Nous avons su démontrer que nous en étions capables puisque les 41 propositions de notre commission ont été adoptées à l’unanimité.
C’était la quatrième commission d’enquête parlementaire sur le sujet des dérives sectaires, même si, pour la première fois, il s’agissait d’une commission d’enquête sénatoriale, portant précisément sur les dérives sectaires dans le domaine de la santé.
Un sondage datant de 2010 nous montre d’ailleurs que ce sujet sensible préoccupe beaucoup nos concitoyens : 25 % d’entre eux ont été un jour approchés par une secte ; 20 % connaissent dans leur entourage amical, familial ou professionnel une ou plusieurs victimes de dérives sectaires ; 66 % des Français considèrent que les sectes sont un danger pour la démocratie.
L’évolution de nos sociétés modernes, où l’individualisme isole, et la fragilité de tout un chacun devant la dureté de la maladie sont autant de facteurs qui favorisent l’emprise mentale sur les personnes vulnérables. Il convient de combattre cette emprise, de même que l’exploitation mercantile qui l’accompagne souvent.
Notre démocratie est-elle suffisamment armée pour exercer le rôle protecteur qui doit être aussi le sien dans ce domaine ? Assurément non, ainsi que nous l’a démontré cruellement l’ensemble des auditions : l’état des lieux est globalement négatif et le constat particulièrement alarmant.
L’engouement des malades pour des pratiques thérapeutiques non conventionnelles touche certains professionnels de santé, voire certains hôpitaux, sans qu’il y ait unité de vue et d’appréciation à ce sujet sur l’ensemble du territoire national. C’est anormal !
De plus, l’alerte doit être impérativement donnée lorsqu’il s’agit de pratiques alternatives mettant en danger la santé des personnes affaiblies psychologiquement. Le fait qu’il y ait aujourd’hui 3 000 médecins en lien avec la mouvance sectaire n’est pas pour nous rassurer, pas plus que le fait qu’un médecin a toujours la possibilité, comme cela a été rappelé à maintes reprises, d’user de son titre de docteur bien qu’il ait été radié de l’Ordre des médecins.
Nous avons également des raisons d’être préoccupés lorsque 4 000 psychothérapeutes autoproclamés exercent sans jamais avoir reçu de formation.
Mme la ministre de la santé doit savoir que tous ces points méritent une attention particulière et doivent faire l’objet d’une grande réflexion afin d’éviter les dérives sectaires et leur recrudescence dans le domaine de la santé. S’il est une question interministérielle à soulever, c’est bien celle-là. Elle concerne, en effet, plusieurs ministères, notamment celui chargé de la formation professionnelle.
Plusieurs formations que je qualifierai d’« exotiques » sont parfois proposées sans surveillance suffisante de la puissance publique… La trop grande dilution des responsabilités dans ce secteur mérite une approche plus circonstanciée des services de l’État et des assemblées régionales.
Par ailleurs, nous avons pu constater que les préfets faisaient une application à géométrie variable de l’obligation d’organiser des réunions départementales annuelles sur les dérives sectaires dans le cadre du comité départemental de prévention de la délinquance, réunions rassemblant tous les acteurs, ainsi que les circulaires le prévoient. Cela n’est pas non plus acceptable, et c’est du ressort du ministère de l’intérieur.
Nous avons pu observer également que le développement d’Internet et le foisonnement d’informations médicales ou faussement médicales devaient nous amener à un sursaut de vigilance par un contrôle accru des sites. Des moyens nouveaux donnés à la gendarmerie dans les processus d’enquête et une sensibilisation plus forte des magistrats doivent être mis en œuvre.
Force est donc de constater que beaucoup de ministères, à côté du ministère de la santé, ont un rôle déterminant à jouer pour combattre les dérives sectaires : ministères de l’intérieur et de la justice, ministère en charge de la formation professionnelle, ministère de l’éducation nationale, voire ministère des finances.
Nous l’avons vu, la maladie, la solitude qui peut se transformer en isolement, le repli sur soi, le mal-être et la culpabilité sont le terreau fertile des dérives sectaires. C’est pourquoi le rapporteur et la commission d’enquête ont élaboré ces 41 propositions, qui doivent être examinées par les ministères concernés avec la grande attention qu’elles méritent.
Il faut à la fois mieux prévenir et plus protéger, par exemple en lançant une grande campagne d’information relative aux dérives thérapeutiques et sectaires, ou en interdisant aux médecins, dentistes et pharmaciens radiés par leur ordre de faire état de leur titre de docteur.
Il est également proposé de mettre en place à l’hôpital des groupes de détection des patients susceptibles d’être victimes de dérives sectaires, de mieux encadrer l’activité des psychothérapeutes ou d’appeler les procureurs de la République à porter une attention particulière aux suites à donner aux plaintes et signalements concernant des actes susceptibles de s’inscrire dans un contexte sectaire.
Il est aussi proposé de soutenir la définition d’un label de qualité des organismes de formation, qui prenne en compte un cahier des charges précis, garantissant l’absence de dérives thérapeutiques ou sectaires, ou encore de renforcer la sécurité de l’information des internautes.
Il serait par ailleurs utile de permettre aux enquêteurs de la cyberpatrouille de la gendarmerie nationale de mener des investigations sous pseudonyme, ce qui n’est pas actuellement possible, de s’assurer que les programmes de l’enseignement secondaire intègrent une sensibilisation aux dérives thérapeutiques et sectaires, enfin de renforcer le statut de la MIVILUDES, en lui conférant une existence législative et en accordant une immunité encadrée à son président.
Tout cela suppose, en complément, une solidarité internationale de lutte contre les dérives sectaires, particulièrement une solidarité européenne. À ce propos, notre devoir n’est-il pas aussi de demander à la Cour européenne des droits de l’homme de se soucier plus du fond que de la forme quand elle juge ? Elle ne l’a pas fait lorsqu’elle a osé condamner la France à une amende de 4 millions d’euros pour « violation de la liberté de conscience et de religion » à l’encontre de trois sectes clairement identifiées, dont le Mandarom et son « messie cosmo-planétaire »…