement. En ce qui concerne l’Île-de-France, le texte fait fausse route : il faut repartir de zéro. En revanche, les métropoles d’équilibre représentent une avancée que l’on peut saluer. En résumé, nous devons modifier ce projet de loi. §
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je commencerai par le commencement, c’est-à-dire par le projet du Gouvernement, produit d’une gestation difficile : il n’en existe pas moins de trois versions connues, la dernière tronçonnée en trois parties, ce qui ne facilite pas vraiment l’acquisition d’une vue d’ensemble, si tant est que celle-ci soit possible.
En outre, le nombre d’articles du projet de loi est passé de 79 à 145 et il n’est plus question de décentralisation. À la place, on nous propose un projet managérial de réorganisation de l’usine administrative, dans l’air du temps libéral mais à mille lieues de l’esprit des lois de 1982 et de 1983, un projet politique celui-là, donnant le pouvoir aux élus pour dynamiser le pays : c’est ce qui s’est passé, les collectivités territoriales assurant progressivement entre 70 % et 75 % de l’investissement public, en maintenant leur endettement au-dessous de 10 % du PIB ; qui dit mieux ? Aujourd’hui, c’est en les empêchant d’agir qu’on entend les rendre plus performantes ! La France d’aujourd’hui n’est plus celle d’hier, nous a-t-on dit : on s’en aperçoit tous les jours…
Tout avait pourtant commencé dans l’enthousiasme des états généraux de la démocratie territoriale, précédés de réunions départementales et conclus dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne. Pour le millier d’élus locaux présents, la première attente était d’être reconnus, autrement dit de voir remplacer le catalogue disparate des dispositions supposées faciliter l’exercice des mandats locaux par un authentique statut de l’élu territorial. Si j’ai bien compris, c’est pour bientôt !
Les élus locaux attendent également toujours des réponses à leurs deux principales préoccupations : pouvoir boucler leurs budgets quand ressources et charges évoluent en sens inverse, d’une part, se dépêtrer des contraintes bureaucratiques qui, loi après loi, décret après décret, arrêté après arrêté, circulaire après circulaire, les ligotent. Le pacte de gouvernance territoriale, qui en remet une couche, va certainement les combler ! Mais, là aussi, le choc de simplification, c’est pour bientôt…
Ce qu’attendent vraiment les élus locaux, c’est toujours pour bientôt ! §
Selon l’exposé des motifs du projet de loi, l’objet de celui-ci est de faire « participer [les collectivités] à l’effort de redressement des finances publiques pour assurer notre souveraineté budgétaire ». Assurer notre souveraineté budgétaire aujourd’hui, sauver notre triple A hier : il n’y a pas vraiment de changement !
Comment concentrer la richesse et du pouvoir dans une quinzaine de zones urbaines et paralyser le reste du territoire, le tout étant placé sous surveillance des chambres des comptes, permettra-t-il d’améliorer la compétitivité du pays, sa balance commerciale, de doper son taux de croissance, de faire diminuer le chômage ? Personnellement, je ne vois pas.
En attendant, le message est clair : l’État étant endetté, ses caisses vidées, les collectivités territoriales doivent moins dépenser pour être à même de se passer de son aide et se désendetter pour sauver la face à Bruxelles et à Berlin.
Pour atteindre ces objectifs, il existe une méthode éprouvée.
Premièrement, il faut réduire l’autonomie fiscale des collectivités et le dynamisme de leurs ressources. Tel fut l’objet de la réforme du précédent quinquennat, sur laquelle il ne semble pas que l’on veuille revenir.
Deuxièmement, il faut réduire l’autonomie des plus petites collectivités en leur retirant leurs compétences essentielles – notamment en matière d’urbanisation – au profit d’intercommunalités vastes et le plus intégrées possible. C’est l’objet du projet de loi de développement des solidarités territoriales que nous examinerons bientôt et, à un moindre degré, de celui que nous discutons aujourd’hui.
Troisièmement, il faut pousser à la concentration de la richesse dans les territoires les plus riches, évidemment les plus densément peuplés, pour doper leur « compétitivité », en espérant, selon le crédo libéral, voir « ruisseler » la richesse ainsi produite à leur périphérie. Tel est l’objectif visé par la multiplication des métropoles, lesquelles concentreront l’essentiel des ressources de leur département et réduiront d’autant ses potentialités péréquatrices – ce qui aura également des effets sur les régions –, sans parler de la ponction de 32 millions d’euros ainsi opérée sur la dotation d’intercommunalité. Mais ne soyons pas mesquins !
Quatrièmement, il faut enserrer les acteurs publics dans une série de contraintes qu’ils auront eux-mêmes négociées et acceptées : l’organisation de la servitude volontaire, en quelque sorte. C’est le rôle du pacte de gouvernance territoriale décliné en couches de schémas, toile d’araignée dont les moucherons communaux ne pourront s’échapper, sauf à renoncer à tout soutien financier extérieur. Le mandat régional suffira à peine à l’élaboration d’un pacte qui, à peine bouclé, devra être révisé !
Cinquièmement, il faut mettre ces acteurs sous contrôle de juridictions financières, prétendument indépendantes, c’est-à-dire non élues et responsables devant personne. Je vous renvoie aux articles 5 et 8 du présent projet de loi, ainsi qu’à l’article 18 du projet de loi relatif au développement des solidarités territoriales.
Lors de votre audition au Sénat, madame la ministre, vous nous avez dit que le premier objectif de la réforme était de « rétablir la confiance entre les élus et l’État », le deuxième de « clarifier l’organisation territoriale et les tâches de chacun », le troisième de « renforcer la démocratie locale ».
Drôle de façon de rétablir la confiance que de placer les élus sous surveillance, étrange manière de clarifier en organisant l’auto-paralysie des élus ! Quant au renforcement de la démocratie locale, nous y reviendrons le moment venu.
Je me félicite donc que notre commission des lois ait suivi son rapporteur, René Vandierendonck, qui a pris l’initiative courageuse de revisiter le texte. Il n’est pas si fréquent de voir le Parlement se souvenir que, même sous la Ve République, il n’est pas obligé d’avaliser tout ce qu’on lui transmet.
Directement inspiré des travaux de la mission Belot et des conclusions du rapport d’information Krattinger-Gourault qui en est issu, le texte de notre commission, en supprimant les dispositions du projet de loi les plus attentatoires à l’esprit de la décentralisation, crée les conditions d’un accord du Sénat sur l’essentiel, comme cela avait été le cas de la mission Belot. L’esprit de la décentralisation, c’est la liberté.
La servitude volontaire, sous la pression de la pénurie et sous surveillance de hauts fonctionnaires spécialisés, n’est pas la liberté. Que ceux qui en doutent considèrent seulement comment l’Europe s’est auto-paralysée par sa camisole de traités dont, depuis plus de vingt ans, on attend en vain un miracle économique.
Sans aller aussi loin, on peut évoquer l’inconscience avec laquelle le Sénat lui-même a soumis notre droit d’amendement et le pouvoir d’examen de ses commissions à l’arbitraire du président de la commission des finances, désigné pontife infaillible de l’article 40 de la Constitution ! Jacques Mézard l’a rappelé ce matin.
Des suppressions ont été opérées par la commission, qui concernent le pacte de gouvernance territoriale, la tutelle des préfets, des chambres régionales des comptes et, d’une certaine façon, de la région sur l’action des autres collectivités, le transfert automatique des compétences des départements aux métropoles en cas de désaccord prolongé.
Restent évidemment nombre de points encore loin de faire consensus et aussi importants que le choix de certains chefs de file, la définition des compétences des métropoles, l’organisation et le nombre de celles-ci.
Manquent enfin des outils permettant aux territoires, qu’ils soient très urbanisés ou ruraux, de s’organiser en réseau d’acteurs sur un vaste territoire, éventuellement discontinu. Ce sera l’objet de cette première lecture.
Madame la ministre, j’ai lu quelque part que vous vous prépariez à un « bras de fer avec le Sénat ».
Si c’est vrai, c’est dommage : obtenir un accord avec l’assemblée qui représente les collectivités territoriales serait certainement la meilleure marque de confiance envoyée aux territoires.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, quelle occasion manquée ! En effet, à l’heure de débuter l’examen d’un ensemble de projets de loi qui devait décliner un nouvel élan décentralisateur dans notre pays, force est de constater la faiblesse du projet qui nous est soumis. Croyez-moi, pour avoir suivi l’élaboration de ce ou ces textes depuis des mois, je suis évidemment très déçu de devoir introduire ainsi mon propos.
Le constat est sévère, mais il découle d’abord de l’importance que nous accordons à l’enjeu. Dans un pays qui doute de lui-même, cette grande loi, ce possible acte III de la décentralisation que nous appelions de nos vœux devait affirmer notre capacité à libérer les énergies, à renforcer l’efficacité d’une action publique et collective qui est le socle de la réponse que nous devons apporter aux crises actuelles et, surtout, à conforter la solidarité territoriale, exigence majeure du temps.
Cet élan ne s’exprime guère dans cette première mouture d’un projet de loi qui illustre surtout la difficulté de moderniser notre pays, la force des patriotismes d’organisation et un conservatisme frileux devant toute offre de réforme.
Ce réquisitoire, mesdames les ministres, ne vous est pas personnellement adressé, et nous savons l’énergie que vous avez déployée pour tenter de trouver un accord et une majorité au-delà des très petits dénominateurs communs. Non, il s’adresse à tous, à des réseaux d’élus qui n’ont eu de cesse de défendre leur pré carré, et plus globalement à une société française qui ne s’est pas assez saisie de l’enjeu et qui a d’abord exprimé des craintes, par ailleurs légitimes, comme celle de voir les territoires les moins forts être encore plus fragilisés. C’est notamment ainsi que nous pouvons analyser le résultat négatif du référendum alsacien, que nous déplorons.
Face à ces craintes, pouvant se traduire par un repli nostalgique sur les organisations territoriales les plus anciennes et les plus rassurantes, car les plus connues et pratiquées, il nous fallait, il nous faut toujours promouvoir une vision d’avenir lisible quant aux compétences et ambitieuse quant aux objectifs. Nous avons encore quelques jours devant nous pour accomplir cette tâche !
Le « saucissonnage » de l’élaboration de la loi en trois périodes très éloignées dans le temps n’aide évidemment pas, c’est peu de le dire. Commencer par un chapitre consacré aux métropoles est très dangereux : nous estimons toujours que le couple région-métropole aurait, à tout le moins, dû être étudié comme un ensemble. Madame la ministre, pour reprendre votre belle phrase de ce matin, il fallait éviter de laisser croire que nous étions dans la métropolisation de la stratégie de Lisbonne.
Si nous soutenons la reconnaissance du fait urbain à travers l’attribution de compétences nouvelles, ce qui inclut la prise en compte des nouveaux enjeux environnementaux – nous y reviendrons –, cette absence de renforcement conjoint des capacités de planification et d’aménagement du territoire régional, d’une part, et des dynamiques urbaines, de l’autre, amoindrit la force politique du texte et affaiblit encore la confiance de nos concitoyens.
Ne nourrissons pas les votes de repli ! La loi doit expliquer comment nous renforçons un aménagement équilibré du territoire. À ce propos, un de nos amendements, relatif aux pôles métropolitains, tend à affirmer que les métropoles doivent s’engager dans un nouveau dialogue avec les territoires environnants, qu’elles doivent notamment, en coordination avec des régions qui, demain, assumeront des compétences économiques encore plus fortes, jouer la carte du développement des villes moyennes. Ces dernières détiennent pour partie les clefs de leur propre avenir, en tant qu’alternative à un modèle de concentration dont les limites se mesurent à l’aune de l’extension de l’étalement urbain.
Concernant les enjeux environnementaux, que vous avez évoqués dans votre propos liminaire, madame la ministre, parmi les responsabilités fortes qui incombent aujourd’hui aux collectivités territoriales, nous insistons sur le nécessaire renforcement de leurs compétences en la matière, ce qui doit aboutir à la désignation claire dans ce texte de chefs de filat. Plusieurs de nos amendements vont dans ce sens.
Dans mon introduction, j’ai été assez sévère quant à la difficulté éprouvée par les réseaux de collectivités territoriales pour dépasser leurs patriotismes d’organisation. Néanmoins, leur attitude ne se résume pas à ces blocages : nos collectivités sont également capables de se coordonner dans un intérêt général partagé. Je serais assez mal placé pour affirmer l’inverse !
Ainsi, dans le cadre du débat sur la transition énergétique, les collectivités ont pris l’habitude de travailler ensemble et de défendre des propositions discutées en commun. Ce travail a abouti à des mentions consensuelles dans le rapport final du groupe de travail sur la gouvernance réuni dans le cadre du grand débat sur la transition énergétique.
Il appartiendra évidemment au projet de loi relatif à la transition énergétique, porté par Delphine Batho, de tracer un cadre cohérent et complet en la matière. §Cependant, il serait tout de même illogique et incompréhensible que le texte discuté aujourd’hui, qui affirme le fait urbain, ne comporte pas de dispositions permettant aux grandes villes de prendre toute leur part dans la transition énergétique.
Mes chers collègues, en six minutes, il m’est impossible d’évoquer la totalité des enjeux ; il est temps de conclure.
Nous avons insisté sur les extrêmes faiblesses du texte dont nous débattons, qui, sur certains points, nous semble même potentiellement en retrait après sa réécriture par la commission. Ce constat ne nous empêche pas de rendre hommage à l’important travail accompli par les rapporteurs et par M. Sueur.
L’idée initiale de mettre en place un pacte régional animé par le président de région, même si elle ne fait pas consensus dans cet hémicycle, nous semblait constituer une piste intéressante pour dépasser certains blocages. J’espère que nos débats nous permettront de revenir sur ce point.
Surtout, comme Hélène Lipietz l’a déjà fortement affirmé, sans élection directe ni processus démocratique, l’action des métropoles n’aura pas de légitimité. Le traitement de cette question déterminera le jugement que le groupe écologiste portera in fine sur le travail sénatorial sur ce texte. §
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la modernisation de l’action publique territoriale et à l’affirmation des métropoles est évidemment très important pour l’évolution du fonctionnement des collectivités territoriales dans leur ensemble. Mais, pour Marseille, il est plus important encore.
J’ai l’honneur d’être le maire de la deuxième ville de France depuis dix-huit ans. Je connais donc non seulement les difficultés, mais aussi les potentialités extraordinaires de cette cité. Le statut de métropole peut et doit être une clef de son avenir et un levier essentiel pour son développement, en liaison étroite avec toutes les communes de son territoire.
Je voudrais énoncer aujourd’hui devant le Sénat trois affirmations simples.
Premièrement, s’agissant de la création de la métropole Aix-Marseille-Provence, le texte du Gouvernement, encore sensiblement amélioré par la commission des lois, s’inscrit dans une évolution naturelle.
Deuxièmement, il s’agit d’une démarche nécessaire, aussi bien pour Marseille que pour tout le territoire de l’agglomération. Ce processus n’enlèvera rien à personne et apportera beaucoup à tout le monde !
Troisièmement, même si ce projet de loi concernant l’évolution institutionnelle est très important, l’essentiel est au-delà : il est dans le projet métropolitain que ce texte permettra d’établir, d’affirmer et de développer dans les prochaines années et décennies.
Cela étant, mesdames les ministres, il y a des conditions à respecter et, quant au présent texte, des modifications à discuter, des précisions à apporter.
Depuis vingt ans, les ferments de la cohérence métropolitaine se sont renforcés à partir du développement économique, de l’aménagement du cadre de vie, des dynamiques globales en matière de lutte contre le chômage, la pauvreté et l’exclusion.
Toutefois, Marseille et le territoire de son agglomération sont encore au milieu du gué et, on peut le dire, en retard par rapport aux dynamiques territoriales d’autres grandes villes françaises ou européennes. Il nous faut considérer à la fois l’exemple de Lyon et celui de Barcelone.
En effet, un retard initial n’a toujours pas été rattrapé. Il date de 1966, lorsque Marseille, sur la décision de son maire, n’est pas montée dans le premier train des communautés urbaines de France, …
… avec Lyon, Strasbourg, Lille et Bordeaux.
De ce fait, même si elle a développé d’importants projets à l’extérieur de ses frontières communales, notamment celui du port de Fos, Marseille est restée trop seule pour affronter les problèmes de ces cinquante dernières années : décolonisation, désindustrialisation, mondialisation.
Aussi, lorsque la loi de 1999, dite « loi Chevènement », a ouvert une nouvelle fenêtre – étroite mais opportune – pour monter dans le train des communautés urbaines, la majorité du conseil municipal et le maire de Marseille n’ont pas hésité à créer l’échelon intercommunal qui manquait. Toutefois, pour des raisons politiques et techniques, le territoire de cette intercommunalité n’a pas été aussi étendu qu’il aurait dû l’être.
Sur ce schéma territorial, la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole s’est mise en place et s’est affirmée depuis treize ans, dans ses compétences et dans ses projets. Son bilan lui vaut d’être aujourd’hui devenue un échelon essentiel et à part entière de l’organisation territoriale. Elle a même résisté aux soubresauts d’une alternance démocratique qui avait été décidée non par le suffrage universel, mais par le conseil de communauté lui-même !
En même temps, il était devenu évident, aux yeux de beaucoup, que la communauté urbaine, sous cette forme, n’était qu’une étape. J’en étais conscient, de même que le conseil municipal de Marseille, dans sa très grande majorité. C’est la raison pour laquelle, sur le fondement de la loi de 2010, celui-ci a voté, en juin 2011, la demande de principe de transformation de la communauté urbaine en métropole.
Toujours à la recherche du consensus, j’ai indiqué que le Gouvernement allait trop vite, trop fort, trop loin ! Notre communauté urbaine compte dix-huit communes, et on nous parle de passer à quatre-vingt-douze !
