Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 26 janvier 2006 à 9h45
Retour à l'emploi — Article 10 bis, amendements 76 77 78 10

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

La défense de l'amendement n° 76 vaudra également, si vous le voulez bien, madame la présidente, pour les amendements n° 77 et 78 puisque les articles 10 bis, 10 ter, et 10 quater sont la déclinaison d'un même principe.

Ces trois articles créent deux catégories de sanctions pour chacune des allocations de minima sociaux. Introduits par le rapporteur, M. Wauquiez, à l'Assemblée nationale, ils visent une fois encore à mener la chasse aux fraudeurs tout en poursuivant votre projet d'uniformisation des minima sociaux. Rappelons, car la répétition n'est jamais inutile du point de vue pédagogique, que les fraudeurs ne représentent selon les statistiques que de 0, 008 % à 0, 04 % du nombre des allocataires, c'est-à-dire 0 %. Les propos tenus par le rapporteur à l'Assemblée nationale et retenus par cette dernière sont donc avant tout des propos politiques qui visent à stigmatiser une catégorie de nos concitoyens.

Ces articles visent à mettre en place un dispositif de sanctions pénales en cas de fraude aux trois allocations, l'API, l'allocation de parent isolé, l'ASS, l'allocation de solidarité spécifique, et le RMI, ainsi qu'à autoriser le président du conseil général à prononcer une amende administrative en cas de fausse déclaration.

Les sanctions du premier type s'élèvent à 4 000 euros et peuvent être doublées en cas de récidive. Les sanctions du second type, ce qui est une nouveauté, sont destinées à punir « l'inexactitude ou le caractère incomplet » des déclarations faites en demande d'ouverture de droit aux allocations, ainsi que l'absence de communication d'un changement de situation du titulaire.

Cette multiplication des procédures de sanction n'est pas justifiée et reste dans tous les cas disproportionnée. Quelle est la crédibilité d'une sanction pour fraude qui représente près de dix fois le montant mensuel du RMI pour une personne seule et celle d'une amende administrative pouvant atteindre sept fois ce même montant ?

La population des bénéficiaires du RMI est déjà la plus contrôlée. Dans mon département, les Hauts-de-Seine, sur 28 106 allocataires du RMI, 24 310 contrôles ont été effectués. La machine tourne à fond, et je ne doute pas, monsieur Mercier, qu'elle tourne également à fond dans le département du Rhône !

Toutes les enquêtes estiment à moins de 1 % - et de loin, comme je viens de le rappeler - la part des fraudes dans l'attribution des allocations sociales. Pourquoi dès lors un tel acharnement de la part de ce gouvernement et une telle médiatisation politicienne ?

Par ailleurs, ces articles impliquent de fait les services sociaux dans des missions de contrôle et de répression. Il est à craindre que, suivant les velléités des présidents des conseils généraux, les contrôles ne se multiplient encore, ainsi que les radiations, au détriment des missions premières des services sociaux.

Les travailleurs sociaux seront ainsi chargés d'instruire les demandes d'allocation et de détecter l'inexactitude et le caractère incomplet, ou présumé incomplet, des déclarations.

Ce détournement du travail des services sociaux vers des actions de contrôle en vue de radiation est une dérive que l'on connaît déjà aujourd'hui. Elle est dénoncée actuellement par les employés des services des ASSEDIC, qui, mardi 24 janvier, ont manifesté devant le ministère du travail. Ces employés dénoncent l'augmentation de la pression pesant déjà sur eux pour les obliger à augmenter le nombre de contrôles et à opérer un nombre plus important de radiations.

Cette même dérive se constate déjà dans certains départements français, où les présidents des conseils généraux trouvent une sortie à leur impasse de financement par l'augmentation des radiations, alors qu'ils feraient mieux de réclamer le remboursement à l'euro près !

De telles dispositions sont intolérables : l'orientation du texte est en totale opposition avec le rôle d'interlocuteur de proximité et de soutien aux personnes fragilisées normalement dévolu aux services sociaux.

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