Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 26 janvier 2006 à 9h45
Retour à l'emploi — Article 10 bis, amendements 53 54 55 10

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

Madame la présidente, avec votre autorisation, je défendrai en même temps les amendements n° 53, 54 et 55, qui relèvent de la même logique puisqu'ils visent à supprimer trois articles analogues, les articles 10 bis, 10 ter et 10 quater, ajoutés au texte initial par amendement du rapporteur à l'Assemblée nationale. Je note d'ailleurs que le texte initial du Gouvernement n'était pas aussi violent que celui qui nous arrive de l'Assemblée nationale, mais cela est peut-être concerté.

Nous sommes en présence de la création d'une nouvelle sanction pénale sous la forme d'une amende de 4 000 euros, qui double en cas de récidive, et d'une pénalité administrative de 3 000 euros.

Il est bien évident que des contrôles sont indispensables et qu'ils doivent être faits avec sérieux. Ils existent déjà et sont réalisés notamment par les caisses d'allocations familiales. Ils font apparaître un niveau de fraude extrêmement faible, ce qui est logique si l'on veut bien admettre que nos concitoyens ne sont pas chômeurs de longue durée et allocataires de minima sociaux par plaisir.

Nous ne croyons pas, comme le font nos collègues Michel Mercier et Henri de Raincourt dans leur fort intéressant rapport, que remettre en cause la qualité de ces contrôles soit un élément positif dans le débat, surtout si l'on observe que les moyens dont disposent les CAF sont réduits par les choix budgétaires du Gouvernement.

L'augmentation du nombre des contrôles implique que les institutions et les organismes qui y procèdent y consacrent davantage de moyens. Je crois que nous ne devons pas négliger ce paramètre.

Mais ces articles posent des problèmes d'une autre ampleur. Tout d'abord, sont-ils applicables ?

Ces mesures témoignent d'une méconnaissance, ou peut-être d'une volonté de méconnaissance, de la situation réelle des allocataires de minima sociaux. Comme nous l'a dit un représentant d'une grande association, « ces personnes se demandent à partir du 10 du mois comment elles vont manger jusqu'à la fin du mois. S'il n'y avait pas la banque alimentaire et les Restos du coeur, on ne sait pas ce qui se passerait ».

Les allocataires de minima sociaux sont en situation de nécessité de manière quasi permanente, parce que le niveau des allocations qui leur sont servies ne leur permet pas de couvrir les besoins en nourriture, logement, habillement et transport. Je parle là des besoins de base, sans même citer l'aide à l'éducation des enfants - comment acquérir un ordinateur ? - ou les loisirs.

Il arrive donc, et nous le savons tous, que les allocataires de minima sociaux acceptent de temps à autre un petit boulot au noir ou qu'ils « oublient » de se précipiter auprès de l'organisme payeur pour signaler qu'ils ont retrouvé un travail à temps très partiel, ce qui leur permettra de « gratter » un mois de RMI, par exemple. Cela démontre d'ailleurs que le présent projet de loi est incomplet et qu'il aurait fallu attendre le rapport de Mme Létard, car nous sommes là en plein dans le problème des droits connexes.

Bien sûr, cette attitude ne peut être approuvée, et nous devons dès lors tout faire afin de récupérer les indus, pour les finances publiques, dont nous sommes responsables, et pour nos concitoyens qui sont dans le contexte difficile dans lequel nous vivons.

Or, récupérer les indus, nous le savons tous d'expérience, n'est pas facile. Combien d'allocataires sont capables de rembourser, alors que les sommes frauduleusement acquises, c'est indéniable, ont déjà été dépensées pour couvrir les besoins familiaux ?

Comment va-t-on parvenir à percevoir des sommes de 3 000 ou de 4 000 euros, voire de 8 000 euros, qui représentent pour les allocataires une véritable fortune et qui excèdent largement le bénéfice qu'ils auront réalisé ?

Les sanctions que vous proposez sont tout à fait inapplicables et disproportionnées. J'oserai dire que ces amendes constituent une condamnation à très long terme. En effet, soit nous nous trouvons en présence de fraudes de petite ampleur, qui justifient une récupération des indus et éventuellement une sortie du bénéfice de l'allocation, soit nous nous trouvons devant une véritable escroquerie organisée, parfois en réseau, et l'application des sanctions pénales se justifie alors pleinement, puisque des ressources destinées à l'exercice de la solidarité sont frauduleusement captées.

À quoi servent donc ces articles nouveaux ? Nous voyons deux objectifs majeurs.

Le premier objectif est, bien sûr, de réaliser des économies sur les budgets sociaux. Le second objectif, dans un contexte de chômage, de précarité et de bas salaires, consiste à envoyer un signal à tous les Français modestes qui peinent à vivre des ressources de leur travail. Ce signal, c'est que l'on va remettre au travail tous ces gens qui sont supposés se complaire dans l'inactivité et l'assistance, ce qui est complètement faux !

On divise en quelque sorte les victimes d'une politique de régression sociale pour, sans améliorer le sort des salariés, aggraver celui des chômeurs de longue durée. On ajoute la stigmatisation à la misère, tout en sachant pertinemment que l'on ne parviendra jamais à obtenir des allocataires de minima sociaux des sommes aussi importantes.

Comme le reste du texte qui nous est parvenu de l'Assemblée nationale, madame la ministre, on est là dans un effet d'annonce. C'est pourquoi nous demandons la suppression de ces trois articles.

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