Intervention de Jean-Michel Serre

Mission commune d'information sur la filière viande en France et en Europe — Réunion du 15 mai 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Michel Serre président et Mme Caroline Tailleur chargée de mission — Fédération nationale porcinefnp

Jean-Michel Serre, président de la Fédération nationale porcine :

L'étiquetage des viandes nous tient à coeur. Nous avons signé en 2010 avec les acteurs de la filière porcine un accord volontaire sur l'identification de l'origine de la viande de porc vendue fraîche ou dans des produits transformés : ces derniers représentent 75 % des débouchés de la production porcine, il ne suffit donc pas de parler de la viande fraîche. L'interprofession porcine, Inaporc, a décidé d'accompagner le financement de la promotion de la viande porcine française. Nous fonctionnons avec des cotisations volontaires et non obligatoires, ce qui est rare pour une interprofession, et nous autorise à financer une campagne de promotion de la « viande française » sans que Bruxelles n'intervienne. En début d'année, 40 % des références et 60 % de l'ensemble des produits de charcuteries étaient concernés par l'identification VPF (viande de porc française). Nous avons décidé de faire un effort pour que l'origine soit mieux identifiée, afin d'améliorer ce pourcentage.

Au sein du Comité des organisations professionnelles agricoles européennes (COPA-COGECA), nous n'avons jamais su trouver un accord entre producteurs et coopératives : les pays fortement exportateurs ne sont pas favorables à une identification du pays d'origine. Les Danois couvrent 600 % de leurs besoins, les Belges 250 % : ils sont favorables au statu quo défendu par la Commission européenne. Nous souhaitons au moins pouvoir indiquer « viande porcine française ». La mention « transformé en France » nous agace : elle trompe le consommateur. L'accord signé en 2010 est bon, il faut le faire vivre. Les distributeurs sont signataires de l'accord. Ils collectent 50 % des cotisations interprofessionnelles. Ils devraient contribuer davantage à mettre en évidence l'origine française ; il semble en particulier que le logo ne soit pas très parlant. Nous leur demandons d'identifier les produits français dans l'organisation de leurs rayonnages de manière durable. Un accord européen nous comblerait, mais il reste hypothétique : nous avons donc pris les devants.

La filière porcine est en mauvaise santé depuis cinq ans : depuis que le prix des aliments pour animaux a considérablement augmenté, malgré une baisse en 2009-2010. Les éleveurs français sont compétents, mais ils ont perdu en compétitivité. Le secteur abattage-découpe souffre, comme le secteur industriel. Les éleveurs porcins sont à 95 % organisés en groupements de producteurs, sans que cela suffise à nous rendre compétitif en Europe. Depuis sept ou huit ans, de nombreux regroupements ont eu lieu, mais sans restructuration : jusqu'en 2011 la production est restée stable, car la productivité des élevages s'est améliorée mais le nombre de truies à baissé. En 2012 la production a baissé de 2,5 %, et une baisse de 4 % est attendue pour 2013. La baisse sera sans doute aggravée par les mises aux normes obligatoires au nom du bien-être animal. Les tailles des élevages sont faibles : 200 truies en moyenne. Ce chiffre est comparable en Allemagne, mais avec des disparités considérables entre les anciens et les nouveaux Länder. Les Allemands parviendront cependant à maintenir leur production tout en effectuant la mise aux normes de leurs élevages. Au Danemark la taille moyenne des exploitations est de 600 truies par élevage, avec un objectif de mille élevages de mille truies. Le Danemark produit 29 millions de porcs et de porcelets. En France, nous en sommes à moins de 24 millions : nous perdons pied. En Espagne, la moyenne est de 700 truies par élevage, et aux Pays-Bas elle est de 350. Nous ne sommes pas obsédés par la taille mais la réglementation française est très pénalisante : à partir de 450 places de porcs charcutiers ou équivalents il faut passer par une procédure lourde d'enquête publique pour créer ou agrandir les installations, ce qui n'a pas son pareil pour animer les mouvements qui nous sont hostiles. La procédure est longue, coûteuse et décourageante. Le manque de restructuration qui en résulte est grave car les investissements suscitées par une restructuration améliorent la qualité environnementale, la performance énergétique, la compétitivité...

Le ministre de l'agriculture a réuni les acteurs de la filière porcine le 30 octobre dernier. Les conclusions qu'il a présentées le 15 avril préconisent de revenir à une production de 25 millions de porcs par an en France. A défaut d'alignement des règles relatives aux installations classées sur les seuils européens, un système d'enregistrement devrait être mis en place pour les élevages entre 450 et 2 000 places. Nous avons beaucoup discuté : cela semble un bon compromis, dans la mesure où le pouvoir des préfets sera encadré. Nous ne demandons aucune concession sur l'environnement, mais l'enquête publique est souvent un véritable défouloir, qui rend la situation invivable, en particulier dans certains départements comme la Saône-et-Loire. Dans mon département, la Somme, je n'ai pas de problèmes, mais dans le Pas-de-Calais c'est plus compliqué. La proposition du ministre nous intéresse, mais elle doit être mise en oeuvre rapidement, pour redonner l'envie d'investir. Les producteurs ont effectué les mises aux normes de bien-être des truies a minima, car la conjoncture était mauvaise, mais aussi car le traitement des dossiers d'extensions d'élevages aurait été trop complexe. C'est une occasion ratée de moderniser les élevages.

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