Cependant, je connais trop les conséquences et le prix de la lenteur administrative française pour craindre aujourd’hui les risques de l’accélération, même si la vitesse ne doit pas être la précipitation.
À ce sujet, le report de 2015 à 2016 de la mise en place de la métropole Aix-Marseille-Provence semble acquis : je m’en félicite. Le regroupement des six intercommunalités, soit quatre-vingt-douze communes et plus de 1, 8 million d’habitants, est la réponse du Gouvernement concernant l’échelle de la métropole que nous devons construire, à condition que ce ne soit pas une structure supplémentaire venant s’ajouter au millefeuille administratif français.
En tout état de cause, un préalable doit être réaffirmé absolument : la prééminence des maires.
La métropole est un EPCI. Qui dit EPCI dit coopération intercommunale. Cela signifie que les maires sont la source de la légitimité démocratique, …
… qu’ils sont à la base et au cœur des processus décisionnels.
C’est la raison pour laquelle j’ai déposé un amendement tendant à garantir une véritable place aux maires au sein de la conférence métropolitaine, qui pourrait se voir doter de compétences déléguées par le conseil de métropole.
Par ailleurs, les maires devront garder un rôle pour tout ce qui touche au droit des sols et à l’aménagement, notamment au travers du plan local d’urbanisme, le PLU, et du programme local de l’habitat, le PLH. Mes chers collègues, nous avions réussi à dix-huit communes ; évidemment, à quatre-vingt-douze, c’est plus difficile, mais pourquoi n’espérerions-nous pas ?
Dans certaines présentations politiques et polémiques du projet, il est parfois prétendu que Marseille voudrait imposer sa domination et exporter ses problèmes, voire ses handicaps, sur l’ensemble du territoire. Rien n’est plus faux ! Marseille n’a aucune tentation hégémonique, de même qu’elle n’a aucune volonté de faire payer par les communes alentour ses projets et ses dépenses de fonctionnement.
D’ailleurs, il faudra m’expliquer pourquoi une ville qui a inversé la spirale du déclin, accueilli 80 000 nouveaux habitants, créé 40 000 nouveaux emplois et vu naître 20 000 entreprises supplémentaires depuis dix-huit ans ne serait pas digne et capable de s’asseoir à la même table que les autres villes de son agglomération ! Sa gestion, rigoureuse et honnête, est reconnue par les agences de notation. Marseille a stabilisé sa dette par habitant et l’effort fiscal a été consacré à l’investissement. Elle n’a pas de leçon à recevoir, pas plus qu’elle n’en donne à quiconque.
Le résultat est là : depuis vingt ans, Marseille est dans une dynamique de renouveau et assume elle-même son ambition et les projets qui en découlent.
Dans son histoire passée, présente et future, Marseille a compté, compte et comptera d’abord sur elle-même, sur ses propres forces, ses moyens, sa volonté, son énergie. Mais il est également évident que Marseille profite à l’ensemble de la population et des communes de l’agglomération. Tous les habitants de l’agglomération utilisent les services de Marseille, beaucoup viennent travailler à Marseille, se font soigner à Marseille, se rendent au stade, à l’opéra et au théâtre à Marseille. Par conséquent, un échelon d’intercommunalité doit être assumé et organisé en tant que tel sur un territoire élargi, organisé et solidaire.
On ne peut pas continuer à dire qu’il y a trop d’embouteillages chaque jour aux entrées de Marseille et pas assez de transports collectifs intra muros ou intercommunaux sans prendre les mesures qui s’imposent pour développer les infrastructures de transport à l’échelle de l’agglomération. Puisque l’on nous laisse du temps, c’est par là qu’il faudra commencer, …
… si j’ai bien entendu ce que les maires sont venus me dire ce matin au Sénat ou ce que d’autres criaient, moins aimablement, à l’extérieur. Les maires continueront à exercer leurs compétences pleines et entières.
Pour ce qui concerne les compétences intercommunales, l’organisation administrative de la métropole devra absolument tenir compte des territoires.
Il est utile de faire référence au « pacte de gouvernance » établi entre les communes de la communauté urbaine de Marseille-Provence-Métropole lors de sa création, en 2000, puisqu’aujourd’hui certains maires éprouvent des craintes pour l’autonomie communale.
Une représentation équitable des territoires est essentielle pour le bon fonctionnement démocratique du conseil de la métropole. La loi de 2010 n’aurait pas permis d’atteindre cet objectif, s’agissant de la représentation des communes les plus peuplées du département. C’est pourquoi la proposition de compléter la composition de l’assemblée métropolitaine, en la portant à 238 membres, me semble de nature à satisfaire les communes, y compris Aix-en-Provence et Marseille, nettement sous-représentées.
Je note, de façon positive, que le Gouvernement reconnaît la légitimité de cette demande. C’est en tous cas ce que M. le Premier ministre m’a indiqué et il me semble, madame la ministre, que vous l’avez confirmé. Tous les maires doivent faire partie du conseil de la métropole.
Il y a une question beaucoup plus importante que celle de savoir comment et avec qui construire la métropole : la métropole, pour quoi faire ? C’est là que l’on aborde le vrai sujet, le véritable enjeu, celui de la définition d’un projet métropolitain qui soit de nature à permettre à l’agglomération et à tout son territoire de rentrer dans le développement économique et social du xxie siècle, au bénéfice de toute la population concernée.
Le corollaire évident, indispensable, incontournable de cette démarche d’élaboration du « projet de métropole » est bien entendu l’implication forte de l’État. Sans l’État, ce projet serait vide de sens !
L’enjeu est évidemment national, comme dans le cas du Grand Paris, et l’engagement financier de l’État devrait être à la mesure et en proportion des moyens engagés au titre de la mise en œuvre du Grand Paris.
Mlle Sophie Joissains applaudit.
Dans cette perspective, il m’apparaît que le tableau de compétences de la métropole doit être à la fois vérifié, précisé et complété.
Le tourisme doit rester, me semble-t-il, de compétence communale, en articulation avec les échelons départemental et régional, comme cela se pratique déjà partout avec succès.
Par ailleurs, il faut clairement établir que la compétence pluviale – Dieu sait combien la France a connu d’inondations au cours des derniers mois, et pas uniquement dans le Sud ! – doit être assurée au niveau métropolitain.
En effet, la pluie ne connaît pas la carte des 119 communes du département ou des 92 communes de la métropole !
De même, la voirie, sous toutes ses modalités, doit être une compétence entièrement métropolitaine.
Enfin, il est pour le territoire d’Aix-Marseille-Métropole un enjeu stratégique qui doit relever de la nouvelle institution : je veux parler du grand port maritime de Marseille. Je présenterai un amendement sur ce point.
Je sais quelle est la position d’un éminent collègue sur le sujet. Mais le port autonome de Marseille n’est en réalité nullement autonome ! Au conseil d’administration, les fonctionnaires représentant l’État sont majoritaires ! Pourquoi alors nous incombe-t-il d’assurer entièrement la sécurité du port ? J’y reviendrai dans un instant.
M. Jean-Claude Gaudin. Je conclurai en évoquant un dernier sujet d’importance, le bataillon des marins-pompiers de Marseille, dont les 1 400 hommes et femmes assurent, outre la protection des 24 000 hectares de la ville de Marseille – soit la superficie du quadrilatère formé par Roissy, Orly, le bois de Vincennes et le bois de Boulogne –, la sécurité des ports Est et Ouest et celle de l’aéroport international Marseille-Provence. Ce bataillon coûte 100 millions d’euros par an, dont 70 millions d’euros à la seule charge de la ville de Marseille. Il faudra bien un jour trouver une solution pour l’aider à porter ce fardeau financier. Je ne sais pas si le magnifique président de la commission des finances invoquera l’article 40…
Rires. – M. Jacques Mézard applaudit.
Je terminerai par cette remarque : en votant le projet du Gouvernement, amendé suivant mes demandes, nous pouvons passer de la métropole inachevée à la métropole affirmée.
Nous avons été capables de fusionner en peu de temps trois universités. Les collectivités participent, au côté de l’État, à la réalisation du chantier Euroméditerranée. Enfin, dans le cadre de Marseille capitale européenne de la culture en 2013, pratiquement toutes les communes, y compris celles dont les maires manifestaient ce matin, sont associées pour imprimer un élan culturel extraordinaire.
Chacun sait que j’ai le plus grand respect pour le Saint-Esprit, mais j’aimerais tout de même que nous comptions sur nos propres efforts pour progresser et surmonter les blocages ! Je salue, à cet égard, la qualité du travail accompli par la commission des lois, sous l’égide de son président et de son rapporteur. Un peu d’espoir, un peu de confiance ! Nous parlerons plus tard, monsieur Collombat, du statut de l’élu. Si nous le faisions dans le contexte actuel, les télévisions ne nous rateraient pas ! §
C’est peu dire, mesdames les ministres, que votre texte était attendu, parfois de pied ferme ! Il a été largement et diversement commenté, souvent de manière assez contradictoire, ce qui diminue quelque peu la pertinence des critiques formulées.
Si ce texte suscite autant de difficultés, mes chers collègues, c’est que la France est désormais diverse et que l’on peut très facilement opposer les territoires entre eux. Je crois pourtant qu’il faut rechercher ce qui, au-delà de la diversité des territoires, peut faire l’unité de notre pays, l’unité n’étant pas l’uniformité.
Permettez-moi de vous exposer, en quelques mots, ma vision de notre pays.
Sur les cartes de la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, la DATAR, apparaît d’abord une France rurale s’étendant des Ardennes au Sud-Ouest, en passant par le Massif central. Elle compte souvent très peu de villes, et c’est donc le département qui forme l’armature de ces territoires.
Il y a ensuite la France des villes moyennes, au nombre d’un peu plus d’une centaine, qui maillent le territoire national. C’est dans ces villes moyennes que l’on trouve les premiers services aux entreprises, les premières antennes universitaires, parfois des spécialités dans tel ou tel domaine de l’économie. Il faut les renforcer, leur donner les moyens de mener des politiques d’aménagement et de développement, car leur dynamisme rejaillit sur tout le territoire qui les environne. En effet, c’est bien souvent autour d’elles que s’organisent les territoires ruraux. Mes chers collègues, n’opposons pas le rural et l’urbain : l’INSEE nous apprend que 95 % de la population vit aujourd’hui dans des territoires sous influence urbaine, que la ville qui exerce cette influence soit grande ou petite.
Il y a aussi un certain nombre de grandes villes dont l’aire d’influence est régionale et que, pour ma part, j’appelais « métropoles d’intérêt national ».
Ces villes regroupent un ou plusieurs pôles de compétitivité, des universités, des grandes écoles. Elles sont au cœur de systèmes urbains plus complexes, ceux que nous avons essayé de prendre en compte dans la notion de pôle métropolitain. Elles portent la dynamique économique et, en même temps, parce qu’elles sont des lieux d’attraction, connaissent souvent des difficultés sociales, des problèmes de paupérisation, voire de ghettoïsation, dans certains de leurs quartiers ou dans certaines communes.
Il faut permettre à ces grandes villes de faire un bond en avant, et c’est ce que permettra l’instauration des métropoles de droit commun prévue dans le présent projet de loi.
Enfin, il y a trois ou quatre grandes métropoles qui peuvent essayer de se comparer – nous sommes tout de même loin du compte – aux grandes métropoles européennes.
Reste le cas spécifique de l’Île-de-France, qui est évidemment d’une importance décisive.
L’Île-de-France concentre 30 % du PIB français et Paris est, avec Londres, la seule ville d’Europe à même de peser sur la scène mondiale. L’Île-de-France représente donc un enjeu majeur non seulement pour les Franciliens, mais aussi pour tous les Français. Hélas, encore aujourd’hui, elle est un territoire terriblement fragmenté, entre la ville de Paris, bien sûr, 114 intercommunalités, plus de 1 200 communes, la région, sept conseils généraux en dehors de Paris. Ce foisonnement institutionnel nuit parfois à la dynamique économique, rend plus difficile l’investissement privé et paralyse, par exemple, la construction de logements.
M. le rapporteur et M. le rapporteur pour avis de la commission du développement durable acquiescent.
C’est ce problème que la mutualisation de la compétence logement au sein de la métropole de Paris vise à traiter en priorité. C’est bien !
Toutefois, je pense que ce doit être là un point de départ, non un point d’arrivée. Là comme ailleurs, il nous faudra, dans les années qui viennent, progresser encore et aller vers plus d’intégration intercommunale.
MM. les rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques et de la commission du développement durable approuvent.
Cette progression vers une plus grande intégration, c’est le chemin qu’a parcouru la communauté urbaine de Lyon, qui fut, cela a été souligné, l’une des premières à avoir été créée par la loi, en 1966. À l’époque, la finalité était d’assurer des services urbains basiques : la distribution d’eau, la gestion des déchets, l’assainissement, en un temps où seules dix-huit communes sur cinquante-cinq étaient équipées du tout-à-l’égout.
Par la suite, la communauté urbaine n’a cessé de monter en charge, recevant les compétences urbanisme en 1983, transports en 1985, développement économique en 1990, logement en 1995. Plus récemment, elle est devenue compétente en matière de grands événements culturels, de très haut débit ou encore d’énergie.
Les communes de l’agglomération lyonnaise se sont habituées à travailler ensemble dans des champs de plus en plus nombreux, à soutenir ensemble la dynamique économique, à résoudre ensemble les problèmes de fracture spatiale que connaissaient des quartiers comme La Duchère ou des communes comme Vaulx-en-Velin et Vénissieux.
Souvenez-vous de la révolte des banlieues, mes chers collègues : cela se passait dans l’agglomération lyonnaise !
C’est parce que nous avons cette histoire que la nouvelle étape que nous allons franchir grâce à ce texte, avec la création d’une métropole fusionnant EPCI et conseil général sur le territoire du Grand Lyon, nous semble presque naturelle.
Créer cette métropole, c’est se donner les moyens de supporter la comparaison avec Barcelone, Manchester ou Milan. C’est aussi pouvoir dégager des marges de manœuvre pour mieux servir nos concitoyens. En effet, en réunissant les compétences d’aménagement du Grand Lyon – l’urbanisme, le logement, l’économie – et les compétences sociales du conseil général – la gestion du RSA, la politique de l’enfance, la politique en faveur des personnes âgées, la prise en compte du handicap –, nous allons pouvoir mieux articuler l’urbain et l’humain. Au fond, nous allons repousser les frontières de l’action publique.
C’est sur le fondement de cette expérience que je voudrais dire à mes amis marseillais que c’est dans la voie de l’intégration intercommunale que se trouve la clé du succès. Je sais les craintes que le projet de loi peut susciter parmi eux. Mais je sais aussi que, en 1966, la quasi-totalité des élus étaient contre la création de la communauté urbaine de Lyon, que pourtant personne ne regrette aujourd'hui. Que de chemin parcouru !
Chers amis marseillais, vous avez en main les clés de votre avenir. Votre territoire connaît des difficultés, mais il a aussi des atouts exceptionnels, que beaucoup peuvent vous envier. C’est pourquoi vous devez vous saisir de ce projet de loi pour en faire l’occasion d’un nouveau départ, pour commencer l’écriture d’une nouvelle page de votre histoire.
Madame la ministre, j’entends parfois dire que le présent projet de loi manque de souffle. Mais la difficulté à le rédiger atteste simplement que la France est devenue diverse, qu’il y a non pas une France, mais des France. Il n’est pas aisé de traduire cette complexité dans les textes. Il est fini le temps, quand s’établissait la République, où l’on pouvait organiser notre pays à partir d’un modèle unique. Il y a des France, et il ne faut surtout pas les opposer.
Je suis de ceux qui pensent, avec d’ailleurs tous les économistes et les géographes travaillant sur la question, qu’il n’y a pas de contradiction entre l’urbain et le rural, entre les petites villes et les grandes métropoles, entre la province et Paris. Il n’y a pas de contradiction, c’est pourquoi nous devons ensemble donner vie à ce texte.
Finalement, aujourd'hui, nous sommes confrontés à une alternative : l’immobilisme ou le changement. Ou bien nous resterons prisonniers de nos routines, de nos contradictions locales, de nos intérêts de court terme, et rien ne bougera, mais je crains alors pour l’avenir de notre pays, ou bien nous réussirons à mettre nos territoires en mouvement, et chacun devra évidemment le faire à sa manière !
Mes chers collègues, si nous savons saisir cette chance, je ne doute pas que les collectivités locales seront, demain, les vraies actrices du changement !
Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et du RDSE, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Gérard Longuet applaudit également.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, l’intitulé du projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui, « modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles », est sans nul doute attrayant, mais le terme « modernisation », souvent synonyme d’amélioration et de progrès, prend ici un sens tout particulier. Personne ne s’est d’ailleurs laissé abuser, et rares sont ceux qui se satisfont de ce projet de loi. Les nombreuses heures consacrées à ce texte par la commission des lois, dont je salue le travail, en témoignent. Le très grand nombre d’amendements déposés atteste de l’insatisfaction générale.
Cette première scène de l’acte III de la décentralisation se présente comme une œuvre de modernisation, se traduisant en Île-de-France par la confiscation d’un grand nombre des pouvoirs des maires, notamment en matière d’urbanisme et de logement. Vous sachant attachés, mes chers collègues, tout comme nos concitoyens, à l’importante fonction de proximité du maire, je ne doute pas que vous porterez un regard critique sur le dispositif !
Sur le plan de la méthode, on peut regretter que la concertation avec les collectivités territoriales concernées ait été insuffisante. Peut-on, là aussi, parler de modernisation ?
De même, la création d’un étage supplémentaire de la machine administrative locale, au moment où la France se doit de la simplifier, représente-t-elle une modernisation ?
