Mesdames, messieurs les ministres, notre fonction de maire, celle qui fut la vôtre avant que vous ne soyez ministres, celle de nombre de nos collègues, nous amène à côtoyer, écouter, soulager, chaque semaine, la détresse humaine. Nos permanences sont consacrées essentiellement à des demandes d'emploi, de logement, d'aide financière.
Personnellement, j'ai reçu des milliers de personnes, vous aussi certainement, et j'ai essayé le mieux possible de traiter les cruelles inégalités que vous avez évoquées tout à l'heure, utilisant les dispositifs compliqués mis en place par les gouvernements successifs.
Avouons-le, les connaître tous, les comprendre, les utiliser n'est pas simple pour nous. Alors pour de simples citoyens, je vous laisse imaginer !
Monsieur Borloo, fidèle en cela aux engagements que vous avez pris dans votre livre L'Homme en colère, vous avez décidé d'attaquer les trois fléaux que sont la perte d'emploi, la perte de logement et le surendettement, non pas isolément mais ensemble. En effet, une approche globale est nécessaire pour rompre le cercle vicieux de l'exclusion, nous en sommes convaincus !
C'est justement ce type d'approche que vous avez choisi d'adopter dans le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale. Elle met l'homme, le citoyen au coeur de la réforme, mais avec un objectif d'efficacité.
Il s'agit donc d'un texte pertinent, ambitieux, même s'il est parfois un peu flou, humble, avez-vous dit ! Mais vous l'avez souhaité ainsi. Vous avez voulu y laisser de la souplesse.
Nous craignons néanmoins que ne se développent de grands décalages entre la lettre et les modalités de son application sur le terrain. Espérons simplement que les rédacteurs des décrets et des circulaires n'interpréteront pas celle-ci de façon restrictive. Pour tout dire, mesdames, messieurs les ministres, je serais rassuré si vous écriviez vous-même les décrets et les circulaires !
Vous l'aurez compris, nous souscrivons pleinement aux objectifs de clarification et de simplification de votre réforme. Nous souhaitons ainsi que vous ayez les moyens financiers de votre ambition, comme vient de le rappeler notre collègue Paul Girod.
J'en viens aux dispositions de ce plan de cohésion sociale.
Il ne me revient pas évidemment d'en détailler le contenu - les divers rapporteurs l'ont fait excellemment - mais d'en saisir quelques points au nom du groupe de l'Union centriste.
Commençons par le volet relatif à l'emploi.
Bien que perfectible à certains égards, ce volet relatif à l'emploi nous semble aller dans le bon sens. Mon collègue Claude Biwer développera cette question. Sans vouloir déflorer son intervention, j'aimerais tout de même saluer la création des maisons de l'emploi, la simplification des contrats d'insertion et la réaffirmation de la valeur de l'apprentissage.
Vous avez souhaité que les acteurs locaux de l'emploi s'approprient totalement vos projets, et vous leur laissez le choix d'adapter les dispositifs aux besoins locaux. En tant qu'élu local, comment ne pas saluer cette évolution qui était nécessaire pour plus d'efficacité !
Toutefois, êtes-vous sûr que l'administration déconcentrée de votre ministère, les ANPE, les ASSEDIC, les organismes paritaires vous suivront ? Etes-vous sûr qu'ils partagent votre vision ? Telle est ma première question.
Pour réussir, les maisons de l'emploi doivent réunir tous les acteurs de l'emploi autour des organismes que nous venons de citer et des élus locaux. Elles doivent fixer des orientations claires qui donnent lieu à des engagements de la part de chacun des partenaires. Comme au sein des conseils locaux de sécurité que nous sommes tous amenés à manager, il faudra que les partenaires apprennent, une bonne fois pour toute, à travailler ensemble, à se faire confiance... C'est la clé du succès !
Je m'interroge également sur les contrats d'insertion.
Tout d'abord, les contrats d'accompagnement seront-ils ouverts aux jeunes de moins de vingt-cinq ans, qui ne bénéficient d'aucune aide ?
Les contrats d'avenir sont, vous le savez bien, l'objet de revendications sur le pilotage. Faut-il que ce soient les départements qui les gèrent, les communes, leurs EPCI ? Pourquoi pas tous ensembles, répondez-vous ! Comment alors éviter les querelles de boutiques sur le nombre de contrats alloués ?
Ma dernière question porte sur l'apprentissage. Vous souhaitez lui donner ses lettres de noblesse ; j'approuve totalement cette vision. Mais que comptez-vous faire pour les jeunes apprentis en difficulté qui n'ont pas choisi cette voie, à qui on l'a souvent imposé parce qu'ils ne savaient ni lire ni compter ?
