Intervention de Anne-Marie Escoffier

Réunion du 4 juin 2013 à 9h30
Questions orales — Affaires judiciaires concernant des responsables politiques

Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation :

Monsieur le sénateur Masson, Mme Taubira, garde des sceaux, ne pouvant être présente ce matin, vous prie de l’en excuser. Elle m’a demandé de vous apporter des éléments de réponse à vos questions.

Pour ce qui concerne la lenteur que vous avez dénoncée dans une procédure particulière, les instructions individuelles, dont on peut craindre qu’elles ne détournent la justice de son cours normal, n’ont plus cours sous le gouvernement actuel, qui y veille particulièrement.

Quant à l’habilitation des associations de lutte contre la corruption à exercer les droits de la partie civile, elle constitue une demande récurrente des organisations non gouvernementales, vous l’avez dit, et figure également parmi les recommandations générales des conventions internationales de lutte contre la corruption. Elle s’inscrit aussi dans le prolongement naturel de l’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 9 novembre 2010 relatif à la procédure dite des « biens mal acquis », qui a élargi les conditions de recevabilité d’une plainte avec constitution de partie civile d’une association de lutte contre la corruption.

L’article 1er du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, qui a été présenté en conseil des ministres et sera examiné par le Parlement dans quelques jours, a pour objet d’insérer un nouvel article 2-22 au sein du code de procédure pénale afin de permettre aux associations de lutte contre la corruption de se constituer partie civile. Le champ d’intervention de ces associations sera limité aux infractions en lien avec leur objet social, telles que la concussion, la corruption, le trafic d’influence ou la prise illégale d’intérêts.

Afin d’éviter toute plainte avec constitution de partie civile qui pourrait se révéler abusive, la réforme pose des conditions à la constitution de partie civile des associations similaires à celles que prévoient les articles du code de procédure pénale habilitant certaines catégories d’associations à exercer les droits conférés à la partie civile. Cette réforme a donc bien pour objet de faciliter la constitution de partie civile des associations de lutte contre la corruption, comme vous le souhaitiez, monsieur le sénateur.

S’agissant du dernier point de votre question, à savoir l’action des contribuables, je vous rappelle que l’article L. 2132-5 du code général des collectivités territoriales dispose que « tout contribuable inscrit au rôle de la commune a le droit d’exercer, tant en demande qu’en défense, à ses frais et risques, avec l’autorisation du tribunal administratif, les actions qu’il croit appartenir à la commune, et que celle-ci, préalablement appelée à en délibérer, a refusé ou négligé d’exercer ».

Cette action en substitution de la commune défaillante s’applique à toute action en justice, qu’il s’agisse d’une action pénale, au moyen de la constitution initiale de partie civile, ou d’une action civile ou administrative. Elle peut s’exercer aussi bien lors de l’action initiale que pour l’engagement d’une voie de recours.

Ce mode de participation des citoyens à la démocratie locale trouve sa justification dans l’éventuelle carence des élus locaux à veiller à la préservation des intérêts financiers de la collectivité, notamment lorsque l’atteinte à ces intérêts est due à une décision de son organe délibérant. La possibilité ouverte au contribuable d’agir en lieu et place de la commune est alors un efficace palliatif à cette carence.

Cependant, cette faculté est susceptible d’engendrer des recours abusifs et, plus largement, de constituer une atteinte au principe de la libre administration des collectivités territoriales. C’est pourquoi l’exercice de ce droit est encadré par des conditions précises qui, en l’état, ne paraissent pas excessives.

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