Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 30 mai 2013 à 22h00
Modernisation de l'action publique territoriale et affirmation des métropoles — Demande de renvoi à la commission

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Bien sûr, mais, proportionnellement, vous en conviendrez, les élus de mon groupe sont présents.

Revenons-en au texte. Dans ces conditions, il a été difficile, pour ne pas dire impossible, aux sénateurs qui ont déposé des amendements d’en exposer les objets et de les défendre.

C’est donc finalement un nouveau texte, celui que nous examinons aujourd’hui, qui est sorti laborieusement des travaux de la commission des lois. Ce nouveau texte n’est disponible que depuis neuf jours, week-end de la Pentecôte compris. Les sénateurs de la commission, mais aussi tous les autres, n’ont eu alors qu’une toute petite semaine pour examiner ce nouveau texte et proposer des amendements pour la séance.

Monsieur le président de la commission des lois, le Président de la République dans son discours de Dijon, il y a quelques semaines, déclarait qu’il faisait confiance au Sénat pour réécrire, s’il le fallait, ce texte. C’est fait : reste à savoir si c’est bien fait…

De plus, le rapporteur et vous-même, monsieur le président de la commission des lois, expliquiez dès les premières auditions, devant la contestation soulevée par certaines parties du texte, que celui-ci allait être profondément modifié. Finalement, il avait été annoncé depuis plusieurs semaines que le texte serait réécrit, mais il n’a pas été prévu pour autant d’accorder des délais supplémentaires pour l’examiner. Le président du Sénat annonçait même l’ouverture d’une large concertation avant l’examen du projet de loi par la Haute Assemblée, rappelant les très intéressants États généraux des collectivités territoriales qui ont eu lieu à l’automne dernier.

En définitive, le Gouvernement n’a tenu compte d’aucune de ces propositions, les a balayées d’un respectueux revers de main et a inscrit cette réforme à l’ordre du jour du Sénat, à une date rapprochée, sans tenir compte des délais nécessaires à son examen. La nouvelle concertation annoncée, reprenant l’esprit des rencontres d’octobre, s’est en fait traduite par une simple multiplication d’auditions – soixante-dix au total – en un peu plus de trois jours par la commission des lois. Ce travail a débouché sur une réécriture du texte par le rapporteur, sans qu’aucune nouvelle consultation n’ait été possible ni même envisagée !

Sur le premier texte, soixante-dix auditions ont été conduites. Pourquoi n’avons-nous prévu aucune audition sur le deuxième texte ? Comme beaucoup de sénateurs dans cet hémicycle, j’ai rencontré les élus de mon département – lundi soir, pour ne rien vous cacher – et je leur ai parlé d’un texte dont ils ne savaient absolument rien. Ils ne connaissaient que le texte du Gouvernement, avant sa réécriture par la commission des lois du Sénat. C’est un problème démocratique !

L’idée très intéressante d’un aller-retour entre les élus, les citoyens et les associations d’élus, défendue par le président du Sénat, et que nous soutenions, a donc été abandonnée. La réalité fut tout autre. C’est une commission des lois réduite à sa portion congrue, en pleine nuit, qui a finalement débattu pour l’essentiel des propositions du rapporteur, aussi bonnes soient-elles, lequel a réécrit le texte.

Ce qui s’est produit va radicalement à l’encontre de l’esprit des États généraux des collectivités territoriales, qui furent le projet du président du Sénat et qui connurent une belle réussite démocratique à laquelle nous avons contribué, au Sénat comme dans nos départements. Notre assemblée n’a pas pu se saisir sérieusement de ce texte malgré sa mission de représentant des collectivités territoriales.

Mesdames les ministres, mes chers collègues, la démocratie est au cœur de la réflexion qui m’anime ce soir. Mon intention n’est pas de polémiquer. Ce projet fait débat ; sa profonde réécriture accentue encore un sentiment de précipitation et d’incertitude ressenti sur de nombreuses travées. Le nombre d’intervenants inscrits dans la discussion générale est, à cet égard, révélateur. Aussi, nous pensons qu’il faut prendre le temps de l’échange pour remettre cette réforme à l’endroit, en s’appuyant sur l’exigence démocratique qui croît considérablement dans notre pays.

Nous pensons que le Sénat n’est pas prêt à examiner ce projet de loi dans de bonnes conditions. Des expériences récentes en matière d’ordre du jour ont montré qu’il ne fallait pas confondre vitesse et précipitation. Rappelez-vous l’inscription à l’ordre du jour, dès le 5 septembre dernier, du projet de loi sur le logement, qui s’est soldé par une censure du Conseil Constitutionnel.

Cette motion tendant au renvoi en commission ne vise pas à reporter l’examen d’un texte, mais vise à créer de bonnes conditions pour l’examen d’un nouveau texte. Les éléments-clés de ce texte, qu’il s’agisse de la mise en place des conférences territoriales et de la création des métropoles, ont été profondément remaniés.

Alors que le rôle du Gouvernement est, à notre sens, de proposer une perspective d’organisation harmonieuse du territoire, nous assistons de manière détestable – j’ose le terme – à l’émergence d’un débat qui préfigure une France morcelée, éclatée entre quelques immenses collectivités drainant compétences, moyens financiers et capacités de développement au détriment de grandes zones en proie à la désertification.

Vu l’ampleur de l’enjeu pour l’avenir de notre pays et de nos concitoyens, cette réforme mériterait une tout autre réflexion qu’une simple réunion – ce qualificatif n’est pas péjoratif – de la commission des lois, dont je suis membre. Dans ces conditions, nous prenons le risque que chacun – cela s’est vu encore cet après-midi – défende son territoire, sa collectivité, son EPCI, sa métropole, centré sur sa conception, soucieux, en fait, de la pérennisation de véritables « baronnies », oublieux d’un développement harmonieux du territoire. Tout cela pourrait aboutir à accentuer la mise en concurrence de ces mêmes territoires. De ce point de vue, nos débats de cet après-midi étaient assez caricaturaux.

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