Modifié à l'Assemblée nationale, soit à votre initiative, soit avec votre accord, ou après un avis de sagesse, ce texte doit jeter les bases de l'université de demain et placer l'enseignement supérieur et la recherche au coeur de la société du XXIe siècle. L'enjeu principal est la réussite de tous les étudiants : il s'agit d'être attentif à leur accueil puis à leur orientation progressive, d'expérimenter des voies nouvelles privilégiant la réussite à moyen et long terme plutôt que la sélection par l'échec, de veiller à la démocratisation et à l'attractivité pour les étudiants de toute origine. Enfin, l'attention portée à l'accueil des étudiants étrangers bénéficiera aussi aux étudiants français.
Ces orientations emportent l'adhésion du plus grand nombre au Sénat. Certains points suscitent cependant des réserves, des craintes, voire des oppositions. Des signes d'inquiétude remontent au sujet du mode de gouvernance et du statut juridique des regroupements des communautés d'universités. Comment les concevez-vous ? Quels sont leurs objectifs ? Quelles garanties de souplesse apportez-vous en ce qui concerne l'adhésion, la représentation, la subsidiarité des délégations de compétences ? Nos interlocuteurs, s'ils se sont emparés de ces sujets, n'ont pas le même niveau d'information.
Autre sujet d'inquiétude, le transfert et la valorisation. Beaucoup d'universitaires qui n'ont pas une pratique de recherche, se demandent comment s'investir dans une activité de transfert, avec quels outils et dans quel contexte. S'agit-il d'une obligation nouvelle, ou d'une orientation culturelle ?
Je ne suis pas pleinement convaincue que le transfert de l'évaluation au Haut conseil soit moins endogamique qu'au sein de l'AERES, d'autant que celle-ci a beaucoup évolué. En revanche, la perte d'expérience et de capacité d'évolution dont a fait preuve l'AERES pourrait être d'autant plus regrettable que celle-ci avait accru son rayonnement et sa crédibilité au fil des ans. Je ne partage pas votre optimisme sur la possibilité de retrouver une accréditation européenne en quelques semaines. Cela vaut d'y réfléchir à l'abri des féroces luttes d'influence qui se sont cristallisées sur ce sujet.
Vous avez rappelé que le texte n'est pas une loi de programmation. Malgré les garanties que vous avez obtenues, les inquiétudes sur les moyens persistent. Certains critiquent l'absence de vraie rupture avec la LRU ; d'autres craignent que le processus d'accréditation fragilise l'égalité de l'offre sur le territoire ; le texte marquerait une régression en imposant un modèle unique, en recentralisant le système et en accumulant les contraintes administratives ; la dyarchie pourrait être source de blocages institutionnels ; les regroupements universités pourraient tomber entre les mains des collectivités territoriales ; l'inscription des transferts parmi les missions du service public de l'ESR suscite une forte opposition ; la disparition de masters suscite des craintes auxquelles il faut répondre ; certains s'opposent à la distinction entre le master et le grade de master ; enfin, la légalisation des cours en langue étrangère condamnerait la francophonie et le rayonnement universitaire de la France.
Pour devenir un grand texte, ne manque-t-il pas à ce projet un article sinon une annexe, qui préciserait le rôle que vous conférez à l'enseignement supérieur et à la recherche pour les vingt à trente années qui viennent ? Accroître les connaissances au bénéfice du redressement de la France, diffuser la culture scientifique, technologique et industrielle, valoriser les résultats de la recherche au service de la société à travers l'innovation, appuyer les politiques publiques pour répondre aux défis de notre époque, voilà qui inscrirait votre loi et l'université au coeur des besoins sociétaux de développement durable et de participation citoyenne.