Séance en hémicycle du 11 juin 2013 à 22h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • conventionnelle
  • dérive
  • d’enquête
  • médecine
  • sectaire
  • thérapeutique

La séance

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La séance, suspendue à vingt heures vingt, est reprise à vingt-deux heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L’ordre du jour appelle le débat sur les conclusions de la commission d’enquête sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé, débat organisé à la demande de la commission d’enquête et du groupe RDSE.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre ordre du jour me procure une satisfaction particulière en ce qu’il me permet de revenir sur l'enquête que mes collègues et moi-même avons menée pendant six mois, d'octobre 2012 à mars 2013, et d'exposer les conclusions auxquelles, ensemble, nous sommes parvenus.

Ce soir, je voudrais remercier une nouvelle fois notre collègue Alain Milon, dont la présidence à la fois vigilante et sage a donné à nos travaux, audition après audition, réunion après réunion, un esprit d'ouverture et de courtoisie dont tous ceux qui ont participé à cette mission garderont un excellent souvenir. Par-delà ces qualités, quel meilleur choix que celui d'un médecin, que sa formation autorisait à rappeler, au fil des jours et des semaines, certaines vérités scientifiques quand cela était nécessaire à l'édification de la commission ?

Je veux aussi dire à quel point j'ai été impressionné par l'implication de tous les membres de la commission d’enquête et par la pertinence de leurs interventions au cours de nos nombreuses réunions. Le rapport que nous avons adopté le 2 avril dernier, à l'unanimité des commissaires présents, est le résultat d'un travail collectif, dans lequel j’inclus celui des collaborateurs que l’administration du Sénat avait mis à notre disposition.

Je crois pouvoir dire que nous avons tous vécu des moments forts, de l'audition des victimes, qui fut à plusieurs reprises très impressionnante, à celle de personnages parfois très inquiétants.

Notre commission d'enquête n'était pas une première au Parlement : l'Assemblée nationale a consacré au sujet des dérives sectaires trois rapports qui ont marqué les esprits. Je tiens donc aussi à saluer le travail accompli par nos prédécesseurs – nous en avons d'ailleurs auditionné certains au début de nos travaux.

Si mes collègues et moi-même n'étions pas des pionniers au Parlement, nous l'étions au Sénat puisque cette commission d'enquête était la première que la Haute Assemblée consacrait à un sujet lié aux dérives sectaires.

Nous tous, membres de cette commission, quelle que soit notre sensibilité, sommes attachés à la liberté de conscience et à la liberté d'expression. Simplement, nous avons considéré, au regard de nombreuses constatations que nous avions faites auparavant, que la santé était un domaine privilégié pour les dérives sectaires et que cela pouvait conduire à ce que la santé, précisément, d’un certain nombre de nos concitoyens se trouve mise en danger, aussi bien sur le plan mental que sur le plan physique.

Il est toujours simpliste de nous opposer l'approche anglo-saxonne. Du reste, de l'autre côté de l'Atlantique, on est capable de prononcer des sanctions extrêmement sévères à l’encontre de certaines dérives, selon un cheminement juridique différent du nôtre, mais avec une incontestable efficacité.

Ces dernières décennies, ce sont souvent les mouvements à caractère sectaire qui ont utilisé la lutte contre la vaccination, la transfusion ou la psychiatrie pour développer des méthodes que nous avons – avec d'autres – considérée comme dangereuses pour la liberté ainsi que pour l'équilibre et la santé de nos concitoyens.

Il est facile de surfer sur les peurs, surtout avec des maladies graves comme le cancer. Il est facile de promettre des guérisons par le verbe, la spiritualité, par des harmonisations, des purifications, l'utilisation de l'« énergie » ou de la physique quantique, par le retour à la nature…

Tous ces mots, toutes ces notions sont utilisés pour éliminer le « savoir » au profit du « croire ».

Nous avons relevé avec une certaine inquiétude l'introduction à l'hôpital, à titre de soins complémentaires, de pratiques telles que la fasciathérapie, d’autant qu’il nous est apparu que, depuis longtemps, aucune évaluation sérieuse, propre à justifier des pratiques de cette sorte, n’était ressortie d'une quelconque enquête.

De même, nous avons constaté avec regret qu’un rapport du Centre d'analyse stratégique du Premier ministre mettait en valeur le recours à certaines pratiques dans des conditions qui peuvent donner lieu à des utilisations regrettables. Selon moi, il serait bon de faire le nécessaire pour éviter ce genre d'errements.

Nous avons aussi constaté le laxisme de certains ordres professionnels.

Nous avons relevé l'utilisation d'Internet qui, ici comme ailleurs, a complètement changé les données du problème.

Nous avons également noté l’existence d’une certaine presse très axée sur la psychologie et vivant de l'engouement pour ces pratiques dites – à tort – « douces » ou « innovantes ».

Nous le savons tous ici, c'est la médecine qui, malgré ses imperfections et même certains errements, est innovante et en constant progrès. Elle a fait accomplir à notre société, à notre civilisation, des avancées considérables, que chacun, sans doute possible, est en mesure de constater.

On peut comprendre que des personnes malades, ou qui ont peur de le devenir, cherchent une écoute et des discours rassurants. C’est tout le problème de l'accueil dans les hôpitaux qui se trouve ainsi posé et il est vrai que la situation à cet égard est préoccupante. C’est au demeurant, de façon générale, le problème de la relation humaine : lorsqu'on apprend qu’on est malade, lorsqu’on est très inquiet, il est évident que la manière dont la relation humaine est gérée apparaît essentielle.

Voilà les raisons qui m'ont conduit à demander, au nom du groupe RDSE, la création de cette commission d'enquête que j'ai proposée dans le cadre du « droit de tirage » des groupes. M’étaient en outre parvenues, comme à d'autres, des informations sur l'existence de pratiques déguisées en soins et qui, sous couvert de promesses de guérison ou de bien-être, exploitent les peurs et les espoirs de certains de nos concitoyens pour leur extorquer de l'argent ou les entraîner dans des groupes à caractère sectaire.

Dans ce domaine des pratiques thérapeutiques extravagantes, les résultats de nos investigations ont même parfois dépassé ce que faisaient apparaître les messages d'alerte que nous avions reçus. Nous avons eu affaire à un immense marché de soins et, madame la ministre, la visite d'un « salon du bien-être » a laissé à ceux qui s’y étaient rendus un souvenir tout à fait impérissable.

Ces pratiques ont en commun d'être dénuées, le plus souvent, de tout fondement scientifique. Parfois, un substrat scientifique semble exister, mais il ne constitue alors qu'un habillage destiné à singer la science pour donner une apparence de respectabilité à des pratiques dont beaucoup sont pour le moins douteuses, voire, parfois, dangereuses pour la santé et l'équilibre de nos concitoyens.

D'autres informations faisaient état d'un lien entre ces pratiques thérapeutiques douteuses et certaine dérives sectaires. Nous avons constaté que, dans certains cas, la dérive thérapeutique empruntait beaucoup de traits à la dérive sectaire, au point l’une et l’autre se rejoignent, voire se confondent. À cet égard, nous avons souvent parlé de porosité.

Le rapport met en évidence, parmi ces points communs, une influence tellement forte sur les victimes qu'elle relève de l'emprise mentale, catégorie identifiée par les spécialistes de la lutte contre les dérives sectaires.

Cette emprise si puissante, contre laquelle ni la victime ni ses proches ne peuvent lutter, explique que les malades puissent croire à des promesses de guérison invraisemblables, qu’il s’agisse de traitements du cancer à base de jus de citron, de lavements au café ou d'appareils – nous avons pu en voir ! –dont des prospectus vantent, descriptions à l’appui, les effets sur le traitement de maladies aussi graves que la maladie de Parkinson ou la sclérose en plaque… Il est tout de même incroyable que des traitements puissent être vendus partout sur le territoire national, en recourant, par exemple, aux ressorts complexes de la physique quantique pour étayer leur efficacité sur un certain nombre de pathologies…

Cette emprise explique aussi certaines transformations de la personnalité des victimes, au point d'empêcher toute communication avec leurs proches, voire de conduire à des ruptures familiales complètes.

Nous avons rapidement acquis la conviction que, face au danger que présentent les pratiques thérapeutiques douteuses et leurs interactions avec des procédés empruntant à la dérive sectaire, les pouvoirs publics devraient intervenir de manière plus énergique.

Certains objecteront que chacun est libre de ses choix thérapeutiques : si le système médical a le devoir de soigner, personne n'est tenu de se faire soigner. Il n'y a pas non plus d'obligation, pour les malades, de recourir à des traitements médicaux classiques.

Toutefois, si le libre consentement derrière lequel s'abritent les défenseurs de ces traitements fantaisistes est une chose, le consentement éclairé en est une autre ! Nombre de témoignages – ils sont retranscrits, madame la ministre, dans les 677 pages du tome II de notre rapport, et je ne doute pas que vous en ferez le meilleur usage possible – montrent très clairement que le danger est certain, car les victimes de ces praticiens douteux ne sont pas vraiment informées des conséquences de leurs choix thérapeutiques.

En matière de santé, le risque est tellement grave que le libre choix des personnes en faveur de telle ou telle pratique de soins ne peut être un argument pour laisser nos concitoyens compromettre leurs chances de guérison.

Tels sont, mes chers collègues, les enjeux de cette enquête complexe.

Je ne m’attarderai pas sur les méthodes et sur les 72 auditions auxquelles nous avons procédé.

Nous avons entendu des responsables des services de l’État et des grandes institutions. Nous avons entendu des spécialistes des dérives sectaires. Nous avons entendu des victimes et je vous invite, madame la ministre, à lire les comptes rendus de leur audition : elles parlent mieux que quiconque de ce qui peut se produire en la matière.

Nous avons aussi reçu des représentants de mouvements et des défenseurs de pratiques thérapeutiques mis en cause par les témoignages de victimes, afin d’avoir une approche équilibrée de ces problèmes. Cette confrontation de points de vue a été rendue possible à plus de dix reprises.

Divers thèmes se sont rapidement dégagés de ces auditions.

Nous constatons un développement certain des pratiques de soins dénuées de tout fondement scientifique. Internet est un vecteur très important de cette propagation : une part importante de notre enquête s’est faite sur la Toile, d’où les nombreuses sorties d’écran illustrant le rapport. La formation professionnelle est également un moyen de transmission de techniques de soins souvent fantaisistes, au travers de stages prétendant former à telle ou telle technique en quelques heures. Enfin, la réponse apportée par les pouvoirs publics semble à ce stade perfectible – c’est un euphémisme –, notamment s’agissant de la réponse judiciaire aux dérives sectaires.

Nous avons formulé un certain nombre de propositions et de recommandations, mais, considérant que la loi de la République telle qu’elle existe permet, dans la plupart des cas, de faire le nécessaire dans les meilleures conditions, nous n’avons pas voulu que ce rapport débouche sur des propositions de modifications législatives lourdes.

Laissant le soin à Alain Milon d’aborder les questions strictement médicales, je vais rapidement balayer cette série de propositions.

Certaines de nos préconisations visent à améliorer le traitement judiciaire des dérives sectaires en général, car, selon divers témoignages, les poursuites judiciaires semblent difficiles à mettre en œuvre.

Ainsi, la loi du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, dite « loi About-Picard », qui a créé le délit d’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse, doit être davantage appliquée.

