Intervention de Isabelle Pasquet

Réunion du 30 mai 2013 à 15h00
Modernisation de l'action publique territoriale et affirmation des métropoles — Suite de la discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Isabelle PasquetIsabelle Pasquet :

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je voudrais évoquer le sort particulier réservé, dans ce projet de loi, à mon département et à Marseille.

Les Bouches-du-Rhône sont coupées en deux avec, à l’ouest, une population d’environ 150 000 personnes vivant sur des territoires essentiellement ruraux, et, à l’est, des territoires industrialisés à forte densité urbaine que le texte prévoit de regrouper autoritairement au sein d’une métropole à qui l’on assigne comme priorité essentielle de faire entrer dans l’ère de la compétitivité ses entreprises et quelque 1, 7 million d’habitants. Faire concurrence à Gênes et à Barcelone, tel est le cap, telle est l’ambition.

Pour mettre fin aux trafics qui trop souvent s’accompagnent de sanglants règlements de comptes : la métropole ! Pour circuler rapidement et confortablement d’un bout à l’autre du département : la métropole ! Pour permettre le développement de l’université : la métropole ! Pour assurer le développement du grand port maritime : la métropole ! Pour favoriser l’essor industriel : la métropole ! Cela paraît simple, mais le simplisme du raisonnement est assez confondant pour qui a pris le temps de la réflexion, pour qui a échangé avec les acteurs sociaux des quartiers, les syndicalistes des entreprises en lutte, les acteurs du monde économique, les élus, celles et ceux qui se battent pour faire de ce territoire un espace vivant, un espace commun à l’échelle de sa population.

Le désengagement flagrant de l’État s’agissant du port et de ses infrastructures, les abandons des années soixante-dix en termes de création de filières industrielles à partir de la sidérurgie et de la chimie du pétrole, l’inadaptation aux usages contemporains d’un réseau ferré à bout de souffle, alors que notre territoire se situe au carrefour de flux européens en constante augmentation : là sont les causes premières des difficultés que nous traversons actuellement.

Les résistances à ce projet de loi qui s’expriment aujourd’hui et que le Gouvernement dénigre en les apparentant à des réactions épidermiques de caciques locaux plus préoccupés de clientélisme que de l’intérêt général traversent tout l’échiquier politique : elles rassemblent 109 maires sur 119, la majorité des exécutifs communautaires, des sénateurs et, sans doute, des députés ; elles reflètent les inquiétudes de nos populations, qui, sur le fond, voient se profiler un monstre administratif et technocratique, et, sur la forme, constatent la négation de la démocratie, de la citoyenneté se construisant dans chacun des territoires de notre département.

Chacun sait bien que le mode d’élection au sein de la métropole, même s’il respecte le principe de la représentation des communes, aboutira à la formation d’un « gouvernement » de gestionnaires, dans la mesure où les membres de l’organe délibérant seront élus non pas sur un programme, un projet, mais au travers d’un fléchage lors des élections municipales. Il n’y aura pas de débat sur les orientations de la métropole, et donc pas d’appropriation citoyenne des grandes décisions à prendre à l’échelle de ce territoire ; il y aura seulement des conseils de territoire, dont le rôle consultatif laisse assez facilement augurer que, au final, tout se décidera ailleurs qu’à l’échelon des communes.

Marseille, la deuxième ville de France, cette ville sans banlieue que tout le monde plaint pour l’extrême pauvreté de ses quartiers populaires, mais dont on ne dit pas assez que s’y développe aussi la richesse la plus opulente. Voilà deux ans, La Provence classait déjà Marseille au quatrième rang des communes où vivent les Français les plus fortunés, derrière Lyon, mais devant Nice. Je ne pense pas que les choses aient évolué depuis.

Attaquons-nous à la répartition des richesses créées dans ce pays, à Marseille comme à Aix-en-Provence et dans tout le département. Travaillons avec l’ensemble des collectivités à partir des communes, liées par des coopérations mutuellement avantageuses, choisies. La liste est longue de ce qui peut être fait en commun si les incitations financières de l’État remplacent l’autoritarisme administratif qui, jusqu’à aujourd’hui, a tenu lieu de ligne directrice.

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