Sans relancer la discussion sur les principes constitutionnels, je voudrais à mon tour intervenir sur cette notion de chef de filat, qui soulève, selon moi, un problème de cohérence, de complexité, mais aussi un risque.
Il me semble tout d’abord incohérent de déléguer la responsabilité de chef de file à la région pour l’aménagement du territoire. Car le conseil général a lui aussi une responsabilité dans l’aménagement solidaire et équilibré d’un territoire rural. De surcroît, si, demain, nous allons vers la création de métropoles pour les agglomérations importantes – je suis plutôt favorable à cette évolution –, il est sûr que certaines collectivités vont devenir de véritables territoires ruraux. Dès lors, cette notion de solidarité dans l’aménagement équilibré du territoire va devoir très clairement s’exprimer. Malheureusement, on a instauré chef de filat la région et déshabillé le département. Cela pose un vrai problème, au-delà même du tourisme, dont vient de parler notre collègue Bernard Cazeau.
En revanche, on a désigné la commune comme chef de file pour ce qui concerne l’accès aux services publics. Je suis frappé de ce manque de responsabilité de l’État ! En effet, mis à part l’État, qui peut se porter garant de la solidarité nationale et faire en sorte que les services publics de proximité soient garantis aux citoyens dans les territoires les plus isolés ?
On ne peut pas demander à une commune isolée, dépourvue de moyens, d’assumer cette responsabilité, de conserver un bureau de poste alors que la fermeture de celui qui existe est d’ores et déjà décidée, une école sans instituteur, et de faire en sorte que les moyens de communication numériques arrivent jusqu’à son territoire.
Il y a là, me semble-t-il, une incohérence majeure et une vraie responsabilité de l’État à l’égard des territoires ruraux dans le domaine de l’aménagement et des services publics. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé un certain nombre d’amendements. Toutefois, ne sachant pas si je pourrai les défendre, je tenais à m’exprimer dès à présent sur le sujet.
Le flou, les difficultés et l’incohérence engendrés par les dispositions que nous examinons nous renvoient au débat que nous avions tout à l’heure : si l’on voulait donner davantage de liberté aux collectivités, il fallait oser créer un cadre. Car nous ne sommes véritablement libres que si nous savons dans quels domaines nous pouvons agir librement ; nul ne l’ignore.
Malheureusement, le Gouvernement ne prend pas cette responsabilité. Loin de créer le cadre, il met en place un système extrêmement complexe, qui orchestre en particulier l’abandon des territoires. On a éloigné le conseiller général, modifié l’élection dans les communes, laissé les territoires ruraux sans un responsable chargé de leur aménagement équilibré. En définitive, on les isole, ce qui constitue un vrai risque pour l’unité et l’unicité de nos territoires.
Cela étant, je ne suis pas un partisan de l’immobilisme, mais il convient d’avancer avec une ligne conductrice forte qui, je le déplore, fait défaut dans le présent projet de loi.