Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, sans logis, sans logement, sans toit, on est bien vite sans droits. C'est ainsi que l'on peut résumer la question du logement, telle qu'elle se trouve définie dans le présent projet de loi.
Venant après le vote de la loi du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, qui comprenait, entre autres dispositions, la création d'une Agence nationale de rénovation urbaine, dont l'action demeure encore assez peu perceptible, le présent texte comporte un certain nombre d'articles - une quinzaine au total - destinés à apporter quelques mesures en la matière.
Le besoin en logements est particulièrement important dans notre pays. Il l'est d'autant plus qu'année après année le nombre de logements mis en chantier stagne à hauteur de 50 000 à 55 000 logements locatifs sociaux neufs, au regard des 120 000 qui seraient nécessaires.
Et ce n'est pas la véritable explosion des loyers du secteur privé qui a pu résoudre la question !
Les familles en demande de logement sont de moins en moins en situation de payer les loyers exorbitants imposés par la seule loi du marché locatif.
Les dispositions législatives diverses qui ont été prises, depuis 2002, pour favoriser l'investissement locatif privé n'ont pu que provoquer les effets de tension sur le marché du logement que nous connaissons aujourd'hui.
La seule notion de « marché du logement » est d'ailleurs en elle-même un problème, puisque nous sommes, pour notre part, d'abord et avant tout attachés au principe de droit au logement affirmé par la loi de 1989 sur les rapports locatifs, par la loi de 1990 tendant à la mise en oeuvre du droit au logement, et confirmé par la loi de solidarité et de renouvellement urbains de décembre 2000.
Le rapport pour avis de Dominique Braye est d'ailleurs éclairant de ce point de vue. Notre collègue n'écrit-il pas lui-même, dans l'exposé général, que « Cette augmentation du prix des loyers touche de plein fouet les ménages les plus modestes, plus particulièrement ceux qui sont logés dans le parc locatif privé, pour lesquels le taux d'effort brut - montant du loyer rapporté au revenu global - est passé de 31, 7 % en 1988 à 50, 8 % en 2002 ».
Le même rapport indique que ce sont, aujourd'hui, plus d'un million de ménages qui ont déposé une demande de logement auprès d'un organisme d'HLM.
C'est donc au regard de la tension particulièrement forte qui existe dans certaines régions du pays que l'on peut mesurer la pertinence ou la portée des mesures qui sont annoncées dans la loi de programmation.
Les dispositions du projet de loi portent à la fois sur la programmation du développement de l'offre locative, sur l'amélioration du suivi social des locataires en difficulté et sur la mobilisation du parc locatif privé.
On peut être séduit, a priori, par le contenu des articles de programmation.
Porter à 100 000 places la capacité des structures d'accueil et d'hébergement d'urgence, programmer la réalisation de 500 000 logements locatifs sociaux sur la durée de mise en oeuvre de la loi, favoriser le conventionnement et la maîtrise des loyers d'une part croissante du secteur privé sont autant d'objectifs en apparence ambitieux et pouvant rencontrer un large consensus.
De même, faire en sorte que soient mis en oeuvre les outils d'une meilleure prévention des contentieux locatifs peut rencontrer l'assentiment.
Hélas ! De plus près, les choses ne sont pas aussi simples.
Considérons la programmation de la construction de logements sociaux.
A l'article 41, ce sont 465 millions d'euros qui sont prévus pour réaliser les cent mille logements programmés en 2005. Le montant figure en toutes lettres dans le budget du logement, tel qu'il est prévu dans la loi de finances.
Mais, si l'on fait la somme des autorisations de programme 2004 et 2005, et si l'on compare le tout aux crédits de paiement finalement mobilisés, ce sont plus de 50 millions d'euros qui manquent à l'appel.
Cette apparente augmentation des crédits ouverts se double d'une réduction de 54 millions des crédits, gérés par l'Agence nationale de rénovation urbaine, l'ANRU, pour les grands projets urbains, et d'une réduction de 260 millions d'euros des crédits budgétaires destinés au financement du prêt à taux zéro, du fait de la transformation de ce prêt en crédit d'impôt.
En réalité, il n'y a donc qu'un redéploiement des sommes antérieurement utilisées, comme si l'on se contentait de faire du neuf avec du vieux. Et, comme cela n'a pas échappé aux responsables du secteur HLM ni aux associations de défense des locataires, les financements sont en réalité forts loin d'être bouclés.
Quid de la capacité des organismes d'HLM à mobiliser les fonds du 1 % employeur, leurs fonds propres, les concours des collectivités locales, dans un contexte où la loi sur les responsabilités locales a dévolu la gestion des aides à la construction aux collectivités locales ?
Comment va-t-on « faire la maille » pour assurer le montage des opérations, même s'il faut apprécier positivement l'exonération renforcée de taxe foncière sur les nouveaux logements ?
Tout se passe comme si la loi fixait un cadre dans lequel les collectivités locales, à concurrence de leurs moyens et des enveloppes budgétaires distribuées, mettraient en oeuvre les objectifs programmés. D'ici à ce que les élus locaux soient tenus pour responsables en cas d'échec de la réalisation des objectifs, il n'y a pas loin...
La question du logement dans notre pays appelle des solutions audacieuses. Votre enthousiasme, monsieur le ministre, ne suffira pas à masquer la timidité de vos propositions.
En liant financement du volet logement et objectifs, il apparaît clairement que rien n'est absolument garanti, alors que, pendant ce temps, nous verrons disparaître, par exemple, le prêt à taux zéro. Cela inquiète particulièrement l'Union sociale pour l'habitat.
Le Conseil économique et social ne dit pas autre chose quand il souligne : « Le Conseil économique et social regrette que le projet de loi ne soit pas à la hauteur de l'ambition du plan de cohésion sociale et conduise davantage à un rattrapage des retards qu'à la mise en oeuvre d'une nouvelle politique ».
La question du logement doit être abordée avec une volonté politique renforcée, donnant à la puissance publique un rôle clé dans la conduite des solutions, par des financements adaptés et, par-dessus tout, dans l'affirmation des droits des locataires et des demandeurs de logement.
Nous devrions faire de cette future loi une étape décisive dans l'affirmation du droit au logement, mais force est de constater que nous sommes encore loin de cet objectif. A l'instar des associations de locataires et des acteurs du logement social, nous craignons qu'elle ne conduise à une régression du droit au logement, alors qu'il existe aujourd'hui dans notre pays plus de 3 millions de citoyens mal logés.
C'est pourquoi le groupe CRC s'inscrira dans ce débat avec volontarisme et présentera un certain nombre d'amendements qui, selon nous, portent plus sûrement l'ambition que nous devons avoir pour répondre à ce besoin fondamental que constitue le droit au logement.