Il s’agit donc d’un projet de loi qui donne un nouveau sens à l’idée de modernisation : même après les améliorations apportées par notre commission des lois, le texte complexifie toujours un peu plus le millefeuille administratif et affaiblit substantiellement le principe de libre administration des collectivités territoriales.
Par ailleurs, les parlementaires regrettent la méthode employée par le Gouvernement : en scindant les réformes entre plusieurs véhicules législatifs, il les prive d’une partie de leur pouvoir d’appréciation et ne leur permet pas d’articuler les dispositifs entre eux. Ce fut déjà le cas pour l’emploi, c’est maintenant le cas pour l’acte III de la décentralisation !
Mes chers collègues, en tant qu’élu francilien, vous me permettrez de m’attarder plus particulièrement sur le chapitre Ier du titre II, regroupant les dispositions spécifiques à l’Île-de-France.
Tout d’abord, l’article 12 vise à compléter le code général des collectivités territoriales en créant l’établissement public Grand Paris Métropole, qui serait composé de la ville de Paris et des EPCI à fiscalité propre. Par ailleurs, la région d’Île-de-France et les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne, de la Seine-et-Marne, de l’Essonne, des Yvelines et du Val-d’Oise pourraient participer, avec voix consultative, aux travaux de Grand Paris Métropole.
Toutefois, malgré une lecture extrêmement attentive, je n’ai rien trouvé sur l’implication des communes et des maires. Nos villes sont donc les grandes oubliées de ce projet de loi, qui tend de plus à les dessaisir en partie de leur liberté d’administration !
En effet, la création de Grand Paris Métropole, à qui seraient transférées des attributions communales, réduira fortement les pouvoirs du maire et, par conséquent, sa capacité à gérer sa commune. Les maires et les conseillers municipaux sont pourtant les seuls élus légitimes dans ce dispositif.
À ce titre, l’exemple du logement est particulièrement marquant. L’article 13 crée le schéma régional de l’habitat et de l’hébergement en Île-de-France. Il prévoit notamment que « ce schéma fixe les objectifs globaux et, dans le respect des compétences conférées à Grand Paris Métropole, leurs déclinaisons territoriales en matière de construction et de rénovation de logements, de construction et d’amélioration des structures d’hébergement, de développement équilibré du parc de logements sociaux, de rénovation thermique des logements […]. »
Autrement dit, le maire, premier gestionnaire de la commune, se trouvera dessaisi de la politique d’urbanisme et de logement, pourtant si importante pour ses administrés. C’est en étant présent sur le terrain, au plus près des difficultés, qu’il est possible de diagnostiquer ces dernières et d’y remédier. Seuls les élus municipaux bénéficient de cette proximité qui permet d’agir avec efficacité.
Certes, on pourrait objecter que Grand Paris Métropole agira avec les représentants des EPCI, mais force est de constater que, aujourd'hui encore, les délégués communautaires des municipalités ne sont pas élus au suffrage direct. Or la gestion d’une politique aussi importante pour les populations que celle de l’urbanisme et du logement ne peut pas être déléguée à des personnes ne répondant pas de leur action devant les électeurs. Nous ne pouvons que déplorer une telle situation.
Encore faudrait-il que l’ensemble des communes soient membres d’un EPCI, ce qui n’est toujours pas le cas. Les rapprochements entre communes demandent du temps, et ce n’est pas l’affichage d’un objectif par un texte gouvernemental assorti d’un échéancier qui va créer les conditions nécessaires à la mise en place harmonieuse d’un partenariat stable, durable et productif.
Aussi défendrai-je, avec mon collègue Vincent Capo-Canellas, un amendement à l’article 12 prévoyant que le projet de Grand Paris Métropole sera envisagé uniquement après l’achèvement de la carte intercommunale en Île-de-France. Dans la même mesure, le seuil prévu de 200 000 habitants est trop contraignant. Son instauration pourrait aller à l’encontre de la mise en place d’un partenariat productif. Plusieurs amendements tendent donc à moduler ce seuil.
Mesdames les ministres, votre volonté de « moderniser » l’action publique est indéniable, mais les moyens vont manquer, en particulier en matière de logement. En effet, le dispositif du projet de loi est défini à moyens constants ; autrement dit, c’est le statu quo : pas de moyens supplémentaires, peu de logements supplémentaires !
Par ailleurs, il est important de remarquer un effet induit par la modernisation que vous préconisez : l’adjonction d’une nouvelle norme venant compléter un dispositif déjà particulièrement riche, et parfois même contradictoire. Sans être exhaustif, je mentionnerai le schéma directeur de la région d’Île-de-France, le plan de déplacements urbains, le schéma de cohérence territoriale, le plan départemental de l’habitat et, désormais, le schéma régional de l’habitat et de l’hébergement en Île-de-France. Bientôt, il faudra être agrégé de droit public pour être élu en Île-de-France ! §
À multiplier les normes sans les coordonner entre elles, on complexifie davantage encore le travail des gestionnaires et on accentue l’insécurité juridique : cela devient contreproductif. On construira moins de logements, sur la même période, qu’il aurait été possible d’en réaliser. C’est pourquoi nous vous présenterons un amendement tendant à assurer la prise en compte du SDRIF et des pôles de développement du Grand Paris dans l’élaboration du projet de schéma interdépartemental de coopération intercommunale de la petite couronne.
Enfin, où est la cohérence de ce texte, quelle vision d’ensemble traduit-il ? Quid de l’avenir des communes, des départements et de la région ? Le débat est reporté à plus tard…
À l’approche d’échéances électorales en vue desquelles nous devrons présenter des projets à nos électeurs, pouvez-vous nous dépeindre l’avenir que le Gouvernement envisage pour la région d’Île-de-France ? Cette dernière ne manquera pas d’être concurrencée par le Grand Paris Métropole, les territoires se recoupant largement. Paris est déjà une commune-département ; est-il envisagé de l’ériger en commune-département-région ?
Ce texte est, à l’évidence, insatisfaisant. Il l’est évidemment pour l’opposition, mais il l’est également, nous l’avons entendu, pour les représentants de la majorité. Ainsi, sur les 840 amendements déposés, près de 140 amendements émanent du groupe CRC et pas moins de 80 du groupe écologiste. C’est un signe manifeste d’insatisfaction.
Pourrez-vous enfin nous expliquer quel sera le mode de financement de la création de Grand Paris Métropole ? Quelles en seront les conséquences en termes de solidarité interdépartementale et de péréquation ? Renvoyer la réponse à cette question à la loi de finances nous paraît critiquable.
Vous le comprendrez, il nous sera difficile de nous engager dans ces conditions et d’apporter notre soutien au texte en l’état. §
Déposer des amendements est normal ! Ce n’est pas un signe d’insatisfaction, c’est une marque d’intérêt pour le texte ! Si on est par principe hostile au fait de déposer des amendements, autant fermer le Parlement !
Mesdames les ministres, M. Mercier le soulignait ce matin, vouloir engager la réforme des collectivités territoriales nécessite courage, abnégation et écoute de votre part, tant la commune et le département sont consubstantiels à la République, ainsi qu’à la vie quotidienne de nos concitoyens. Mon expérience m’a confirmé combien le sujet pouvait être politiquement sensible !
D’ailleurs, il transcende les clivages, comme le démontre ce débat.
Je souhaite vous faire part de quelques interrogations suscitées par le texte dont nous commençons l’examen aujourd'hui.
Une première interrogation porte sur un sujet qui nourrit l’inquiétude des élus locaux et nous renvoie aux propos sur l’exigence de lisibilité que M. le président de la commission des lois a tenus ce matin : celui de la variabilité de la législation concernant nos collectivités territoriales.
Depuis le 16 décembre 2010, nous en sommes déjà au troisième ou au quatrième texte venant modifier l’organisation territoriale ou son administration. D’autres modifications sont encore attendues, concernant la région, le département ou les communes. Cette instabilité est à terme insupportable pour les élus locaux.
Les schémas départementaux de coopération intercommunale ont été achevés en décembre 2012. La tâche n’était pas si simple dans un département comme le mien, qui, cher Edmond Hervé, n’avait pas l’expérience de la Bretagne et n’était qu’à moitié engagé dans le mouvement communautaire voilà moins de quatre ans. Or, moins de cinq mois plus tard, tout est déjà bouleversé. J’y reviendrai.
Une deuxième interrogation tient à la complexité sans cesse croissante du système. Par exemple, comment réhabiliter, dans le même texte, la clause de compétence générale et la notion de « chef de file », que j’avais d’ailleurs moi-même vainement tenté d’introduire en 1995 ? Le rapporteur du texte que j’étais avait alors obtenu un succès d’estime, sa proposition recueillant vingt-deux voix…
Une troisième interrogation est liée à la place qui sera faite aux communes dans l’organisation territoriale.
Monsieur le maire de Lyon, permettez-moi de souligner que la situation de l’Île-de-France n’est pas comparable à celle des autres régions : l’Île-de-France, c’est 11, 8 millions d’habitants, dont 10 millions pour Paris Métropole. Il ne saurait y avoir de réponse unique, valable partout : les solutions doivent être différentes et adaptées aux territoires.
Mesdames les ministres, dans votre projet de loi initial, l’institutionnel primait sur le fonctionnel. Heureusement, la commission des lois a modifié votre texte et a prévu une représentation des communes de moins de 50 000 habitants et des intercommunalités au sein de la conférence territoriale. Certaines intercommunalités comptent à la fois des communes faisant partie de l’unité urbaine et des communes extérieures à celle-ci, dotées de compétences différentes.
Bref, c’est un casse-tête invraisemblable, qui contribue à paralyser l’action communale dans une période où nous avons besoin de dynamisme.
Une quatrième interrogation porte sur le sort des territoires ruraux situés dans les zones périurbaines, qui n’ont pas encore été évoquées. Je pense notamment ici aux départements de la grande couronne, la Seine-et-Marne, le Val-d’Oise, les Yvelines et l’Essonne. Aucune vraie représentation de ces collectivités n’était prévue dans le dispositif qui nous était proposé. Le texte donnait même le sentiment qu’une partie de mon département devrait plutôt se tourner vers la région Centre ou la Haute-Normandie, car apparemment nous n’intéressons personne au sein de la région d’Île-de-France, puisqu’il n’est pas question de nous doter de transports collectifs avant 2030 !
Pourtant, on imposerait à certaines de nos communes un plan habitat, alors que nos SCOT et nos PLU ont été fondés, à la demande de l’État, sur une prévision de croissance de 0, 75 % – de 0, 55 % dans les parcs naturels régionaux – et que la loi Duflot obligerait des communes comme Chevreuse ou Saint-Rémy-lès-Chevreuse à atteindre un taux de croissance annuelle de 2, 80 %, soit un rythme de croissance plus rapide que celui qu’a connu la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines au cours de la mise en œuvre du plan Delouvrier.
Voilà pourquoi il est indispensable de faire du concret, du fonctionnel, du cohérent ! Sinon il ne se passera rien et l’élaboration de ce texte n’aura été qu’un rendez-vous manqué !
Il faut maîtriser l’étalement urbain tout en observant le principe de réalité : on ne peut pas bâtir le concept de métropole sur l’affaiblissement de la représentation des territoires ruraux, des villes moyennes et des petites villes-centres. Il faut définir le champ de la libre administration de la commune, sans opposer celle-ci à la nécessaire solidarité.
La loi de décembre 2010 était imparfaite, mais elle plaçait la commune au cœur de l’organisation territoriale. Permettez-moi d’évoquer mon expérience d’élu d’une ville qui est le pôle d’équilibre d’un secteur encore rural de la région d’Île-de-France, d’une ville trait d’union avec Chartres et la région Centre. Au-delà de tous les principes, de tous les a priori, mon ambition est tout simplement de trouver des moyens très concrets de renforcer la vitalité de mon territoire. Or, dans sa rédaction initiale, le texte du Gouvernement impliquait, à terme, la disparition de la commune.
Certains, et pas seulement à l’OCDE, diront que l’échelon communal n’est plus pertinent. Pour ma part, je crois que la commune a du sens, surtout en une période de crise.
C’est un lieu de proximité, où nos concitoyens ont besoin de se retrouver. En affirmant cela, il ne s’agit pas pour moi de m’opposer à la nécessaire progression de l’intercommunalité. Je suis, par exemple, favorable à ce que les communes de la petite couronne entrent enfin dans des formes d’intercommunalité à dimension très forte. Pour le reste, on verra par la suite : apprenons déjà à construire ces structures.
Je défends une organisation territoriale bâtie sur un véritable renforcement de l’intercommunalité, sur l’idée qu’il faut conforter le département là où cet échelon a du sens, …
… sur le regroupement, en quelques grandes régions, autour de métropoles permettant réellement de répondre aux défis européens et de la mondialisation.
Je crois à la constitution de réseaux, à la concertation, à la contractualisation. Je crois à des statuts non uniformes, car il ne saurait y avoir de modèle unique. Voilà un projet fonctionnel qui pourrait nous rassembler ! §
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, chaque fois que l’on évoque les collectivités, je suis partagé entre le désespoir et la béatitude… Chaque fois, je constate de bonnes intentions, mais les divergences semblent irréductibles. Pour filer la métaphore sportive, je dirai qu’il était temps, mesdames les ministres, de siffler la fin de la partie ! En effet, arrive un moment où il faut trancher. Vous nous présenterez trois textes, nous les soutiendrons.
En tant que président de région, je vous parlerai des régions, à la suite de M. Sueur, qui les a évoquées ce matin avec beaucoup de force.
Comment moderniser et rendre efficace l’action publique ? Comment conforter les capacités créatrices des territoires ? Comment mettre fin aux doublons qui ralentissent l’intervention publique et alourdissent les coûts ? Comment responsabiliser chaque échelon ? Comment conforter l’État dans son rôle d’arbitre et dans l’exercice de ses fonctions régaliennes ?
Le chef de l’État a répondu à ces questions dans son discours de Dijon, le 11 mars dernier, et auparavant à la Sorbonne, au mois d’octobre 2012. Ses propos exprimaient la ferme conviction que notre pays a besoin de retrouver de la confiance ; la décentralisation y contribuera. Notre pays a besoin de libérer ses forces créatives ; la décentralisation en est la condition. Notre pays a besoin d'un lien social de proximité ; la décentralisation en fournit le cadre naturel. Notre pays a besoin de réinventer son fonctionnement démocratique ; la décentralisation en sera la géographie et la condition. Notre pays a soif d'équité ; la décentralisation permettra de l’instaurer entre les territoires. Notre pays appelle le changement ; la décentralisation est sans doute l'un des changements les plus profonds et les plus déterminants que l’on puisse envisager.
Les régions se reconnaissent pleinement dans les principes et les orientations ainsi déclinés par le Président de la République. Nous avons formulé des propositions pour une République des territoires et un nouvel acte de la décentralisation, selon quatre grands principes : clarifier, simplifier, responsabiliser, économiser. On a surtout parlé, jusqu’à présent, des trois premiers, mais le quatrième est essentiel.
Le 12 septembre dernier, les régions ont signé avec le Gouvernement une déclaration commune par laquelle elles s’engageaient à mettre leur expertise et leurs compétences au service du redressement du pays, à travers le pilotage de la formation, de l’orientation, de l’accompagnement vers l’emploi, du développement économique, de l’aménagement du territoire et du développement durable.
Or, mesdames les ministres, permettez-moi de vous dire que nous ressentons une certaine confusion à la lecture des trois textes du Gouvernement, car ils ne permettent pas d’accélérer le temps de la décision publique, de responsabiliser l’État et les collectivités locales autour de blocs de compétences clairs. Ce n’est pas aux collectivités de dire ce qu’elles veulent faire, parce qu’elles veulent tout faire, au nom de la clause de compétence générale ; c’est à l’État de dire ce qu’elles doivent faire et avec quels moyens.
Madame la ministre, vous avez déclaré que les élus ne se font pas confiance entre eux : c’est vrai, parce qu'ils veulent tous tout faire, alors qu’ils ne le peuvent pas. Ils ne se font pas confiance entre eux, y compris lorsqu’ils sont de la même tendance politique. Il faut remédier à cet état de fait en instaurant des règles claires : il était temps de siffler la fin de la partie !
Je l’avais déjà dit devant la commission Belot, nous n’avons pas su trancher ni choisir entre les collectivités : il y a trop de strates dans le millefeuille territorial français.
Ces textes tendent à organiser et à aménager les compétences de nos collectivités. Mais, loin de permettre une coordination efficace, les conférences territoriales risquent de bloquer l’action publique, de faire perdre un temps infini, d’installer un système pervers où les collectivités se contrôleront les unes les autres. Il en ira de même avec le pacte de gouvernance. On pourrait même en arriver à l’instauration d’une tutelle des collectivités sur la région !
Heureusement, la commission des lois y a remédié.
Cette réforme, madame la ministre, ne doit pas être l’occasion d’opposer les collectivités les unes aux autres. La question n’est pas de savoir qui remportera le gros lot. Il faut que nos textes organisent efficacement l’action publique. Pour cela, il est nécessaire de trancher. Ne prenons pas le risque de ne rien changer, ou pire d’institutionnaliser le cafouillage !
Nous avons besoin de clarté, de savoir qui fait quoi, qui est responsable de quoi, qui doit rendre des comptes. C’est ainsi que l’on redonnera du souffle à notre démocratie locale et que l’on permettra à nos concitoyens de reprendre confiance dans notre capacité collective à accompagner le redressement de notre pays et à améliorer leurs conditions de vie.
Les régions, animées par l’esprit de responsabilité et le sens de l’intérêt général, sont plus que jamais soucieuses de réussir cette réforme. Je pense que nous pouvons ensemble y parvenir.
Ces éléments d’analyse étant posés, il me semble que nous devons aborder ce débat avec pragmatisme.
