Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, quelle occasion manquée ! En effet, à l’heure de débuter l’examen d’un ensemble de projets de loi qui devait décliner un nouvel élan décentralisateur dans notre pays, force est de constater la faiblesse du projet qui nous est soumis. Croyez-moi, pour avoir suivi l’élaboration de ce ou ces textes depuis des mois, je suis évidemment très déçu de devoir introduire ainsi mon propos.
Le constat est sévère, mais il découle d’abord de l’importance que nous accordons à l’enjeu. Dans un pays qui doute de lui-même, cette grande loi, ce possible acte III de la décentralisation que nous appelions de nos vœux devait affirmer notre capacité à libérer les énergies, à renforcer l’efficacité d’une action publique et collective qui est le socle de la réponse que nous devons apporter aux crises actuelles et, surtout, à conforter la solidarité territoriale, exigence majeure du temps.
Cet élan ne s’exprime guère dans cette première mouture d’un projet de loi qui illustre surtout la difficulté de moderniser notre pays, la force des patriotismes d’organisation et un conservatisme frileux devant toute offre de réforme.
Ce réquisitoire, mesdames les ministres, ne vous est pas personnellement adressé, et nous savons l’énergie que vous avez déployée pour tenter de trouver un accord et une majorité au-delà des très petits dénominateurs communs. Non, il s’adresse à tous, à des réseaux d’élus qui n’ont eu de cesse de défendre leur pré carré, et plus globalement à une société française qui ne s’est pas assez saisie de l’enjeu et qui a d’abord exprimé des craintes, par ailleurs légitimes, comme celle de voir les territoires les moins forts être encore plus fragilisés. C’est notamment ainsi que nous pouvons analyser le résultat négatif du référendum alsacien, que nous déplorons.
Face à ces craintes, pouvant se traduire par un repli nostalgique sur les organisations territoriales les plus anciennes et les plus rassurantes, car les plus connues et pratiquées, il nous fallait, il nous faut toujours promouvoir une vision d’avenir lisible quant aux compétences et ambitieuse quant aux objectifs. Nous avons encore quelques jours devant nous pour accomplir cette tâche !
Le « saucissonnage » de l’élaboration de la loi en trois périodes très éloignées dans le temps n’aide évidemment pas, c’est peu de le dire. Commencer par un chapitre consacré aux métropoles est très dangereux : nous estimons toujours que le couple région-métropole aurait, à tout le moins, dû être étudié comme un ensemble. Madame la ministre, pour reprendre votre belle phrase de ce matin, il fallait éviter de laisser croire que nous étions dans la métropolisation de la stratégie de Lisbonne.