Intervention de Jean-Louis Borloo

Réunion du 27 octobre 2004 à 15h00
Cohésion sociale — Discussion d'un projet de loi

Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail, et de la cohésion sociale :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux de présenter, au nom du Gouvernement, ce projet de loi de programmation devant la Haute Assemblée, qui en a été saisie en premier, conformément au choix qui avait été clairement exprimé par l'ensemble des six ministres composant le pôle de cohésion sociale au sein du Gouvernement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte, qui est la transcription législative d'un plan de cohésion sociale présenté le 30 juin dernier, a pour objet de mettre en place les moyens humains, financiers et opérationnels pour répondre à trois crises majeures, qui entament notre pacte républicain et notre avenir.

Bien plus qu'un débat gouvernemental à court terme, il s'agit de réparer des blessures sociales d'une extrême gravité - et je dis bien les « réparer », mesdames, messieurs les sénateurs - et, en même temps, de préparer l'avenir.

Ces trois crises majeures que nous connaissons et auxquelles, au fond, nous nous étions habitués, au fil de la parution des statistiques mensuelles, cette triple crise d'identité, c'est celle de l'emploi, du logement et de l'égalité des chances.

Je ne détaillerai pas devant vous les composantes de cette triple crise, mais je voudrais en dire deux mots. Cette crise est grave en elle-même, nos chiffres du chômage en témoignent, et je ne parle pas des chiffres du niveau 1 : la France a le taux de chômage des jeunes le plus élevé d'Europe. Notre revenu minimum d'insertion fut, quand il a été lancé, une avancée sociale indiscutable, mais, quinze ans plus tard, quand on a vu tripler le nombre des allocataires, il est malheureusement devenu la démonstration que nous étions en présence d'une situation dramatiquement durable, et cela ne peut laisser insensible personne dans cet hémicycle.

C'est également la démonstration de notre échec structurel, car le taux de chômage des jeunes ou le taux d'inactivité est stable à 26 % depuis dix ans ! A côté de cela, il faut compter avec un choc démographique que nous n'avons pas prévu et un besoin d'activité et de force humaine dans ce pays de 1 700 000 personnes supplémentaires pour la période allant de 2007 à 2010.

Dans ces conditions, notre première obligation est de nous donner tous les moyens pour permettre aux forces vives de la nation de s'insérer dans le tissu économique. C'est un enjeu social, mais c'est évidemment aussi un enjeu économique.

La deuxième crise majeure, vous le savez bien, les uns et les autres, c'est le logement. Le premier dessin que fait un enfant à l'école, c'est une maison, avec une cheminée. Or, qu'il s'agisse de l'accession, du logement des couches intermédiaires, du logement social ou du logement d'urgence, ce logement est complètement en crise aujourd'hui ; il se trouve dans le même état qu'en 1954. Ce programme prévoit environ le doublement des capacités en acquisition, notamment en acquisition populaire, en logement conventionné et en logement d'urgence.

Enfin, troisième crise : l'égalité des chances. Notre pays, qui a peut-être trop bien réussi dans sa recherche de l'égalité au XIXesiècle et au début du XXe siècle, n'a pas vu, aveuglé qu'il était par l'arrogance de sa réussite républicaine, que son modèle social qui était fait, en gros, pour des gens plutôt en forme, pour une population plutôt homogène sur le plan ethnique et plutôt répartie entre France rurale et France urbaine, n'était plus en phase avec la réalité d'aujourd'hui, celle d'une France multiculturelle, une France multiethnique, multireligieuse aussi, avec des zones qui ne ressemblent en aucune manière aux autres parties du territoire. Alors, l'égalité des chances...Pouvez-vous comparer la situation de Grigny, de Montfermeil, de Clichy-sous-Bois avec celle des grandes villes que compte notre pays, même si ces dernières ont parfois sur leur territoire des quartiers en difficulté ?

Egalité des chances devant les services publics, égalité des chances à l'école, égalité des chances devant l'emploi privé ou public. La ségrégation, notamment la ségrégation à l'emploi, est un scandale absolument inacceptable ?

Ce projet de loi a un défaut, un énorme défaut : il fait confiance au terrain ! On peut qualifier ce texte de « flou », car nous n'imposons pas ce que doit être la maison de l'emploi, pas plus que nous n'imposons ce que doit être l'équipe de réussite éducative dans nos zones en difficulté. Non, nous disons : « Voilà les moyens ; nous vous les donnons ; mettez en place, en fonction des réalités locales, la maison de l'emploi qu'il vous faut, les contrats aidés qu'il vous faut, les équipes de réussite éducative qu'il vous faut ».

Oui, ce plan est massif dans ses moyens, mais très humble dans les orientations pratiques données par l'Etat aux acteurs du terrain. C'est, de ce point de vue, un programme de confiance.

Ce plan a été conçu assez rapidement, mais il faisait suite à quelque trois cents réunions organisées avec les différents partenaires, à Paris et sur le terrain, dans les maisons de l'emploi, car il en existe déjà, tant il est vrai qu'une bonne idée n'est jamais née toute seule, isolée, d'un seul coup, à un endroit du territoire, mais correspond forcément à un cheminement progressif général.

Ce coup de rein massif a été présenté de manière volontaire à tous les organismes représentatifs de ce pays, chacun ayant d'ailleurs son regard propre, qu'il s'agisse du monde de l'éducation, du Conseil national de l'habitat, du Conseil national des villes ou bien encore du Conseil économique et social, des caisses de sécurité sociale, des associations, bref tout ce qui fait les forces vives de ce pays.

Et le pire, c'est que nous avons tenu compte des différents avis

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