Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier notre collègue et rapporteur Jacques Mézard d’avoir pris l’initiative de demander la constitution de cette commission d’enquête sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé. Je veux aussi remercier le remarquable président de cette commission, notre collègue Alain Milon, qui a toujours été patient et serein.
J’ai souhaité être membre de cette commission d’enquête pour essayer de comprendre. En effet, dans mon département, le Rhône, j’ai été confrontée à une alerte émise par l’association de défense des familles et individus victimes de sectes, l’ADFI, concernant un établissement localisé dans le canton dont j’étais l’élue. J’ai mesuré toute la difficulté d’identifier un mouvement sectaire et ses dérives en matière de santé. Il s’agissait, en l’occurrence, d’un suicide et de soupçons d’alimentation insuffisante. Je n’ai jamais pu savoir ce qu’il en était réellement.
Partis dans cette enquête sur les mouvements à caractère sectaire, nous en sommes très vite venus à examiner les dérives thérapeutiques. Bizarrement, ces dernières sont plus faciles à repérer que les dérives sectaires, dans lesquelles les victimes parlent rarement et les familles sont encore plus rarement écoutées ou entendues.
De nos auditions, j’ai tiré plusieurs réflexions.
D’abord, je constate que certaines thérapies non conventionnelles ont un effet reconnu sur le bien-être et le confort de malades soignés, parallèlement, par la médecine scientifique.
En revanche, nous ne savons rien d’une grande partie d’autres pratiques qui, au mieux, sont inefficaces mais inoffensives, au pire, inefficaces et très dangereuses, jusqu’à pouvoir entraîner la mort. Dans tous les cas, ces pratiques sont très lucratives, au détriment de clients abusés par des publicités trompeuses.
Je ne reprendrai pas les 41 recommandations très pertinentes formulées par la commission d’enquête, mais il est un point, madame la ministre, sur lequel je voudrais attirer votre attention, ainsi que celle de Mme la garde des sceaux. Je veux parler de l’emprise mentale dont peuvent être victimes toutes les personnes fragilisées par la maladie, bien sûr, mais aussi, de manière plus générale, par tous les accidents de la vie.
On sait les difficultés qu’ont les magistrats à reconnaître cette situation. On sait aussi qu’une personne majeure capable est considérée a priori comme libre et responsable de ses actes. On sait, enfin, que l’emprise mentale est très difficile à qualifier puisqu’elle ne s’accompagne pas de preuves matérielles et tangibles.
Pourtant, il semble que, depuis les travaux de la commission d’enquête créée par l’Assemblée nationale en 1995, peu de propositions aient été faites dans ce domaine. En effet, le délit existant, à savoir « l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse », créé par la loi About Picard du 12 juin 2001, ne donne pas entièrement satisfaction. Il faudrait aller plus loin et créer le délit d’emprise mentale.
La commission d’enquête de 1995 avait pris le parti de retenir un faisceau d’indices, au nombre de dix, permettant d’identifier cette emprise. Le professeur Parquet, lors de son audition du 21 novembre 2012, nous a présenté une liste de neuf critères susceptibles d’autoriser à poser un diagnostic d’emprise mentale, étant entendu qu’il suffirait que cinq d’entre eux soient réunis.
Ne serait-il pas temps de reprendre ces deux constats pour établir un délit incontestable d’emprise mentale ?
Je ne peux m’empêcher de faire un rapprochement entre ce sujet et les difficultés qu’ont les femmes, mais aussi les hommes, à prouver la violence psychologique au sein de leur couple, cette violence qui, totalement assimilable à l’emprise mentale, les détruit et peut les mener au désespoir et au suicide.
J’y rattacherai également la proposition figurant dans le rapport de modifier l’article 8 du code de procédure pénale, de façon que le point de départ du délai de prescription pour le délit d’abus de faiblesse soit le moment où l’infraction apparaît à la victime. Je ne peux que mettre en parallèle cette proposition avec celle que j’avais formulée concernant le délai de prescription de l’action publique s’agissant des agressions sexuelles aggravées et du harcèlement sexuel.
Ce travail sur les dérives thérapeutiques et sectaires aura été passionnant et instructif. Je souhaite, madame la ministre, qu’il soit pris en compte, afin d’améliorer la sécurité de nos concitoyens et les protéger de tous les gourous ou autres pseudo-thérapeutes inefficaces, parfois dangereux, mais toujours intéressés. §