Madame la ministre, en différentes occasions, vous avez déclaré que cet article 2 constituait l’une des dispositions importantes de ce projet de loi, car il visait à rétablir la compétence générale pour les départements et les régions.
Or, si nous nous réjouissons de cette mesure, que nous appelons de nos vœux depuis 2010, votre analyse en la matière nous inquiète et nous craignons que les autres articles de ce texte ne viennent en réduire encore plus la valeur.
En effet, dans l’étude d’impact de votre projet, vous insistez sur le fait que cette compétence générale est finalement de portée limitée, vous référant à une lecture stricte d’une décision du Conseil d’État de juin 2011, qui ouvre la voie à une application contentieuse de cette compétence, pour chaque cas d’espèce. C’est dire la qualité des règles de droit que vous nous proposez d’adopter !
Une telle vision nous inquiète, d’autant que la suppression de la compétence générale en 2010 semble finalement ne pas être importante à vos yeux. Vous écrivez en effet, toujours dans cette étude d’impact : « Au total, compte tenu du dispositif mis en place, la suppression de la clause de compétence générale des départements et des régions a revêtu avant tout une portée symbolique du point de vue juridique. »
Ainsi, à vous suivre, en rétablissant cette compétence générale, vous ne faites qu’un acte symbolique, puisque vous semblez considérer que celle-ci ne peut être mise en œuvre que dans des domaines interstitiels, en dehors de toute compétence attribuée à une collectivité territoriale.
Ainsi, dans un tel cadre, la mise en œuvre de cette compétence sera, demain, encore plus difficile, son champ d’application étant encore plus étroit qu’hier. En effet, grâce aux schémas sectoriels, prévus dans le futur pacte de gouvernance territoriale, fort heureusement supprimé à l’instant, toutes les compétences seront réparties.
Ainsi, plus aucune place ne pourra être faite à une éventuelle mise en œuvre de cette fameuse clause de compétence générale. De plus, madame la ministre, ne nous leurrons pas, les conditions financières dans lesquelles se débattent nos collectivités territoriales viendront couper court à toute velléité de sortir des compétences attribuées : les collectivités territoriales n’en auront plus les moyens !
Pour notre part, vous ne vous en étonnerez pas, madame la ministre, nous attribuons à cette clause une tout autre valeur.
Nous considérons qu’elle est un fondement essentiel du principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales et qu’elle est consubstantielle à la gestion de nos collectivités territoriales par des assemblées élues, et non par des administrateurs désignés par l’État, comme c’est le cas, d'ailleurs, dans certains pays de l’Union européenne.
À notre sens, sans compétence générale, nos collectivités, y compris les communes, ne peuvent finalement intervenir que dans des champs restreints totalement encadrés par la loi et même, à lire votre interprétation, dans le silence de la loi.
De fait, les compétences réparties ne sont que très rarement réellement et totalement définies, comme ce fut également le cas en 1982. Aujourd’hui encore, en affirmant que la région devient chef de file dans le domaine du développement économique, par exemple, vous ne définissez pas précisément ce que cette notion recouvre, à tel point qu’il est normal de s’interroger sur ce silence de la loi, qui semble désormais bien plus important que la loi elle-même.
Aussi, vous avez une vision non seulement interstitielle, mais aussi discrétionnaire de la compétence générale. Notre propre vision est bien plus large, puisque nous considérons que la clause de compétence générale peut être mise en œuvre lorsque les intérêts des habitants et des territoires sont en cause.
Ainsi, tenter de mieux répondre à des besoins fait partie des missions d’un élu local, même si cela ne correspond pas aux missions que la loi lui a confiées expressément. Il en a toujours été ainsi, notamment dans les domaines social, sportif ou culturel.
Cette clause de compétence générale est bien souvent aussi la réponse à un devoir d’humanité auquel l’élu ne peut bien entendu se soustraire, ou à un devoir de modernité et d’innovation, la loi ne pouvant tout prévoir.
La question n’est donc pas de savoir si les élus ont le droit de ne pas appliquer la loi avec la mise en œuvre de cette clause de compétence. Il s’agit, au contraire, de leur offrir la possibilité d’intervenir dans des domaines que la loi ne leur attribue pas et, vous le savez bien, rares sont ceux qui mettent en place un service existant par ailleurs.