Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi, le premier d’une trilogie, n’est pas l’acte III de la décentralisation. Le Gouvernement l’a reconnu avec une lucidité que je salue. Le groupe centriste ne peut que regretter cette orientation : ayant toujours été favorables à un approfondissement de la décentralisation, nous restons sur notre faim.
Mesdames les ministres, vous avez des circonstances atténuantes. L’exercice est risqué : simplifier, clarifier en matière de décentralisation, c’est bien sûr arbitrer. Il fallait pour cela partir d’une vision nouvelle de notre organisation territoriale et faire évoluer notre système en fonction de celle-ci.
Il faut dire à votre décharge, mesdames les ministres, que vous n’aviez pas une feuille de route bien claire. La clôture par le Président de la République des états généraux de la démocratie territoriale organisés par la Haute Assemblée fut l’occasion d’une synthèse certes brillante, mais inopérante.
À trop vouloir concilier les points de vue, on finit par perdre le cap : ce qui manque à votre projet de loi, c’est sans doute une ligne directrice. Chacun peut y trouver ce qu’il veut, personne n’est réellement enthousiaste et, au final, beaucoup sont insatisfaits. Nous verrons si la discussion permet d’améliorer le texte.
Le débat sur la décentralisation soulève des questions récurrentes. La place des communes peut paraître remise en cause par le rôle grandissant des intercommunalités. Nous voulons réaffirmer notre attachement au couple commune-intercommunalité, conçu comme un moyen de souveraineté pour la commune.
Le rôle du département est, quant à lui, mis en question depuis plusieurs années en raison de la métropolisation et de la montée en puissance des régions. Il l’est à juste titre, de mon point de vue, pour les zones urbaines, tandis que, au contraire, le département joue un rôle majeur dans les zones rurales et est un facteur de cohésion et de solidarité territoriale. On s’interroge de toute façon partout sur la place des départements, du fait du poids des prestations sociales.
Le deuxième mouvement majeur est la baisse de l’ensemble des dotations publiques aux collectivités locales, qui s’accentuera encore dans les prochaines années, en raison des décisions récemment annoncées. Cela nous oblige à faire évoluer notre organisation territoriale et à avoir quelques idées claires.
Vous serez confrontées à un choix, notamment en zones urbaines. À Lyon, le choix est fait… par les élus. En Île-de-France, il n’y a pas aujourd’hui de vision partagée, et vous contournez le problème. En province, vous laissez les élus démêler la contractualisation entre métropoles et départements ; c’est sans doute un moindre mal.
Chacun peut trouver, dans ce texte compliqué, foisonnant, souvent bavard, quelques motifs de satisfaction et des motifs de mécontentement, plus nombreux à ce stade.
Au titre des motifs de satisfaction, je relèverai la structuration de la métropole lyonnaise et la reconnaissance du fait métropolitain, même si le terme de métropole reste ambigu dans le projet de loi, comme l’a souligné ce matin notre collègue Jacqueline Gourault. Il recouvre en effet trois réalités : une collectivité territoriale de plein exercice à Lyon, un EPCI en province et, curieusement, un syndicat mixte à Paris. Cette réalité polymorphe sur le plan juridique n’empêche pas de constater l’envie de métropole chez les élus, pour qui elle constitue une reconnaissance de leur territoire, et chez les habitants, pour qui elle signifie, à terme, plus de services. À notre sens, l’organisation des territoires en métropoles conçues comme pôles de développement est un facteur de croissance économique. Il faut aussi organiser la solidarité entre les métropoles, d’une part, et le monde rural et périurbain, d’autre part.
Au titre des motifs de mécontentement, je soulignerai la multiplication des instances et des schémas à travers les conférences territoriales de l’action publique. Elle conduit à complexifier l’action publique territoriale à tous les niveaux. Cette voie, certes diplomatique et conventionnelle, mais floue, va rendre encore plus difficile la prise de décision à tous les niveaux, avec un risque d’embouteillage, voire de contentieux. Elle va également rendre plus illisibles, pour nos concitoyens, les politiques conduites par les collectivités. Saluons toutefois les efforts de la commission des lois, de son président, de son rapporteur et de l’ensemble de ses membres, pour apporter de la clarté à ce texte.
Le rétablissement de la clause de compétence générale pour les départements et les régions est emblématique de ce refus de clarifier les compétences des collectivités. Convenons que le débat est un peu théorique.
Rétablir la clause de compétence générale est une concession symbolique : elle fait plaisir aux élus, mais, bien souvent, elle sera sans effet, car la réalité des finances locales fait que les collectivités ne pourront plus agir au-delà des compétences obligatoires qui sont les leurs. D’ailleurs, notre collègue Hervé Maurey proposera de maintenir la suppression de la clause de compétence générale, qui était une première étape dans la simplification et la clarification.
Le « chef de filat », me direz-vous, se veut un début de clarification des politiques locales. Il peut aboutir à un fatras, avec, au surplus, un risque de mise en place d’un tutorat de certaines collectivités sur d’autres. Encore la commission des lois a-t-elle, avec brio, évité le pire à cet égard ! Félicitons-la aussi d’avoir supprimé le pacte de gouvernance territoriale, trop complexe, et son corollaire, l’abominable sanction financière pour les collectivités non signataires de ce pacte.
J’en viens maintenant au cas de l’Île-de-France. Cependant, avant d’arriver à Paris, il faut passer par Lyon et le département du Rhône.