Sur le plan technique, nous avons préconisé d’aménager à la marge le point de départ du délai de prescription pour le délit d’abus de faiblesse.

Nous avons aussi souhaité que les plaintes et signalements déposés par des proches de victimes dans un contexte de dérives sectaires soient plus largement pris en compte par les procureurs.

Il nous a semblé opportun qu’il soit rappelé aux fonctionnaires ayant connaissance de faits relevant potentiellement de dérives sectaires qu’ils ont le devoir de les signaler, en application de l’article 40 du code de procédure pénale.

Nous avons en outre considéré que la formation des magistrats aux dérives sectaires devait être généralisée. Je ne sais pas si tout le monde peut être victime d’emprise mentale, mais je suis certain que chacun, à travers un proche, peut en subir les terribles effets. Il faut donc aider les magistrats et les experts à mieux appréhender ce problème.

D’autres propositions concernent l’amélioration du pilotage administratif de la lutte contre les dérives sectaires. À ce titre, il nous a semblé indispensable que, dans les préfectures, les groupes de travail se réunissent. Ce n’est pas souvent le cas et nous avons même constaté que beaucoup de ces groupes n’avaient jamais été créés.

Nous avons aussi proposé le renforcement du statut de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, la MIVILUDES, et souhaitons que soit examinée la question de l’immunité de son président, afin que celui-ci ne subisse pas tous sortes de recours et procédures totalement injustifiés.

S’agissant des propositions qui concernent plus spécifiquement notre sujet, nous avons demandé l’instauration d’un contrôle spécifique de la publicité et de la vente d’appareils à finalité médicale, ou plutôt pseudo-médicale. Quand une personne se rend dans un magasin de jouets, elle peut être certaine que tous les jouets ont été contrôlés et leur absence de dangerosité, vérifiée. Or, dans certains salons, dans certains magasins et sur Internet, des appareils à vocation pseudo-médicale sont en vente libre, sans aucun contrôle. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, apparaît comme la structure administrative la plus adaptée pour traiter ce problème.

Nos conclusions ont également porté sur l’influence d’Internet et nous avons souhaité que l’information médicale en ligne soit mieux encadrée, avec un renforcement de la sécurité des internautes, mais aussi un renforcement des moyens des enquêteurs de la cyberpatrouille de la gendarmerie nationale – eux-mêmes le demandent –, car ce qui existe en matière de pédopornographie doit s’étendre au domaine dont nous parlons.

Nous avons formulé un certain nombre de propositions en matière de formation, ainsi qu’en ce qui concerne l’utilisation abusive de l’intitulé d’université ou du titre de docteur en médecine par des personnes ayant été radiées de l’Ordre des médecins. Se pose aussi la question des diplômes d’université, dont certains, il faut le dire, sont fantaisistes. À cet égard, madame la ministre, il y a du ménage à faire…

Enfin, nous avons proposé un certain nombre d’avancées en matière de protection de l’enfance.

Après cette présentation des constatations que nous avons faites et ce bref aperçu de nos préconisations, je conclurai en faisant part de notre souhait que ces propositions soient suivies d’effet et qu’elles ne soient pas destinées à être finalement reprises, dans l’avenir, par une autre commission d’enquête sur les dérives sectaires. Nous veillerons d’ailleurs à présenter des amendements dans ce sens à l’occasion de l’examen de projets ou propositions de loi se prêtant à leur introduction par leurs liens avec ce dossier.

Il appartient au Gouvernement de la République et à chacun d’entre nous, dans les deux assemblées, toutes sensibilités politiques confondues, de prendre suffisamment au sérieux les avertissements contenus dans ce rapport pour que nos propositions puissent dès maintenant trouver une application concrète. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. le président de la commission d’enquête.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant d’apporter ma contribution au débat qui nous réunit ce soir, je voudrais souligner combien je suis heureux que cette séance nous permette de faire vivre dans notre hémicycle le rapport adopté le 2 avril dernier, au terme de six mois d’enquête, par la commission que j’ai eu l’honneur de présider.

Je m’associe évidemment aux hommages rendus par Jacques Mézard à tous les membres de la commission et à nos collègues de l’Assemblée nationale.

Je voudrais retourner son compliment à notre rapporteur et noter que, si mon expérience de médecin a pu être utile à la commission, comme d’ailleurs celle de tous les collègues médecins qui en faisaient partie, il est incontestable que le choix d’un juriste aussi expérimenté comme rapporteur a été extrêmement pertinent.

Comme l’a indiqué Jacques Mézard, cette commission a été conduite à traiter deux thèmes. Le premier est celui de la dérive sectaire dans le domaine de la santé. Le second, auquel je vais consacrer mon propos, a trait aux dérives thérapeutiques liées à certaines pratiques de soins dites « non conventionnelles ».

Je tiens à préciser dès maintenant que le rapport de la commission d’enquête se réfère aux termes de « pratiques non conventionnelles » plutôt qu’aux appellations diverses dont se sont prévalus les tenants de ces médecines « douces », « naturelles », « traditionnelles » ou « alternatives ». La terminologie retenue par le rapport est la seule qui soit juridiquement exacte.

En effet, en droit français, la médecine n’existe pas en soi ; depuis la loi de 1803, elle existe uniquement au travers de la pratique des médecins, celle-ci étant conditionnée à l’obtention d’un doctorat, c’est-à-dire d’un niveau de compétences théoriques et scientifiques.

Ainsi, dans notre droit, la médecine est la science appliquée par les médecins. Nul autre ne peut se prévaloir de ce terme !

Or, comme l’ensemble de mes collègues de la commission d’enquête, j’ai pu voir sur Internet des publicités pour des écoles de médecine chinoise délivrant un diplôme en quatre ans… Je ne sais pas comment dénommer ces thérapeutes, mais, en tout cas, ce ne sont pas des médecins au sens de la loi française.

D’autres publicités proposent des formations de quelques semaines à la « chirurgie immatérielle » : vous l’aurez compris, ces diplômés ne sont pas des chirurgiens !

Au début des travaux de la commission d’enquête, le thème de l’engouement des Français pour les pratiques non conventionnelles était d’actualité. Diverses publications nous avaient alertés sur l’attraction très forte exercée par ces pratiques, qu’il s’agisse de soins à base de plantes, de massages, de diverses pratiques hygiénistes ou des disciplines fondées, par exemple, sur le biomagnétisme ou la physique quantique, autant de pratiques pour lesquelles je vous renvoie au rapport. Je ne parle même pas de certaines techniques de psychothérapie au sujet desquelles nous avons été alertés à plusieurs reprises au cours des auditions. À elles seules, ces techniques auraient pu justifier une commission d’enquête !

Ces pratiques non conventionnelles concerneraient aujourd’hui près d’un Français sur deux.

Cependant, contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’engouement qu’elles suscitent n’est pas un phénomène récent. Déjà, dans les années cinquante, puis à nouveau dans les années quatre-vingt, le succès de ces pratiques avait été relevé et des publications officielles leur avaient été consacrées. Toutefois, depuis les années quatre-vingt, le nombre de personnes y ayant recours semble en fait relativement stable.

Pourquoi notre commission s’est-elle intéressée à ces pratiques ?

Celles-ci, il faut le souligner, ne sont pas nécessairement constitutives ni de dérive sectaire ni, d’ailleurs, d’un quelconque danger. L’homéopathie, l’acupuncture ou même l’ostéopathie sont pour certains, y compris probablement dans cet hémicycle, des pratiques courantes, qui ne remettent généralement pas en cause la confiance en la médecine classique. L’exercice de certaines d’entre elles est d’ailleurs réservé à des professionnels de santé.

Le constat n’est pas le même quand, sous couvert de soins non conventionnels, une personne est exposée à l’action de charlatans ou d’escrocs qui, au mieux, n’en auront qu’à son argent et, au pire, exerceront sur elle une influence tellement forte qu’elle pourra la conduire à rejeter les soins classiques, pourtant seuls efficaces face à de nombreuses pathologies.

Je repense, en vous parlant, à ces bouleversants témoignages que nous avons reçus de proches de malades du cancer qui avaient été bernés par les promesses de miracles grâce à des traitements au jus de citron, au bicarbonate de soude ou encore aux lavements de café bio.

Il arrive – nous en avons eu des témoignages – que ces soins douteux et les dérives qui les accompagnent soient le fait de médecins et d’autres professionnels de santé : infirmiers, kinésithérapeutes, sages-femmes ; cela m’a personnellement beaucoup troublé. Je reviendrai sur le sujet en abordant les propositions de la commission.

Mais nous avions une deuxième raison de nous intéresser à ces pratiques : ceux qui les défendent ont, en règle générale, un discours très hostile à la médecine.

La commission a jugé la situation d’autant plus alarmante que le discours souvent violemment anti-médical des partisans de ces pratiques non conventionnelles rejoint une contestation de la médecine très largement présente dans l’opinion. Cette contestation trouve un véritable écho sur Internet, à travers des blogs, des forums et les sites de nombreuses associations. Je vous renvoie notamment à tout ce qui, dans le rapport, rend compte de la réalité de la propagande anti-vaccinale.

C’est un fait, le discours anti-médical de certains partisans de ces pratiques coïncide aujourd’hui avec une inquiétude très vive dans la population et un climat particulièrement anxiogène qu’ont amplifiés, de manière d’ailleurs compréhensible, de récents scandales.

Ce qui est grave, c’est que ce discours anti-médical en conduit certains à oublier les très importants progrès de la médecine et l’augmentation considérable de l’espérance de vie qui en a résulté.

La commission s’est notamment inquiétée du caractère très inégal du combat opposant la médecine aux soins non conventionnels.

Première inégalité : les pratiques non conventionnelles seraient dépourvues d’effets secondaires, alors que de nombreux dangers guetteraient ceux qui s’en remettent à la médecine classique.

Cette prétendue innocuité des pratiques non conventionnelles est un leurre, qu’il s’agisse des médicaments à base de plantes ou des manipulations manuelles. En elles-mêmes ou combinées à un traitement médical, ces pratiques peuvent être la source de problèmes graves, voire mortels, pour les malades. Ceux-ci en sont-ils informés ? Nous en doutons.

En revanche, toute défaillance de la médecine est abondamment relayée par les médias, ce qui paraît au demeurant souhaitable pour l’information des citoyens.

La deuxième inégalité tient aux contraintes imposées aux professionnels de santé en regard de l’absence de contrôle propre aux praticiens de techniques non conventionnelles. Les uns sont soumis à des règles déontologiques et de responsabilité juridique très strictes et ils doivent respecter des procédures administratives complexes. À l’opposé, des thérapeutes animent des sites Internet sur lesquels ils font de la publicité et promettent des miracles, évidemment jamais réalisés, sans, apparemment, encourir de sanction.

Troisième inégalité : des niveaux d’exigence très différents entre la médecine traditionnelle et les pratiques non conventionnelles.

Les professionnels de santé sont astreints à de très longues études très sélectives ; les autres sont, dans certains cas, formés au cours de stages dont la durée varie de quelques heures à quelques semaines. Là où tout nouveau traitement médical relève d’une évaluation scientifique très rigoureuse, le seul fondement de la prétendue efficacité des pratiques non conventionnelles est la satisfaction des patients ou, devrais-je plutôt dire, des clients ; cela seul permet, aux yeux de leurs défenseurs, de les présenter comme incontestables !

