Intervention de Stéphane Mazars

Réunion du 11 juin 2013 à 14h30
Débat sur les déserts médicaux

Photo de Stéphane MazarsStéphane Mazars :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le diagnostic est connu et partagé : certains de nos territoires sont véritablement malades de l’absence de médecins. Dans l’Aveyron, mon département, plusieurs bassins de vie accusent une faible densité médicale : je pense à de petites villes comme Mur-de-Barrez ou Bozouls, au nord du département, mais aussi à des territoires beaucoup plus importants et peuplés, comme Espalion, Saint-Affrique ou encore Decazeville.

De surcroît, les perspectives d’évolution sont particulièrement inquiétantes : plus de la moitié des médecins qui exercent en Aveyron ont plus de 55 ans et, dans la plupart des cas, la relève n’est pas assurée, en particulier pour ce qui concerne les secteurs ruraux.

Madame la ministre, après avoir posé un tel diagnostic, reste à rédiger l’ordonnance. C’est sans doute le plus difficile, car si l’objectif de la « santé pour tous » fait l’unanimité, il n’en va pas de même des moyens à mettre en œuvre pour l’atteindre.

Bien sûr, certaines pistes font consensus : stage de médecine générale obligatoire pendant les études, transfert de missions vers d’autres professionnels de santé, notamment paramédicaux, exercice regroupé, développement du salariat, promotion de la télémédecine, etc. Ces mesures consensuelles sont d’ailleurs, pour la plupart, d’ores et déjà incluses dans le pacte territoire-santé que vous avez présenté en décembre dernier, madame la ministre.

Toutefois, au-delà de ces réponses pragmatiques et consensuelles, certains considèrent aujourd’hui qu’il faut réguler, voire contraindre, l’installation des médecins. Le rapport de notre collègue Hervé Maurey, dont je salue le travail approfondi, est à ce titre courageux : il préconise notamment d’étendre aux médecins le conventionnement sélectif, qui existe déjà pour d’autres professions de santé, et d’instaurer une obligation d’exercer en zone sous-dotée pendant deux ans à l’issue des études.

C’est vrai que la coercition est tentante. Combien de gouvernements, combien de ministres ne se sont pas lancés dans la mise en place de dispositifs seulement incitatifs, souvent onéreux, parfois redondants, et dont on attend encore les effets ? Pendant ce temps, l’activité des services départementaux d’incendie et de secours a progressé, en raison du manque de médecins, et ce aux frais des conseils généraux, tandis que les déserts médicaux ont continué à gagner du terrain.

L’idée d’instaurer une sorte de service médical n’est pas scandaleuse eu égard au coût de la formation des médecins et au fait que notre système collectif de sécurité sociale finance et solvabilise l’exercice médical. Néanmoins, il faut entendre les attentes des jeunes médecins qui s’installent dans nos territoires. Leurs préoccupations ne sont pas différentes de celles des autres jeunes actifs débutant leur parcours professionnel.

Instaurer une telle obligation n’est sans doute pas le meilleur moyen de susciter des vocations, notamment pour l’exercice libéral. Or nous avons besoin de praticiens libéraux : aujourd’hui, nombreux sont les jeunes médecins qui choisissent d’être salariés ou remplaçants plutôt que de s’installer et d’exercer directement leur métier. Dans l’Aveyron, la quasi-totalité des nouveaux inscrits à l’ordre en 2010, dont 57 % ont obtenu leur diplôme hors de France, ont fait ce choix.

Aussi, sans aller encore jusqu’à la coercition, ne pourrait-on pas conditionner l’installation en zone « surdotée » à un engagement du médecin à pratiquer les tarifs de l’assurance maladie ? De fait, les dépassements d’honoraires sont au moins autant responsables de la fracture sanitaire que l’inégale répartition des médecins sur le territoire. Madame la ministre, vous avez mené des discussions avec les médecins et obtenu une première avancée en ce sens ; il faut continuer et aller plus loin.

À ce stade, le Gouvernement entend donner toutes ses chances au dialogue et à l’incitation, en particulier à travers la création de praticiens territoriaux, la rémunération forfaitaire d’équipe ou le renforcement des hôpitaux de proximité, qui sont au cœur des territoires. Nous soutenons cette action, car le débat et la contractualisation sont toujours préférables à la contrainte. Évitons de trop stigmatiser les médecins : ils sont nombreux à agir quotidiennement, dans des conditions difficiles, avec compétence et un sens aigu de leur responsabilité. Essayons encore de convaincre les praticiens de demain !

Pour gagner ce pari, il faut créer une nouvelle organisation qui valorise les professionnels. Il faut également agir pour renforcer l’attractivité de nos territoires, en permettant le maintien de services publics locaux de qualité, en répondant aux besoins en matière de transports, de garde d’enfants, d’éducation, de logement ou de loisirs. Cela suppose une véritable mobilisation générale et une politique d’ensemble.

L’égalité pour tous en matière d’accès aux soins est consubstantielle du droit à la santé. Ni l’inertie ni l’inaction ne nous seront pardonnées. Nous voulons croire que les mesures proposées par le Gouvernement porteront leurs fruits. Si tel n’était pas le cas – nous devrons être sans complaisance quand l’heure sera venue de dresser le bilan –, nous ne pourrons sans doute plus faire l’économie de dispositions plus contraignantes. En attendant, nous comptons sur vous pour que les priorités du pacte territoire-santé soient mises en œuvre rapidement et pour que l’implication des acteurs soit bien au rendez-vous. §

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