Intervention de Philippe Chalmin

Mission commune d'information sur la filière viande en France et en Europe — Réunion du 15 mai 2013 : 1ère réunion
Audition de Mm. Philippe Chalmin président et philippe boyer secrétaire général de l'observatoire des prix et des marges

Philippe Chalmin :

La structure que je préside a pour titre complet « Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires ». Elle a été créée par la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche de 2010, et existe formellement depuis l'automne de la même année. Elle remplace une structure gérée jusqu'alors par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et la direction générale des politiques agricole, agroalimentaire et des territoires (DGPAAT) du ministère de l'agriculture. Bien que nos moyens proviennent essentiellement de FranceAgrimer, nous sommes une structure totalement indépendante.

L'ambition de l'observatoire est d'être un vecteur de transparence, mais aussi de confiance entre les partenaires des différentes filières agricoles et agroalimentaires. Ceux-ci ont en effet une conception du dialogue souvent conflictuelle, ce qui impose souvent, en définitive, l'arbitrage des pouvoirs publics. Une structure comme la nôtre est unique en France, où la confiance est une « denrée rare », et où l'on préfère souvent laisser les crises éclater avant de les régler politiquement : nous offrons aux producteurs, industriels et distributeurs un lieu d'échange neutre, une enceinte de déminage des problèmes.

Notre comité de pilotage réunit l'ensemble des professionnels : syndicats agricoles, représentants des industriels, des distributeurs ainsi que des consommateurs. De manière parfaitement transparente, nous produisons un rapport tous les ans. Ceux de 2011 et 2012 ont fait l'objet de l'approbation générale des membres du comité de pilotage. Certes, nos analyses sur les marges nettes des rayons boucherie en grande distribution ont ainsi fait hurler certains, mais elles ont été validées par tous.

Nos missions sont essentiellement techniques : nous suivons l'évolution des prix à tous les stades du cycle de vie des produits - production, transformations successives, jusqu'à la commercialisation au détail.

Une autre particularité de l'observatoire est d'avoir à sa tête un universitaire.

Pour remplir nos missions, nous disposons d'un outil statistique de grande qualité. Nous pouvons suivre les prix aux différents stades de la vie des produits puis, par exemple, reconstituer, tous les mois, le prix d'une carcasse de viande bovine au stade de la consommation. En outre, nous analysons les coûts de production des différents systèmes de production agricole, ce qui nous permet d'appréhender la totalité du parcours des produits. Dans notre dernier rapport figure ainsi une analyse du chemin emprunté par chaque euro dépensé par un ménage en alimentation.

Notre comité de pilotage est secondé par des groupes de travail spécialisés par filière, et ouverts à l'ensemble des parties prenantes. Nous couvrons ainsi la viande bovine et porcine, la viande et le lait de mouton, les caprins - le lait de chèvre pose quelques problèmes , la volaille, les produits laitiers et les fruits et légumes. Nous espérons ajouter à notre prochain rapport le suivi de l'ensemble des produits aquatiques ; nous travaillons en outre sur les céréales et les pâtes alimentaires.

L'observatoire est une structure très légère. Elle n'est dotée que de 5 agents équivalents temps plein (ETP). Nous bénéficions du travail statistique du ministère de l'agriculture et de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), et de la contribution des instituts techniques professionnels. Nous ne coûtons donc pas grand-chose au contribuable : nous faisons la synthèse des données existantes ou produites par les fédérations professionnelles. Ainsi l'analyse relative aux marges nettes de la grande distribution figurant dans le rapport 2012 n'a été réalisable que grâce à la contribution des sept grands groupes de ce secteur.

L'observatoire a vu le jour à l'automne 2010, en pleine crise de la viande bovine. J'avais alors été auditionné au Sénat, avant que l'observatoire ne rende un rapport en urgence. Un autre rapport a été rendu en 2012. D'ici à l'expiration de mon mandat, à l'automne 2013, nous aurons publié un troisième rapport. L'avenir de notre structure dépend du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ainsi que de celui de la consommation.

L'évolution des marges brutes et nettes est marquée par le contexte agricole dans lequel évoluent les acteurs économiques. Notre rapport pour 2012 contient toutes les données relatives aux marges brutes et nettes. Nous pouvons calculer le prix au détail d'une carcasse de vache moyenne, c'est-à-dire un mélange fictif entre une race laitière et une race allaitante. Nous analysons les évolutions du prix de la carcasse, les marges brutes de la première et de la deuxième transformation, les marges brutes de la troisième transformation et de la distribution. Ces deux dernières années, la situation a été difficile, surtout pour les viandes blanches, mais aussi pour les systèmes allaitants, essentiellement à cause de la hausse des coûts de l'alimentation du bétail. C'est le résultat de trois crises majeures survenues en cinq ans sur les marchés des céréales et du soja. Gardez à l'esprit que la production d'un porc nécessite trois mois d'engraissement à base de maïs et de soja, et qu'une volaille doit être nourrie pendant 45 jours... L'été dernier, les prix des céréales ont été portés à la hausse par la sécheresse historique survenue aux États-Unis, ainsi que par l'insuffisance de précipitations dans la région de la mer Noire. Le prix du blé atteint aujourd'hui 240 euros la tonne, contre la moitié en 2009. Quant au boisseau de soja, il vaut aujourd'hui environ 12 dollars, contre 5 ou 6 dollars en temps normal. Les variations de prix sont plus ou moins sensibles selon les filières. En 2011, l'impact de ces évolutions a été amorti par la hausse du prix de la viande bovine et porcine. Depuis, le marché du porc s'est retourné.

En matière de coûts de production, nous analysons les données annuelles, car les données mensuelles n'ont pas beaucoup de sens. Nous suivons néanmoins les variations des marchés au jour le jour.

Grâce aux données fournies par les industriels, nous avons pu ventiler les marges selon les niveaux de transformation des produits. En 2011, nous ne pouvions calculer qu'une marge agrégée industrie-distribution. C'était insuffisant. Nous avons isolé ces deux éléments. Un problème se pose toutefois dans la viande bovine, car le distributeur peut être également transformateur, comme c'est le cas des rayons boucheries des grandes surfaces. Les métiers s'interpénètrent. Comment savoir si une barquette de viande a été conditionnée sur place ou par l'industrie, ce que les professionnels nomment une unité de vente consommateur fabriquée chez l'industriel (UVCI) ?

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