On est là dans le registre de la subjectivité pure, en l’espèce non convaincante : quelqu’un dans cette enceinte s’est-il déjà senti mal après un massage, quel qu’il soit ? À l’inverse, quelqu’un s’est-il déjà senti bien après une séance de chimiothérapie ou de radiothérapie ? Là encore, le combat se fait à armes inégales...

Pourtant, contrairement à ce que prétendent les défenseurs des pratiques non conventionnelles, qui affectent de se proclamer détenteurs d’une vérité refusée par la médecine officielle en l’accusant de motivations idéologiques ou financières, ces pratiques ont bel et bien été déjà évaluées.

Le groupe Cochrane, dont les travaux font autorité dans le monde entier, est une organisation anglaise qui étudie tout ce qui a été publié sur les sujets scientifiques : 598 de ses études portent sur les médecines complémentaires, et elles ne leur ont à ce jour trouvé aucune efficacité supérieure au placébo. La recherche sur ces sujets existe donc ; elle n’est simplement pas concluante.

La commission d’enquête a, dès lors, été particulièrement inquiète de constater que des pratiques non conventionnelles avaient été très largement introduites à l’hôpital. Plus d’une vingtaine de ces pratiques sont aujourd’hui proposées à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, l’AP-HP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Paris n’est d’ailleurs malheureusement pas un cas unique en l’espèce.

La présence au sein de l’hôpital de praticiens de thérapies non conventionnelles, dont la formation est généralement peu contrôlée par l’hôpital et dont les activités ne sont pas contrôlées par la hiérarchie, pose en soi question. Il est apparu à la commission d’enquête qu’un meilleur encadrement de ces pratiques à l’hôpital était plus que nécessaire, a fortiori parce qu’il existe des connexions évidentes entre ce qui se passe au sein de l’hôpital et les propositions faites aux malades après leur sortie.

Faut-il donner, en dehors de l’hôpital, un cadre aux pratiques non conventionnelles ? Les praticiens en cause le demandent. L’idée serait d’éviter ainsi tout risque de dérives. C’est, à notre sens, un leurre. L’encadrement de ces disciplines aurait une conséquence inévitable et, évidemment, non souhaitable : préserver l’activité lucrative des praticiens en les plaçant à l’abri du risque de dénonciation par la MIVILUDES.

Cette évolution permettrait aussi auxdits praticiens d’officialiser leur place aux côtés des professions paramédicales, éventuellement avec un statut spécifique les situant entre celles-ci et la médecine. Or nul n’est besoin de nouvelles disciplines et de nouvelles professions de santé. Les pratiques innovantes et efficaces, si elles existent, peuvent parfaitement être mises en œuvre par ceux qui ont été formés et exercent les professions selon les prescriptions du code de la santé publique.

J’en viens maintenant aux propositions qui, dans le domaine de la santé, concluent le rapport de la commission. Je me permettrai de renvoyer à la lecture du rapport pour celles que je ne pourrai pas développer ce soir et que n’aurait pas exposées notre rapporteur.

Plusieurs propositions concernent les pratiques thérapeutiques non conventionnelles, et d’abord pour les contrôler.

Il nous a semblé important, en vue de limiter le développement de ces pratiques à l’hôpital, de subordonner leur introduction dans les services à un avis favorable de la commission médicale d’établissement et de soumettre cet avis à une majorité renforcée. Le critère d’appréciation devrait être que les pratiques envisagées soient conformes aux données acquises de la science et qu’elles aient été préalablement expérimentées et évaluées.

La mise en place d’une procédure d’accréditation par la Haute Autorité de santé des praticiens mettant en œuvre à l’hôpital des thérapies non conventionnelles nous a également semblé de nature à garantir la qualité des pratiques admises dans les établissements. Cette accréditation permettrait notamment d’éviter les pratiques à risque et de s’assurer que les praticiens informeront bien les malades des limites des prises en charge qu’ils proposent.

Pour ce qui est des soins de ville, la commission a estimé nécessaire de rendre obligatoire la déclaration par les praticiens à l’Agence régionale de santé – ARS – de l’exercice éventuel de pratiques non conventionnelles et de mettre en place un suivi de ces pratiques par les ordres compétents.

Par ailleurs, il a paru souhaitable à la commission de mieux encadrer la formation des professionnels de santé à ces pratiques. Cette formation s’effectue souvent dans le cadre de diplômes universitaires. Or il n’y a ni recensement systématique de ces nombreux « DU » qui existent dans le domaine de la santé ni suivi de leur contenu. Cela fait l’objet de l’une de nos propositions ; j’espère que l’examen du projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche lui permettra d’aboutir.

Une autre proposition vise non pas le contrôle de ces pratiques, mais la limitation de leur influence à travers la prise en compte systématique du bien-être du patient dans les protocoles de soins et son intégration non seulement aux objectifs des personnels, mais aussi à l’enseignement universitaire. L’objectif est de lutter contre le sentiment de « déshumanisation » des soins médicaux, qui contribue au succès des pratiques non conventionnelles.

Ce point a été souligné à maintes reprises par les personnes que la commission d’enquête a auditionnées : le recours à ces pratiques est lié aux défaillances dans l’organisation des soins ou à un manque de dialogue avec les professionnels de santé, principalement les médecins. Plusieurs témoignages font état du manque de temps des médecins et d’une insuffisante prise en compte des besoins spécifiques de l’individu dans le cadre médical, quand il ne s’agit pas d’une certaine maladresse dans la communication d’un diagnostic inquiétant. Or les thérapies non conventionnelles se présentent comme centrées sur l’individu, avec pour priorité l’écoute du patient.

Dans cette logique, d’autres propositions visent à entourer de plus d’attention certains patients particulièrement fragiles.

La mise en place à l’hôpital de groupes de détection des patients susceptibles d’être victimes de dérives sectaires ou d’abandonner leurs soins pourrait se faire sur le modèle des actions mises en œuvre à l’égard des victimes de violences. L’idée serait de lutter contre l’interruption des soins en privilégiant le dialogue.

D’autres propositions encore ont pour objet de mieux encadrer l’activité des psychothérapeutes, en permettant aux ARS de suspendre immédiatement leur droit d’exercice dans un souci d’ordre public et de procéder au retrait de leur titre.

Pour finir, j’évoquerai la proposition à laquelle nous tenons probablement le plus : il s’agit de faire en sorte qu’un médecin radié de l’ordre ne puisse plus faire état de son titre de docteur en médecine, la même mesure devant s’étendre, en cas de radiation, aux docteurs en pharmacie et aux dentistes. Là encore, j’espère que la discussion du projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche permettra de donner suite à cette proposition.

Voilà, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le constat et les propositions que la commission d’enquête a pu formuler afin de limiter le risque de dérives thérapeutiques.

Notre système de soins est l’un des meilleurs au monde, même s’il est sans doute trop curatif et insuffisamment préventif. Il est ouvert à tous grâce à la prise en charge sociale. Il repose sur une médecine de qualité et une recherche de pointe. Cependant, ces atouts ne doivent pas faire oublier que l’humain est au cœur du soin. Face aux risques réels que peuvent présenter certaines pratiques non conventionnelles, il est du devoir des pouvoirs publics de protéger nos concitoyens. §

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, après six mois de travaux menés par la commission d’enquête, travaux incluant notamment 72 auditions, un voyage, une visite au salon du bien-être un peu épuisante, je suis désolée de constater que je reste sur ma faim : je ne sais toujours pas ce qu’est une secte, ce qu’est une dérive et ce qui relève de l’escroquerie ou de l’abus de faiblesse classique. Mais il est vrai que je ne sais toujours pas non plus ce qu’est la santé, en dehors de la définition qu’en donne l’Organisation mondiale de la santé.

Mon insatisfaction vient peut-être du titre de cette commission d’enquête et donc de l’orientation de notre mission : l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé. Car le problème n’est pas de savoir si certaines sectes utilisent le biais de la santé pour couper leurs patients du reste de la société ou de leur famille, tout en leur soutirant de l’argent, mais bien de savoir comment faire pour que l’emprise qu’exerce nécessairement celui qui sait sur celui qui ne sait pas ne dérive pas vers des pratiques contraires à la liberté et à la dignité de l’humain.

Un médecin allopathe ne dérive-t-il pas lorsqu’il n’explique pas le pourquoi des examens prescrits ou des traitements, lorsqu’il impose son savoir à celui qui lui fait confiance ? Ne dérive-t-il pas quand il ne prend pas le temps d’écouter parce qu’il n’a pas été formé à cela ou parce qu’il n’a plus le temps matériel de le faire, tant notre système de santé est en crise ? Cette réflexion vaut, bien sûr, pour l’ensemble des personnels médicaux.

Quelque 60 % des malades de cancer consulteraient un praticien de soins parallèles. Sont-ils tous embrigadés dans une secte ou tous victimes d’escroquerie ? Compromettent-ils réellement ainsi leurs maigres chances de guérison pour certains cancers ?

Il faudrait faire, enfin, une comparaison sur les derniers moments de vie, en termes de qualité, de conscience, d’absence de douleur, entre les patients allopathes et les patients « altermédicaux ».

Ma petite belle-sœur est morte d’un cancer traité classiquement. A-t-elle été victime d’une dérive médicale, d’un acharnement thérapeutique ? Et autour de nous, combien de « miraculés du cancer » qui expliquent devoir la vie ou du moins leur rémission à telle ou telle pratique ?

La question n’est donc pas celle du choix des méthodes de soins, mais celle de l’emprise que peuvent avoir certains sur des personnes, notamment en période de fragilité liée à la maladie ou au mal-être, d’autant que ces mainmises existent dans tous les domaines sociaux : notaires, avocats ou entraîneurs sportifs peuvent eux aussi dériver ! Mais cette emprise est, il est vrai, plus facile en matière de santé, car nous sommes mortels et connaissons la douleur : c’est pourquoi, comme l’a écrit André Malraux, « tout dialogue avec la mort commence à l’irrationnel ».

La liberté - notre condition humaine - exige donc que nous puissions choisir notre chemin vers la mort. Nous avons le droit de refuser certaines pratiques médicales et de préférer les bains de siège lorsque seule notre santé est en jeu...

Mais la société est-elle prête aujourd’hui à accepter ce libre choix, dans le pays de Pasteur ou de Marie Curie ? Le refus des soins certifiés « sérieux », à défaut d’être sûrs, est incompréhensible pour un esprit éclairé. Si la sécurité sociale rend les soins moins coûteux pour les patients, certains préfèrent néanmoins ne pas en bénéficier et consulter un laveur de colon ou un poseur de pierre, et dépenser ainsi leur argent au lieu de celui de la sécurité sociale.

Tout autant que de savoir si des charlatans abusent de la détresse des gens, il importe de se demander pourquoi les malades ou leur famille se laissent ainsi abuser. Qu’est-ce qui fait, dans notre société, comme dans celle d’hier, que certains, à un moment de leur vie, manquent d’esprit critique et se laissent abuser ?

Autre interrogation sans réponse : y a-t-il des thérapies non officielles qui pourtant font du bien ? Et si oui, comment les détecter et, surtout, les labelliser, afin de permettre aux citoyens et citoyennes de les utiliser tout en connaissant leurs limites, comme on connaît les limites de certains médicaments allopathiques ? Or les rares tentatives d’évaluation de pratiques non conventionnelles sont immédiatement considérées comme visant à faire entrer le loup dans la bergerie, alors même que certaines d’entre elles sont regardées de manière moins défavorable dans d’autres pays.

