Il y a un peu plus de dix ans, les responsables des marchés financiers mondiaux, ayant constaté la montée en puissance des US GAAP (Generally Accepted Accounting Principles), adoptés par un nombre croissant d'entreprises mondiales et en particulier européennes, ont milité pour que la normalisation comptable internationale « ne se fasse pas dans le Connecticut », pour reprendre la formule de Paul Volcker. Ils se sont mis d'accord à Sydney en 2000, avec le soutien de la SEC (Securities and Exchange Commission), pour réformer le système de normalisation utilisé pour les cotations internationales, en reconnaissant un corps de trente-neuf normes, le Core Standards de l'IASC. A la suite à cette décision, le normalisateur international a été réformé en profondeur, avec la création d'une fondation, dont la présidence a été confiée à Paul Volcker, et qui devait faire en sorte que les normes délivrées soient aussi satisfaisantes que possible pour les opérations internationales. Cet objectif a été atteint. Aujourd'hui, les normes internationales sont reconnues sur tous les marchés significatifs du monde, en particulier aux Etats-Unis, qui ont en 2007 accepté les IFRS pour la cotation à New-York des entreprises étrangères. La SEC est aujourd'hui organisée pour travailler sur les IFRS, et ses comptables sont formés aux IFRS.
En 2002, un accord entre la SEC, le FASB américain (Financial Accounting Standards Board) et l'IASB a porté sur la mise en place d'un processus de convergence vers le même standard international. Ce processus a duré dix ans, il a été difficile, il est en cours d'achèvement dans l'inachèvement. Des progrès significatifs ont été accomplis des deux côtés, et il reste aujourd'hui quatre grands sujets en cours de traitement. Mais, alors que Chris Cox, le président de la SEC, avait annoncé qu'une décision interviendrait certainement fin 2011, Mary Schapiro, qui lui avait succédé, totalement submergée par les conséquences du Dodd-Frank Act, considéra qu'elle ne pouvait pas prendre de décision en raison des difficultés internes aux Etats-Unis. D'où la situation actuelle : les Etats-Unis continuent à ne reconnaître que la valeur des US GAAP sur le plan domestique, mais ont reconnu la validité des IFRS sur le plan international.
L'enjeu est aujourd'hui de négocier une solution avec les Etats-Unis, pour laquelle les autorités politiques américaines ont manifesté leur intérêt et leur soutien. Je rappelle que tous les communiqués du G20, au niveau des chefs d'Etat comme des ministres des finances, rappellent la nécessité d'aller vers « des standards uniques mondiaux de qualité » (« a global set of high quality international accounting standards »). Le processus est en cours, je suis bien sûr personnellement très déçu que nous n'ayons pas réussi à y parvenir plus vite, mais je ne désespère pas. Je vois dans les déclarations publiques - et en particulier dans les trois discours prononcés le 30 mai dernier par le président du FASB, le chief accountant de la SEC, et Ellisse Walter, commissaire de la SEC - des encouragements à l'adoption des normes internationales. Je pense donc que nous devons continuer à faire pression sur les États-Unis pour qu'ils aillent dans cette direction, tout en demeurant réalistes : c'est un très grand pays, qui représente encore aujourd'hui près de 40 % de la capitalisation boursière mondiale, doté depuis des décennies d'un standard extrêmement proche de la philosophie des IFRS, et marqué par une préférence pour ses propres dispositifs. Accepter une normalisation internationale est une évolution politique difficile pour les Américains. Je pense que nous y parviendrons.