Intervention de Patrick Laure

Commission d'enquête sur la lutte contre le dopage — Réunion du 18 avril 2013 : 1ère réunion
Table ronde sur les enjeux sociétaux du dopage

Patrick Laure, médecin et sociologue :

Je vous remercie de m'avoir convié à cette commission d'enquête. Je suis un peu surpris car ma triple formation ne me rend compétent dans aucun des champs abordés. Je suis médecin et docteur en sciences, et j'ai également une formation en sociologie. Mais je suis très mauvais à la fois comme médecin, comme sociologue et comme docteur en physique, n'exerçant pas dans ces trois champs. Ceci dit, j'ai eu le privilège et l'honneur de mener des travaux dans le champ qui nous occupe, en particulier auprès du jeune public, notamment sportif.

En effet, les quelques travaux que j'ai réalisés ont soulevé des questions épidémiologiques. À la fin des années 1990, la question ne se posait pas encore de savoir si les jeunes sportifs se dopaient ou non.

Le dopage sportif ne représente pour moi qu'une conduite dopante parmi d'autres.

Je suis l'heureux père du concept de conduite dopante, qui est une conduite de consommation de substance pour être performant, quelle que soit la nature de la substance et de la performance, sportive ou non.

Il s'agissait de pouvoir étendre la notion de dopage à ce que nous observons en général dans la vie quotidienne. Dès lors, nous pouvions nous extraire du climat idéologique qui régnait autour du dopage à la fin des années 1990, pour ramener le dopage à l'état d'objet scientifique parmi d'autres, et ainsi se poser des questions scientifiques pour pouvoir l'étudier.

Au-delà de ces travaux, j'ai renforcé un modèle explicatif qui essaie de prendre en compte l'ensemble des valeurs. La notion de conduite dopante et de dopage sportif résulte de la rencontre et de l'interaction entre trois éléments : la personne (le sportif), la substance (sa nature, sa dangerosité, son accessibilité) et l'environnement (les notions de performance, de contrainte, de recherche, de culte).

Nous avons réussi à montrer, tant au plan national que régional, que trois à cinq pour cent des jeunes sportifs affirment avoir déjà consommé une substance interdite au cours des six derniers mois.

S'agissant des sportifs amateurs, nous avons mis en évidence l'importance de l'estime de soi. Les jeunes en situation de mal-être peuvent trouver dans l'usage de substances une solution à leur malaise, du moins le croient-ils. Il peut aussi s'agir de rejoindre un groupe de pairs, qui consomment des substances dopantes. Il s'agit alors d'une sorte de rite initiatique.

Pour terminer, j'en reviens à l'efficacité de la lutte contre le dopage, qui me pose un certain problème. Si nous nous en référons à la théorie des jeux ou au fait social d'Émile Durkheim, nous ne pouvons que craindre que la notion de dopage dépasse l'homme. Nous ne pourrions faire quoi que ce soit pour l'éradiquer. Cela ne signifie pas que nous devons baisser les bras mais il est surprenant qu'aucune évaluation de la lutte contre le dopage n'ait eu lieu jusqu'à présent.

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