Plutôt qu’une chasse aux sorcières, le groupe écologiste plaide pour une démarche pragmatique : nul ne devrait pouvoir prétendre qu’une méthode – ou un appareil – allopathique, naturopathique ou autre, est utile en matière de santé si elle n’a pas fait l’objet d’une évaluation encadrée, d’un suivi effectif ou d’un enseignement connu, à défaut d’être reconnu par l’État.

Il nous apparaît aussi qu’en l’absence de définition légale de la secte, au contraire de nos voisins belges ou luxembourgeois, et donc en l’absence d’un délit spécifique, il faut appliquer les lois sur les escroqueries ou abus frauduleux de faiblesse d’autrui tout en menant une véritable politique de prévention et de détection. À cet égard, pourquoi ne pas instituer la peine accessoire de retrait du titre universitaire dont on s’est prévalu pour commettre le délit ?

En fin de compte, le sujet n’est pas épuisé mais, monsieur le président, monsieur le rapporteur, vous avez ouvert une voie en nous proposant d’entendre les condamnés a priori. Reste à évaluer sereinement, sans préjugés, les pratiques non homologuées en France. §

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Monsieur le président, madame la ministre, alors qu’il devient habituel de décrier – pour de bonnes ou de mauvaises raisons – l’action politique, je tiens à souligner la qualité des travaux de notre commission d’enquête. Quels que soient nos engagements partisans, nous nous sommes tous complètement impliqués, sans jamais sacrifier l’esprit d’ouverture.

Je veux particulièrement remercier son président et son rapporteur, qui ont su guider nos travaux. Si le sérieux a prévalu, des traits d’humour discrets se sont parfois immiscés dans nos débats, paravents salutaires à des propos ou des propositions qui ne respectaient pas la dignité de l’être humain.

Comme nous tous, j’ai été terriblement touchée par les témoignages poignants des membres des familles de celles et ceux qui, malheureusement, sont décédés après avoir eu recours à des pratiques non conventionnelles.

J’ai aussi été extrêmement choquée, jusqu’à en éprouver de la colère, par l’agressivité du discours anti-médecine véhiculé par certains, qui se faisaient fort, comme l’a dit notre rapporteur, « d’éliminer le savoir au profit du croire ».

Je voudrais m’attacher à rappeler les conséquences des pratiques non conventionnelles sur les hommes et les femmes qui, porteurs de pathologies lourdes, au pronostic souvent incertain, présentent – comment ne pas le comprendre ? - une fragilité psychologique.

M. Mézard et M. Milon l’ont très bien dit : nous avons une médecine d’excellence, une médecine qui s’est considérablement perfectionnée, tant dans l’établissement du diagnostic que dans les possibilités thérapeutiques. Cette médecine, devenue plus technique, est parfois incomprise, surtout lorsque des scandales, heureusement rares, viennent perturber l’approche que peuvent en avoir nos concitoyens.

De plus, si notre personnel soignant est exemplaire, il est aussi écrasé par le travail, notamment par des tâches ne relevant pas strictement de sa compétence première.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Aujourd’hui, nous ne « soignons » plus les malades : nous parlons de « production » ou de « consommation » de soins, alors que, comme l’a rappelé le président Milon, la médecine est une science humaine. La relation essentielle qui s’établit dans ce colloque singulier entre malade et soignant doit, par-dessus tout, être préservée.

Au-delà de la nécessité de revoir la façon dont nous analysons le fonctionnement de nos hôpitaux - et loin de moi l’idée de refuser toute évaluation quantitative et qualitative précise ou de proscrire en tant que telle la tarification à l’activité – il est important, comme le suggère le rapport Couty, de pouvoir mesurer de façon plus fine et sans doute plus qualitative, le fonctionnement de nos hôpitaux. Cela permettrait d’alléger la pression ressentie par les personnels de santé.

Je crois tout aussi nécessaire de revoir notre système de formation : notre enseignement, de plus en plus technique, devient remarquable en matière d’acquisition de connaissances, mais il n’insiste pas assez sur l’importance des relations humaines. Or, les relations humaines, cela s’apprend ! Savoir établir une relation de qualité avec celles et ceux que l’on soigne est essentiel lorsque l’on exerce une profession de santé.

Le projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche, que nous allons bientôt examiner, sera l’occasion d’évoquer cette question très importante.

J’irai même plus loin : je pense qu’il faudrait également revoir la façon dont nous sélectionnons celles et ceux qui se destinent aux professions de santé. Nous retenons des critères sans doute trop scientifiques, qui ne mettent pas assez en avant les qualités humaines que l’on peut attendre de ces professionnels.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Dans ce contexte de déshumanisation des soins, il ne faut pas s’étonner que certains de nos concitoyens soient sensibles à des propositions relevant totalement de l’irrationnel, mais qui sont attrayantes en ce qu’elles paraissent aptes à procurer du réconfort.

J’ai été frappée, lors de nos travaux, par la porosité, non pas entre personnes atteintes de maladies graves et praticiens non conventionnels, que l’on peut comprendre, mais par celle existant entre les professionnels de santé et ces mêmes praticiens non conventionnels. Il s’agit d’un sujet très grave, madame la ministre, qui doit nous interpeller et inciter le Gouvernement à prendre en compte de façon très sérieuse les propositions formulées dans le rapport.

Même si les mesures recommandées ne relèvent pas d’un véhicule législatif particulier, elles méritent d’être prises d’urgence, et je tiens à rappeler à mon tour certaines d’entre elles qui sont de nature à protéger nos concitoyens.

Je citerai tout d’abord la proposition que le président Milon a mise en relief en la mentionnant à la fin de son propos : l’interdiction aux praticiens radiés, médecins, pharmaciens ou dentistes, de se parer de leur titre. Cette interdiction doit être décidée sur le territoire national, mais elle devrait l’être également au niveau européen, voire international.

Il ne s’agit pas d’une préconisation anodine : nous nous sommes rendu compte que beaucoup de médecins non conventionnels, quand ils disposaient d’un tel titre, continuaient de l’utiliser auprès de patients, qui y voyaient évidemment une garantie de sérieux.

J’insiste également sur la fragilité psychologique des personnes qui peuvent être sensibles à ces pratiques non conventionnelles. Comme l’a dit notre président, il est important de mettre en place des groupes de détection des patients particulièrement fragiles, qu’il faut savoir accompagner dès le début de l’annonce d’une maladie et suivre très attentivement tout au long de traitements qui, il faut le reconnaître, sont particulièrement lourds et difficiles à accepter. Il est vrai qu’une intervention chirurgicale, une radiothérapie et, peut-être plus encore, une chimiothérapie sont très pénibles à vivre ; mais c’est aussi ce qui permet de continuer de vivre !

Il est pour nous tout à fait fondamental que la Haute autorité de santé, organisme remarquable, puisse accréditer les praticiens non conventionnels exerçant à l’hôpital.

Là encore, nous avons été frappés, les uns et les autres, de constater que l’introduction de ces pratiques non conventionnelles à l’hôpital se fasse de manière quasi confidentielle, sans qu’aucune personne relevant du monde médical ou de l’administration interne de l’établissement ait à donner son accord formel ou procède à la moindre évaluation.

Il est également très important d’obliger les professionnels de santé à déclarer, auprès de l’agence régionale de santé compétente, leurs pratiques non conventionnelles et de mettre en place un suivi de ces pratiques.

Nous évoquions tout à l'heure le cas de l’AP-HP. Un contentieux lourd opposait sa direction à ses médecins. Or le directeur de l’agence régionale de santé dont dépend l’AP-HP n’était au courant de rien ! C’est tout de même assez renversant ! Il faut nous atteler à ce problème, qui peut s’avérer lourd de conséquences.

M. Milon a également fait allusion à la question des psychothérapeutes. Lorsque j’étais députée, j’avais cosigné l’amendement que Bernard Accoyer avait commis concernant l’encadrement de ces professions, qu’il n’a évidemment jamais été question de supprimer : il s’agissait de leur permettre d’exercer dans les meilleures conditions possibles. Or les premiers décrets d’application sont sortis neuf ans après l’adoption de cet amendement ! Là aussi, je crois qu’il y a beaucoup à faire.

Voyant que j’ai épuisé mon temps de parole, monsieur le président, je conclurai en disant que je pense avoir mis en évidence nos propositions les plus importantes pour encadrer ces pratiques non conventionnelles ; il convient de les convertir d’urgence en mesures concrètes. Madame la ministre, je sais pouvoir compter sur votre détermination et celle de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé pour que le Gouvernement agisse en ce sens. §

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’initiative du groupe RDSE de constituer une commission d’enquête sur les dérives sectaires dans le domaine de la santé et les dérives thérapeutiques apparaît au groupe CRC comme une démarche utile.

Force est de constater que notre société est de plus en plus soumise à des sollicitations collectives et/ou individuelles censées répondre à de nombreux maux non résolus par la médecine traditionnelle. J’y vois l’effet de miroir d’une certaine fébrilité de nos concitoyens, inquiets de leur avenir et soupçonneux à l’égard de pratiques médicales connues et installées.

Les récents scandales sanitaires, l’existence de conflits d’intérêts dans le secteur de la santé, la commercialisation de médicaments non conformes à leur utilisation ou présentant des risques connus mais dissimulés, l’aspiration légitime de nos concitoyens au bonheur et à l’équilibre psychique, conjugués à une crise économique génératrice d’angoisses, concourent à l’émergence d’un terreau propice à des solutions faussement alternatives.

En réalité ces solutions, loin d’être innovantes, sont éculées. En effet, la plupart de ces approches dites « modernes » reposent sur le même fondement : la soumission de l’individu à une sorte de gourou, c’est-à-dire à celui qui se présente comme le « sachant ».

Qu’il s’agisse de l’approche dite « nutritionnelle », qui consiste à guérir la maladie par le jeûne, et qui conduit les participants à obéir mécaniquement aux ordres dans la mesure où l’affaiblissement psychique lié au jeûne rend les participants « inaptes à contester », ainsi que le souligne le docteur Jean-Michel Cohen, ou de l’approche « psycho-spirituelle », qui se propose de soigner simultanément l’âme et le psychisme d’une personne, les mécanismes sont identiques : profiter des peurs pour substituer à la rationalité une croyance sans limite dans les propos avancés, les actions ou thérapies proposées.

Ces pratiques peuvent exposer les personnes les plus vulnérables, dont la détresse est grande et chez qui la faculté de pénétration de ces discours – pourtant insensés – est particulièrement forte, à des risques majeurs, pouvant même conduire certaines d’entre elles à la mort. Je pense notamment aux patients qui écoutent ceux qui prétendent pouvoir guérir le sida ou le cancer avec de simples plantes.

Face à de telles situations, face à de tels risques, le législateur et les pouvoirs publics dans leur ensemble ne peuvent renoncer à agir sous prétexte que le libre choix des personnes et la liberté de conscience les en empêcheraient, selon l’argument avancé par certains. Cette liberté, derrière laquelle se développent les pratiques sectaires, repose sur le choix par le patient de sa méthode de soins et sur la possibilité, laissée à tous, d’opter pour une croyance ou une spiritualité.

Contrairement à ce que d’aucuns prétendent – en ce sens, le rapport et les comptes rendus d’auditions sont précieux –, cette liberté est totale.

