Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la commission des affaires sociales m'a fait l'honneur de me confier l'examen des huit articles relatifs aux restructurations d'entreprise et au reclassement des salariés, introduits, par voie de lettre rectificative, dans le projet de loi de cohésion sociale.
Ces dispositions comportent des avancées réelles des droits des salariés, notamment de ceux qui travaillent dans les petites et moyennes entreprises, et trouvent donc naturellement leur place dans le volet « emploi » de ce texte.
Les partenaires sociaux ont négocié pendant plusieurs mois, sans parvenir à un accord, pour définir de nouvelles règles relatives au licenciement économique.
Pour donner à la négociation toutes ses chances d'aboutir, j'avais déposé une proposition de loi, adoptée au mois de juin dernier, pour prolonger de six mois la période de suspension des dispositions les plus contestables de la loi de modernisation sociale et laisser plus de temps aux partenaires sociaux.
Constatant l'échec des négociations, le Gouvernement prend aujourd'hui ses responsabilités et saisit le Sénat de ce projet de réforme, qui, je crois utile de le signaler, est le fruit d'une longue concertation avec les organisations syndicales et patronales.
Ce texte abroge, tout d'abord, les dispositions jusqu'ici suspendues de la loi de modernisation sociale. Elles avaient fait l'objet de vives critiques de la part de la commission au moment de leur adoption, au début de l'année 2002, en raison des contraintes excessives qu'elles faisaient peser sur nos entreprises. Nous avons donc, bien évidemment, approuvé le principe de leur abrogation.
Il ouvre, ensuite, de nouveaux champs à la négociation collective, dans le but de prévenir et de mieux gérer les procédures de licenciement. Il autorise la conclusion « d'accords de méthode » définissant la procédure applicable en cas de licenciements économiques et les modalités de négociation du plan de sauvegarde de l'emploi.
Il crée également une obligation de négocier, tous les trois ans, dans les entreprises de plus de trois cents salariés : selon la rédaction actuelle du texte, cette négociation porte sur la stratégie globale de l'entreprise et ses effets prévisibles sur l'emploi, sur la mise en place d'un dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, ainsi que sur le maintien dans l'emploi des salariés âgés.
La commission a adopté sur cet article un amendement destiné à corriger une erreur manifeste survenue dans la rédaction du texte : cette dernière fait actuellement référence à une obligation de « négocier sur la stratégie de l'entreprise », alors que les travaux préparatoires employaient les termes de « négociation sur les modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise » sur la stratégie de l'entreprise.
Une autre innovation importante du texte réside dans la création d'un droit à convention de reclassement personnalisé au profit des salariés des entreprises de moins de 1.000 salariés.
Vous le savez, dans le droit actuel, les personnes licenciées par une entreprise de plus de 1.000 salariés ont accès, de droit, à un congé de reclassement, ce qui n'est pas le cas pour les salariés des entreprises de taille inférieure, alors même qu'ils constituent 80 % des licenciements pour motif économique.
Le présent texte corrige cette inégalité. Ces salariés se verront dorénavant proposer une convention de reclassement leur permettant de bénéficier d'actions d'orientation, d'évaluation des compétences et de formation, destinées à favoriser leur retour rapide vers l'emploi. Les salariés licenciés pourront également activer le reliquat de leur droit individuel à la formation.
Le financement de ce nouveau dispositif sera partagé entre l'employeur, le régime d'assurance-chômage, les organismes participant au service public de l'emploi et l'État, le cas échéant.
La commission s'est déclarée favorable à cette disposition. Elle a toutefois souhaité mieux définir la durée des conventions de reclassement, dont il n'est fait aucune mention dans le projet de loi alors que c'est un élément capital du dispositif. Elle a également voulu tenir compte des inquiétudes des PME, en allégeant autant que possible leurs charges financières, sans bouleverser l'équilibre du texte négocié par les partenaires sociaux.
Autre point fondamental : vous savez combien une vague de licenciements économiques effectuée par une grande entreprise peut avoir de conséquences désastreuses pour un bassin d'emploi. Pour mieux faire face à ce type de situation, le projet de loi crée un nouveau dispositif de revitalisation des bassins d'emplois affectés par un grand plan de licenciements économiques.
Les grandes entreprises ont l'obligation de contribuer à la création d'activités et d'emplois nouveaux. Les entreprises de taille plus réduite ont une obligation atténuée : l'État est chef de file pour mener à bien les actions de revitalisation nécessaires dans le bassin d'emploi et il définit, par voie de convention, la contribution que peut apporter l'entreprise. Pour améliorer le dispositif proposé par le Gouvernement, la commission vous propose quelques modifications, notamment pour prévoir une mobilisation plus forte de l'État, un suivi, une évaluation plus efficace de la mise en oeuvre des mesures de revitalisation.
Les autres mesures prévues par le texte sont de nature plus technique, sans pour autant être négligeables.
Par exemple, il revient sur une jurisprudence inadéquate qui dissuade les entreprises de s'adapter en proposant à leurs salariés des modifications de leur contrat de travail.
Il réduit des délais de recours excessivement longs, afin de sécuriser les procédures de licenciement sur le plan juridique. Les actions en référé portant sur la procédure de consultation du comité d'entreprise devront être introduites dans un délai de quinze jours ; les recours portant sur la régularité de la procédure de licenciement devront intervenir au plus tard douze mois après qu'elle se sera achevée. La commission considère que ces délais réalisent un bon équilibre entre le besoin de sécurité juridique des entreprises et la nécessité de préserver la capacité des salariés d'ester en justice.
D'autres dispositions concernent le fonctionnement du comité d'entreprise. Il est précisé en particulier que les chefs d'entreprise ne sont pas tenus d'informer le comité d'entreprise avant le lancement d'une OPA offre publique d'achat ou d'une OPE offre publique d'échange.
Cette question, vous vous en souvenez certainement, avait déjà été débattue dans le cadre de l'examen de la loi de modernisation sociale, qui avait posé la règle inverse : le comité d'entreprise devait obligatoirement être informé par avance du lancement d'une offre. Cette formule présentait de gros risques au regard du droit boursier en ce qu'elle multipliait les occasions de délit d'initié. La nouvelle formule qui nous est proposée vise à éviter ce risque...