Regardons la réalité : si des millions de ménages qui assument déjà les charges d'une accession ou d'une location dans du logement récent ont deux véhicules, ce n’est certes pas par fantaisie, mais simplement par nécessité ! Quoi que l’on décide dans les règles de construction, les deux véhicules seront là. Considérer qu’organiser l’absence de stationnement dans les règles d'urbanisme conduira nos concitoyens à se passer de leur second véhicule n'est pas conforme à la réalité.
Essayons de réfléchir aux conséquences d’une telle décision, puisque c’est bien là le but d’une étude d'impact. On peut imaginer que, dans une gestion urbaine étrange, de grands espaces vacants de voirie publique attendent les véhicules supplémentaires de nouveaux résidents. Cette hypothèse est de pure fiction. Et si ce n'est pas le cas, le calcul est vite fait : il faudra que la collectivité assume les milliers d'euros qui n’auront pas été consacrés à la réalisation de places privatives de stationnement.
Dans les centres-villes, dans les espaces centraux – c'est le cas de dizaines, voire de centaines de communes en Île-de-France ou dans les grandes agglomérations –, il n’existe pas d'espace vacant et le déficit de stationnement provoque du désordre urbain. Je peux en témoigner, pour l’avoir vécu dans ma propre commune. Si l’on sous-estime les emplacements de stationnement et que l'on fait de la densité, on se retrouve vite dans une impasse.
Cette situation n’est guère agréable, notamment pour les résidents concernés, qui rentrent de leur travail à vingt heures et ne peuvent garer leur voiture ! La commune sera alors vite contrainte de créer des emplacements de stationnement public à 20 000 euros pièce, qui seront payés grâce aux impôts fonciers de ceux-là même qui ont déjà financé leur propre aire de stationnement dans leur immeuble. La question se pose : qui paye pour qui à la fin ? Nous devons donc être très attentifs à ces questions.
L'étude d'impact avance plusieurs solutions.
Est ainsi envisagé le plafonnement absolu, ce qui est à mes yeux la pire hypothèse. Comme vous le souligniez très justement à l'instant, madame la ministre, c’est toujours quatre ans, cinq ans, six ans après que les résultats se feront sentir : gêne pour les habitants et conséquences pour l'environnement, parce que, à la fin, je peux le dire, les gens se garent sur les espaces verts, quand ils n'ont plus d'autre solution !
Il est aussi évoqué que soient fixés dans les SCOT des coefficients de parking, îlot par l'îlot. Permettez-moi de dire que ce serait une grande nouveauté, très loin de ce que contiennent aujourd'hui les SCOT ! Je veux bien que l'on essaye, mais, là encore, madame la ministre, vous n'aurez pas de réponse avant plusieurs années, car vous savez très bien le temps que prend l'élaboration d'un SCOT.
Une dernière solution, qui ne figure pas dans l’étude d’impact, mais que vous avez mentionnée à l’Assemblée nationale, consisterait à laisser une marge d’appréciation aux maires. Elle pose alors un vrai problème de sécurité juridique. En effet, les règles fixées par le PLU pour chaque zone s’appliquent a priori de manière uniforme. Si l’on autorise demain les maires à appliquer la règle à certains endroits, mais pas à d’autres, je vous assure que de jolis contentieux fleuriront dès les premières décisions divergentes !
Le droit administratif, que certains de vos collaborateurs connaissent admirablement, madame la ministre, aboutira nécessairement à ce que ces décisions divergentes soient appréciées comme ne répondant pas à la cohérence nécessaire qui s’impose à l’autorité publique.
En résumé, si je ne veux pas vous convaincre de retirer cette disposition du projet de loi, il me semble qu’une sérieuse concertation et un réel travail de recherche de données devraient être entrepris avant de prendre de nouvelles décisions de niveau législatif qui auraient des conséquences extrêmement dommageables, notamment pour les élus qui veulent effectivement densifier l’habitat urbain.