Pour les régions, ce projet de loi peut être amélioré dès lors que nous en revenons à l’ambition affichée par le Président de la République. Les concernant, sept conditions essentielles sont à remplir pour faire de cette réforme l’acte III de la décentralisation.
Premièrement, il faut ouvrir un nouvel acte de la décentralisation par de nouveaux transferts de compétences aux régions en matière d’innovation, d’orientation, de formation, d’expérimentation du service public de l’emploi, ainsi que par une ambition plus forte en termes de gouvernance, afin de simplifier, de clarifier et de responsabiliser.
Deuxièmement, il faut donner aux régions le statut de chefs de file de l’aménagement durable du territoire, en leur confiant le pilotage stratégique et la programmation de l’aménagement et du développement du territoire régional, dans l’esprit des lois Defferre de 1982 et Voynet de 1999. Le chef de filat n’aura de sens que s’il est responsable et efficace : il devra être possible, dans certains cas, d'opposer ces schémas à d'autres collectivités.
Troisièmement, il faut déléguer aux régions, comme l’a dit Jean-Pierre Sueur, une compétence complète dans le champ du développement économique, en établissant une ligne de partage claire avec l’État et les autres collectivités.
À cet égard, je soutiens avec beaucoup de force la création de métropoles, mais il convient de définir où se situera demain la frontière, en matière de compétence économique, entre les métropoles et les villes.
Quatrièmement, il faut permettre aux régions de devenir des autorités organisatrices des transports régionaux de plein exercice et d’être chefs de file de l’intermodalité.
Cinquièmement, il faut conforter les nouvelles compétences dévolues aux régions en matière d’éducation, d’orientation et de formation, et réunir les conditions de la réussite de leur transfert : contractualisation avec les services et opérateurs de l’État, compensations financières, réforme de la taxe d’apprentissage. Sur ce dernier point, j'ai formulé des propositions qui devraient être examinées à la rentrée prochaine.
Sixièmement, il faut réussir le transfert de l’autorité de gestion des fonds européens. C'est un engagement que nous avons pris. J'y reviendrai au cours du débat.
Septièmement, il faut mettre en place un portefeuille de ressources fiscales plus dynamique et davantage en lien avec les compétences des régions.
Ce texte, d’un abord difficile, nous permettra, grâce au travail réalisé par la commission, d'avancer dans le bon sens. Nous le soutiendrons.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, il a notamment été affirmé, cet après-midi, qu’il fallait prendre en compte la diversité des collectivités territoriales. Sur ce point, je suis d'accord !
Pourquoi voulez-vous faire rentrer l’Île-de-France dans un moule qui ne lui convient pas ? Marseille et Lyon représentent entre 15 % et 20 % de la population de leurs régions respectives, tandis que la métropole que vous souhaitez créer en Île-de-France regroupera de 85 % à 90 % de la population régionale ! S’il ne s’agit pas là de créer un contre-pouvoir à la région, alors de quoi s’agit-il ? Qu’est-ce qu’une métropole qui recouvre la quasi-totalité de la région, sauf évidemment les zones rurales ? Chacun des présidents de conseil général de la grande couronne fera ce qu’il voudra avec les territoires ruraux de son département.
Nous sommes, en réalité, en train de créer un monstre ! La métropole aura la compétence logement, mais la région conservera la compétence transports et sera donc chargée d’assurer la desserte des nouveaux centres urbains créés par la métropole. Mais, tout le monde sait, elle n'y arrive déjà pas ! La galère des transports ne cessera pas de sitôt.
Nous sommes tous d'accord – moi le premier ! – pour reconnaître que l’Île-de-France a un véritable problème de fonctionnement : la région est soit trop petite, soit trop grande. Trop petite, parce qu’elle ne couvre que 2 % du territoire national ; trop grande, parce qu’elle compte 12 millions d'habitants ! On ne sait pas comment faire, et on invente donc systématiquement des structures nouvelles qui, en réalité, rendent de plus en plus complexe la prise de décision et n’améliorent nullement l'efficacité des politiques menées.
Vous auriez pu, mesdames les ministres, créer la métropole en fusionnant les quatre départements du cœur de la région – cela aurait fait plaisir à Philippe Dallier ! – ou imaginer d’autres formules, mais le non-choix que vous nous proposez conserve les communes, dessaisies de l'essentiel de leurs pouvoirs dans l’unité urbaine, les départements, privés dans la petite couronne d’une partie de leurs compétences, transférées soit aux EPCI, soit à la métropole, soumis à une gestion partagée dans la grande couronne, puisqu’une partie seulement de leur territoire relèvera de la métropole.
On nous dit de ne pas nous inquiéter, car il y a un schéma régional de l'habitat. Je le sais bien, pour avoir essayé, un temps, de voir comment la région pourrait le financer. Nous avions d'ailleurs créé un établissement public foncier régional, qui ne fonctionne pas du tout ! Certains départements et communes ont également créé le leur.
Ce système est fou ! Nous sommes tous d'accord, mesdames les ministres, pour dire qu'il faut le remettre à plat, que l’on ne peut pas continuer comme cela, mais vous nous proposez de créer une strate supplémentaire dont le fonctionnement aura un coût et qui entrera immanquablement en compétition avec la région. Les deux structures vont s'affronter, certainement pas pour le plus grand bien des citoyens !
On va forcer toutes les communes de la petite couronne qui n’ont pas encore rejoint une intercommunalité à le faire à marche forcée. Quant aux autres, elles devront reprendre le processus, parce que la taille de leur EPCI aura été jugée insuffisante. Ainsi, vous niez les efforts qui ont été réalisés en matière d'intercommunalité par les communes de la petite couronne. Vous dessaisissez les communes et les départements de la petite couronne, vous divisez les départements de la grande couronne, vous créez une strate supplémentaire concurrente de la région, sans pour autant accroître l'efficacité de l’organisation territoriale. En grande couronne, on verra comment on peut faire… Expliquez-nous en quoi cette nouvelle structure permettra d’améliorer la vie quotidienne des Franciliens !
J’ai souvenir qu’en 1994 un plan tout à fait sympathique avait prévu que la population de la région, qui était de 10 millions d’habitants à l’époque, allait baisser à 9, 5 millions à l’horizon 2020. Aujourd'hui, l’Île-de-France compte 12 millions d’habitants, et elle en comptera 13 millions en 2020 !
L’unité urbaine comprenait alors 340 communes. Aujourd'hui, elle en compte 412, et, demain, par l'effet mécanique de la progression démographique, il y en aura encore plus !
Il aurait fallu attribuer les compétences d’une métropole à la région prise en bloc : elle ne représente que 2 % du territoire national. Lors de la discussion du texte relatif à la décentralisation présenté par le gouvernement Raffarin, j'avais défendu un amendement visant à confier la compétence logement à la région. Il me semblait logique de l’associer à la compétence transports. Cet amendement avait été rejeté…
Pourquoi dessaisir aujourd’hui les communes et les départements de la petite couronne, avant d’avoir réfléchi, cher Philippe Dallier, à la future expansion urbaine de la région ? Quid de l’expansion urbaine en 2020, quand la région comptera 13 millions d’habitants, ou en 2030, quand les Franciliens seront 14 millions ou 15 millions ? La région d’Île-de-France considérée dans sa totalité ne peut-elle former une métropole, fonctionnant en lien direct avec les départements et les communes ? Est-il absolument indispensable de créer des structures nouvelles, d’imposer aux communes de rejoindre un EPCI, de mettre en place une métropole en excluant une partie du territoire régional alors qu’elle représentera 85 % de la population ? Où va-t-on ?
Vous allez créer un monstre qui ne répond ni aux attentes des élus ni à celles des habitants. L’Île-de-France est confrontée à d’importants problèmes en matière de transports, de logement, de lutte contre la précarité, d’inégalités entre les territoires. Il existe déjà une structure pour faire le lien entre les départements et les communes : la région. Ne créons pas de structures nouvelles ! Redéfinissons les compétences, considérons les moyens, remédions aux facteurs d'inégalité, mais, de grâce, ne multiplions pas les structures, les fonds de péréquation, les schémas… Plus personne n'y comprend rien, les élus ne savent plus à quel saint se vouer pour servir leur population.
L'Île-de-France ne demande qu'une chose : bien vivre et essayer d'être encore et toujours un moteur pour notre pays. Pour cela, elle a besoin de liberté, de souffle, et non d'une structure supplémentaire ! §
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le projet de loi dont nous débutons aujourd'hui l’examen répond à une double nécessité.
La première, déjà largement évoquée au cours de ces débats, est la prise en compte, dans l’organisation territoriale de notre pays, des évolutions sociologiques, démographiques, économiques qui ont affecté nos modes de vie.
La seconde, qui constituera l’objet de mon intervention, tient au souhait de la France d’adresser à ses partenaires européens un message clair quant aux fonctions particulières assurées par ses grandes agglomérations.
Outre la reconnaissance du statut de métropoles pour un certain nombre de nos grandes agglomérations, à raison des fonctions qu’elles assurent et des responsabilités qu’elles assument, le texte qui nous est soumis vise à la mise en valeur du positionnement européen particulier de l’une ou l’autre d’entre elles, lié à des fonctions singulières ayant leur source dans des traités ou à la situation particulière dans laquelle les place la géographie.
Les dispositions du projet de loi consacrées en particulier aux agglomérations lilloise et strasbourgeoise ont pour objet de souligner ce positionnement spécifique.
Le destin de l’une et de l’autre est désormais clairement et profondément lié à celui des territoires situés au-delà de la frontière, qu’il s’agisse, pour Lille, de l’ensemble Courtrai-Tournai, ou, pour Strasbourg, de la rive allemande du Rhin.
Sur des territoires désormais aussi imbriqués, les enjeux en matière d’aménagement, d’accessibilité, de développement économique, d’emploi, de sécurité publique, de transports, de préservation de l’environnement, d’accès aux équipements hospitaliers, d’organisation des secours sont très largement affranchis du seul ancrage national.
Les formules de coopération transfrontalière proposées par les textes actuellement en vigueur sont relativement bien adaptées à la mise en place d’une réponse commune à ces enjeux, par-delà la frontière. Mais comme ces derniers ressortissent à des champs de compétence très divers et, par voie de conséquence, relèvent d’une grande variété de maîtres d’ouvrage, la mise en œuvre des différents dispositifs de coopération transfrontalière risque évidemment de se heurter, parfois, à la difficulté d’harmoniser les initiatives et de rationaliser l’affectation des financements.
En ce sens, il convient de se féliciter des dispositions inscrites dans le présent projet de loi aux termes desquelles les métropoles frontalières se verront confier le soin d’élaborer un schéma de coopération transfrontalière associant l’ensemble des collectivités territoriales concernées. Pour Strasbourg et Lille, notamment, c’est se voir reconnaître une nécessaire position d’interlocuteur privilégié – bien que non exclusif, évidemment – des partenaires situés au-delà de la frontière.
Quant à Strasbourg, sa désignation comme « eurométropole » lui apportera la reconnaissance qui lui est nécessaire, eu égard notamment au fait que les deux autres villes sièges d’institutions européennes sont également, elles, capitales d’État.
Siège du Conseil de l’Europe, de la Cour européenne des droits de l’homme, du Parlement européen, de l’état-major du Corps européen, du médiateur de l’Union européenne, ainsi que de divers organismes de coopération internationale, Strasbourg se trouve en effet dans la situation unique d’assumer, en exécution des traités conclus par la France, des fonctions qui sont ailleurs celles d’une capitale d’État.
L’inscription dans la loi de « l’eurométropole de Strasbourg », « siège des institutions européennes », est destinée à marquer la reconnaissance par la France du rôle qu’elle a entendu conférer à Strasbourg. Elle témoignera ainsi de l’attachement porté par notre pays aux fonctions européennes de Strasbourg, fermement rappelé par le Président de la République lors de son intervention devant le Parlement européen, le 5 février dernier. Elle signifiera aussi que les fonctions confiées à Strasbourg contribuent indiscutablement au rayonnement européen de la France. Depuis la signature du premier contrat triennal « Strasbourg, capitale européenne », il y a plus de trente ans, jamais le soutien apporté par l’État aux fonctions européennes de Strasbourg n’a été interrompu, par-delà toutes les alternances qui ont pu survenir.
Ce soutien s’est manifesté à plusieurs reprises de manière extrêmement forte, qu’il s’agisse, sous la présidence de François Mitterrand, de la construction du siège de la Cour européenne des droits de l’homme, sous la présidence de Jacques Chirac, de celle du siège du Parlement européen, sans parler de l’idée même des contrats triennaux, qui fut initiée en 1980, sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, pour servir de cadre au soutien apporté par l’État à l’exercice par Strasbourg de ses fonctions européennes.
Le principe de ces contrats a été inscrit à juste titre dans le projet de loi, et notre commission des lois a bien voulu introduire dans le texte les précisions qui ont paru nécessaire à une meilleure compréhension de ces dispositions sur ce point. Que les membres de notre commission des lois, tout particulièrement son président, Jean-Pierre Sueur, en soient bien vivement remerciés.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, vous comprendrez qu’en conclusion de mon propos sur les métropoles je ne puisse résister à la tentation de mettre l’accent sur un dossier qui préoccupe nos grandes agglomérations depuis près de quinze ans, gauche et droite confondues. Je veux parler de la décentralisation et de la dépénalisation du stationnement payant.
M. Louis Nègre acquiesce.
Le rapporteur pour avis de la commission du développement durable, Jean-Jacques Filleul, en a parlé ce matin, et je ne peux qu’appuyer le point de vue qu’il a exposé au nom de la commission.
Il est grand temps de mettre en route cette réforme unanimement attendue par nos agglomérations depuis si longtemps et de valider l’amendement proposé par Jean-Jacques Filleul tendant à insérer un article additionnel après l’article 3, qui vise à dépénaliser le stationnement et à le transformer en service public du stationnement. Sur ce point précis, mesdames les ministres, il me semble qu’il existe un large consensus dans notre assemblée.
Je forme le vœu que ce point d’accord puisse s’étendre, avec les modifications et amendements issus de nos travaux, à l’ensemble des dispositions permettant l’affirmation de nos métropoles comme moteurs de développement des territoires dans lesquels elles s’inscrivent.
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, après les grandes lois de décentralisation de 1982 et de 2004, le texte que nous examinons aujourd’hui n’a malheureusement pas l’envergure attendue d’un acte III de la décentralisation.
Le résultat des querelles intestines auxquelles vous avez dû faire face dans votre propre camp, mesdames les ministres, a conduit, d’une part, à scinder le projet de loi en trois textes et, d’autre part, à établir une rédaction initiale extrêmement complexe, voire tourmentée.
On espérait un projet de loi digne de ses prédécesseurs, à la hauteur de la devise des jeux Olympiques, « citius, altius, fortius » ! On découvre, en définitive, un texte « petibonus »
Sourires.
Dans le texte initial, bien que d’une excessive complexité, on a étrangement oublié d’inscrire la décentralisation et la dépénalisation du stationnement, qui constituent cependant, je le rappelle comme mes collègues Ries et Filleul, l’un des éléments les plus importants de la gouvernance de nos agglomérations. Aussi, je ne peux que me féliciter de l’important travail accompli par le président et le rapporteur de la commission des lois à qui je rends hommage. Ils ont fort justement simplifié le texte.
La commission a revu en profondeur la composition et le rôle des conférences territoriales afin d’en faire un lieu de concertation et de dialogue et rendu plus acceptables certaines dispositions, soit en les assouplissant, soit tout simplement en les modifiant, comme l’article sur le logement. Elle a également – j’en suis très heureux – conforté le fait urbain, en préconisant l’émergence de métropoles d’une taille significative dans le contexte européen. Les grandes agglomérations urbaines, éléments majeurs du développement économique et de la compétitivité de notre pays, sont désormais, comme la DATAR l’estimait nécessaire, reconnues comme telles.
Je me réjouis que le titre même du projet de loi confirme l’affirmation des métropoles.
La métropole de Nice Côte d’Azur est l’exemple concret, et unique à ce jour, de cette très efficiente institution. Tout le monde parle des métropoles mais personne ne les connaît. À Nice, nous savons depuis dix-huit mois comment fonctionne une métropole…
M. Louis Nègre. Créée par Christian Estrosi, sur la base de la loi du 16 décembre 2010, Nice Côte d’Azur est un nouveau modèle d’institution territoriale. Cependant, je ne reprocherai à personne de ne pas le savoir…
Sourires.
Avec le recul, je peux l’affirmer, cette métropole fonctionne efficacement et à la satisfaction générale. Pourtant, comme notre collègue Gérard Collomb, lorsque, il y a dix ans, nous avons créé la communauté d’agglomération, nous avons dû faire face à de très fortes oppositions, avec des pétitions, des manifestations et même des référendums ! Aujourd’hui, la situation est inverse. Nice Côte d’Azur, métropole pilote, a ouvert la voie !
Aussi, je me félicite que le Gouvernement, à travers l’article 33, reconnaisse son existence, ses compétences et son exemplarité. Cette métropole exerce, d’ores et déjà, la plupart des compétences proposées par le projet de loi. Mais elle a surtout pour intérêt de donner vie à une intercommunalité dynamique et solidaire qui porte un vrai projet de territoire.
Certains, ici même, ont fait part de leur inquiétude face à une intégration aussi poussée. Je tiens à les rassurer, et je dis à notre honorable collègue Christian Favier : « N’ayez pas peur ! » Le bon fonctionnement de la métropole Nice Côte d’Azur, qui a réussi à créer un partenariat constructif entre toutes ses communes – j’y insiste –, le démontre au quotidien. Sachez, par exemple, que les communes rurales, vingt-neuf sur quarante-six, sont largement plus nombreuses que les communes urbaines. Elles ont, avec ces dernières, n’en déplaise aux Cassandre, créé une véritable solidarité, qui, à son tour, a renforcé la cohésion sociale. Voilà la meilleure réponse, tirée de la réalité du terrain et non d’inquiétudes plus ou moins fantasmées, que l’on peut apporter aux détracteurs des métropoles !