Je tiens à le souligner, l’esprit dans lequel la commission d’enquête a travaillé n’avait rien, à l’inverse de ce que j’ai pu lire sur certains sites Internet, d’inquisitorial. Très équilibré, le rapport ne jette pas l’opprobre pas sur les médecines douces, non allopathiques ou non conventionnelles, dès lors que celles-ci prétendent non pas se substituer aux soins, mais les compléter.

Au Canada, par exemple, comme le rappelle l’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu, l’hôpital reste ouvert aux thérapies parallèles dès lors que les équipes médicales en sont informées et que les patients ne renoncent pas aux soins classiques.

La proposition n° 28 du rapport est, de ce point de vue, très équilibrée. Elle vise à intégrer un suivi des pratiques libérales des intervenants usant de techniques non conventionnelles à l’hôpital, par l’intermédiaire d’entretiens avec les patients, sous le contrôle du médecin chef de service ou du chef de pôle.

La proposition n° 22, que nous soutenons aussi, vise à mettre en place une accréditation des praticiens exerçant des thérapies non conventionnelles à l’hôpital par la Haute Autorité de santé.

Une autre proposition du rapport consiste à identifier les formations aux pratiques non conventionnelles destinées aux personnels médicaux au moyen du recensement des diplômes universitaires par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, et à prévoir le suivi du contenu de ces enseignements.

De telles mesures d’accompagnement et de contrôle s’inscriraient dans une logique d’information loyale des patients, que nous approuvons.

Dans les faits et en droit, en effet, les seules restrictions autorisées relèvent des cas où il y va de l’intérêt de la société dans son ensemble. Je pense naturellement à la vaccination : celle-ci est obligatoire dans certains cas puisque son but est de protéger non seulement la personne vaccinée, mais aussi la société, afin d’éviter un risque pandémique.

Là encore, les groupes qui prônent la suppression de toutes les politiques de vaccination et des obligations vaccinales s’appuient sur le doute que suscitent certains médicaments ou vaccins. Les conditions dans lesquelles la politique vaccinale contre la grippe H1N1 a été décidée, avec la présence de représentants de l’industrie pharmaceutique dans le comité de lutte contre la grippe, ont jeté la suspicion sur l’ensemble des vaccinations contre la grippe. De la même manière, l’inaction sur les adjuvants et les sels d’aluminium nourrissent les discours catastrophistes et anti-vaccins. Il est vrai que, dans ce cas précis, la parole des patients n’est pas suffisamment prise en compte, je tenais à le souligner, madame la ministre.

Une politique de santé publique transparente, où la démocratie sanitaire serait renforcée et où les associations de patients ne seraient pas dépendantes des financements des groupes pharmaceutiques, nous semble être de nature à combattre cette situation.

C’est pourquoi nous souscrivons pleinement aux recommandations formulées par Jacques Mézard dans son rapport qui font de l’information des patients et de leurs proches une priorité.

Nous souscrivons également à la proposition qui consiste à rendre obligatoire, pour les professionnels de santé, la déclaration à l’agence régionale de santé de leurs pratiques non conventionnelles et la mise en place d’un suivi de ces pratiques par les ordres compétents.

Il s’agit non pas d’interdire toutes les pratiques non conventionnelles – chacun est libre ! –, mais de veiller à ce que les autorités compétentes puissent disposer de toutes les informations nécessaires pour, le cas échéant, intervenir et protéger celles et ceux dont le jugement serait altéré.

Mais il nous faut aussi répondre à des besoins nouveaux et légitimes, actuellement non satisfaits par la médecine conventionnelle. Celle-ci doit progresser. Sans doute est-il temps de passer d’une médecine hospitalière garantie à tous à une médecine pour tous, une médecine qui tienne compte, autant que possible, des singularités des patients et qui fasse du bien-être de ces derniers une priorité. J’en conviens, cela exige de rompre avec le cadre actuel, où les actes médicaux et paramédicaux sont rationalisés, du fait du manque de personnel et d’un mode de financement hospitalier qui n’est pas adapté à cette approche.

Notre pays a beaucoup progressé dans la voie de la lutte contre la douleur. Il doit encore progresser dans la notion d’approche globale du patient, afin que les mouvements sectaires ne puissent plus se prévaloir de l’argument selon lequel leurs méthodes conjugueraient le soin et le bien-être du malade.

Prise par le temps, je ne peux détailler notre position sur la question de l’encadrement des formations professionnelles ou sur la protection des publics vulnérables, notamment les mineurs.

D’une manière générale, nous espérons vivement que toutes les recommandations contenues dans ce rapport pourront être suivies d’effets, afin de dissiper l’ombre dans laquelle s’abritent les mouvements sectaires. Pour paraphraser Arthur Schopenhauer, je dirai que les sectes « sont comme les vers luisants : pour briller, il leur faut de l’obscurité ». §

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier notre collègue et rapporteur Jacques Mézard d’avoir pris l’initiative de demander la constitution de cette commission d’enquête sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé. Je veux aussi remercier le remarquable président de cette commission, notre collègue Alain Milon, qui a toujours été patient et serein.

J’ai souhaité être membre de cette commission d’enquête pour essayer de comprendre. En effet, dans mon département, le Rhône, j’ai été confrontée à une alerte émise par l’association de défense des familles et individus victimes de sectes, l’ADFI, concernant un établissement localisé dans le canton dont j’étais l’élue. J’ai mesuré toute la difficulté d’identifier un mouvement sectaire et ses dérives en matière de santé. Il s’agissait, en l’occurrence, d’un suicide et de soupçons d’alimentation insuffisante. Je n’ai jamais pu savoir ce qu’il en était réellement.

Partis dans cette enquête sur les mouvements à caractère sectaire, nous en sommes très vite venus à examiner les dérives thérapeutiques. Bizarrement, ces dernières sont plus faciles à repérer que les dérives sectaires, dans lesquelles les victimes parlent rarement et les familles sont encore plus rarement écoutées ou entendues.

De nos auditions, j’ai tiré plusieurs réflexions.

D’abord, je constate que certaines thérapies non conventionnelles ont un effet reconnu sur le bien-être et le confort de malades soignés, parallèlement, par la médecine scientifique.

En revanche, nous ne savons rien d’une grande partie d’autres pratiques qui, au mieux, sont inefficaces mais inoffensives, au pire, inefficaces et très dangereuses, jusqu’à pouvoir entraîner la mort. Dans tous les cas, ces pratiques sont très lucratives, au détriment de clients abusés par des publicités trompeuses.

Je ne reprendrai pas les 41 recommandations très pertinentes formulées par la commission d’enquête, mais il est un point, madame la ministre, sur lequel je voudrais attirer votre attention, ainsi que celle de Mme la garde des sceaux. Je veux parler de l’emprise mentale dont peuvent être victimes toutes les personnes fragilisées par la maladie, bien sûr, mais aussi, de manière plus générale, par tous les accidents de la vie.

On sait les difficultés qu’ont les magistrats à reconnaître cette situation. On sait aussi qu’une personne majeure capable est considérée a priori comme libre et responsable de ses actes. On sait, enfin, que l’emprise mentale est très difficile à qualifier puisqu’elle ne s’accompagne pas de preuves matérielles et tangibles.

Pourtant, il semble que, depuis les travaux de la commission d’enquête créée par l’Assemblée nationale en 1995, peu de propositions aient été faites dans ce domaine. En effet, le délit existant, à savoir « l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse », créé par la loi About Picard du 12 juin 2001, ne donne pas entièrement satisfaction. Il faudrait aller plus loin et créer le délit d’emprise mentale.

La commission d’enquête de 1995 avait pris le parti de retenir un faisceau d’indices, au nombre de dix, permettant d’identifier cette emprise. Le professeur Parquet, lors de son audition du 21 novembre 2012, nous a présenté une liste de neuf critères susceptibles d’autoriser à poser un diagnostic d’emprise mentale, étant entendu qu’il suffirait que cinq d’entre eux soient réunis.

Ne serait-il pas temps de reprendre ces deux constats pour établir un délit incontestable d’emprise mentale ?

Je ne peux m’empêcher de faire un rapprochement entre ce sujet et les difficultés qu’ont les femmes, mais aussi les hommes, à prouver la violence psychologique au sein de leur couple, cette violence qui, totalement assimilable à l’emprise mentale, les détruit et peut les mener au désespoir et au suicide.

J’y rattacherai également la proposition figurant dans le rapport de modifier l’article 8 du code de procédure pénale, de façon que le point de départ du délai de prescription pour le délit d’abus de faiblesse soit le moment où l’infraction apparaît à la victime. Je ne peux que mettre en parallèle cette proposition avec celle que j’avais formulée concernant le délai de prescription de l’action publique s’agissant des agressions sexuelles aggravées et du harcèlement sexuel.

Ce travail sur les dérives thérapeutiques et sectaires aura été passionnant et instructif. Je souhaite, madame la ministre, qu’il soit pris en compte, afin d’améliorer la sécurité de nos concitoyens et les protéger de tous les gourous ou autres pseudo-thérapeutes inefficaces, parfois dangereux, mais toujours intéressés. §

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à ce stade du débat, je vais sans doute répéter des propos qui ont déjà été tenus, mais le sujet, même à cette heure tardive, le mérite.

Je souhaiterais, en premier lieu, remercier le président de la commission d’enquête, Alain Milon, ainsi que son rapporteur, Jacques Mézard, qui ont su, durant ces mois de travaux, fédérer nos sensibilités diverses et permettre la publication de ce rapport important pour la protection de nos concitoyens. Évidemment, j’associerai à ces remerciements les personnels du Sénat qui nous ont été adjoints et qui se sont impliqués corps et âme, oserai-je dire, dans ce dossier sensible.

À l’origine, ma connaissance des sectes était limitée. C’est le fait d’aborder les dérives sectaires par le biais de la santé qui a capté mon intérêt.

Je dois le dire, au fil des auditions et échanges, il est apparu comme une évidence que, au-delà des influences sectaires, il était nécessaire de se préoccuper des dérives thérapeutiques. Le titre final du rapport complète à juste raison l’intitulé initial de notre commission : Dérives thérapeutiques et dérives sectaires : la santé en danger. C’est bien là le fruit de notre réflexion et de nos propositions.

Il nous revient, au-delà de la liberté individuelle de pensée, d’apporter à nos concitoyens toutes les protections nécessaires pour que leur santé mentale ou physique ne soit pas obérée par des pratiques douteuses.

Comme nombre d’entre nous, je garde un souvenir très fort des auditions, et ce à plusieurs égards.

J’évoquerai d’abord les auditions des victimes ou de représentants d’associations de victimes. Tant de détresse, de souffrance chez les victimes ou leur entourage ! Comment des personnes a priori non déficientes intellectuellement peuvent-elles basculer, individuellement ou collectivement, dans un monde de soumission totale, psychique ou financière ? Pourquoi autant de crédulité ? Pourquoi avoir mis autant de temps à se libérer d’une telle emprise ? Pourquoi tant de difficultés pour l’entourage à pouvoir alerter les autorités compétentes ? Les familles se sentent souvent impuissantes.

On le sait, et les auditions nous l’ont confirmé, l’emprise peut briser des familles, conduire au divorce ou à la spirale du surendettement, et même au suicide. Les situations de carence de sommeil, de carences alimentaires, d’abus sexuels ou de faux souvenirs induits, décrites par les témoins, nous ont particulièrement émus. Les propositions relatives à l’action publique, à l’attention à porter aux témoignages des proches en matière judiciaire et à l’écoute des victimes par les représentants de l’État découlent de ce constat.

