Intervention de André Lardeux

Réunion du 27 octobre 2004 à 15h00
Cohésion sociale — Discussion d'un projet de loi

Photo de André LardeuxAndré Lardeux :

Mes chers collègues, j'ai écouté patiemment les autres orateurs, je vous demande de faire preuve de la même patience, même si vous ne partagez pas mon point de vue.

Pour la mise en oeuvre de l'accès à l'emploi, les pistes que vous explorez, monsieur le ministre, suivent la bonne direction, particulièrement la modernisation et le développement de l'apprentissage, l'alternance étant essentielle dans la formation professionnelle.

Il en est de même pour la réorganisation du service public de l'emploi. Cet ensemble de mesures est marqué par un effort de cohérence et un bon sens certain. Simplifier le système avec les maisons de l'emploi, créer des synergies locales, définir des objectifs précis est pertinent ; il faut que l'obligation de moyens soit accompagnée de l'obligation de résultats.

Il est normal que l'effort de la collectivité ait en contrepartie des engagements clairs de la part des bénéficiaires. Je crains toutefois que l'on ne demeure dans certains cas insuffisamment exigeants. En effet, parmi les demandeurs d'emploi, les situations sont très différentes : il y a bien sûr ceux - et ils sont hélas trop nombreux - pour lesquels l'accès à l'emploi est lointain et qu'il faut accompagner le mieux possible ; mais il y a aussi ceux qui sont immédiatement employables mais qui refusent les emplois proposés, cela est patent quand on voit les difficultés qu'ont les particuliers, bénéficiaires ou non d'avantages fiscaux, pour recruter des personnes travaillant à domicile, par exemple pour la garde d'enfants. Une plus grande exigence débloquerait certaines situations aberrantes. Cela montre aussi qu'il faut changer l'image des emplois de services aux personnes.

Incidemment, je veux attirer votre attention, monsieur le ministre, sur un problème concomitant : l'augmentation du SMIC, conséquence de l'imprévoyance dans l'application de l'ARTT. En soi, cette intention est excellente, mais elle aura des effets collatéraux sur les salaires immédiatement supérieurs, qu'il sera nécessaire d'augmenter. Nombre de petits employeurs sont concernés et certains envisagent de supprimer des emplois que leurs entreprises ne pourront plus financer. Il ne faudrait pas qu'une excellente intention se retourne contre les objectifs recherchés et génère à nouveau du chômage.

Vous comptez sur les collectivités locales pour le succès des mesures que vous présentez, et leur engagement est essentiel. Mais les collectivités, notamment les départements, s'inquiètent de la compensation des charges et de l'éventuelle application de l'article 72-2 de la Constitution. Elles le font à juste titre ; toutefois, l'attitude de certaines d'entre elles est ambiguë, sinon contradictoire.

En effet, que penser d'un département qui renâcle à répondre favorablement aux propositions de l'Etat en matière de lutte contre l'exclusion sous prétexte que c'est une charge trop lourde qui ne serait pas suffisamment compensée, mais qui, dans le même temps, propose la mise en place d'un RMI-jeunes pour les dix-huit - vingt-cinq ans de 300 à 420 euros par mois, pour une dépense annuelle prévisionnelle supérieure à 12 millions d'euros ? Les montants de ce revenu minimum d'inactivité - il faut bien l'appeler ainsi dans ce cas-là - sont à comparer à la rémunération des apprentis - cela n'est pas de nature à encourager l'apprentissage ; ils sont plusieurs fois supérieurs aux sommes allouées aux externes en médecine et en odontologie attachés aux CHU. Dès lors, comment ce département peut-il justifier son refus de collaborer à la politique de l'État ?

Que penser également de collectivités `qui proposent des ordinateurs gratuits, voire quelque autre facilité, aux élèves des collèges ou des lycées, ce qui n'a pour effet que de favoriser les familles aisées et nullement les familles défavorisées ? Peut-on, si on a les moyens de financer de telles mesures, raisonnablement refuser les sollicitations de l'Etat ?

L'objectif de ce projet est d'assurer la cohésion sociale, c'est-à-dire la cohésion nationale. On voit bien qu'il manque un lien entre l'individu et la nation à laquelle il appartient.

L'école n'est jamais parvenue à le créer vraiment et n'y parviendra pas. Le service militaire ayant été supprimé, il est probablement souhaitable d'étudier la mise en place d'un service national universel, masculin et féminin, afin de permettre, pendant quelque temps, le brassage social nécessaire à la cohésion nationale.

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