Intervention de Jean-Pierre Sueur

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 5 juin 2013 : 1ère réunion
Projet de loi organique portant application de l'article 11 de la constitution et projet de loi portant application de l'article 11 de la constitution — Examen du rapport et des textes de la commission

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur, rapporteur :

L'article 11 de la Constitution comporte une part de faux semblants. Référendum d'initiative populaire, a-t-on dit : non, il s'agit d'un référendum d'initiative partagée, entre le Parlement, plus précisément un cinquième de ses membres, et les citoyens, grâce au soutien d'au moins 10 % des inscrits sur les listes électorales. Les conditions fixées dans la Constitution rendent peu probable l'organisation d'un tel référendum : la proposition de loi cosignée par un cinquième des parlementaires doit être validée par le Conseil constitutionnel puis réunir 4,5 millions de signatures de soutien. Quand on songe que le Conseil économique, social et environnemental a reçu une pétition signée de moins de un million de personnes sur le mariage des personnes de même sexe, on imagine la difficulté de recueillir 4,5 millions de signatures sur quelque sujet que ce soit.

Le Président de la République, ces conditions satisfaites, organise le référendum seulement si, dans les six mois, les deux assemblées n'ont pas examiné le texte. Or il paraît bien improbable qu'aucun groupe n'inscrive la proposition dans son temps réservé. Bref, cet article de la Constitution est bien singulier.

A la suite de notre vote en première lecture, l'Assemblée nationale a apporté des modifications. Le Sénat avait proposé de nommer ce nouveau type de texte, cosigné par des députés et des sénateurs, « proposition de loi référendaire ». Les députés ont fait remarquer que la présentation d'un tel texte ne débouchait pas forcément sur un référendum. Ils ont raison. Je vous propose de reprendre leur rédaction, qui, hormis pour la dénomination, est conforme à la nôtre pour l'essentiel.

La Constitution confie au Conseil constitutionnel le soin de contrôler les opérations de recueil des soutiens. Le Conseil ne s'est pas privé de suggérer au législateur de créer une commission spécifiquement chargée de cette mission. Je souhaite pour ma part que nous restions fidèles à la lettre de la Constitution. Naturellement, il sera loisible au Conseil de recourir à des vacataires ou de recruter des collaborateurs pour accomplir cette tâche supplémentaire.

Le Sénat avait soutenu le recueil électronique mais rendu possible également le dépôt d'une signature sur papier, ce que l'Assemblée nationale a supprimé. Cette faculté nous évite toutefois d'imposer l'installation dans chaque chef-lieu de canton d'une borne informatique dédiée. Je vous proposerai de revenir à notre rédaction de première lecture.

L'Assemblée nationale a validé l'innovation introduite par le Sénat qui consiste à créer dans le code électoral un nouveau titre et de nouveaux articles pour rassembler les dispositions relatives au référendum.

Si la proposition de loi signée par un cinquième des parlementaires et soutenue par 10 % des électeurs n'a pas été examinée par le Parlement durant le délai prévu, le Président de la République la soumet au référendum. La Constitution ne précise cependant aucun délai pour ce faire. L'Assemblée nationale en a introduit un. Le Sénat l'a supprimé. Les députés l'ont rétabli. Or ce délai outrepasse le texte de la Constitution ! Restons fidèles à la volonté du constituant. Le Président peut organiser un référendum à la date de son choix.

L'Assemblée nationale a fait une proposition raisonnable en modifiant les durées respectives du recueil des signatures et de l'examen par le Parlement - sans allonger la durée globale. Les signatures seraient recueillies non plus pendant six mois, mais neuf. Pour recueillir 4,5 millions de signatures, cela n'est pas excessif. Le Parlement n'aura plus que six mois pour examiner le texte. Soit, mais à condition de préciser que ce délai court seulement pendant les périodes de session ordinaire, non pendant les sessions extraordinaires, où nous ne sommes pas maîtres de l'ordre du jour, ni pendant la suspension des travaux.

Enfin, la Constitution prévoit que chaque assemblée « examine » le texte. L'Assemblée nationale va trop loin quand elle prévoit un vote en séance publique. Je le répète, il convient de demeurer fidèle à notre loi fondamentale.

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