Nous avons aussi auditionné des professionnels, pseudo-praticiens qui, sous un discours, ou plutôt un verbiage scientifique et médical, prônent certaines pratiques non conventionnelles, à l’inefficacité totale sur le plan de la guérison et relevant d’un charlatanisme avéré.Il est vrai que nous avons eu droit à des moments un peu surréalistes ! Alain Milon a cité tout à l’heure quelques exemples.

Il existe ainsi une multiplication de pseudo-thérapeutes qui promettent des remèdes miracles, forcément très chers, sans oublier les offres d’ouvrages, de stages, de retraites… jamais bon marché ! Ces « dérapeutes », comme les appelle le Conseil de l’Ordre, sont d’ailleurs parfois médecins de formation et de pratique et n’hésitent pas à se faire radier de l’ordre pour pouvoir « exercer » sans risquer de sanctions ordinales ! D’où notre première proposition : interdire alors de pouvoir faire état de son titre universitaire de docteur.

Il apparaît donc qu’il convient d’exercer une vigilance accrue sur différents axes : contrôle des titres et formations dont se targuent certains ; contrôle des appareils à finalité médicale ou pseudo-médicale qui fleurissent sur Internet, dans les salons ou les magasins de bien-être ; renforcement de la sécurité sur Internet, vecteur « idéal » pour les gourous et autres... Nombreuses sont les propositions du rapport sur ces différents points.

J’en viens aux auditions de représentants des médecins, des professions de santé, des directeurs d’établissement et d’enseignants de faculté.

La mise en place, à côté de la médecine traditionnelle, de pratiques complémentaires peut répondre à un besoin. Le patient souhaite de plus en plus être considéré dans son ensemble, et non plus au regard de sa seule pathologie.

La technicité accrue, la bascule d’une médecine d’écoute et d’examen physique vers une médecine de plus en plus pointue en termes d’examens complémentaires de diagnostic et de traitements renforcent, chez les malades, un désir de « réhumanisation » des soins. Il ne se passe pas une semaine sans que des magazines s’emparent du sujet et vantent les médecines dites « douces ». Cela traduit l’importance du phénomène.

Un tel besoin d’une médecine peut-être différente s’entend. Mais, dans cette volonté d’introduire des pratiques nouvelles, notamment dans les établissements hospitaliers, il convient de prendre l’assurance qu’il n’y aura pas dérive d’une pratique complémentaire vers une pratique de substitution, avec les risques de perte de chance de guérison pour les patients. En effet, on l’a constaté, les malades du cancer, qui font face à des douleurs rebelles ou à des effets secondaires, constituent une cible de choix. Il n’est pas admissible de les couper des moyens traditionnels apportés par une équipe de professionnels compétents.

Au cours des auditions, j’ai ressenti chez certains médecins ou administratifs une forme de « naïveté » ou un manque de prudence – j’ose penser que cela ne va pas au-delà – vis-à-vis des risques de dérive sectaire.

En outre, même s’il nous a été signalé qu’il n’existerait pas une « appétence » particulière des étudiants de début de cycle de médecine, une grande attention doit être portée au contenu des programmes et, plus tard, aux diplômes universitaires.

Nos propositions relatives aux protocoles de soins, aux protocoles de recherche et à l’enseignement universitaire sont majeures à cet égard.

Les auditions des mouvements sectaires ont été autant de moments forts puisqu’elles nous ont mis face à des personnes rodées à défendre leur mouvement, rompus aux procédures judiciaires et prompts à évacuer les questions pièges. On comprend mieux que certains, ayant cédé à une approche séduisante, puissent éprouver du mal à s’en affranchir.

Depuis sa création en 2002, la MIVILUDES a réalisé un travail important. Selon un sondage Ipsos de fin 2010, 25 % des Français disent avoir été personnellement contactés par une secte et 20 % connaissent dans leur entourage des personnes victimes de sectes. Il convient de s’assurer que la mission pourra poursuivre et renforcer ses actions d’information des citoyens, de formation des agents publics et de coordination des pouvoirs publics. En effet, à côté des grands mouvements sectaires, ont émergé des groupuscules multiples.

Enfin, nous avons auditionné des représentants des administrations concernées.

Nous avons pu mesurer combien il était important que, en matière d’offres d’emploi et de formation professionnelle, les services concernés soient en alerte ! Je pense, entre autres, à Pôle Emploi et aux acheteurs de formations.

La gendarmerie nous a démontré sa motivation à lutter avec les moyens dont elle dispose contre les phénomènes sectaires et sa capacité à exercer une veille serrée, notamment sur Internet. Il convient que le Gouvernement prenne la mesure de l’enjeu et dote en conséquence les forces de gendarmerie, mais aussi, bien entendu, de police. Un effort doit porter sur la formation de leurs personnels dans l’écoute des personnes qui se présentent, à l’instar de ce qui a été fait, par exemple, pour les victimes de violences ou d’abus sexuels.

En matière judiciaire, Muguette Dini l’a dit, nous avons constaté la difficulté de qualifier l’emprise mentale et donc d’avoir une vision statistique fiable des affaires traitées. Plusieurs de nos propositions apportent des solutions, mais il conviendra d’aller plus loin en matière de qualification de l’emprise mentale, sans méconnaître toutefois la difficulté de l’entreprise. La notion d’emprise mentale fait l’objet de nombreux débats, parfois contradictoires, entre juristes, psychologues ou psychiatres. Il est, certes, difficile de les traduire en avancées législatives, mais la question mérite d’être posée.

L’obligation faite aux préfets de réunir annuellement les groupes spécifiques de travail au sein des conseils départementaux de prévention de la délinquance doit être respectée. Ce doit être l’occasion d’un état des lieux dans chaque département et d’un travail en réseau avec tous les intervenants. Il importe que nous, parlementaires, y soyons étroitement associés. Une sensibilisation des élus locaux, notamment des maires, doit être engagée, tant leurs fonctions les placent en première ligne.

S’agissant de l’éducation, un regard particulier doit être porté sur la scolarisation à domicile ou dans certains établissements, sans oublier les programmes de l’enseignement en collège et lycée.

Il resterait beaucoup à dire mais, au terme de nos travaux, j’ai le sentiment que notre commission d’enquête a produit un travail sérieux et indispensable. Nos collègues députés se sont à plusieurs reprises penchés sur le dossier des sectes. Un arsenal juridique en est résulté, mais l’œuvre n’est pas achevée. Nous devons poursuivre ce travail, en formulant des propositions à l’occasion de l’examen de textes législatifs, quand le sujet s’y prêtera. La veille constante que nous préconisons pour d’autres doit s’appliquer à notre travail de parlementaires. Une action à l’échelle de l’Europe serait également la bienvenue.

Madame la ministre, nous souhaitons que le Gouvernement ne laisse pas ce rapport devenir lettre morte. Nous comptons sur vous, et vous pouvez être assurée de notre vigilance pour rappeler à l’État les engagements que vous allez, je l’espère, prendre dans quelques instants. §

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Mazars

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la question des sectes en France a déjà fait l’objet d’une attention soutenue de la part des parlementaires, en particulier de nos collègues députés.

Le groupe RDSE a souhaité poursuivre ce travail avec la création d’une commission d’enquête au Sénat. Son rapporteur, Jacques Mézard, puis son président, Alain Milon, en ont rappelé les motivations. Il s’agissait non pas d’être redondant, mais plutôt d’explorer en détail un aspect fondamental des pratiques sectaires en pleine croissance, celui d’une utilisation abusive du thème de la santé.

La proposition de résolution que mon groupe avait déposée l’année dernière allait dans ce sens en indiquant : « Le développement de pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique sans fondement scientifique ou encore de prises en charge psychologiques hors du cadre psychothérapeutique pose aujourd’hui une réelle question de santé publique encore mal connue, qu’il importe d’évaluer. »

Nous sommes arrivés au terme de cette évaluation rigoureuse et très méthodique. Je tiens d’ailleurs à féliciter, à l’instar des orateurs qui m’ont précédé, le président et le rapporteur de cette commission d’enquête. Tous deux ont travaillé dans un esprit d’ouverture et de transparence sur un sujet difficile qui impliquait l’audition, s’agissant de certains responsables visés par le rapport, de personnes particulièrement habiles et parfois soucieuses d’opacité.

On comprend très bien les ressorts d’une telle culture du secret : ces prétendus thérapeutes n’ont pas intérêt à ce que l’on démontre toute la malice, pour ne pas dire l’escroquerie, qui sous-tend bien souvent leurs activités.

Comme l’écrivait si bien Jean de La Fontaine :

« Le monde n’a jamais manqué de Charlatans :

« Cette science, de tout temps,

« Fut en Professeurs très fertile »

Force est de constater que les pratiques thérapeutiques non conventionnelles se développent aujourd’hui. Le rapport en fait état. Les Français sont de plus en plus friands de techniques de bien-être et de soins nés d’une imagination sans borne : fasciathérapie, kinésiologie, décodage biologique, ondiobiologie... pour ne citer que quelques exemples d’un immense marché très juteux.

Tout cela pourrait prêter à sourire. Malheureusement, plusieurs tragédies nous obligent à considérer ce phénomène avec vigilance et, surtout, à renforcer la réponse des pouvoirs publics. L’absence de soins ou l’injonction de soins fantaisistes par des pseudo-thérapeutes peut en effet conduire à la mort.

Bien entendu, nous ne sommes pas démunis face au phénomène sectaire en général. Plusieurs institutions mènent une lutte contre les dérives thérapeutiques et sectaires, mais, comme l’a très justement indiqué M. le rapporteur, la réponse est globalement insuffisante et des améliorations dans notre arsenal législatif et réglementaire s’imposent.

L’ampleur du phénomène et son expansion actuelle constituent un problème en soi. Les acteurs de ces dérives ont une forte capacité d’infiltration des esprits par des méthodes psychologiques assez traditionnelles, mais aussi par une exploitation de l’environnement technologique et institutionnel. Il faut le dire, nous sommes malheureusement face à des organisations intelligentes, ayant mis au point des stratagèmes de contamination et d’installation bien élaborés, qui tranchent d’ailleurs avec le caractère farfelu de leurs préconisations.

Mes chers collègues, vous le savez, ces organisations s’appuient sur les grandes angoisses collectives, qu’elles soient d’origine sanitaire, climatique ou économique, pour faire passer leur message apocalyptique et recruter encore plus d’adeptes. À l’échelon individuel, elles exploitent les fragilités ou les situations de détresse. La maladie est une porte d’entrée de choix pour ces gourous-guérisseurs, qui parviennent à faire sortir un grand nombre de nos concitoyens du circuit médical dit « conventionnel ».

Ce qui est plus récent, et qui constitue un sujet d’inquiétude, c’est l’utilisation invasive des nouvelles technologies, qui peut conduire tout utilisateur à accéder en un seul clic à ces thérapies douteuses sans les avoir forcément recherchées. Comme le démontre très bien le rapport de la commission d’enquête, Internet est une aubaine pour tous ces mouvements, qui, sous prétexte d’apporter le bien-être ou la guérison, inondent le Web de leurs publicités. Le nombre de sites référencés et leur indexation rusée nécessitent une action rigoureuse de la part des pouvoirs publics, pour en maîtriser le flux et en contrôler le contenu.

