Intervention de Jean Louis Masson

Réunion du 4 juin 2013 à 9h30
Questions orales — Affaires judiciaires concernant des responsables politiques

Photo de Jean Louis MassonJean Louis Masson :

Madame le ministre, je voudrais attirer votre attention sur le fait que les affaires judiciaires impliquant des responsables politiques ont tendance à se multiplier, ce qui aggrave la suspicion générale de l’opinion publique.

Or au lieu d’adopter de nouvelles lois, ne conviendrait-il pas de s’assurer avant tout que les dossiers judiciaires concernant des affaires plus ou moins politiques sont normalement traités, qu’ils ne sont pas négligés par des juges d’instruction surchargés de travail ou retardés par certaines démarches ?

On a constaté par le passé – je ne vise aucun gouvernement en particulier – que les juges d’instruction chargés de traiter certaines affaires se sont succédé à peu près tous les six mois, si bien qu’aucun d’entre eux n’a pris le soin d’ouvrir le dossier !

On le sait bien, plus un dossier est compliqué et moins le juge d’instruction saisi, qui doit traiter un grand nombre d’affaires, a tendance à s’en occuper. En effet, comme l’activité judiciaire est dorénavant mesurée de façon quasi-mathématique, il est plus simple pour un magistrat de s’occuper d’un vol de voitures que d’affaires plus complexes.

Par ailleurs, je voudrais évoquer la possibilité pour les associations anti-corruption de se porter parties civiles. Le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière déposé par le Gouvernement comporte une petite avancée, mais ses dispositions ont stupéfait les associations de lutte contre la corruption comme Anticor ou Transparency international.

En effet, le code de procédure pénale établit la liste, de son article 2 à son article 2-21, des catégories d’associations qui peuvent ester en justice – on peut notamment citer les associations de défense des anciens combattants ou de lutte contre le racisme –, à la seule condition que l’association en question ait été déclarée depuis cinq ans.

Pour freiner l’action des associations anti-corruption, le Gouvernement exige non seulement que ces dernières aient été déclarées depuis cinq ans, ce qui est tout à fait normal, mais aussi qu’elles aient obtenu un agrément par décret en Conseil d’État. Le Gouvernement ne pouvait pas mieux faire pour laisser croire qu’il fait avancer les choses tout en les réduisant à néant !

Madame la ministre, s’agissant de la possibilité d’ester en justice, pour quelle raison le Gouvernement traite-t-il de manière discriminatoire les associations qui luttent contre la corruption par rapport à celles qui se battent contre les sectes ou les crimes de guerre, ou bien encore qui défendent l’environnement ou les locataires ? Cette volonté me paraît inquiétante. Il me semble même que nous avançons en reculant !

J’insiste sur un dernier point. Lorsque des dérives politico-judiciaires surviennent, les premières victimes sont les contribuables locaux, ou nationaux, comme on le voit actuellement dans le cas de l’affaire Tapie. On peut donc se demander pour quelles raisons les associations de contribuables ne peuvent toujours pas ester en justice, alors que, selon le code de procédure pénale, les associations de défense des animaux peuvent le faire ! Or le Gouvernement n’a prévu aucune disposition concernant les associations de contribuables dans son projet de loi.

En résumé, les associations de lutte contre la corruption se voient ouvrir la possibilité d’agir, mais assortie de conditions extrêmement restrictives qui représentent un recul. Pour ce qui concerne les associations de contribuables, la situation est encore pire : rien n’est prévu ! Permettez-moi de vous demander si les contribuables ne méritent pas d’être traités aussi bien que les animaux !

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