Mieux encore, un an et demi après, le dynamisme de la métropole niçoise, ses réalisations et l’harmonie qui y règne font qu’aujourd’hui deux communes dirigées par des maires membres du parti communiste réclament publiquement leur intégration dans la métropole. Je peux donc confirmer que cette intercommunalité s’avère aussi attractive qu’efficace, tant pour les communes que pour nos concitoyens, qui doivent être au centre de notre démarche.
Le maire de Cagnes-sur-Mer que je suis, comme quarante-cinq de mes collègues, qui en portent d’ailleurs témoignage, peut vous affirmer que ma commune n’a pas disparu. Je ne suis pas devenu, en rejoignant la métropole, un maire de l’état civil ou d’un arrondissement. Personne sur place ne s’y trompe !
La clé de cette réussite, mesdames les ministres, chers collègues, réside dans une bonne gouvernance, qui est elle-même basée sur deux éléments fondamentaux sur lesquels je veux insister : d’une part, la conférence des maires, appelée dans le projet de loi « conférence métropolitaine », et à laquelle je souhaite, au vu de mon expérience, que l’on attribue un rôle plus décisif que prévu dans le texte qui nous est soumis ; d’autre part, une charte, constitution interne, garante d’un fonctionnement harmonisé qui recherche systématiquement le consensus.
Malgré les imperfections que j’ai évoquées et auxquelles j’espère il sera remédié dans la discussion qui s’annonce, le projet de loi, à travers l’affirmation des métropoles, va dans le bon sens. En conséquence, je le voterai.
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.
Je me permets de dire au Sénat qu’attribuer des temps de parole de trois ou cinq minutes sur des sujets qui sont notre cœur de métier et qui font l’objet d’interventions de conviction a quelque chose d’irréaliste.
Il faudra en tenir compte pour la suite de nos travaux.
La parole est à M. Vincent Eblé.
Monsieur le président, mesdames les ministres, chers collègues, la reconnaissance du fait métropolitain est l’un des aspects majeurs du projet de loi dont nous entamons aujourd’hui l’examen. Pour ma part, j’y vois un gage de souplesse et d’efficacité. J’y vois surtout une réponse adaptée à des réalités et à des histoires territoriales très diversifiées.
Pour la première fois dans l’histoire de notre pays, l’organisation des pouvoirs locaux n’obéirait plus seulement à une vision centralisée, descendante et uniforme, mais s’appuierait sur l’expérience de terrain. C’est un signe indéniable de maturité, de progrès de notre démocratie, et c’est un acte de respect des élus locaux.
Ce projet de loi a également l’avantage de laisser aux acteurs des marges de manœuvre importantes. Il nous rappelle que la loi n’est pas dans l’obligation de tout définir. Il nous faut en effet reconnaître que ce qui est aujourd’hui possible à Lyon, où il existe une longue et forte expérience d’intercommunalité intégrée, ne l’est pas de la même façon à Marseille ou au sein de l’agglomération parisienne avec ses 12 millions d’habitants.
S’agissant de cette dernière, le texte du Gouvernement amendé par la commission des lois propose d’engager une première étape avec la création d’une collectivité sui generis, le Grand Paris Métropole.
Si je souscris, dans son principe, à la création d’une telle instance, je pense que nous devons être particulièrement attentifs, dans nos débats, à trois aspects : le périmètre, les compétences et la solidarité financière.
Le premier aspect concerne le périmètre de cette future métropole parisienne.
Nous avons eu ces derniers mois de nombreux et longs débats entre élus franciliens. Les uns considèrent que métropole et région forment un tout ; les autres, s’appuyant sur la spécificité des problèmes auxquels sont confrontées les communes de la zone dense, plaident pour une structure centrée autour de l’aire urbaine. C’est d’ailleurs la proposition retenue par la commission des lois même si, je l’ai noté, les EPCI n’appartenant pas à l’aire urbaine pourraient, sur la base du volontariat, et sous certaines conditions, adhérer à cette future métropole.
Dans ce débat sur le périmètre, nous devons surtout veiller à ne pas laisser se créer de nouvelles frontières au sein de l’Île-de-France.
Élu du département de la Seine-et-Marne, qui couvre la moitié de la surface régionale et où cohabitent des secteurs urbains, périurbains et ruraux, je sais combien les craintes de relégation et d’exclusion de la dynamique métropolitaine engendrent systématiquement des réactions extrémistes.
Ces femmes et ces hommes, qui cumulent souvent surendettement, précarité énergétique, temps de transports à rallonge et difficultés d’accès aux études supérieures pour leurs enfants, éprouvent tous les jours le fait métropolitain parisien dans ce qu’il a de plus négatif : cherté des logements, qui pousse à trouver toujours plus loin la petite maison familiale de ses rêves ; transports bondés, dont les capacités n’ont pas suivi l’essor démographique ; insuffisance d’équipements publics de proximité dans leurs communes de résidence trop petites ou trop peu organisées en intercommunalité pour répondre à ces attentes.
Ces femmes et ces hommes sont donc les premiers à être intéressés au fait que nous parvenions à trouver la bonne échelle pour résoudre leurs difficultés. Or, si je m’en tiens à la rédaction actuelle du texte, les quatre cinquièmes du territoire de la grande couronne et les deux tiers de ses habitants seront exclus formellement de la métropole.
Une autre raison d’être vigilant sur le périmètre est que la réalité dans laquelle la métropole parisienne fonctionne aujourd’hui fait largement fi des frontières étroites de l’aire urbaine.
Depuis trente ans, l’agglomération parisienne s’est développée en archipels et non de manière radioconcentrique. Des pôles majeurs de développement ont ainsi émergé à Cergy-Pontoise, à Évry, à Sénart, à Marne-la-Vallée, sur le plateau de Saclay ou encore autour de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle. Or les limites de l’aire urbaine ne correspondent pas à cette géographie. À titre d’exemple, le périmètre proposé, tant dans le texte initial que dans la version amendée par la commission, exclut de la future métropole les pistes de Roissy-Charles-de-Gaulle. Or quoi de plus métropolitain qu’un aéroport international ?
Plus grave, à mon sens, est la proposition de la commission des lois de ne plus fixer de seuil démographique pour les intercommunalités de la grande couronne appelées à rejoindre la future métropole. Cette proposition méconnaît le besoin d’une plus grande structuration de ces territoires, dont les habitants subissent aujourd’hui les conséquences de l’émiettement communal et intercommunal.
Ainsi, en Seine-et-Marne, département de 1, 3 million d’habitants, nous comptons 514 communes et 43 EPCI dont un seul couvre plus de 100 000 habitants. C’est un handicap sérieux pour affronter les défis que je viens d’évoquer et permettre que la spécificité de ces territoires soit entendue dans les débats métropolitains. Je regrette donc ce qui peut s’assimiler à une forme de frilosité inadaptée aux enjeux du moment.
Le deuxième aspect, sur lequel je passerai plus rapidement – je sollicite néanmoins votre vigilance –, a trait aux compétences et à la gouvernance de cette future métropole.
Si la proposition de la commission de réintégrer la région et les départements dans cette instance va dans le bon sens, le statut de simple membre consultatif me paraît encore insatisfaisant. Je n’ignore pas les raisons juridiques qui ont guidé ce choix, mais elles me semblent devoir être précisées.
II en va de même – c’est en lien direct avec la place et le rôle de la collectivité régionale et des collectivités départementales – du statut et des compétences susceptibles d’être exercées par cette future métropole. Il me semble en effet qu’un flou persiste, qu’il nous faudra dissiper en partant d’une question centrale : cette future métropole a-t-elle vocation à n’être qu’une structure de mutualisation et de coordination ou a-t-elle vocation à se voir transférer certaines compétences exercées aujourd’hui par ses membres ?
Le troisième aspect porte sur la solidarité financière.
S’il est une caractéristique propre à l'Île-de-France, c’est le fait que cohabitent, sans doute comme nulle part ailleurs, des poches d’extrême pauvreté et des secteurs de grande richesse. L’accroissement de ces inégalités fait courir un risque majeur, non seulement en termes de cohésion sociale – gardons en mémoire les émeutes urbaines de 2005, Claude Dilain s’en souvient ! –, mais aussi en termes d’attractivité économique de la région capitale. Et ce ne sont pas seulement les Franciliens qui auraient à pâtir d’un affaiblissement de l’Île-de-France, mais le pays tout entier, tant Paris et sa région contribuent à notre vitalité économique et à notre croissance !
Pour enrayer ce phénomène, le Gouvernement avait proposé un dispositif de péréquation entre départements, qui, bien que présentant des difficultés techniques, répondait à un besoin impérieux. Pour des raisons qui tiennent à la méthode retenue, les commissions ont proposé la suppression pure et simple de l’article concerné.
Je pense que ce serait une grave erreur de renoncer à un dispositif qui répond à une véritable urgence sociale et sans lequel il n’y aura pas de métropole durable et solidaire. Je vous proposerai donc un amendement visant à rétablir le principe de ce fonds de péréquation, reportant à la loi de finances le règlement de ces difficultés techniques.
Au travers de ce texte, nous devons faire évoluer notre organisation territoriale pour que nos collectivités puissent continuer à vivre et à se développer dans un contexte économique, social et financier plus difficile que jamais. Je crois que les nouveaux outils proposés, fondés sur les principes de dialogue, de respect des élus locaux et de reconnaissance de la diversité de nos territoires, peuvent nous y aider pour peu que nous gardions à l’esprit les raisons qui fondent l’action politique locale : le service au public, le développement de nos territoires et la lutte contre les inégalités sociales et spatiales.
Dans l’œuvre de redressement de notre pays engagée par le Président de la République et le Gouvernement, les collectivités peuvent et doivent jouer un rôle important. Ce premier texte de loi, comme ceux qui suivront, doit y contribuer.
Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.
M. Philippe Dallier . Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je vais évidemment vous parler du Grand Paris. Voilà cinq ans que j’attends le moment de pouvoir débattre ici d’une nouvelle organisation territoriale dans cette région. Ce jour aurait pu être pour moi un grand moment de satisfaction, voire de bonheur, si j’avais pu voir mon travail transcrit dans la loi. Seulement, je suis sénateur de Seine-Saint-Denis et non sénateur du Rhône et mon rapport traitait du Grand Paris et non du Grand Lyon...
Sourires.
Reste que je retiens avec satisfaction que le modèle lyonnais ici proposé valide l’idée de la métropolisation par la fusion d’une structure intercommunale et d’un département. Je retiens également des propos de notre rapporteur, René Vandierendonck, qu’il faut étudier le sujet. Lorsqu’il m’a informé que Claudy Lebreton, le président de l'Assemblée des départements de France, avait souligné, ce que j’ignorais, que la question méritait d’être posée, je me suis dit que les choses avançaient.
Il y a un peu plus d’un an, j’ai reçu un coup de fil de Claude Bartolone, alors président du conseil général de Seine-Saint-Denis, pour me dire : « Je t’appelle, parce que tu vas être content : je pense que tu as raison et qu’il faut aller vers autre chose que Paris et les trois départements de la petite couronne ». C'est aussi la position de l’actuel président du conseil général de Seine-Saint-Denis. Voilà mes sujets de satisfaction !
Malheureusement, mesdames les ministres, votre projet concernant la région Île-de-France ne va pas dans ce sens : vous n’avez pas eu cette audace. Je crois savoir pourquoi : entre le président de la région, Jean-Paul Huchon, qui n’a jamais voulu entendre parler du Grand Paris, n’y voyant qu’un concurrent trop puissant, …
… et le maire de Paris, Bertrand Delanoë, qui n’est jamais allé au bout de sa logique, initiée au moment de son élection, de dialogue entre la ville de Paris et les communes de banlieue, vous avez choisi le compromis. À mon sens, c’est la plus mauvaise solution.
Le statu quo n’étant pas possible, car on ne peut pas ne rien faire, je vous propose la solution que j’avançais en 2008, car il y a urgence.
Urgence à faire émerger une métropole du Grand Paris permettant à notre ville-monde, ce qui constitue pour tous les Français l’atout le plus précieux, de rivaliser, à armes égales, avec ses concurrentes.
Urgence à devenir plus efficaces sur chacune des grandes politiques publiques : logement, transport, développement économique.
Urgence à réduire la fracture territoriale dans cette métropole, certes la plus riche de France et d’Europe, mais aussi celle où les inégalités entre collectivités territoriales sont les plus grandes.
Urgence à rationaliser la dépense publique, parce que les années qui viennent s’annoncent difficiles pour toutes nos collectivités.
Urgence à permettre à nos concitoyens de comprendre quelque chose au modèle pour qu’ils sachent simplement qui vote l’impôt local et pour en faire quoi.
Voilà, mes chers collègues, les défis que nous devons relever. Le texte qui nous est présenté nous le permet-il ? À l’évidence, non ! Si nous l’adoptions, il y aurait un maire de Paris, un président du Grand Paris, un président de la région, huit présidents de conseil général, plusieurs dizaines de présidents de communautés d’agglomération, qui – situation unique en France – se toucheraient toutes, formant un ensemble de 10 millions d’habitants, et 412 maires de l’unité urbaine qui diraient : « Et moi, et moi, et moi ! ». C’est si vrai que, dans le projet de loi initial, mesdames les ministres, vous avez essayé de trouver une solution, non seulement pour ces derniers, mais aussi pour tous les maires de la région Île-de-France qui se sentiraient un peu exclus.
Pouvoir émietté, modèle incompréhensible non seulement pour nos concitoyens, mais aussi pour les investisseurs étrangers, technostructure et dépenses de fonctionnement florissantes, dotations à prendre dans une enveloppe normée qui n’en peut plus : voilà les conséquences certaines de votre projet ! Nous sommes là au cœur du débat.
Pourtant, à Lyon, comme à Marseille, de deux manières complètement différentes, vous nous proposez une rationalisation. Alors pourquoi faire exactement l’inverse en Île-de-France ? J’en suis d’ailleurs très surpris, madame Lebranchu, puisque, à Marseille, vous avez répondu aux élus que le Gouvernement voulait « deux niveaux, les communes et une grande intercommunalité, et non pas trois – les communes, une intercommunalité et un syndicat d’intercommunalité –, parce que c’est budgétivore et que c’est plus difficile à conduire ».
Même si les territoires de Paris, Lyon et Marseille sont radicalement différents, il faut pourtant que la logique soit la même. L’adaptation entre ces différentes situations doit évidemment se faire en jouant sur le degré d’intégration des communes à la métropole.
Dans mon rapport de 2008, je proposais de nous appuyer en Île-de-France sur les communes de la petite couronne, qui ont toutes, à quelques exceptions près, la taille critique pour délivrer les services de proximité – elles comptent en moyenne 40 000 habitants, ce qui n’est pas comparable aux situations lyonnaise et marseillaise –, y compris ceux assurés par le département. En effet, qui suit les allocataires du RSA en Seine-Saint-Denis ? Qui suit les personnes âgées dépendantes ? Ce sont les services des communes ! Le département est une caisse enregistreuse, et ce sont les services des communes qui effectuent ce suivi, parce qu’ils en ont la capacité.
Je proposais également de trouver le bon périmètre en matière d’intercommunalité. Je continue à penser que la seule solution viable consisterait à s’appuyer dans un premier temps sur le périmètre des départements de Paris et de la petite couronne. Rendez-vous compte, ils recouvrent 752 kilomètres carrés, alors que la surface de la région est de 12 000 kilomètres carrés ! Sur moins de 10 % du territoire vivent 7 millions d'habitants. La densité est donc plus forte ici que dans le Grand Londres, qui compte 8 millions d'habitants sur 1 500 kilomètres carrés.
Pensez-vous qu’il faudrait chercher le périmètre de l’aire urbaine, avec tous les inconvénients que cela représente – et que Gérard Larcher a décrits –, qu’il faudrait inclure 10 millions d'habitants dans la métropole avec une région qui en compte 12 millions ? Cela n’aurait strictement aucun sens !
Mon modèle présente un autre avantage, mesdames, messieurs de la grande couronne et de la province : il ne coûterait pas un sou aux autres. Je soutiens qu’une fusion des budgets des conseils généraux de Paris et de la petite couronne aurait un effet péréquateur extraordinaire ; ainsi, on ne vous demandera pas de venir au secours de la Seine-Saint-Denis, alors qu’il faudra bien faire quelque chose.
Je proposais dans une troisième étape, après la fusion de ces départements, de redistribuer les compétences et de faire de la métropole du Grand Paris une collectivité locale de plein exercice, sans clause de compétence générale, en la spécialisant, évidemment, en matière de logement.
Mes chers collègues, croyez-vous que, quand on aura coupé la Seine-Saint-Denis en quatre ou cinq communautés d’agglomération, quand on aura monté un PLH et un PLU, on aura changé quoi que ce soit à la mixité sociale dans ce département ? Vous pensez que c'est le bon périmètre de réflexion ? Si, un jour, vous faites disparaître le département et que vous cherchez à financer les politiques sociales, confierez-vous à ces communautés d’agglomération de 300 000 habitants le financement des politiques sociales en Seine-Saint-Denis ?
Quelle est la réalité ? En première couronne, on se regroupe par couleur politique ; à l’Ouest, les plus riches avec les un peu moins riches et, à l’Est, les plus pauvres avec les un peu moins pauvre. Voilà le modèle que vous nous proposez ! Vous aurez beau mettre sur pied tous les mécanismes de péréquation que vous voulez, vous n’en sortirez pas !