Il manque peut-être aussi, dans ce chapitre, quelques articles sur les emplois de proximité et sur le rôle du tutorat et du parrainage, non pas, comme vous l'avez prévu, dans la création d'entreprise mais dans l'insertion et la recherche d'emploi.
Le deuxième pilier de votre programme de cohésion sociale est consacré au logement social. En trois axes, vous proposez d'améliorer l'hébergement d'urgence, mesure à laquelle nous souscrivons pleinement, de relancer la construction de logements locatifs sociaux et enfin de mobiliser le parc privé.
Nous nous trouvons aujourd'hui face à un double constat : si se loger est une préoccupation majeure des citoyens, le logement social traverse une crise particulièrement inquiétante.
Le droit au logement n'est pas encore considéré comme un principe absolu mais les responsables publics ont pris conscience de l'urgence dans laquelle nous nous trouvons. Le logement, on peut le dire aujourd'hui, est au coeur des problématiques politiques tant de l'Etat que des collectivités locales et de leurs partenaires. Sans une réelle action d'envergure, la France ne sortira pas de la crise actuelle !
Si la croissance du nombre de demandes de logements sociaux a été considérable, elle n'a pas été pour autant suivie d'un mouvement similaire de l'offre.
Je rappelle quelques chiffres que nous avons déjà entendus : en 2003, un million de ménages environ ont déposé ou renouvelé une demande de logement HLM contre 750 000 dans les années quatre-vingt. Parallèlement, le rythme de la construction sociale s'est continuellement ralenti depuis 1990. En 1994, près de 80 000 logements sociaux financés étaient comptabilisés, alors que ce chiffre se situait à 38 000 en 2000.
Plusieurs raisons expliquent cette progression des demandes.
Tout d'abord, la hausse considérable des loyers, qui fait fuir les locataires vers le logement social. Une étude montre que le montant du loyer rapporté au revenu global est passé de 31, 7% en 1988 à 50, 8 % en 2002. C'est la raison pour laquelle le groupe de l'Union centriste soutiendra l'amendement de notre collègue Valérie Létard qui inclut dans le calcul du « reste à vivre » les dépenses de logement.
La crise que connaît le logement s'explique également par l'évolution des modes de vie, par les caractéristiques démographiques et notamment par l'augmentation du nombre de retraités et de familles monoparentales. Il va donc falloir s'adapter aux modes de vie et non pas l'inverse. Le logement de l'avenir, c'est le logement adapté ou adaptable. Il est à inventer !
La crise du logement s'explique aussi par le manque de réserves foncières ou par leur coût, ainsi que par celui de la construction, qui croît trop rapidement.
Face à cet état d'urgence, vous avez entrepris, monsieur le ministre, d'engager la France dans une politique volontariste de relance de la construction de logements locatifs sociaux. Nous ne pouvons qu'approuver cette très bonne initiative.
Les différents dispositifs proposés dans le projet de loi complètent utilement les mesures prises il y a deux ans dans le cadre de la rénovation urbaine. Les objectifs affichés sont ambitieux pour certains, en deçà des espérances pour d'autres. Il n'y a là rien que de très normal après tout.
Je ferai seulement quelques remarques sur le financement, la cohérence entre les différentes lois et la mise en oeuvre du programme.
Concernant le financement, le projet de loi prévoit sur cinq ans un programme de construction dont le financement serait, d'une part, programmé dans les lois de finances de 2005 à 2009 et, d'autre part, assuré par une contribution du 1%.
Je tiens à saluer les efforts réalisés, notamment, sur les crédits de paiement, qui incluent un rattrapage indispensable sur les années antérieures.
Toutefois, monsieur le ministre, la réussite de la mise en oeuvre de ce projet de loi dépendra pour une large part du respect des engagements budgétaires, sous peine de rendre vaine la relance du parc social locatif.
En outre, je m'inquiète de l'absence totale d'évaluation du coût supporté par les collectivités locales et par les organismes d'HLM. En effet, si les acteurs locaux soutiennent la relance du logement social, une incertitude demeure quant aux charges qu'ils devront assumer.
Par ailleurs, il me paraît utile d'engager un travail de réflexion sur un mode de financement croisé de la construction de logements sociaux faisant appel aux fonds privés.
Quelques réalisations prévoyant, en particulier, le démembrement de propriété, l'association d'un bailleur social et d'investisseurs privés sont prometteuses et pourraient être largement développées avec votre appui, monsieur le ministre, notamment dans le projet de loi « Habitat pour tous ».
Une autre voie à explorer consiste à favoriser l'accession à la propriété des foyers les plus modestes qui le souhaitent afin de libérer des logements sociaux : s'il faut, certes, que l'ascenseur fonctionne dans les HLM, il convient que l'ascenseur social fonctionne, lui aussi !