Dans cette perspective, la commission formule cinq propositions : certaines sont d’ordre technique ; d’autres sont à visée préventive ou même de nature juridique. Je pense en particulier à la possibilité d’étendre à la cyberpatrouille de la gendarmerie le dispositif des investigations sous pseudonyme.

Notre commission a également évoqué d’autres vecteurs de propagation des dérives thérapeutiques ou sectaires : la formation professionnelle et, dans une moindre mesure, l’hôpital ou l’université. Sur ce point, outre que nous devons protection à nos concitoyens tournés vers ces institutions, il est inadmissible que de l’argent public soit directement – s’agissant de la formation professionnelle – ou indirectement mobilisé pour le développement des pratiques non conventionnelles. Nous avons, là aussi, formulé un certain nombre de recommandations pour les dépister, et j’y souscris totalement.

La formation professionnelle devant faire prochainement l’objet d’une grande réforme, je pense que le Sénat ne manquera pas de travailler sur le contrôle du contenu des formations. En tout cas, les membres du RDSE seront vigilants sur ce volet.

Durant ces six mois d’enquête, nous avons également bien noté un processus qu’il faut, sinon interrompre, du moins ne pas alimenter en cédant à la quête de liberté thérapeutique. Les thérapeutes aux méthodes non conventionnelles ou sectaires sont à la recherche permanente d’une légitimité ou, à défaut, d’une respectabilité. Il est par conséquent important de les décrédibiliser, notamment par une action judiciaire rigoureuse.

Hélas ! les poursuites judiciaires contre les sectes se concrétisent peu, malgré l’existence d’un arsenal très complet. L’apport de la loi About-Picard, qui permet de réprimer le délit d’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse, est essentiel. Mais notre droit protège aussi « la liberté de conscience », « le libre consentement », ce qui conduit les magistrats à la prudence. Si l’on ajoute à cela la difficulté à caractériser l’infraction, on comprend pourquoi les condamnations sont rares aujourd’hui.

Enfin, on observe que peu d’affaires arrivent devant la justice, parfois en raison de l’état de déni des victimes, mais aussi à cause du faible nombre des signalements faits par les institutions concernées. À l’issue de plusieurs auditions, nous avons constaté le peu de moyens humains, le relâchement du fonctionnement de certains des outils existants ou même leur déspécialisation. Je pense, par exemple, aux magistrats référents, souvent démobilisés, ou encore aux conseils départementaux de prévention de la délinquance, aux compétences trop larges pour être vraiment efficaces.

Mes chers collègues, la santé mentale et physique de milliers de nos concitoyens est en danger. La lutte contre les dérives thérapeutiques et les dérives sectaires est donc un combat urgent, qu’il nous faut mener sur plusieurs fronts, comme l’indique le rapport.

J’ajouterai que c’est aussi un combat républicain, car ces mouvements menacent une de nos valeurs fondamentales : la laïcité. Une conception moderne et exigeante de celle-ci nous oblige en effet à protéger les institutions des influences sectaires. Quand l’hôpital public ou l’université se laissent gagner par ces groupes sectaires, la neutralité des institutions de la République doit pouvoir leur être opposée afin de les empêcher de nuire. §

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Vaugrenard

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission d’enquête sénatoriale sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé aura organisé, au cours des six mois durant lesquels elle a travaillé, 72 auditions. Travail de longue haleine, travail de patience, qui nous aura donné l’occasion de voir se côtoyer des témoignages tantôt pathétiques tantôt calculateurs ou fuyants, mais tous riches d’enseignements.

Pendant ce temps passé ensemble, les membres de la commission d’enquête auront pu apprécier l’heureuse initiative prise par notre rapporteur, Jacques Mézard, et son groupe, ainsi que la présidence toujours sereine d’Alain Milon. Qu’ils soient ici tous deux particulièrement remerciés. Je veux aussi insister sur la qualité des services de notre assemblée, qui ont su faire preuve à la fois de compétence, de gentillesse et de très grande disponibilité.

La gravité a pris toute sa place, tout autant que l’étonnement, l’exaspération ou la colère rentrée, mais l’humour ne fut pas absent, tant il est vrai qu’il faut parfois s’empresser de rire de tout avant d’avoir à en pleurer !

Le sujet traité était des plus sérieux, car c’est de la dignité humaine qu’il s’agit, du respect de l’autre, de l’emprise d’humains sur d’autres humains à raison de leur état de faiblesse.

Sur cette question essentielle de la liberté intime et profonde de chacune et de chacun de nos concitoyens, il est important que les représentants d’une démocratie comme la nôtre se retrouvent et fassent fi des clivages traditionnels.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Vaugrenard

Nous avons su démontrer que nous en étions capables puisque les 41 propositions de notre commission ont été adoptées à l’unanimité.

C’était la quatrième commission d’enquête parlementaire sur le sujet des dérives sectaires, même si, pour la première fois, il s’agissait d’une commission d’enquête sénatoriale, portant précisément sur les dérives sectaires dans le domaine de la santé.

Un sondage datant de 2010 nous montre d’ailleurs que ce sujet sensible préoccupe beaucoup nos concitoyens : 25 % d’entre eux ont été un jour approchés par une secte ; 20 % connaissent dans leur entourage amical, familial ou professionnel une ou plusieurs victimes de dérives sectaires ; 66 % des Français considèrent que les sectes sont un danger pour la démocratie.

L’évolution de nos sociétés modernes, où l’individualisme isole, et la fragilité de tout un chacun devant la dureté de la maladie sont autant de facteurs qui favorisent l’emprise mentale sur les personnes vulnérables. Il convient de combattre cette emprise, de même que l’exploitation mercantile qui l’accompagne souvent.

Notre démocratie est-elle suffisamment armée pour exercer le rôle protecteur qui doit être aussi le sien dans ce domaine ? Assurément non, ainsi que nous l’a démontré cruellement l’ensemble des auditions : l’état des lieux est globalement négatif et le constat particulièrement alarmant.

L’engouement des malades pour des pratiques thérapeutiques non conventionnelles touche certains professionnels de santé, voire certains hôpitaux, sans qu’il y ait unité de vue et d’appréciation à ce sujet sur l’ensemble du territoire national. C’est anormal !

De plus, l’alerte doit être impérativement donnée lorsqu’il s’agit de pratiques alternatives mettant en danger la santé des personnes affaiblies psychologiquement. Le fait qu’il y ait aujourd’hui 3 000 médecins en lien avec la mouvance sectaire n’est pas pour nous rassurer, pas plus que le fait qu’un médecin a toujours la possibilité, comme cela a été rappelé à maintes reprises, d’user de son titre de docteur bien qu’il ait été radié de l’Ordre des médecins.

Nous avons également des raisons d’être préoccupés lorsque 4 000 psychothérapeutes autoproclamés exercent sans jamais avoir reçu de formation.

Mme la ministre de la santé doit savoir que tous ces points méritent une attention particulière et doivent faire l’objet d’une grande réflexion afin d’éviter les dérives sectaires et leur recrudescence dans le domaine de la santé. S’il est une question interministérielle à soulever, c’est bien celle-là. Elle concerne, en effet, plusieurs ministères, notamment celui chargé de la formation professionnelle.

Plusieurs formations que je qualifierai d’« exotiques » sont parfois proposées sans surveillance suffisante de la puissance publique… La trop grande dilution des responsabilités dans ce secteur mérite une approche plus circonstanciée des services de l’État et des assemblées régionales.

Par ailleurs, nous avons pu constater que les préfets faisaient une application à géométrie variable de l’obligation d’organiser des réunions départementales annuelles sur les dérives sectaires dans le cadre du comité départemental de prévention de la délinquance, réunions rassemblant tous les acteurs, ainsi que les circulaires le prévoient. Cela n’est pas non plus acceptable, et c’est du ressort du ministère de l’intérieur.

Nous avons pu observer également que le développement d’Internet et le foisonnement d’informations médicales ou faussement médicales devaient nous amener à un sursaut de vigilance par un contrôle accru des sites. Des moyens nouveaux donnés à la gendarmerie dans les processus d’enquête et une sensibilisation plus forte des magistrats doivent être mis en œuvre.

Force est donc de constater que beaucoup de ministères, à côté du ministère de la santé, ont un rôle déterminant à jouer pour combattre les dérives sectaires : ministères de l’intérieur et de la justice, ministère en charge de la formation professionnelle, ministère de l’éducation nationale, voire ministère des finances.

Nous l’avons vu, la maladie, la solitude qui peut se transformer en isolement, le repli sur soi, le mal-être et la culpabilité sont le terreau fertile des dérives sectaires. C’est pourquoi le rapporteur et la commission d’enquête ont élaboré ces 41 propositions, qui doivent être examinées par les ministères concernés avec la grande attention qu’elles méritent.

Il faut à la fois mieux prévenir et plus protéger, par exemple en lançant une grande campagne d’information relative aux dérives thérapeutiques et sectaires, ou en interdisant aux médecins, dentistes et pharmaciens radiés par leur ordre de faire état de leur titre de docteur.

Il est également proposé de mettre en place à l’hôpital des groupes de détection des patients susceptibles d’être victimes de dérives sectaires, de mieux encadrer l’activité des psychothérapeutes ou d’appeler les procureurs de la République à porter une attention particulière aux suites à donner aux plaintes et signalements concernant des actes susceptibles de s’inscrire dans un contexte sectaire.

Il est aussi proposé de soutenir la définition d’un label de qualité des organismes de formation, qui prenne en compte un cahier des charges précis, garantissant l’absence de dérives thérapeutiques ou sectaires, ou encore de renforcer la sécurité de l’information des internautes.

Il serait par ailleurs utile de permettre aux enquêteurs de la cyberpatrouille de la gendarmerie nationale de mener des investigations sous pseudonyme, ce qui n’est pas actuellement possible, de s’assurer que les programmes de l’enseignement secondaire intègrent une sensibilisation aux dérives thérapeutiques et sectaires, enfin de renforcer le statut de la MIVILUDES, en lui conférant une existence législative et en accordant une immunité encadrée à son président.

Tout cela suppose, en complément, une solidarité internationale de lutte contre les dérives sectaires, particulièrement une solidarité européenne. À ce propos, notre devoir n’est-il pas aussi de demander à la Cour européenne des droits de l’homme de se soucier plus du fond que de la forme quand elle juge ? Elle ne l’a pas fait lorsqu’elle a osé condamner la France à une amende de 4 millions d’euros pour « violation de la liberté de conscience et de religion » à l’encontre de trois sectes clairement identifiées, dont le Mandarom et son « messie cosmo-planétaire »…

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Vaugrenard

Il y a des moments où être procédurier peut s’apparenter à de la lâcheté !

Les droits de l’homme nous imposent de protéger avant tout les faibles des gourous. Ces 4 millions d’euros devraient plutôt être versés au profit de ceux qui luttent contre les dérives sectaires, par exemple à la MIVILUDES, qui, j’en suis convaincu, en ferait très bon usage !

Je conclurai en émettant le souhait que le rapport et les préconisations qu’il contient soient suivis d’effets. Pourquoi ne pas prendre l’habitude de réunir annuellement la commission d’enquête pour faire le point sur le suivi et l’efficacité de ses préconisations, en particulier avec les représentants des différents ministères ?

De plus, eu égard à l’unanimité de nos conclusions, il serait bon de déposer des amendements rassemblant des signataires de toutes tendances politiques dès qu’un texte de loi permet d’introduire dans notre droit une des préconisations de la commission d’enquête.

