Paris n’est d’ailleurs malheureusement pas un cas unique en l’espèce.
La présence au sein de l’hôpital de praticiens de thérapies non conventionnelles, dont la formation est généralement peu contrôlée par l’hôpital et dont les activités ne sont pas contrôlées par la hiérarchie, pose en soi question. Il est apparu à la commission d’enquête qu’un meilleur encadrement de ces pratiques à l’hôpital était plus que nécessaire, a fortiori parce qu’il existe des connexions évidentes entre ce qui se passe au sein de l’hôpital et les propositions faites aux malades après leur sortie.
Faut-il donner, en dehors de l’hôpital, un cadre aux pratiques non conventionnelles ? Les praticiens en cause le demandent. L’idée serait d’éviter ainsi tout risque de dérives. C’est, à notre sens, un leurre. L’encadrement de ces disciplines aurait une conséquence inévitable et, évidemment, non souhaitable : préserver l’activité lucrative des praticiens en les plaçant à l’abri du risque de dénonciation par la MIVILUDES.
Cette évolution permettrait aussi auxdits praticiens d’officialiser leur place aux côtés des professions paramédicales, éventuellement avec un statut spécifique les situant entre celles-ci et la médecine. Or nul n’est besoin de nouvelles disciplines et de nouvelles professions de santé. Les pratiques innovantes et efficaces, si elles existent, peuvent parfaitement être mises en œuvre par ceux qui ont été formés et exercent les professions selon les prescriptions du code de la santé publique.
J’en viens maintenant aux propositions qui, dans le domaine de la santé, concluent le rapport de la commission. Je me permettrai de renvoyer à la lecture du rapport pour celles que je ne pourrai pas développer ce soir et que n’aurait pas exposées notre rapporteur.
Plusieurs propositions concernent les pratiques thérapeutiques non conventionnelles, et d’abord pour les contrôler.
Il nous a semblé important, en vue de limiter le développement de ces pratiques à l’hôpital, de subordonner leur introduction dans les services à un avis favorable de la commission médicale d’établissement et de soumettre cet avis à une majorité renforcée. Le critère d’appréciation devrait être que les pratiques envisagées soient conformes aux données acquises de la science et qu’elles aient été préalablement expérimentées et évaluées.
La mise en place d’une procédure d’accréditation par la Haute Autorité de santé des praticiens mettant en œuvre à l’hôpital des thérapies non conventionnelles nous a également semblé de nature à garantir la qualité des pratiques admises dans les établissements. Cette accréditation permettrait notamment d’éviter les pratiques à risque et de s’assurer que les praticiens informeront bien les malades des limites des prises en charge qu’ils proposent.
Pour ce qui est des soins de ville, la commission a estimé nécessaire de rendre obligatoire la déclaration par les praticiens à l’Agence régionale de santé – ARS – de l’exercice éventuel de pratiques non conventionnelles et de mettre en place un suivi de ces pratiques par les ordres compétents.
Par ailleurs, il a paru souhaitable à la commission de mieux encadrer la formation des professionnels de santé à ces pratiques. Cette formation s’effectue souvent dans le cadre de diplômes universitaires. Or il n’y a ni recensement systématique de ces nombreux « DU » qui existent dans le domaine de la santé ni suivi de leur contenu. Cela fait l’objet de l’une de nos propositions ; j’espère que l’examen du projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche lui permettra d’aboutir.
Une autre proposition vise non pas le contrôle de ces pratiques, mais la limitation de leur influence à travers la prise en compte systématique du bien-être du patient dans les protocoles de soins et son intégration non seulement aux objectifs des personnels, mais aussi à l’enseignement universitaire. L’objectif est de lutter contre le sentiment de « déshumanisation » des soins médicaux, qui contribue au succès des pratiques non conventionnelles.
Ce point a été souligné à maintes reprises par les personnes que la commission d’enquête a auditionnées : le recours à ces pratiques est lié aux défaillances dans l’organisation des soins ou à un manque de dialogue avec les professionnels de santé, principalement les médecins. Plusieurs témoignages font état du manque de temps des médecins et d’une insuffisante prise en compte des besoins spécifiques de l’individu dans le cadre médical, quand il ne s’agit pas d’une certaine maladresse dans la communication d’un diagnostic inquiétant. Or les thérapies non conventionnelles se présentent comme centrées sur l’individu, avec pour priorité l’écoute du patient.
Dans cette logique, d’autres propositions visent à entourer de plus d’attention certains patients particulièrement fragiles.
La mise en place à l’hôpital de groupes de détection des patients susceptibles d’être victimes de dérives sectaires ou d’abandonner leurs soins pourrait se faire sur le modèle des actions mises en œuvre à l’égard des victimes de violences. L’idée serait de lutter contre l’interruption des soins en privilégiant le dialogue.
D’autres propositions encore ont pour objet de mieux encadrer l’activité des psychothérapeutes, en permettant aux ARS de suspendre immédiatement leur droit d’exercice dans un souci d’ordre public et de procéder au retrait de leur titre.
Pour finir, j’évoquerai la proposition à laquelle nous tenons probablement le plus : il s’agit de faire en sorte qu’un médecin radié de l’ordre ne puisse plus faire état de son titre de docteur en médecine, la même mesure devant s’étendre, en cas de radiation, aux docteurs en pharmacie et aux dentistes. Là encore, j’espère que la discussion du projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche permettra de donner suite à cette proposition.
Voilà, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le constat et les propositions que la commission d’enquête a pu formuler afin de limiter le risque de dérives thérapeutiques.
Notre système de soins est l’un des meilleurs au monde, même s’il est sans doute trop curatif et insuffisamment préventif. Il est ouvert à tous grâce à la prise en charge sociale. Il repose sur une médecine de qualité et une recherche de pointe. Cependant, ces atouts ne doivent pas faire oublier que l’humain est au cœur du soin. Face aux risques réels que peuvent présenter certaines pratiques non conventionnelles, il est du devoir des pouvoirs publics de protéger nos concitoyens. §