Mon modèle ne s’oppose pas à la grande couronne, il ne l’affaiblit pas, même si je comprends que certains de nos collègues s’en inquiètent. En choisissant le périmètre de la zone dense, vous évitez les écueils résultant d’un périmètre aussi étonnant, qui comprend 10 millions d'habitants…
J’en reviens à la première partie de votre texte. Il faut évidemment imposer une coopération entre les collectivités locales. Quel élu local irait aujourd'hui soutenir le contraire ? Dès lors, pourquoi voudriez-vous que la métropole du Grand Paris fondée sur la zone dense s’oppose à la grande couronne ou à la région Île-de-France ?
Mes chers collègues, je ne sais pas si je vous convaincrai. En tous les cas, je poursuis dans cette voie, même si Vincent Capo-Canellas pense que mon projet est un peu daté parce qu’il a cinq ans. Pardonnez-moi, mais, durant les cinq dernières années, qui a proposé un contre-modèle qui traite de tous les sujets ?
M. Philippe Dallier. Ne reprochez pas au sénateur Dallier de persister. Mon projet évolue comme un vin de garde : il se bonifie en vieillissant. N’oubliez pas que certains vins nouveaux peuvent très vite devenir des piquettes et tourner au vinaigre !
Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, cette discussion est longue, riche et, je crois, fertile.
Il y a eu débat sur la méthode législative. Je fais partie de ceux qui ont souhaité le partage en plusieurs projets, en repensant à ce que nous avions fait entre 1981 et 1984 dans le premier vrai train de la décentralisation. Par parenthèse, certains se demandent qui représente le mieux l’acte II de cette décentralisation. Pour ma part, je pense qu’il s’agit de la personne qui préside la séance cet après-midi...
Sourires.
Le choix que notre gouvernement avait fait à l’époque avait été discuté. Il n’y a toutefois plus réellement débat aujourd’hui. J’approuve donc cette démarche qui nous évite de travailler sur un projet dont la masse serait difficilement maîtrisable. Je crois qu’il y a une cohérence entre les phases. Sachant que nous aurons l’occasion de compléter ces trois textes, le Gouvernement et la commission sont convenus au moins de ne pas essayer d’anticiper dès maintenant sur les deuxième et troisième projets de loi. Je suis sûr que nous ferons preuve, collectivement, de la même sagesse.
Je voudrais m’arrêter un instant, chers collègues et amis, en essayant de ne blesser personne, sur l’une des raisons pour lesquelles nous sommes amenés à gérer ce problème d’« empilement » : le développement de la décentralisation, les compétences territoriales, une expérience accumulée ont favorisé - c’est un trait français que l’on retrouve dans presque toutes nos sphères – l’apparition d’un corporatisme catégoriel à chaque niveau de collectivité.
Nous n’allons pas exterminer ce phénomène en le mentionnant, mais il me fallait dire ce qu’il en est. Je ne pense d’ailleurs pas être le seul de cet avis.
Cela étant, priorité a été donnée aux métropoles. Il s’agit d’un très beau terme, qui fait rêver. Pour nous, dont le rôle est modestement de faire les lois, et cela pour dire ce qui est obligatoire et ce qui est interdit, en plus du verbiage qui est secondaire, le terme « métropole » est synonyme de niveau d’intégration intercommunale considérablement amplifié et d’importants pouvoirs retirés aux communes. §Ce que l’on a délégué, on ne le reprend plus !
Je suggère donc que nous restions dans une réflexion à la fois réaliste quant au degré d’intégration et de centralisation que nous devons nous donner et attentive aux principes, et d’abord à ceux de la décentralisation. Cela fait un moment - je suis ce parcours à divers titres depuis bien longtemps – que l’on recherche un partage équitable et efficace entre les communes et leurs communautés, ou métropoles désormais.
Nous devons assurer une existence partagée et harmonieuse entre communes et établissements de coopération intercommunale, qui doivent continuer à justifier leur nom. L’influence de l’esprit mutualiste, qui a du sens pour un certain nombre d’entre nous, pourrait nous aider à mener cela à bien. Attention aux pesanteurs et aux attitudes dominatrices, avec l’idée implicite chez certains élus et hauts fonctionnaires, nationaux comme locaux, que les communautés et métropoles sont l’avenir et les communes le passé !
Nous devons garder deux enjeux à l’esprit.
Le premier, c’est celui de la proximité avec la capacité à décider en dialoguant directement avec les gens. Cela est particulièrement important à une époque de chocs sociaux et d’incertitudes pesant sur les plus démunis, car l’échelon avec lequel les citoyens peuvent dialoguer, nous le savons tous, c’est la commune.
Le second enjeu, avec lequel nous nous familiarisons progressivement du fait de la crise, c’est l’économie de gestion. Quel est le coût de nos structures locales ? Quel est le rapport coût-prestation ?
Nous partons toujours de l’idée implicite selon laquelle plus gros signifie plus économe. Honnêtement, le bilan est à plusieurs facettes. Je ne cherche pas non plus à être déplaisant, mais il se trouve que la Cour des comptes a fait des évaluations assez nuancées sur le sujet. Or le paysage financier et économique a changé, nous le savons tous, de façon durable. Par conséquent, l’intercommunalité et la vie communale devront être, l’une comme l’autre, synonymes de rationalisation et de synergie.
Mesdames les ministres, nous aurons dans cinq ans un rendez-vous sur la révision des schémas départementaux de coopération intercommunale. Il faut le préparer ! Nous devons mettre en place, avant cette échéance, une véritable évaluation des coûts de gestion des différentes structures avant de décider s’il faut continuer à les faire grossir.
M. le rapporteur acquiesce.
C’est ici que je voudrais présenter une réserve de taille devant le projet de loi que le Gouvernement nous a soumis. Partant de l’idée un peu simplificatrice selon laquelle la concentration très poussée de pouvoirs locaux est facteur d’efficacité, nous trouvons dans le texte cinq éléments inattendus de la part d’un gouvernement de gauche.
Premièrement, les communautés existantes, toutes créées volontairement, à l’exception des quatre premières il y a quarante-six ans, sont tenues par décret de devenir métropoles, qu’elles le veuillent ou non.
Deuxièmement, alors que les communautés de l’aire urbaine de Marseille connaissent de nombreux facteurs de clivage, le texte les inclut d’autorité dans la formule de concentration des pouvoirs la plus contraignante.
Troisièmement, alors que la carte des communautés, à peine achevée dans la grande couronne et engagée à moitié dans la petite couronne, est encore en développement en Île-de-France, on décide d’inclure d’office toutes ces communautés actuelles ou futures dans une superstructure dont la valeur ajoutée est un peu proclamée dans l’abstrait.
Quatrièmement, le SDCI de la petite couronne est imposé, en cours de mandat municipal, avec un seuil de population très élevé et le SDCI de la grande couronne, quant à lui, est à refaire entièrement dans le mois qui suit son entrée en application.
Cinquièmement, c’est un point sur lequel je veux insister et dont nous reparlerons, dans les métropoles de « droit commun », si l’on part d’une communauté urbaine, il n’y a pas de modification substantielle sur le pouvoir d’urbanisme. Par contre, lorsque c’est une communauté d’agglomération qui devient métropole, le pouvoir sur le PLU est transféré de la commune à la communauté. Il s’agit d’une position tout à fait soutenable, mais il vaut mieux qu’elle soit explicite, et je ne trouve pas qu’on en parle beaucoup. Je constate également qu’aucun aménagement n’a été prévu pour l’élaboration des PLU, qui deviendraient ainsi intercommunaux.
Tout cela me gêne et me peine, car je parle à des amis. Je pense que ces propositions s’éloignent de la trajectoire émancipatrice que nous suivons depuis quarante ans et qui a marqué de grandes victoires de notre famille politique. Quand on a fait la décentralisation en 1981, on l’a fait dans le combat !
MM. Roger Karoutchi et Gérard Longuet opinent.
Sourires.
Il me semble donc que nous devons adopter une démarche qui repose davantage sur la confiance aux élus. Je déplore ce parti pris qui consiste à dire : « On décide pour vous ! » Fusionner ou mutualiser d’office, c’est partir du principe que les élus ne seraient pas capables de prendre eux-mêmes conscience des besoins de plus grande efficacité et de plus grande solidarité.
La commission, au sein de laquelle nous avons tous travaillé, a substantiellement rééquilibré les choses. Je veux saluer le fait que nous en avons discuté entre représentants de tous les groupes et que nous avons su nous rapprocher.
Comme je dépasse beaucoup mon temps de parole, et je prie le Sénat de bien vouloir m’en excuser, je vais terminer sur un point qui me tient à cœur.
Notre débat s’engage et se révèle fertile en réflexions et en analyses. À entendre les différents orateurs, je crois percevoir une volonté largement partagée de faire aboutir ce projet de loi. Il s’agit d’un enjeu sérieux pour la place du Sénat et l’influence du Parlement sur notre paysage territorial.
Nous aurons ce soir un rendez-vous concret : des motions de procédure tendent à mettre fin à notre discussion, et nous allons devoir prendre une décision. Tous les groupes de notre assemblée ont un rôle à jouer dans l’œuvre que nous devons accomplir. Tous les orateurs engagés dans le débat, jusqu’à présent brillant, ont montré qu’ils avaient beaucoup à apporter, comme cela s’était déjà vu en commission.
Ce que nous allons faire ce soir est un petit moment de vérité politique : sommes-nous capables de nouer des convergences, de mener à bien un dialogue démocratique pour définir une structure de nos agglomérations qui assure l’efficacité collective sans sacrifier la proximité ? Je crois que oui, mais j’attends avec intérêt ce rendez-vous politique.
Au cours de ce débat, nous avons entendu beaucoup de belles interventions, qui, toutes, ont cherché à convaincre plutôt qu’à cliver et qui ont montré que nous pouvions, d’une certaine façon, progresser ensemble. Au-delà du règlement des problèmes de gestion locale dont nous sommes constitutionnellement responsables, nous avons l’occasion de montrer aux citoyens de ce pays, profondément inquiets dans la tempête économique qui sévit et soucieux de voir leurs représentants s’engager dans des choix constructifs, que nous savons nous rassembler.
Mes chers collègues, je suis sûr que nous serons à la hauteur et que le pays le remarquera.
Applaudissements sur de nombreuses travées.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, au fur et à mesure de son examen, ce texte a suscité, chez nos collègues sénateurs ainsi que chez de nombreux élus de nos départements, d’abord de la perplexité, ensuite des oppositions, qui ont abouti au grand chamboulement opéré par la commission des lois. Cela tend à prouver que le Gouvernement et les élus de terrain que nous sommes n’ont pas forcément la même vision de la décentralisation et de l’organisation de nos territoires.
Toutefois, mon propos portera essentiellement sur le projet rhodanien, qui prévoit, sur un même territoire, la création d’une nouvelle collectivité – une métropole-département – entraînant la naissance d’un nouveau département dont la superficie, la démographie, les dépenses et, bien évidemment, les ressources seront réduites.
Fruit d’un accord local intervenu entre nos deux collègues Michel Mercier et Gérard Collomb, qui ont souhaité passer rapidement à la mise en œuvre de cette fusion, le cas de Lyon Métropole fait un peu figure d’exemple et d’aucuns voudraient le traiter à part. Je tiens d’ailleurs à signaler que l’accord est intervenu avant le débat ; nous essaierons de ne pas retenir ce désordre chronologique...
Que l’agglomération lyonnaise ambitionne de se hisser dans la cour des grandes métropoles européennes, on ne peut qu’y souscrire et y adhérer intellectuellement. Reste que certaines conséquences inquiètent bon nombre d’élus et d’habitants du Rhône.
Quid du devenir des cinquante-huit communes de la métropole ? Si elles garderont leur autonomie pendant la durée de ce mandat – du moins une certaine autonomie ! –, savent-elles vraiment que leur disparition est pratiquement programmée pour 2020 ? Je n’en suis pas certaine, et je pense qu’il faut leur dire la vérité.
Quant au département restant, qui sera toujours le Rhône, il lui faudra trouver une certaine unité, une organisation cantonale et une capitale, alors que la plus grande inquiétude règne autour des moyens financiers dont il disposera pour se développer en matière de transports, d’infrastructures, de zones d’activité, d’équipements, ... Ce département va passer de 1, 7 million d’habitants à 430 000 habitants ; on imagine mal que cela soit sans conséquences.
Or, aujourd’hui, que savons-nous ? Nous disposons d’une approche, de grandes masses budgétaires – recettes et dépenses –, mais malheureusement, à ce jour, aucune étude chiffrée connue et précise n’est en mesure soit de nous rassurer, soit de nous alerter, soit de nous offrir l’éclairage nécessaire pour nous prononcer sur ce point précis du projet de loi. Il paraît donc indispensable qu’une étude d’impact portant sur les conséquences de la création de la métropole lyonnaise soit réalisée. Une telle étude devrait d’ailleurs être préconisée préalablement à la création de toutes les métropoles. Il s’agit ni plus ni moins d’une question de transparence. En effet, si la simple application de ce projet de loi devait entraîner une augmentation de la fiscalité pour le département du Rhône, cela ne serait pas acceptable, et nos concitoyens, qui se sentiraient trompés, ne l’accepteraient d’ailleurs pas.
La création d’une métropole ne doit pas affaiblir les territoires voisins. Elle doit au contraire constituer une locomotive territoriale facilitant les interactions et les solidarités entre ville et campagne. C’est pourquoi je pense que le temps de maturation de ce projet de métropole lyonnaise a été trop court et qu’une étude approfondie des conséquences de la création d’une métropole sur son territoire et les territoires voisins doit être réalisée et rendue publique, faute de quoi le volet démocratique aura manqué.
Je dois dire que notre collègue rapporteur de la commission des lois a apporté ce matin quelques éléments rassurants, en posant pratiquement comme condition qu’une rencontre tripartite ait lieu afin, justement, de clarifier les questions financières.
M. le rapporteur acquiesce.
J’y souscris, car cette condition est indispensable. Encore faut-il que cette rencontre soit fructueuse ! Je l’espère, en tout cas, parce que l’avenir de nos collectivités rhodaniennes en dépend.
Applaudissements sur certaines travées de l’UMP, de l’UDI-UC et du RDSE.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous allons nous prononcer sur un texte dont une partie intéresse plus particulièrement 8 sénateurs, sur les 348 que compte notre assemblée, les élus des Bouches-du-Rhône. Mon raisonnement se fonde donc non pas sur un rapport de force, mais sur un rapport de loyauté et de confiance.
Cette assemblée, je le répète, compte 348 représentants des territoires, tous issus de la démocratie de proximité. La République est solide de la relation privilégiée entre les élus et l’ensemble de leurs concitoyens.
La proximité que nous avons avec les habitants de nos territoires me conduit, mes chers collègues, à vous faire part des réalités de la Provence et du décalage qui existe entre ce texte et les attentes de nos administrés.
Les territoires ne sont pas uniformes. Ce n’est donc pas d’une métropole Aix-Marseille-Provence, qui deviendra très vite obèse, dont nous avons besoin. Marseille n’a pas non plus besoin d’une intégration à marche forcée. Ce qu’il nous faut aujourd’hui, mesdames les ministres, c’est de l’écoute, de la compréhension et de la solidarité de la part de l’État.
Si elle était adoptée, cette loi d’exception créerait un sixième niveau politique et administratif à Marseille. Ce niveau supplémentaire gâcherait la chance qu’a la France de voir encore 80 % de ses électeurs se rendre aux urnes pour élire leurs maires.
Disons-le clairement, il s’agit bien d’une loi d’exception et d’une loi de circonstance pour Marseille !
Mes chers collègues, le plus grand risque que fait courir ce projet de loi est d’ordre démocratique. Pourquoi vouloir priver les maires de leurs compétences de proximité, comme le droit des sols, qui seraient transférées à une métropole à fiscalité propre ? Sur ce point, je vous renvoie à l’article 30.
Pourquoi voter une loi d’exception pour une métropole de Marseille, qui n’a besoin que du soutien financier de l’État et de la solidarité des communes voisines ? Celles-ci, d’ailleurs, ne la lui refusent pas, et sont prêtes à verser 50 millions d’euros par an.
Pourquoi voter une loi qui ne permet pas à tous les maires – je dis bien à tous les maires –, qui seront élus en mars 2014, d’être membres à part entière de l’exécutif du nouvel EPCI à fiscalité propre ?
Pourquoi 69 maires sur les 90 que vous entendez enrôler de force dans la métropole, mesdames les ministres, seraient-ils condamnés à ne disposer que de pouvoirs consultatifs, alors que cette instance va être amenée à prendre des décisions importantes pour le quotidien des populations locales : l’urbanisme, l’environnement, l’emploi et la fiscalité ?
Je vous demande d’entendre ces 109 maires, sur les 119 communes que comptent les Bouches-du-Rhône, qui s’opposent à ce projet de loi, et ce quelle que soit leur tendance politique.
Mlle Sophie Joissains applaudit.
Ma démarche est guidée par la lucidité, le réalisme et la cohérence. La métropole ne doit pas être une contrainte, elle doit être, avant tout, un projet.
Mesdames les ministres, vous nous demandez d’adopter un texte qui s’apparente à la loi de 2010, en ce que son adoption conduirait à retirer des compétences aux communes, en particulier le droit des sols. Oserais-je rappeler que, à l’époque, nous – le groupe socialiste, la gauche entière – trouvions à la loi beaucoup d’imperfections et que nous l’avions combattue, en rassemblant contre elle toute la gauche parlementaire ? Faut-il redire que cette loi a été adoptée avec une majorité de trois voix seulement au Sénat, et que vous-même, madame Lebranchu, aviez voté contre à l’Assemblée nationale ?
Il n’y a pas de raison que cela change aujourd’hui. Vous nous accorderez au moins le bénéfice de la constance dans nos positions. J’ai bien dit « constance », et non pas « conservatisme », comme certains se plaisent à le penser, voire à le dire.