L’écoute et l’attention ont dominé nos auditions et nos échanges ; le souci d’efficacité doit désormais guider le suivi de nos travaux.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour que chacun reste pleinement maître de ses décisions, il faut apprendre à développer l’esprit critique, et ce dès le plus jeune âge : c’est notamment le rôle de l’éducation nationale.

Chacune et chacun d’entre nous, quel que soit son parcours personnel, professionnel ou de santé, peut à tout moment être percuté et fragilisé par les aléas de l’existence et voir son esprit critique s’étioler. Le terrain est alors fertile pour que des « sans foi ni loi » exercent leur emprise mentale.

Notre démocratie, par manque de vigilance – nous l’avons constaté – est coupable de non-assistance à citoyens en danger. Nous ne pouvons pas l’accepter. C’est pourquoi il faut agir pour protéger, agir pour prévenir et agir pour punir, si nécessaire.

Le glorieux Victor Hugo, ancien sénateur, écrivait : « L’homme est fait non pas pour traîner des chaînes, mais pour ouvrir des ailes. » Agissons donc pour briser les chaînes de l’emprise sectaire dont peuvent être victimes nos concitoyens. Aidons-les à reprendre l’envol vers leur liberté de conscience ! §

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti

Monsieur le président, monsieur le président de la commission d’enquête, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, en premier lieu, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé.

Je tiens, en son nom, à saluer la qualité du rapport. Il est le fruit d’un long travail et de nombreux échanges puisque votre commission a organisé plus de 70 auditions. Des associations, des professionnels de santé, des experts, des représentants d’autorités sanitaires et des administrations concernées ont été entendus.

Vous avez également souhaité respecter le principe du contradictoire en entendant des représentants de mouvements susceptibles de dérives sectaires ou des praticiens mis en cause, y compris par la MIVILUDES. La plupart des procès-verbaux et des vidéos des auditions ont été rendus publics. La ministre des affaires sociales et de la santé tient à saluer cette démarche inédite.

C’est seulement à l’issue de ce long processus que la commission d’enquête a formulé 41 propositions sur la question de l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé.

Les dérives sectaires s’accroissent en effet : c’est le constat de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.

Dans ce contexte, la santé est un secteur particulièrement à risques. Ainsi, près du quart des signalements adressés à la MIVILUDES concerne la santé ou le bien-être. Selon le président de cette mission, plus de 3 000 médecins seraient en lien avec la mouvance sectaire.

Parce qu’elles touchent directement au corps, à l’intime, on attend de la médecine et des thérapies qu’elles se fondent sur la science. C’est tout l’inverse avec les comportements sectaires : ceux-ci se développent en s’appuyant sur des éléments chimériques plutôt que sur une démarche rationnelle. Vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, il s’agit « d’éliminer le savoir au profit du croire ».

La santé est donc un terrain privilégié pour ceux qui entendent exploiter les faiblesses de l’autre. En effet, les personnes atteintes d’une maladie grave ou incurable sont souvent enclines à se tourner vers des médecines non conventionnelles. C’est ce que votre rapport montre bien : ces pratiques sont parfois à l’origine de déviances thérapeutiques ou sectaires.

Soyons clairs : il ne s’agit pas de condamner les médecines dites « non conventionnelles ». Le rôle du législateur est d’identifier celles qui s’avèrent dangereuses pour les personnes.

Je ne parle pas seulement de charlatanisme : à l’évidence, la dérive sectaire dans le champ de la santé a des conséquences beaucoup plus tragiques. Sous l’emprise psychique de gourous ou de prétendus « thérapeutes », les victimes peuvent aller jusqu’à subir des sévices ou, dans certains cas extrêmes, à mettre fin à leurs jours.

Les techniques utilisées pour abuser des personnes malades relèvent de la manipulation, de l’emprise d’un être humain sur un autre. Le vocabulaire scientifique et médical est ainsi largement employé pour crédibiliser les argumentaires déployés par les mouvements à caractère sectaire.

Ces dernières années, le développement de ces pratiques a été favorisé par Internet, car les informations qui y figurent font encore l’objet de peu de contrôle de la part des autorités publiques.

Les formations professionnelles sont également concernées : 1 800 structures d’enseignement ou de formation « à risques » ont ainsi été dénombrées dans le domaine de la santé.

Alors même que l’on constate un accroissement des dérives, ce phénomène reste très difficile à encadrer.

Les dépôts de plainte sont peu fréquents ou tardifs. Selon le ministère de la justice, en 2011, seulement une centaine de procédures pénales impliquant un contexte sectaire étaient en cours d’instruction ou au stade de l’enquête préliminaire.

Les témoignages à charge sont rares, les malades et les personnes vulnérables ayant souvent adopté un comportement irrationnel.

Les enquêtes sont complexes : elles s’appuient sur un faisceau d’indices et l’établissement de la preuve reste particulièrement difficile.

Enfin, vous l’avez rappelé, il n’existe aucune définition juridique de la secte. De même, aucun texte de loi n’interdit l’appartenance à une secte.

Il n’est donc jamais aisé d’identifier les pratiques douteuses et de poursuivre leurs responsables en justice.

Pour assurer la protection de nos concitoyens à cet égard, l’ensemble du Gouvernement est mobilisé, et le ministère de la santé est en première ligne. Afin d’agir efficacement, nous avons besoin d’une mobilisation collective. Les champs d’action concernés sont l’enseignement supérieur et la formation professionnelle, qui peuvent eux-mêmes connaître ce type de dérives. Nous avons également besoin du ministère de la justice, qui dispose d’un rôle de repérage, ainsi que du ministère de l’intérieur, qui a pour mission de coordonner la prévention de ces dérives sectaires au niveau départemental. Plusieurs axes de travail ont déjà été tracés.

Certaines des propositions formulées dans votre rapport concernent l’amélioration de l’information en matière de santé, s’agissant notamment des médecines non conventionnelles.

D’abord, pour bien agir, il faut le faire de façon éclairée, en évaluant scientifiquement l’efficacité des pratiques présentées comme thérapeutiques.

Un groupe d’appui technique, composé notamment des ministères de la santé, de la justice et de la MIVILUDES, placé auprès du directeur général de la santé, est en charge de travailler sur les pratiques non conventionnelles depuis plusieurs années. Il a pour mission d’évaluer ces pratiques, d’informer le public et de lutter contre celles qui sont dangereuses. Un programme d’évaluation est mis en œuvre avec l’INSERM – Institut national de la santé et de la recherche médicale –, qui a élaboré une méthodologie adaptée sur certaines pratiques telles que la mésothérapie, l’ostéopathie, la médecine chinoise. Un dossier figure sur le site du ministère chargé de la santé. Il apporte une information globale généraliste sur ce qu’est la médecine conventionnelle et sur ce qu’elle n’est pas. Progressivement, ce dossier doit s’enrichir de fiches d’information sur les principales pratiques non conventionnelles en matière de santé.

En parallèle, une étude a été engagée pour forger d’autres outils juridiques qui permettront de lutter contre les pratiques non conventionnelles dangereuses. Ces outils pourraient s’inscrire dans la prochaine loi de santé publique.

Ensuite, il s’agit de renforcer l’information dans le champ de la santé.

Une refonte du site Internet du ministère chargé de la santé est actuellement en cours : l’objectif est de rendre les informations relatives à la santé plus accessibles au public et de faire en sorte que les données qu’il contient soient mieux référencées. Les nouvelles données, en particulier celles qui concernent les pratiques thérapeutiques non conventionnelles, font l’objet d’une attention particulière.

Par ailleurs, la Haute Autorité de santé proposera, au début de l’année 2014, un nouveau dispositif « qualité » en matière de sites dédiés à la santé, afin de donner des repères à l’internaute. Ce dispositif sera construit en concertation avec les usagers, les professionnels de santé, les pouvoirs publics et les éditeurs.

La création d’un site public d’information en santé permettra également de rendre plus lisible l’information publique en santé, aujourd’hui multiple et éparse.

Enfin, l’encadrement des formations professionnelles constitue le troisième axe d’action.

Dans votre rapport, figurent plusieurs propositions à cet égard, concernant tant le contrôle du contenu des formations et de la qualité des organismes dispensant ces formations que la sensibilisation des acteurs.

En effet, nous devons mieux sensibiliser les acteurs de la formation au risque sectaire. Des pistes seront à l’étude dans le cadre de la préparation de la prochaine réforme de la formation professionnelle, qui donnera lieu à un projet de loi d’ici à la fin de l’année.

Par ailleurs, les organismes souhaitant intervenir dans le champ du développement professionnel continu des professionnels de santé seront soumis à évaluation et contrôle.

Vous l’avez justement noté, la justice joue également un rôle clef dans la lutte contre les dérives sectaires. Le dispositif peut toutefois être encore amélioré.

Il apparaît essentiel d’inciter les procureurs à donner suite, ainsi que vous l’avez proposé, aux plaintes et aux signalements liés à des dérives sectaires ; cet objectif pourrait faire l’objet d’une circulaire du ministère de la justice.

Ensuite, il faut mieux former les référents « dérives sectaires » désignés au sein de chaque parquet général et dont vous avez noté l’importance. S’ils permettent déjà de disposer d’un relais actif et d’une meilleure circulation des informations au niveau des cours d’appel, il faut les sensibiliser davantage encore à la spécificité de ces enjeux. Un magistrat référent en charge de l’action publique est nommé au sein de la direction des affaires criminelles et des grâces. Il est, à ce titre, en charge des dérives sectaires et assure le lien avec ces référents, les administrations concernées ainsi que la MIVILUDES.

Enfin, le ministère de l’intérieur joue également un rôle déterminant dans la lutte contre les dérives sectaires, vous l’avez relevé à juste titre. Son action passe par les conseils départementaux de prévention de la délinquance, dont les prochaines orientations pourraient inclure les dérives sectaires. Mais l’approche ne peut être seulement répressive.

Monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le rapport qui est présenté aujourd’hui nous rappelle l’absolue nécessité de rester vigilants : les dérives sectaires connaissent actuellement des mutations rapides, qui imposent une mobilisation collective.

Vous pouvez être certains que tous les services de l’État, au premier rang desquels la MIVILUDES, sont pleinement engagés pour apporter protection et information à nos concitoyens et répondre à votre volonté non seulement de défendre, mais aussi de punir quand cela est nécessaire. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Nous en avons terminé avec le débat sur les conclusions de la commission d’enquête sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 12 juin 2013 :

De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :

1. Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, de simplification du fonctionnement des collectivités territoriales (387, 2012-2013) ;

Rapport de Mme Jacqueline Gourault, fait au nom de la commission des lois (635, 2012-2013) ;

Texte de la commission (n° 636, 2012-2013).

2. Deuxième lecture du projet de loi organique, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, portant application de l’article 11 de la Constitution (551, 2012-2013) et du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, portant application de l’article 11 de la Constitution (552, 2012-2013) ;

Rapport de M. Jean-Pierre Sueur, fait au nom de la commission des lois (632, 2012 2013) ;

Textes de la commission (nos 633 et 634, 2012-2013).

À dix-huit heures trente et, éventuellement, le soir :

3. Débat sur la pollution en Méditerranée : état et perspectives à l’horizon 2030.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le mercredi 12 juin 2013, à zéro heure vingt-cinq.