Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 26 janvier 2006 à 9h45
Retour à l'emploi — Article 10

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

Il souffle sur ce paragraphe I bis ajouté par l'Assemblée nationale au texte initial un vent d'optimisme que nous ne pouvons manquer de souligner.

L'article L. 262-33-1 du code de l'action sociale et des familles commence ainsi : « Lorsqu'il apparaît, au cours d'un contrôle accompli dans l'entreprise par l'un des agents de contrôle mentionnés à l'article L. 325-1 du code du travail... »

Cette rédaction témoigne de la ferme conviction que des contrôles en entreprise sont effectués, continueront à l'être et seront peut-être même développés par un corps d'inspecteurs et de contrôleurs du travail que l'on imagine de plus en plus pléthorique. C'est du moins le souhait qui sous-tend cet article.

Je rappelle que les 155 postes mis au concours pour 2006 annoncés par le ministre ne font que couvrir le déficit des années précédentes, qui est dû au report des dates de concours. Par ailleurs, comme d'habitude, cette annonce n'a pas été suivie d'effets financiers, ni même d'un projet de chiffrage.

Une autre question qui n'est pas anodine se pose. Ces nouveaux agents seront-ils affectés au contrôle sur le terrain ou bien se consacreront-ils à ce que le ministre appelle des enjeux nationaux et locaux, comme l'animation du dialogue dans les branches, les entreprises et les territoires ?

Si j'aborde le problème par ce biais, c'est parce que nous voyons se dessiner une réforme en profondeur de la fonction de l'inspection du travail, sans que cela soit jamais mentionné explicitement.

Déjà aujourd'hui, les agents sont mobilisés autour de la recherche de travailleurs clandestins, que l'on présume le plus souvent étrangers, bien entendu. J'ouvre ici une parenthèse pour souligner que les statistiques sont formelles : le travail clandestin, dissimulé ou illégal - peu importe le nom qu'on lui donne -, est très largement le fait de citoyens de nationalité française.

Or la mission première du corps de contrôle est de faire respecter le droit du travail dans les entreprises. Dans le cadre du travail dissimulé, selon le code du travail, c'est d'ailleurs l'optique qui prévaut, puisque le salarié est d'abord considéré comme une victime et l'employeur comme le délinquant.

Avec ce paragraphe I bis, nous assistons donc à une double dérive, qui touche non seulement le rôle de l'inspection du travail, mais aussi, plus formellement, le salarié victime de travail dissimulé. C'est, en effet, méconnaître la situation des allocataires de minima sociaux qui, souvent, ont encore moins que d'autres le choix, s'ils veulent travailler.

Proposer la transmission d'informations et le croisement des fichiers, en vue de prendre des sanctions d'une extraordinaire sévérité, particulièrement en direction de gens qui sont en difficulté, est une mesure de stigmatisation dont on aurait pu se passer !

Sur le plan pratique, on peut également s'interroger sur le véritable intérêt de cette mesure. En effet, la plupart des salariés qui retrouvent un emploi après avoir bénéficié de minima sociaux ont un contrat aidé, parce que c'est d'abord l'intérêt de leur employeur, qui bénéficie ainsi d'aides substantielles. Il est également de l'intérêt des allocataires d'être déclarés, s'ils veulent bénéficier du dispositif d'intéressement. C'est même automatique aux termes de cette procédure.

Ce paragraphe ne semble donc viser que les fraudeurs conscients. Or, pour eux, des dispositions pénales relatives à l'escroquerie, dont l'application se justifie pleinement, existent déjà.

C'est pourquoi le paragraphe I bis de l'article 10 est, à notre sens, tout à fait superflu. Nous en demandons, par conséquent, la suppression.

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