Je l’affirme avec gravité, 6 sénateurs des Bouches-du-Rhône sur 8, 109 maires sur 119, 8 présidents d’EPCI sur 9, 11 maires sur 18 de la communauté urbaine de Marseille et la majorité des élus socialistes à la mairie de Marseille ne sont pas opposés au changement ou au travail en commun. Il n’y a pas, d’un côté, les progressistes et, de l’autre, les tenants du statu quo.
Avec chacun des 3 137 grands électeurs des Bouches-du-Rhône, et grâce au mandat qu’ils ont bien voulu nous confier, nous avons de l’ambition pour notre département, qui représente 50 % du PIB de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Comme vous, nous aspirons à renforcer son rayonnement dans l’aire méditerranéenne. Pour cela, nous devons redoubler d’efforts et mener un indispensable travail de coopération.
Mesdames les ministres, nous sommes tous d’accord sur le diagnostic que vous formulez pour la ville de Marseille, qui est tellement montrée du doigt et dont la situation justifierait votre précipitation, mais nous divergeons sur le remède. Comment la plus conservatrice des méthodes, celle de l’empilement des niveaux administratifs, pourrait-elle créer du nouveau ? Soyons sérieux !
Alors que vous avancez pour unique solution une réorganisation institutionnelle, nous demandons une vraie mobilisation de tous les acteurs, notamment du Gouvernement. Il faut un grand plan national, qui fasse des transports, de l’emploi, de l’enseignement et de la sécurité les priorités des priorités pour les Bouches-du-Rhône et surtout pour Marseille.
Pour le territoire parisien, on annonce une aide de 30 milliards d’euros. Pour notre département, plus particulièrement pour notre ville de Marseille, en revanche, rien n’est défini !
Jean-Claude Gaudin, qui est retourné dans nos terres marseillaises, a déclaré, il y a quelques instants, que le projet de loi allait trop vite, trop fort, trop loin. C’est vrai ! Il n’y a pas que le résultat qui compte, la manière aussi est importante. En l’occurrence, la manière forte, autoritaire, n’est peut-être pas la bonne.
Pour conclure, je dirai que la République et le respect de nos usages démocratiques imposent d’entendre cet appel de la raison. C’est pourquoi, mes chers collègues, permettez-moi de prendre une certaine distance avec les usages politiques. Si les demandes formulées par un certain nombre d’entre nous n’étaient pas entendues, si le présent projet de loi ne connaissait pas de modifications profondes, je ne le voterai pas.
MM. Rachel Mazuir et Roland Povinelli, ainsi que Mlle Sophie Joissains applaudissent.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je tiens à souligner, en guise de propos liminaire, l’heureuse tonalité de nos débats, qui a été rendue possible par la liberté que se sont octroyée le président de la commission des lois, le rapporteur et les rapporteurs pour avis. Ce faisant, ils répondaient à l’attente, à l’ambition et à l’envie de nombreux élus locaux, notamment d’Île-de-France. Ils ont compris qu’il fallait les prendre en compte.
Quelle déception, en effet, que ce projet de loi ! Il est difficile de prendre la parole à cette tribune, tant le désappointement est profond, sur toutes les travées de cet hémicycle.
M. le rapporteur nous a expliqué que les trois projets de loi de décentralisation arrivaient dans le mauvais ordre.
Tout le monde le sait, l’ordre dans lequel ils nous parviendront n’est pas institutionnel.
M. Dantec, quant à lui, a évoqué la faiblesse du projet de loi. En tant qu’élu d’Île-de-France – vous ne serez d’ailleurs pas surpris, mes chers collègues, que mon propos concerne plus particulièrement cette région –, je dois malheureusement reconnaître que cela est vrai.
La France a longtemps eu peur de Paris et de l’Île-de-France. Tous les présidents de la Ve République se sont occupés du cœur du pays, de cette région. Le général de Gaulle a créé les huit départements et les villes nouvelles. Le Président Giscard d’Estaing a créé la plus jeune commune d’Île-de-France, en donnant un maire à Paris. Le Président Mitterrand, d’abord réticent, a fait entrer Paris dans un cadre de droit commun, en alignant son statut avec ceux de Lyon et de Marseille. En étant élu Président de la République, Jacques Chirac, alors maire de Paris, a démontré que cette ville était réconciliée avec la France. Le Président Sarkozy a eu la vision du Grand Paris, il en a eu une conception contemporaine, à laquelle il a fait adhérer un grand nombre de personnes.
Nous attendons de voir ce que fera le Président Hollande. Ce dernier dispose d’une chance exceptionnelle, que ses prédécesseurs n’ont pas eue : il devrait normalement pouvoir bénéficier de l’écoute politique du président de région, en place depuis douze ans, et du maire de Paris, qui honore son deuxième mandat.
Sa tâche est d’autant plus aisée que le maire de Paris n’a pas l’intention de se représenter et que le président de la région veut participer à ce débat.
Vous avez une chance historique, mesdames les ministres, et vous passez à côté, parce que vous recherchez le compromis. §Cela a été dit plusieurs fois, et – je le regrette – c’est cruellement vrai.
Le présent projet de loi redonne un statut d’exception à Paris. C’est son premier défaut. Sur ce point, d’ailleurs, je ne partage pas l’avis de certains de mes collègues franciliens, qui sont pourtant de ma sensibilité politique. L’exception, cela veut dire que l’on échafaude un projet à la carte, en tout cas pour Marseille et Lyon. Pour Paris, on essaie plutôt de trouver un compromis entre la région et la mairie. Malheureusement, c’est une mauvaise solution.
Les deuxième, troisième et quatrième défauts de ce projet de loi recouvrent les faiblesses de la vision du Président Sarkozy dans ce domaine : il échoue à définir un périmètre, une gouvernance et des ressources financières propres pour le Grand Paris.
En la matière, donc, le présent projet de loi est un échec. J’ai lu le rapport. Il contient bien une carte de la communauté de Lyon et une autre de Marseille, mais combien d’entre vous, mes chers collègues, et combien de Franciliens, peuvent définir précisément les contours de la métropole du Grand Paris ? Elle n’apparaît même pas dans ce rapport de 500 pages !
L’orateur brandit le document.
En matière de gouvernance, le projet de loi tend à créer un échelon supplémentaire. Monsieur Dallier, dans votre énumération des niveaux territoriaux auxquels sont confrontés les Parisiens, il manquait encore les mairies d’arrondissement !
M. Philippe Dallier acquiesce.
Tout a été dit au sujet des finances, de la suppression de certains articles du projet de loi au surcoût que représenterait la restructuration en Île-de-France.
Le présent projet de loi aurait pu aborder quelques spécificités, comme le transport en Île-de-France, par exemple. Il traite bien du logement, pourquoi ne s’attaque-t-il pas à l’ineptie de l’organisation des transports dans cette région ? Vous avez choisi de dissocier ces deux sujets, alors que nous sommes la seule région, la seule ville en Europe et bientôt dans le monde où existe encore le monopole des transports publics. Pas moins de quatre sociétés d’État font mal leur boulot depuis un demi-siècle, et vous ne profitez pas de l’occasion pour essayer de coupler le logement et le transport !
Pour toutes ces raisons, je fais partie des nombreux déçus par ce projet de loi. Pour l’instant, le Président de la République et son gouvernement n’ont pas mesuré la nécessité de redonner de l’oxygène à la région et à la métropole parisiennes. Ils tentent plutôt de sortir cette dernière du statut de droit commun. Mais je veux ce statut, parce qu’il est protecteur pour les libertés locales et pour nous tous ! En réalité, vous nous proposez un projet technocratique.
Je conclurai, en déplorant, malheureusement, une absence dans les 500 pages de ce rapport. Le maire de Lyon et le maire de Marseille se sont exprimés avec une vision qui conviendrait au Parisien que je suis. Beaucoup d’élus locaux ont également parlé de leur commune. Mais je n’ai pas trouvé l’audition du maire de Paris. Ces 500 pages ne contiennent pas un mot sur sa ligne politique ou sur son projet. C’est regrettable, c’est affligeant, c’est effrayant ! J’aimerais vraiment que la municipalité exprime une vision pour notre capitale.
Le projet de loi est à côté de la plaque. Il est le fruit d’un mauvais compromis entre camarades de même tendance politique qui ne parviennent pas à se mettre d’accord, et nous ne pouvons pas l’accepter !
Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je vais concentrer mon propos sur l’Île-de-France, dont je suis un élu depuis dix-huit ans.
Contrairement à d’autres, je ne suis pas déçu : j’attendais avec impatience cet acte fondateur de la métropole parisienne. Certains ont depuis longtemps des idées sur le sujet et souhaiteraient que les choses avancent différemment. Reste que le seul gouvernement qui a pris jusqu’à maintenant le taureau par les cornes en présentant un projet de loi, c’est celui de Jean-Marc Ayrault. Je remercie donc nos ministres…
… d’avoir porté ce texte en dépit de toutes les attaques dont elles ont fait l’objet.
À mes yeux, le projet de loi qui nous est soumis ne constitue qu’une première étape pour l’Île-de-France et doit permettre la naissance d’un nouveau dialogue entre les élus locaux de la région capitale. Ce dialogue avait déjà été initié par la conférence métropolitaine, puis par Paris Métropole. Désormais, il va pouvoir s’accompagner d’actions pleinement concertées.
Ce texte, au-delà de la reconnaissance du fait métropolitain incontournable aujourd’hui en France, en Europe et dans le monde, prend pleinement en compte les difficultés que rencontrent nos concitoyens. En Île-de-France, ainsi que cela a été dit par plusieurs intervenants, le bilan n’est pas bon en matière de transport, où nous voyons s’accroître les difficultés, de logement, où la crise devient de plus en plus prégnante, et de lutte contre les inégalités, qui s’amplifient.
Pour répondre à ces défis, il fallait définir une échelle correspondant à la réalité de la vie parisienne : la métropole. C’est donc à cette échelle que les élus pourront proposer des solutions pertinentes et efficaces. Nous allons enfin sortir de la dispersion des responsabilités et de l’empilement des niveaux de décision. Nous allons également pouvoir traiter des questions liées au logement, sur lesquelles nous accusons un grand retard. La région peine à produire 35 000 logements par an alors qu’il en faudrait 70 000, et le déficit se creuse chaque année. Jusqu’à quand cela continuera-t-il ? Grâce à la métropole, nous disposerons d’un outil.
Cet outil nous permettra aussi de lutter contre les inégalités. L’Île-de-France a beau être la région la plus riche d’Europe et représenter 30 % du PIB national, les contrastes et les inégalités y sont nombreux, y compris au sein d’un même département. Dans les Hauts-de-Seine, où je suis élu, la ville de Neuilly bénéficie d’un revenu fiscal par foyer de près de 100 000 euros et compte 3 % de logements sociaux. Deux kilomètres plus loin, les villes de Nanterre ou de Gennevilliers, avec un revenu fiscal par foyer atteignant à peine 20 000 euros, accueillent plus de 50 % de logements sociaux. Ce territoire est aujourd’hui trop inégalitaire, il faut en corriger les déséquilibres à l’échelle de la métropole.
La politique du logement aura valeur de test. S’il réussit, il faudra aller plus loin et attribuer d’autres compétences à la métropole.
J’adhère complètement au modèle lyonnais, défendu avec brio par notre collègue Gérard Collomb. Il vient de loin, puisque la communauté urbaine a été créée il y a près de cinquante ans et trouve aujourd’hui son aboutissement par la création d’une nouvelle collectivité englobant les compétences du département. Cela représente certainement un objectif pour l’Île-de-France, et je rejoins en cela notre collègue Philippe Dallier. Cependant, on ne pourra pas faire cette révolution en un soir. Il faut du temps !
Ce texte est une première étape et, dans mon esprit, la question de la pertinence des départements dans la zone de la métropole se posera très rapidement.
Si l’on veut continuer à avancer, il faudra certainement s’orienter vers la suppression des départements de la petite couronne.
À mon sens, l’organisation de la France en départements, issue de la Révolution française, était adaptée au territoire de l’époque, un pays rural. Aujourd’hui, plusieurs France coexistent : une France rurale, où le département a toute sa légitimité, et une France urbaine, où le fait métropolitain, comme on le voit, prend la place du département. Voilà le schéma à considérer ! Nous commençons à le faire, par étapes, parce qu’il ne faut pas brusquer ces évolutions. Je sais gré au Gouvernement de faire avancer ce dossier de manière mesurée, en restant à l’écoute et en permettant in fine d’aboutir. Lorsque l’on veut trop charger la barque, elle coule !
Voilà ce que je souhaitais dire à propos de cet excellent projet de loi, largement amendé en commission et qui doit continuer à évoluer.
Pour ma part, j’ai déposé quelques amendements qui ont été retenus en commission, comme l’abaissement du seuil de création d’un EPCI à fiscalité propre de 300 000 à 200 000 habitants, ce qui apparaît indispensable aux yeux de beaucoup d’élus de la petite couronne pour avancer progressivement sans brusquer les évolutions. J’en présenterai d’autres en séance, l’un tendant à créer un collège des maires pour le conseil métropolitain en Île-de-France, avec 30 maires élus par leurs pairs, représentant les 412 maires, ou un autre visant à offrir la possibilité à des intercommunalités partageant une frontière avec l’aire urbaine d’adhérer volontairement à ce Grand Paris Métropole. Il convient de montrer qu’il s’agit non pas de créer une collectivité refermée sur elle-même, mais bien de rester ouvert aux évolutions. Ce dispositif devrait permettre à d’autres collectivités d’adhérer à cette dynamique métropolitaine, dont la première vocation sera le logement, mais qui recevra, je l’espère, de nouvelles compétences par la suite.
Certains souhaiteraient avancer plus vite, quand d’autres voudraient ne toucher à rien. Toujours est-il que ce texte constitue une étape significative créant les conditions du dialogue. Il ne tient qu’à nous de faire de ce premier pas un succès. Il appartient à chacun de ne pas voir midi à sa porte ou de se conduire en boutiquier. Pensons avant tout à nos concitoyens en Île-de-France, qui souffrent au quotidien des transports, de la crise du logement, des inégalités qui se creusent.
En nous rassemblant sur toutes les travées, nous permettrons à la région Île-de-France d’avancer enfin vers un projet correspondant aux attentes des habitants : une métropole harmonieuse et équilibrée.
Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le projet de loi ne traite sans doute pas de toutes les grandes questions qui intéressent le présent et l’avenir de nos collectivités, mais il aborde, dans certains cas avec pragmatisme, des enjeux importants. J’apprécie en particulier que nous nous engagions sur la voie d’une certaine diversité, et non plus sur celle de l’uniformité. La France n’a que trop souffert d’un État qui plaçait toutes les collectivités sous la même toise.
Las, votre projet de loi, mesdames les ministres, est largement inabouti. Il n’y a rien dans ce texte qui soit de nature à réellement clarifier les missions respectives du département et de la région. Il est vrai que la loi du 16 décembre 2010 ne tranchait pas non plus la question.
En rétablissant la clause de compétence générale tout en incitant chaque collectivité à s’investir principalement dans les domaines d’action qui lui sont propres, vous montrez que vous ne craignez pas la contradiction. Vous tentez également de donner davantage de consistance à la notion encore très floue de chef de file. Je ne suis pas certain que cette piste soit féconde.
Il est vrai que, en l’observant de manière théorique, notre système n’apparaît pas satisfaisant. Il comporte également l’inconvénient pratique d’alourdir les processus de décision et les charges de fonctionnement des collectivités, en multipliant les services d’instruction d'un même dossier. Notre système de financements croisés n’est toutefois pas dénué d’avantages. Il s’est construit empiriquement par des consensus locaux, départementaux et régionaux, qui permettent de dépasser les clivages autour de projets d’avenir. Mieux vaut un projet partagé à plusieurs qu’un projet imposé par une seule collectivité ! Cela vaut également mieux que de n’en avoir aucun.
C’est la raison pour laquelle, à structures territoriales inchangées, notre commission des lois a souhaité assouplir votre texte en veillant à éviter toute hiérarchisation des collectivités, de crainte de créer une forme de tutelle des unes sur les autres. Une tutelle de cette nature serait d’abord contraire aux dynamiques de consensus local entre collectivités. Elle serait ensuite contraire au principe de subsidiarité. Celui-ci implique que les collectivités ne s’emboîtent pas les unes dans les autres en fonction de leur taille, comme des poupées russes, mais s’articulent les unes aux autres en se déployant en fonction de leurs missions, complémentaires mais distinctes. La subsidiarité n’est pas la subordination et les intercommunalités ne peuvent être des succursales des départements, ni les départements des filiales des régions.
S’agissant des compétences dévolues à chaque chef de file, on voit bien que l’effort de clarification se heurte très vite à des zones de chevauchement qui peuvent en réalité occuper un espace très large. C’est le cas, par exemple, entre « aménagement du territoire », « solidarité des territoires » et « développement local », respectivement dévolus à la région, au département et au « bloc communal ». Nous touchons ici la limite objective de l’effort de rationalisation affiché par le Gouvernement.
Dans ces conditions, il vaut mieux ne pas chercher à accorder des pouvoirs excessifs aux collectivités chefs de file, notamment en multipliant les pactes, schémas, plans et programmes plus ou moins contraignants, qui seraient autant de vecteurs de bureaucratisation de nos collectivités et d’enfermement de leurs actions dans un carcan rigide. Ce n’est pas la bonne voie.
Il faut se méfier de l’émergence d’un centralisme régional tout autant que de la recentralisation rampante de l’action territoriale par l’État, que les transferts successifs de compétences, y compris, madame la ministre, ceux que vous avez annoncés, contribuent paradoxalement à aggraver.
J’en viens maintenant aux métropoles.
