Ces femmes et ces hommes sont donc les premiers à être intéressés au fait que nous parvenions à trouver la bonne échelle pour résoudre leurs difficultés. Or, si je m’en tiens à la rédaction actuelle du texte, les quatre cinquièmes du territoire de la grande couronne et les deux tiers de ses habitants seront exclus formellement de la métropole.
Une autre raison d’être vigilant sur le périmètre est que la réalité dans laquelle la métropole parisienne fonctionne aujourd’hui fait largement fi des frontières étroites de l’aire urbaine.
Depuis trente ans, l’agglomération parisienne s’est développée en archipels et non de manière radioconcentrique. Des pôles majeurs de développement ont ainsi émergé à Cergy-Pontoise, à Évry, à Sénart, à Marne-la-Vallée, sur le plateau de Saclay ou encore autour de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle. Or les limites de l’aire urbaine ne correspondent pas à cette géographie. À titre d’exemple, le périmètre proposé, tant dans le texte initial que dans la version amendée par la commission, exclut de la future métropole les pistes de Roissy-Charles-de-Gaulle. Or quoi de plus métropolitain qu’un aéroport international ?
Plus grave, à mon sens, est la proposition de la commission des lois de ne plus fixer de seuil démographique pour les intercommunalités de la grande couronne appelées à rejoindre la future métropole. Cette proposition méconnaît le besoin d’une plus grande structuration de ces territoires, dont les habitants subissent aujourd’hui les conséquences de l’émiettement communal et intercommunal.
Ainsi, en Seine-et-Marne, département de 1, 3 million d’habitants, nous comptons 514 communes et 43 EPCI dont un seul couvre plus de 100 000 habitants. C’est un handicap sérieux pour affronter les défis que je viens d’évoquer et permettre que la spécificité de ces territoires soit entendue dans les débats métropolitains. Je regrette donc ce qui peut s’assimiler à une forme de frilosité inadaptée aux enjeux du moment.
Le deuxième aspect, sur lequel je passerai plus rapidement – je sollicite néanmoins votre vigilance –, a trait aux compétences et à la gouvernance de cette future métropole.
Si la proposition de la commission de réintégrer la région et les départements dans cette instance va dans le bon sens, le statut de simple membre consultatif me paraît encore insatisfaisant. Je n’ignore pas les raisons juridiques qui ont guidé ce choix, mais elles me semblent devoir être précisées.
II en va de même – c’est en lien direct avec la place et le rôle de la collectivité régionale et des collectivités départementales – du statut et des compétences susceptibles d’être exercées par cette future métropole. Il me semble en effet qu’un flou persiste, qu’il nous faudra dissiper en partant d’une question centrale : cette future métropole a-t-elle vocation à n’être qu’une structure de mutualisation et de coordination ou a-t-elle vocation à se voir transférer certaines compétences exercées aujourd’hui par ses membres ?
Le troisième aspect porte sur la solidarité financière.
S’il est une caractéristique propre à l'Île-de-France, c’est le fait que cohabitent, sans doute comme nulle part ailleurs, des poches d’extrême pauvreté et des secteurs de grande richesse. L’accroissement de ces inégalités fait courir un risque majeur, non seulement en termes de cohésion sociale – gardons en mémoire les émeutes urbaines de 2005, Claude Dilain s’en souvient ! –, mais aussi en termes d’attractivité économique de la région capitale. Et ce ne sont pas seulement les Franciliens qui auraient à pâtir d’un affaiblissement de l’Île-de-France, mais le pays tout entier, tant Paris et sa région contribuent à notre vitalité économique et à notre croissance !
Pour enrayer ce phénomène, le Gouvernement avait proposé un dispositif de péréquation entre départements, qui, bien que présentant des difficultés techniques, répondait à un besoin impérieux. Pour des raisons qui tiennent à la méthode retenue, les commissions ont proposé la suppression pure et simple de l’article concerné.
Je pense que ce serait une grave erreur de renoncer à un dispositif qui répond à une véritable urgence sociale et sans lequel il n’y aura pas de métropole durable et solidaire. Je vous proposerai donc un amendement visant à rétablir le principe de ce fonds de péréquation, reportant à la loi de finances le règlement de ces difficultés techniques.
Au travers de ce texte, nous devons faire évoluer notre organisation territoriale pour que nos collectivités puissent continuer à vivre et à se développer dans un contexte économique, social et financier plus difficile que jamais. Je crois que les nouveaux outils proposés, fondés sur les principes de dialogue, de respect des élus locaux et de reconnaissance de la diversité de nos territoires, peuvent nous y aider pour peu que nous gardions à l’esprit les raisons qui fondent l’action politique locale : le service au public, le développement de nos territoires et la lutte contre les inégalités sociales et spatiales.
Dans l’œuvre de redressement de notre pays engagée par le Président de la République et le Gouvernement, les collectivités peuvent et doivent jouer un rôle important. Ce premier texte de loi, comme ceux qui suivront, doit y contribuer.