En préambule, je tiens à signaler que vous nous avez demandé un certain nombre de documents et de statistiques, dont certaines requièrent un travail de recherche dans les archives : nous vous les transmettrons dans les prochains jours.
En 2012, la fédération d'athlétisme a procédé à 1 021 contrôles antidopage directement, en compétition et hors compétition. Dans ce cadre, dix-sept licenciés ont connu une procédure disciplinaire, dont quatre sportifs de haut niveau. Deux dossiers n'ont pas eu de suites, notamment parce qu'il s'agissait de cas de blessures avec autorisation d'usage thérapeutique (AUT). Les deux autres, en revanche, ont été suspendus pour dopage ; nous avons d'ailleurs, pour l'un d'eux, qui était récidiviste, formulé la sanction la plus lourde qui, je crois, ait jamais été prise par une fédération : une suspension de dix ans, ce qui équivaut à la fin de la carrière de ce sportif.
Les treize autres sont plus anonymes et appartiennent aux licenciés qui pratiquent l'athlétisme en loisir. Au global, quatre sanctions étaient liées à l'EPO.
Je préconise depuis de nombreuses années une évolution de la lutte antidopage. Contrairement à beaucoup de fédérations, nous avons, à la fédération française d'athlétisme (FFA), pris le taureau par les cornes : le sujet du dopage ne doit pas être tabou. Depuis 2006, il y a une prise de conscience et une attention croissante à ce problème. Ainsi, nous nous sommes rapprochés des services de la Gendarmerie (OCLAESP) et de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) ; nous avons ainsi une meilleure connaissance des produits, des circuits et des traitements « biologiques » qui préparent à l'amélioration de la performance.
Passionné de statistiques de la performance, j'ai, à titre personnel, observé les évolutions des athlètes de l'équipe de France et je suis attentif aux progressions erratiques, aux pics de performance qui, notamment lorsqu'ils se produisent en fin de carrière, à un âge avancé, sont suspicieux.
En 2006-2007, nous avons suspendu environ douze athlètes en améliorant le contrôle sur la durée, en étant plus présents sur les stages, notamment les stages individuels ou collectifs non encadrés par la fédération.
Depuis six ans, nous mettons en place des campagnes de prévention, avec des affiches, des brochures et l'organisation régulière de colloques, environ vingt interventions par an sur le territoire, auxquels sont associés les entraîneurs, les dirigeants de clubs, les athlètes de haut niveau, parfois anciens dopés repentis, ainsi que, parfois, des représentants de l'AFLD.
Cependant, nous nous posons un certain nombre de questions sur la pertinence de la réglementation.
Nous avons un exemple récent : un athlète français a récemment gagné le marathon de Daegu (Corée du Sud) avec l'un des meilleurs temps mondiaux. Or, il est suspendu par la fédération française non pour raison de dopage, mais dans le cadre du suivi médical : le médecin de la fédération, qui a observé des irrégularités sur les paramètres et sans me préciser exactement ce qu'il en était - en l'occurrence, nous avons des suspicions de dopage -, nous a demandé de le suspendre, ce que nous avons fait. Mais cette suspension n'a pas de portée au-delà du territoire national, et ne l'empêche pas de concourir à Daegu.
Peu de pays ont une réglementation spécifique sur le suivi médical, qui consiste en France à contrôler trois fois par an les athlètes par des médecins extérieurs. Pour les athlètes de fond et de demi-fond, nous avons même porté de quatre à six contrôles par an en raison du risque plus important de prise d'EPO. Mais l'athlète en question est d'origine kenyane, passé par la Légion étrangère, et il vit et s'entraîne au Kenya : il n'y a donc aucun moyen de contrôle.
Un autre exemple : un athlète français a été suspendu pendant les Jeux olympiques de Londres. Il a été très difficile de le localiser, nous avons dû faire appel aux services de police pour cela. Lorsque nous avons pu le contrôler, les deux contrôles se sont révélés positifs. Mais, en raison de divers problèmes d'organisation, il a pu réaliser sa course avant d'être suspendu. Par la suite, il a encore réussi à jouer la montre pour l'examen de l'échantillon B jusqu'au 31 août, date d'expiration de sa licence et donc de la compétence de contrôle de la fédération. Il a fallu attendre le 25 mars 2013 pour qu'il soit sanctionné par l'AFLD, pour des faits d'août 2012 !
Par ailleurs, je souhaite faire plusieurs observations générales.
En particulier, je m'interroge de façon générale sur le suivi médical réglementaire. Le code du sport indique qu'il s'agit d'un suivi de la santé des athlètes. Or, nous l'utilisons comme un moyen de prévention du dopage, pour traquer les tricheurs, la recherche de pathologies étant secondaire. Il y a donc une certaine hypocrisie dans ce système et il conviendrait de clarifier les choses.
De même, le secret médical du médecin me gêne pour les sportifs de haut niveau, car c'est, d'une certaine façon, une façon de protéger l'athlète qui se dope. C'est contraire à l'esprit de la loi sur la lutte contre le dopage. Je préconise donc que le secret médical soit levé pour les sportifs de haut niveau. On peut en effet penser que certains médecins protègent les sportifs, non pas dans l'athlétisme, mais dans certains sports professionnels, surtout lorsque les médecins sont salariés d'un club.
Sur le plan des sanctions, je suis depuis longtemps favorable à ce que la première sanction soit fédérale et la deuxième externalisée. Cela a été proposé récemment et c'est une bonne chose. Il faudrait maintenant aller vers des juridictions spécialisées dans le dopage. En effet, aujourd'hui, les avocats qui viennent défendre les sportifs trouvent des vices de formes, en particulier parce que l'évolution constante de la réglementation internationale laisse parfois des vides ou des décalages juridiques avec la réglementation française. La justice classique non spécialisée est mal informée sur la lutte contre le dopage, permettant ainsi la réhabilitation d'un athlète pour un simple vice de procédure.
C'est pourquoi il convient d'externaliser les sanctions : les fédérations ne peuvent pas être juge et partie. La fédération sportive doit faire de la prévention, mais la sanction doit relever d'une instance extérieure spécialisée.