J’admets volontiers la diversité des régimes applicables aux plus grandes d’entre elles. Je constate, pour Lyon, un large accord sur une solution définie dans le détail entre élus. Je conçois que l’État reprenne à son compte cet accord. J’ai pourtant une interrogation et même une inquiétude quant au précédent ainsi créé, que nos débats permettront peut être d’atténuer. Je vois en effet, dans le projet de métropole lyonnaise, une rupture définitive de solidarité entre l’urbain et le rural, entre la métropole et les terroirs qui l’entourent. Il reste à démontrer que ce choix local peut être judicieux dans le Rhône, tout en n’étant probablement souhaitable nulle part ailleurs. C’est un risque que nous prenons. Si nous voulons ouvrir la voie aux libertés locales en sortant de l’uniformité, il faut fixer des limites de prudence à cette évolution.
S’agissant d’Aix-Marseille-Provence, la situation est bien différente. L’absence d’accord local sur le projet du Gouvernement est regrettable, mais il ne suffit pas à disqualifier ce projet. Celui-ci doit être évalué à l’aune de l’intérêt général. C’est bien notre rôle au moment d’écrire la loi.
Deux questions doivent impérativement être résolues.
Premièrement, il faut résoudre celle des charges de centralité assumées par la ville de Marseille pour le compte de l’ensemble de l’agglomération. De ce point de vue, Marseille n’est peut-être pas un cas unique, mais les difficultés rencontrées par la ville sont d’une ampleur particulière, eu égard aux évolutions constatées au fil des décennies dans la répartition de la population et au déplacement des activités économiques. De fait, nous ne pouvons l’ignorer, les problèmes se posent de plus en plus aujourd’hui à l’échelle de toute l’agglomération.
Deuxièmement, symétriquement, Marseille assume pour le compte de l’État des charges qui devraient être mieux partagées. Nous le savons tous, c’est le cas des marins-pompiers.
Il est donc souhaitable de poser un cadre permettant de mettre en place un nouveau modèle de développement pour cette grande conurbation, avec plus de cohérence dans l’action, plus de solidarité locale et une participation de l’État plus équitable eu égard aux charges assumées par les collectivités. Si certains amendements, nécessaires, sont adoptés, le projet de loi peut y contribuer.
Enfin, vous vous donnez le temps de mettre en place la métropole parisienne, en reportant les échéances de regroupement intercommunal, tout en renforçant les contraintes de ce processus. Mais, alors que tout est pratiquement prêt pour le 1er janvier 2014, la remise en question du travail difficile accompli par les élus de l’Île-de-France pour faire progresser l’intercommunalité me paraît particulièrement déloyale. Qui plus est, il est tout de même curieux de devoir faire coexister une métropole et une région sur un périmètre presque identique. Nous cherchons, en vain, une raison objective à ce choix.
Ce texte manque peut-être d’ambition quand on le rapporte au projet d’écrire une troisième étape de la décentralisation après les lois de 1983 et de 2004, mais il ne manque pas d’intérêt si on laisse de côté les généralités sans grande portée contenues dans ses premiers articles, dont la commission des lois a souhaité, à juste titre, extraire le venin. Pour ma part, je serai attentif aux améliorations que nos discussions permettront d’obtenir, notamment pour faire en sorte que les nouvelles métropoles aient réellement les moyens de leurs ambitions.
Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP, de l'UDI-UC et du RDSE. – M. le président de la commission applaudit également.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, tout d’abord, remercions le Gouvernement d’avoir eu la volonté et le courage de remettre en cause la réforme de 2010, qui était en train de mettre à mal trente ans de décentralisation réussie. Celle-ci déstabilisait le statut et le rôle des collectivités territoriales et fragilisait un édifice qui s’était pourtant renforcé au fil des années.
Le temps qui m’est imparti m’oblige à sérier mon intervention, en laissant à d’autres le soin d’évoquer la question des métropoles. Pour ma part, je concentrerai mon propos sur les premiers articles du projet de loi.
Concernant la notion de chef de file, je veux rappeler la définition de la loi de 2004 : « Lorsque l’exercice d’une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l’une d’entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune. »
On voit bien que nous sommes là dans le champ du facultatif et du potentiel, mais, en aucun cas, dans celui du prescriptif aussi atténué soit-il, puisque le chef de filat relève de la volonté et de la capacité des acteurs locaux à se coordonner.
Pour ce qui nous concerne, nous n’attendons pas de l’État qu’il définisse d’en haut qui doit assurer le leadership dans tel ou tel domaine. Sortons d’une logique prescriptive pour promouvoir une logique de coopération contractuelle entre les principales collectivités.
Par ailleurs, la rédaction de l’article 3 du projet de loi, qui constitue une novation majeure en ce qu’il consiste à définir dans chaque ensemble régional un compromis de responsabilité, me paraît équilibrée. L’exemple le plus flagrant est le tourisme, que la commission propose de confier à la région pour des raisons, nous dit-on, économiques. Pourquoi reviendrions-nous sur le fonctionnement harmonieux de cette compétence…
Je l’espère, mais je parle du texte de la commission !
Pourquoi reviendrions-nous sur le fonctionnement harmonieux de cette compétence, disais-je, qui, selon les cas, est souvent l’apanage des trois collectivités que sont la région, le département et la commune, …
… chacune d’entre elles y puisant au travers de son action et de son positionnement l’essentiel de sa force de proposition ?
Le tourisme a été structuré au niveau des départements, avec le levier des comités départementaux de tourisme. Avant d’être un véritable moteur économique, monsieur le rapporteur, il faut parfois créer de toutes pièces, voire développer, une entité touristique qui doit son existence à la restauration patrimoniale, au développement des réceptifs et à la mise en œuvre d’actions spécifiques. Il faut construire cette entité avant qu’elle ne rapporte !
En ce sens, le développement touristique est d’abord le résultat d’une politique d’aménagement du territoire portée et structurée par les départements.
C’est à la Dordogne, premier département touristique de l’intérieur, hors Île-de-France, que l’on doit d’avoir lancé les opérations menées dans la grotte de Lascaux, avec la fabrication du fac-similé, une innovation majeure pour pouvoir continuer à découvrir aujourd'hui le contenu des chefs-d’œuvre de nos anciens dans les grottes du paléolithique.
Enfin, il faut arrêter de vouloir confiner le département au seul rôle des allocations sociales.
Comme personne ne veut s’en occuper, on laisse au département le soin de le faire !
Il faut aussi réaffirmer le rôle qu’a joué au fil des années le département en matière de solidarité et d’aménagement du territoire : c’est au niveau du département que s’est développé ou se développera la téléphonie mobile, le haut débit et, bientôt, le très haut débit, sans occulter, bien sûr, l’action qu’il mène sur la biodiversité, au regard de ce qui est fait depuis trente ans pour la préservation de la faune et des milieux humides, essentiels à la vie des espèces.
Dans le même état d’esprit, il me paraît très sage que la commission ait allégé les conditions d’exercice de la conférence territoriale de l’action publique, qui doit être effectivement un lieu de coordination de nos actions plutôt qu’un lieu d’affrontement et de remise en cause.
Voilà, en conclusion, mes chers collègues, quelques rapides éléments pour défendre une collectivité que je connais bien et qui doit, me semble-t-il, conserver une identité forte pour toutes les questions liées à la proximité.
Monsieur le président, mesdames les ministres, chers collègues, je serai bref, mais incisif.
Depuis ce matin, je me demande si je suis dans un univers kafkaïen ou dans la réalité. Je ne vais pas reprendre tout ce qui a été excellemment dit par Jean-Noël Guérini, mais je rappelle que 109 maires sur 119, 6 sénateurs sur 8 – nos collègues Isabelle Pasquet, communiste, Samia Ghali, Jean-Noël Guérini et moi-même, socialistes – pour ce qui me concerne, je ne sais pas encore pour combien de temps ! –, ainsi que Sophie Joissains, UMP, sont d’accord. Pourtant, nous ne sommes pas fous. Nous ne sommes pas des élus ne voulant ni métropoles ni intercommunalités. Nous savons juste ce qu’il faut faire.
M. Nègre, maire de Cagnes-sur-Mer, a dit qu’il était pour la métropole.
Gérard Collomb et Jean-Claude Gaudin ont dit la même chose.
Mais vous oubliez une chose, mes chers collègues, à savoir l’article 31 relatif à la métropole d’Aix-Marseille-Provence : « La métropole exerce de plein droit, » – de plein droit ! – « en lieu et place des communes membres, les compétences suivantes […] » Je vous les passe, il y en a sept pages ! Elles y sont toutes, ou presque : on nous a quand même laissé l’état civil. Après tout, c’est bien, l’état civil…
Il aurait été beaucoup plus courageux de fusionner les communes. Au moins, les choses auraient été claires !
Ce qui fait mal au socialiste que je suis, c’est que trente ans après les lois Mitterrand-Mauroy-Defferre de 1982, c’est un gouvernement socialiste qui propose aujourd'hui ce texte au Sénat. Il fallait le faire !
Même si je ne dispose que de quatre minutes, je veux tout de même vous rappeler quelques vérités.
M. le président. Sur ce sujet, vous pouvez poursuivre, mon cher collègue !
Sourires.
« Il est enfin temps de donner aux élus des collectivités territoriales la liberté et la responsabilité auxquelles ils ont droit.
« […] Il faut que les décisions soient prises là où elles devront s’appliquer, sur le terrain, par des hommes en contact direct avec les problèmes. »
Ces propos ont été tenus par Gaston Defferre à l'Assemblée nationale en juillet 1981. Ils vont exactement dans le sens contraire de ce que vous nous préparez avec la future métropole, si elle se fait, Marseille-Aix-Provence. Avec ce projet de loi, vous prévoyez de nous enlever non pas une compétence, mais toutes les compétences. Personne ne peut me dire le contraire, à moins que je ne sache pas lire le texte que j’ai sous les yeux.
Je vous l’ai dit, les maires ne sont pas fous : ils ne veulent pas conserver la mairie pour garder le pouvoir. Madame la ministre, vous qui avez été maire de Morlaix, vous le savez, quand on est maire, on aime sa commune, on la défend.
Elle est le sang qui coule dans vos veines, et on n’a pas envie de la voir disparaître d’un trait de plume.
Certains maires souhaitent rejoindre une métropole – très bien ! –, mais respectons les élus de proximité qui ne le veulent pas !
Vous croyez qu’à Paris, avec 10 millions d’habitants et 45 000 employés municipaux, …
… les Parisiens obtiennent un rendez-vous du jour au lendemain avec Bertrand Delanoë ? Nous, dans nos communes, nos concitoyens, ils sont reçus. C’est ça, la proximité !
Je veux dire aussi que Jean-Claude Gaudin est bien gentil, mais, quand on a été ministre, on doit s’arranger pour améliorer un petit peu le quotidien de sa ville. C’est ce que fait Alain Juppé à Bordeaux.
Madame la ministre, lorsque vous étiez présidente de la Fédération nationale des élus socialistes et républicains – j’ai été membre du bureau national pendant des années –, vous avez déclaré : « La commune conservera toujours ses compétences. » On voit le résultat aujourd'hui !
Martine Aubry, le 27 mars 2010, lors du conseil national du parti socialiste, déclarait à propos de la réforme Sarkozy : « Le parti socialiste s’engage à abroger, dès son retour aux responsabilités… »
Jean-Pierre Raffarin a raison d’affirmer : « La commune est l’échelon de base de l’organisation territoriale. Le vrai médiateur de la République, c’est le maire. »
Lors du congrès des maires de 2008, Nicolas Sarkozy affirmait : « Je sais que ça gêne de dire cela, mais s’il y a une certaine qualité de vie spécifique à notre pays, c’est aussi parce qu’il a tant de communes qui permettent d’y vivre la démocratie au plus près du quotidien. Je n’ai pas l’intention que l’on y touche. »
Enfin, François Hollande indiquait le 20 novembre dernier lors du congrès des maires : « Oui, vous pouvez être fiers ! Vous êtes la France de toutes les convictions, de tous les engagements. »
« Notre démocratie a besoin de la commune ! »
Il y a un an et demi, quand nous étions dans l’opposition, j’étais allé voir au parti socialiste mon ami Laurent Fabius, qui était chargé de la réforme des collectivités locales avec Élisabeth Guigou. Il m’avait alors dit : « Roland, ne t’inquiète pas, si on gagne les élections l’année prochaine, on abrogera cette loi. »
Le président du groupe socialiste de l'Assemblée nationale, un certain Jean-Marc Ayrault, que j’avais rencontré ensuite, m’avait tenu les mêmes propos, de même que le premier secrétaire de l’époque, rue de Solferino.
Sourires sur les travées de l'UMP.
M. Roland Povinelli. Or je m’inquiète beaucoup : il est inadmissible, je le répète, qu’un gouvernement socialiste fasse ce qu’il est en train de faire aujourd'hui au Sénat !
MM. Jean-Noël Guérini et Rachel Mazuir ainsi que Mlle Sophie Joissains applaudissent.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, permettez-moi, avant d’entrer dans le vif du sujet, d’ouvrir une petite parenthèse pour répondre à Mme Lebranchu.
Madame la ministre, l’incident de tout à l’heure m’a beaucoup peinée et même blessée. Je considère qu’un membre du Gouvernement ne peut pas demander à une sénatrice de se taire, de ne pas avoir d’idées, de ne pas porter la contradiction lorsque l’intérêt du débat l’exige. Aussi, avec tout le respect que j’éprouve pour vous, j’espère que vos paroles ont dépassé votre pensée.
Je l’espère sincèrement, car, si tel n’était pas le cas, il y aurait un vrai problème démocratique.
En ce qui concerne le projet de loi, je tiens à souligner, une fois de plus, que je ne suis pas opposée à la construction d’une coopération métropolitaine. Je sais pertinemment qu’il nous faut changer d’échelle si nous voulons rivaliser avec les grandes métropoles méditerranéennes et mondiales. Je crois que nous en sommes tous conscients, d’autant plus que notre territoire possède le potentiel pour y parvenir : nous avons ITER, le port de Fos-sur-Mer, troisième port pétrolier au monde, l’industrie pétrochimique et les raffineries, des CHU de niveau européen, la première université de France, un aéroport international et des gares multimodales, sans oublier nos sept pôles de compétitivité et nos pôles de recherche. Ces grandes richesses, nous avons à les mettre en synergie au sein d’un projet commun. Reste qu’avec ce projet de loi, dans sa rédaction actuelle, le Gouvernement ne semble pas vouloir se donner les moyens de cette ambition.
Mes chers collègues, il a déjà été question du département des Bouches-du-Rhône ; pour ma part, je parlerai de Marseille, même si le président Guérini m’a devancée.
Je considère que, pour l’instant, deux éléments essentiels font cruellement défaut : les finances, dont il a déjà été question, et des règles précises de gouvernance. Or, sans ces deux éléments, quoi qu’on en dise, la métropole ne restera qu’une déclaration d’intention, entraînant frustration et déception chez les Marseillaises et les Marseillais. Personnellement, je ne prendrai pas la responsabilité de ce nouveau malentendu !
Madame la ministre, vous savez que Marseille a fait l’objet d’un comité interministériel spécifique le 6 septembre dernier ; à cette occasion, le Premier ministre en personne est venu sur place pour affirmer que la deuxième ville de France devait être une priorité nationale.
Aujourd’hui, il faut que cette nouvelle étape de coopération métropolitaine soit l’occasion de passer enfin aux actes. Cette concrétisation nécessite que l’État accorde des moyens financiers supplémentaires pour permettre la réalisation de projets clairement identifiés, notamment à Marseille ; les besoins sont particulièrement criants en matière de transport. Métropole ou pas, nous ne pourrons jamais rattraper notre retard sans une aide importante de l’État !
Depuis le 6 mars dernier, le Grand Paris est doté officiellement de 30 milliards d’euros, destinés à assurer son développement et à garantir aux Franciliens une offre de transport efficace et modernisée. J’en suis heureuse pour Paris, comme je suis heureuse pour elles des aides dont Lyon et Nantes ont bénéficié pour leur développement.
Je suis heureuse pour ces villes qu’elles aient pu obtenir de l’État un peu d’argent, et même beaucoup. Je demande que, toutes proportions gardées, la construction métropolitaine marseillaise bénéficie du même traitement. Nous aussi, nous avons besoin de plusieurs milliards d’euros pour donner corps à notre évolution métropolitaine. Avec cet engagement fort de l’État, oui, la construction métropolitaine prendra tout son sens et nous atteindrons les objectifs fixés par le comité interministériel !
Madame la ministre, ce n’est pas avec les 50 millions d’euros supplémentaires évoqués que nous arriverons à rattraper le retard accumulé malheureusement par Marseille. J’évalue à 3 milliards d’euros sur douze ans, ce qui représente environ 200 millions d’euros par an, la somme nécessaire pour assurer à tous les Marseillais, qu’ils soient du sud, du nord, de l’est ou du centre de la ville, un égal accès aux transports publics. C’est pourquoi, comme je l’ai écrit au Premier ministre, une contractualisation précise avec l’État est indispensable sur l’identification des projets et des moyens.
Nous avons également besoin de règles claires et précises pour la gouvernance de la nouvelle assemblée et pour le mode de désignation de ses élus.
Aujourd’hui, 109 communes sur 118, dont 12 communes de la communauté urbaine de Marseille, se déclarent hostiles à l’idée d’entrer dans la métropole. Pourtant, toutes les communes sont prêtes à travailler ensemble !
Madame la ministre, je vous remercie de bien vouloir m’indiquer la position du Gouvernement sur les deux questions précises que j’ai soulevées : l’engagement financier de l’État et les règles de gouvernance.
Mlle Sophie Joissains et M. le président de la commission des lois applaudissent.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures cinq.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures cinq, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.