Intervention de Jean-Pierre Bel

Réunion du 11 juin 2013 à 14h30
Hommage à pierre mauroy

Photo de Jean-Pierre BelJean-Pierre Bel, président :

Monsieur le Premier ministre, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, la disparition de Pierre Mauroy a soulevé une profonde émotion.

En ce moment, devant la Haute Assemblée, je veux m’incliner devant la mémoire de l’homme d’État, saluer le militant, rendre hommage à l’homme, à sa générosité, à son humanisme.

Pierre Mauroy était d’abord un homme de cœur, d’engagement et de fidélité ; une fidélité à l’idéal et une volonté inébranlable de changer la vie.

Pierre Mauroy, chacun ici comprendra que j’y fasse référence, c’est, dès le début, l’engagement dans la famille socialiste. Pour lui, fils d’instituteur, issu d’une lignée de bûcherons journaliers et de mineurs, élevé dans les valeurs d’humilité et de partage, l’engagement à gauche est une évidence.

Il grandit dans le Cambrésis, en découvrant « la vie et ses injustices, au milieu du monde ouvrier ».

Porté par les figures qu’il admire le plus – Léo Lagrange, Léon Blum, Jean Zay –, il adhère aux Jeunesses socialistes.

Élu député du Nord et maire de Lille en 1973, il puise dans l’exemple de Roger Salengro, figure du Front populaire, le courage et l’énergie nécessaires pour accomplir sa tâche.

Pierre Mauroy, c’est aussi la fidélité à Lille et au Nord.

Lui qui venait de la campagne, il voulait transformer sa ville. Il en a fait une grande métropole.

Idéaliste et pragmatique, devenant Premier ministre de François Mitterrand, il met en œuvre la même volonté de transformation de la société, à partir d’« un programme dont le contenu explore le possible ».

« L’économie, » disait-il, « doit se faire à la mesure de l’homme et pour l’homme. »

« On peut être homme d’État et demeurer homme du peuple », disait à son propos, ce matin aux Invalides, le Président de la République.

C’est vrai qu’il aimait utiliser ces mots auxquels il tenait : le peuple, les travailleurs, la classe ouvrière…

En trois ans, il conduit des réformes fondatrices pour les droits et libertés des citoyens – l’abolition de la peine de mort et la libération des ondes –, des avancées sociales, avec la cinquième semaine de congés payés, les 39 heures, la retraite à 60 ans et les nouveaux droits des salariés.

Attentif à la situation des femmes, il crée un ministère des droits de la femme et met en œuvre le remboursement de l’IVG.

Parmi les nombreuses réformes qu’il a menées en tant que Premier ministre, il était particulièrement fier des lois de décentralisation.

Ces lois ont posé les fondements d’une nouvelle citoyenneté. Elles ont donné lieu à une véritable révolution silencieuse.

« Une France responsable, » expliquait Pierre Mauroy dans sa déclaration de politique générale du 8 juillet 1981, « c’est aussi un pays qui doit désormais enraciner l’unité de la République dans la diversité et la responsabilité de ses collectivités locales. »

Ce mouvement a rapproché le pouvoir des citoyens. Il a en quelque sorte permis à ceux-ci, ainsi qu’aux territoires, de prendre leur destin en main.

Trente ans après les lois de décentralisation, notre cohésion nationale repose également sur ces communautés concrètes que sont les collectivités territoriales et sur les services publics de proximité dont elles assurent la pérennité.

La décentralisation est progressivement devenue un héritage républicain, inscrit depuis 2003 dans notre Constitution.

Pierre Mauroy fut sénateur pendant près de vingt ans, de 1992 à 2011. Il avait en permanence le souci de la vérité, de la réalité, de la subtilité et de la nuance.

Il a achevé son mandat au moment où le Sénat a connu l’alternance.

Auparavant, pendant sept ans, j’ai présidé le groupe auquel il appartenait. Je garde de cette période le souvenir de longs moments passés à parler ensemble, des moments précieux au cours desquels j’ai pu mesurer les qualités d’un homme qui incarnait à lui seul une partie de l’histoire de notre pays.

À l’estime, à l’admiration que lui portaient ceux qui, ici, le côtoyaient, se sont ajoutées une grande proximité et même, oserais-je dire, de l’affection.

Courtois, épris de modernité, visionnaire, Pierre Mauroy était un homme pour lequel nulle aventure ne vaut si elle n’est pas collective.

Il était aussi un orateur remarquable : chacun ici se souvient de sa dernière intervention en séance publique pour défendre notre système de retraite, « cette ligne de vie, cette ligne de combat » pour les salariés usés par des travaux pénibles.

La densité de ses réformes et son parcours politique exceptionnel ont fait de lui l’incarnation des valeurs de progrès et de justice sociale.

Il voulait beaucoup pour les autres ; quant à nous, il nous demandait d’être les « héritiers de l’avenir ».

La politique était aussi, pour Pierre Mauroy, une recherche du bonheur partagé.

« L’essentiel est de semer les bonnes graines, que l’on soit encore au pouvoir au moment de la récolte n’a aucune importance. Les hommes passent avec le reste. Les justes causes, elles, ne meurent jamais », écrivait-il.

Non, l’œuvre de Pierre Mauroy ne s’en ira pas.

J’adresse à son épouse Gilberte et à sa famille, en mon nom personnel, en votre nom à tous, notre amitié et notre plus profonde sympathie.

Monsieur le Premier ministre, je vous donne la parole.

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