Monsieur le sénateur Favier, le Gouvernement a effectivement pris un engagement lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2013. Un certain nombre d’observations avaient alors été formulées, notamment en ce qui concerne le maintien de l’enveloppe des dotations des collectivités locales en 2013 et l’abandon des orientations décidées par le précédent gouvernement, à savoir une réduction de cette enveloppe de 5 milliards d’euros par an pour contribuer à la réduction des déficits publics. Sur ce dernier point, il faut toujours rappeler que la charge de la dette, résultat de l’accumulation des déficits, équivaut au budget du ministère de l’éducation nationale.
Le Gouvernement avait donc pris l’engagement de réfléchir, avec le comité des finances locales, à une réforme, totale ou partielle, des dotations des collectivités territoriales. Cette réforme me paraît urgente, car une réduction de l’enveloppe des dotations de 1, 5 milliard d’euros en 2014, puis en 2015, représente un effort considérable, même si l’ensemble de cette enveloppe reste de l’ordre de 80 milliards d’euros.
Premièrement, il faut sécuriser les ressources des départements. En effet, il n’est pas de bonne politique, même si cela a déjà été fait à deux reprises, de faire voter une enveloppe de crédits d’urgence pour les départements afin qu’ils puissent faire face à leurs obligations.
Le premier engagement du pacte de stabilité et de confiance, dont l’élaboration est confiée à Anne-Marie Escoffier, sera donc la constitution d’un groupe de travail chargé d’examiner les conditions d’un financement pérenne des conseils départementaux. Il s’agit essentiellement de chercher à remplacer les droits de mutation à titre onéreux, ou DMTO, ressource dont vous avez tous souligné le caractère trop volatil et trop dépendant de la conjoncture économique, par un panier de ressources plus stables et, surtout, plus dynamiques.
Deuxièmement, les régions, en particulier depuis la transformation de la taxe professionnelle en cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ou CVAE, n’ont pratiquement plus de ressources fiscales et vivent essentiellement de dotations, situation contestable au regard du principe d’autonomie financière des collectivités locales. Il convient donc de leur affecter également une ressource fiscale dynamique, afin qu’elles ne dépendent pas uniquement des dotations de l’État.
Troisièmement, en ce qui concerne les communes, nous voulons maintenir le fonds de péréquation intercommunale, même si j’entends ici ou là que des collectivités engagées dans des projets d’investissement, mais qui disposent, heureusement pour elles, de plus de ressources que les autres, s’en plaignent un peu. Nous voulons donc tenir nos engagements concernant le fonds de péréquation. En revanche, nous pensons qu’il faut renforcer la péréquation verticale, car il n’est pas possible de compter uniquement sur la péréquation horizontale pour réduire les déséquilibres.
Il convient également d’examiner si des progrès ne pourraient pas être réalisés, en termes de justice, dans la définition de l’assiette de la dotation globale de fonctionnement.
Dans ce domaine, un certain nombre de communautés de communes rurales se sont lancées dans la mutualisation des services pour créer de nouveaux services en faveur des citoyens, en mettant en place, par exemple, un service à la petite enfance. Il faut encourager ces initiatives qui visent, en premier lieu, à rationaliser la dépense publique – nos concitoyens ne sauraient s’en plaindre – et, en second lieu, à permettre aux communautés de communes qui nouent des alliances entre elles, comme l’a fait la communauté de communes d’Annonay avec une autre communauté de communes, d’offrir de nouveaux services à leur population.
Enfin, il faudra aborder quelques questions difficiles, mais capitales pour les communes rurales. Aujourd’hui, nous ne pouvons plus laisser se développer des villes tentaculaires, de même qu’il faut arrêter la prolifération de bourgs, villages ou hameaux vides, entourés de lotissements. Dès aujourd’hui, nous devons assumer la lourde responsabilité de garantir, à l’horizon de 2030, et encore plus de 2050, l’indépendance alimentaire de la France et de l’Europe. Nous savons qu’il ne sera alors plus possible d’importer, comme nous le faisons maintenant, des protéines végétales pour les transformer en protéines animales. Nous devons donc conserver un maximum de terres agricoles pour préserver l’équilibre de notre économie et de notre société.
Dans ce cadre, un projet de loi que Cécile Duflot déposera au nom du Gouvernement visera à protéger non seulement nos terres agricoles, mais aussi les périmètres de captage des eaux – nous connaissons déjà des soucis d’alimentation en eau potable –, les zones NDs, les zones Natura 2000, etc. Une communauté de communes rurale dont le territoire comporte une zone NDs, une zone de captage, une zone Natura 2000, une zone littorale ou une zone de montagne protégée, ainsi que des terres agricoles, ne peut plus construire et se trouve donc incapable d’accroître ses ressources fiscales. Dans les deux ans qui viennent, il faut que nous parvenions à intégrer dans la DGF la reconnaissance de la protection de ces mètres carrés précieux pour la vie, qu’il s’agisse des terres agricoles, de la protection des captages, etc.
Enfin, depuis longtemps, nous pensons – et Edmond Hervé a été à l’origine de cette réflexion – qu’il nous faut arriver, ensemble, à redéfinir nos assiettes fiscales locales. Nous n’aurons pas le temps d’envisager cette redéfinition dès la discussion du projet de loi de finances pour 2014, mais il faudra le faire dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015. Cette démarche est importante, mais très difficile à engager en période de crise compte tenu du niveau déjà atteint par les prélèvements obligatoires. Je pense malgré tout, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce chantier est intéressant.
Aujourd’hui, la première garantie que peut vous donner le Gouvernement est donc la conclusion d’un pacte de confiance et de stabilité avec les collectivités territoriales, même si je mesure parfaitement ce que représente une diminution de 1, 5 milliard d’euros de l’enveloppe globale des dotations.