Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 26 janvier 2006 à 9h45
Retour à l'emploi — Article 13

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

L'article 13 du présent projet de loi supprime la limitation du nombre de renouvellements du contrat d'avenir, dans une durée maximale de 36 mois. Il permet donc à un salarié embauché dans ce cadre d'occuper successivement plusieurs emplois de six mois.

Lors des débats relatifs au projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, nous avons eu l'occasion de mettre en doute l'efficacité de tels contrats, qui confinent dans la précarité les bénéficiaires de minima sociaux. En particulier, nous avons dénoncé la dérive libérale du Gouvernement dans le traitement de l'emploi.

En effet, en contrepartie des minima sociaux qu'ils percevront, les allocataires seront redevables d'une activité ou de travaux au profit de la collectivité. La pratique connue dans les pays anglo-saxons sous le vocable de workfare se trouve ainsi transposée en France. Au passage, vous rompez l'équilibre entre le droit au revenu et l'implication effective dans une démarche d'insertion.

Madame la ministre, si votre prédécesseur chargé initialement de ce dossier, ou vous-même qui le portez aujourd'hui, aviez eu vraiment la volonté de permettre aux titulaires de minima sociaux de devenir autonomes et d'échapper à toute forme d'exclusion, vous auriez choisi d'autres voies pour les intégrer dans la vie économique et sociale.

Or la convention de contrat d'avenir, en elle-même, ne prévoit pas de mesures impératives d'accompagnement, pas plus qu'elle ne se fonde sur les souhaits ou les motivations de la personne concernée, dont elle est pourtant censée définir le projet professionnel !

Avec le contrat d'avenir, l'État se désengage totalement de la gestion de la politique de réinsertion au profit des communes, sous prétexte d'apporter une réponse de proximité - l'air est connu ! -, tout en sachant très bien que celles-ci ne disposent pas des moyens humains, matériels et financiers nécessaires pour remplir leur mission et suivre les intéressés.

En ce qui concerne plus spécifiquement la durée des contrats, lorsque nous avons créé le contrat d'avenir, nous nous étions déjà demandé si un même travailleur pouvait enchaîner dans ce cadre plusieurs emplois de courte durée, pendant au plus 36 mois. Or cette éventualité avait été écartée. Par qui ? Le devinerez-vous ? Par le Gouvernement, qui avait d'ailleurs présenté force arguments en ce sens !

Madame la ministre, pourquoi un tel revirement ? Pour ma part, je défends la position que j'ai toujours soutenue : que nous le voulions ou non, une succession de plusieurs emplois de courte durée accroît la précarité du travailleur.

Alors que l'intégration sociale, professionnelle et familiale passe largement par la possibilité d'une projection dans le temps, une suite de contrats de six mois maintiendra le salarié dans un entre-deux des plus inconfortables.

Cette nouvelle disposition est à l'image de votre politique de l'emploi : vous multipliez les statuts intermédiaires entre le chômage, l'inactivité et l'emploi, mais toujours au détriment de ce dernier.

C'est pourquoi nous demandons, par cet amendement, la suppression de l'article 13, qui, dans tous les cas, ne rendra pas le dispositif des contrats d'avenir plus attrayant, et j'aurai l'occasion d'y revenir lors de l'examen de l'article 14.

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