Intervention de Jean-Pierre Raffarin

Réunion du 3 juin 2013 à 16h00
Modernisation de l'action publique territoriale et affirmation des métropoles — Article 10

Photo de Jean-Pierre RaffarinJean-Pierre Raffarin :

La démarche que vous engagez, madame le ministre, ne me paraît pas heureuse pour les métropoles.

Je suis élu d’un département mi-urbain, mi-rural, dépourvu d’énormes métropoles. Mais lorsque je vois les évolutions qui se sont produites au cours des vingt-cinq dernières années en termes d’aménagement du territoire et de décentralisation, l’émergence des métropoles m’apparaît comme un fait majeur, même si elle n’est pas facile à accepter pour tout le territoire.

Des villes comme Lille, Bordeaux, Lyon, Marseille, Toulouse, Rennes, Nantes ont changé leur environnement et se sont embellies : elles ont revalorisé leur patrimoine, sont devenues accueillantes et ont organisé la mobilité pour rendre la circulation urbaine plus aisée.

Aujourd’hui, on va volontiers passer un week-end à Lyon, cher Gérard Collomb, pour assister à la Fête des Lumières, à Bordeaux pour la Fête du fleuve ou encore à Lille pour la Grande Braderie. Ce n’était sans doute pas le cas il y a dix ans. Des événements qu’on allait voir auparavant à l’étranger, maintenant on va les voir chez nous !

Je le répète, nos villes se sont embellies. Les métropoles sont devenues interrégionales ; elles sont sorties de leur région, en quelque sorte. Il faut se pencher sur ce phénomène ! L’expliquer au pays n’est évidemment pas simple, parce que cette forme d’organisation territoriale inquiète.

De fait, commencer par ce volet dans l’acte III, c’est déjà laisser penser que les autres territoires souffriront un peu. On donne en effet le sentiment de commencer par s’occuper de ce qui est dynamique et de remettre à plus tard les autres sujets. C’est un problème !

Un autre problème est d’inclure Paris dans ce projet. Autant on peut facilement expliquer ce qu’est aujourd'hui, à Lyon, à Bordeaux ou ailleurs, une articulation entre une région, un département et l’intercommunalité, autant il est difficile d’y mêler le cas parisien où la lisibilité est très faible entre le rôle du département et celui de l’intercommunalité. Comment faire comprendre la différence entre la région et la ville avec un territoire qui représentera 95 % du territoire régional ? De ce point de vue, je comprends et j’approuve les propos de M. Dallier. Les réserves qui s’expriment sur Paris ne servent pas le reste du débat, et la spécificité du cas parisien montre qu’il faudrait traiter de cette question à part.

Je ne suis pas un spécialiste de Paris, mais j’écoute les uns et les autres. Ceux qui s’intéressent à la vie de nos territoires et qui prennent l’exemple parisien ont le sentiment, avec l’émergence des métropoles et leur articulation avec les autres territoires, que prévaut une logique d’absorption un peu hypertrophiée. Pourtant, les villes interrégionales n’apparaissent pas comme des hypertrophies : en matière d’aménagement et de décentralisation, elles ont finalement acquis une lisibilité qui permet, petit à petit, des partenariats, y compris avec la ruralité environnante.

Dans notre pays, il est assez difficile d’expliquer ce qu’Olivier Guichard appelait les « métropoles d’équilibre ». On parle du concept de métropole depuis très longtemps, alors qu’il a en fait émergé depuis peu. Il faut donc le conforter et le valoriser comme un élément de nature locale et nationale, sans prévoir Paris.

L’un des enjeux majeurs de notre économie aujourd'hui, c’est l’attractivité de notre territoire. Les métropoles y participent pour elles-mêmes et pour leur environnement. Il faut expliquer cette dynamique avec pédagogie, car les territoires qui deviennent un peu dominants inquiètent inévitablement les autres.

Je suis donc pour une pédagogie nationale de la métropole. Pour cela, laissons Paris à part : ce cas est tellement spécifique et suscite tellement d’hostilité qu’en l’incluant on freine la dynamique.

Ceux qui, comme moi, étaient réservés sur ce phénomène urbain voilà dix ou quinze ans constatent aujourd'hui la réussite des métropoles interrégionales. Nous devons les intégrer à une réflexion globale sur l'aménagement du territoire et la décentralisation.

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