Intervention de Michel Prada

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 12 juin 2013 : 2ème réunion
Les normes comptables au service de l'économie — Audition conjointe de Mm. Jean-Luc deCornoy président du directoire de kpmg france jérôme haas président de l'autorité des normes comptables didier marteau professeur à l'escp europe philippe messager président de l'association française des trésoriers d'entreprise et michel prada président de la fondation ifrs

Michel Prada, président de la Fondation IFRS :

Je ne me prononcerai pas sur cette dernière question. Je n'ai pas le sentiment que les professionnels de la comptabilité américains soient inférieurs aux professionnels de la comptabilité français ou européens, même si on peut en discuter.

Sur les PME, je crois il faut se poser la question de pourquoi il y a autant de PME dynamiques dans des pays qui appliquent des normes comparables aux normes internationales. Je pense notamment aux États-Unis, mais également à un certain nombre d'autres pays car je voudrais vous rappeler qu'il y a aujourd'hui une centaine de pays qui appliquent ou autorisent les normes IFRS et que certains d'entre eux les ont étendus à l'ensemble de leur dispositif. Je pense notamment à la Corée, qui est un pays dont on ne sache pas que les entreprises se portent mal.

Je reconnais volontiers que le problème des petites PME, voire des très petites entreprises, ne se pose pas de manière centrale pour le normalisateur international. Il se pose en revanche de manière sérieuse pour les entreprises moyennes qui ont vocation à aller vers le marché. Aujourd'hui lorsque vous interrogez les spécialistes du capital-risque qui s'intéressent à des PME susceptibles un jour d'aller vers les marchés, ils vous disent qu'ils fonctionnent selon des normes IFRS. L'organisation internationale du capital-risque reconnaît tout à fait ces normes. Il y a probablement une gradation selon la nature des entreprises, selon leur exposition au marché, selon leur problématique de financement.

L'IASB s'occupe du sujet, qui est difficile. Faut-il essayer de développer de normes simplifiées pour les PME ? Faut-il des normes spécifiques ? C'est l'objet d'un débat qui n'est pas tranché à l'heure actuelle. Il existe un référentiel IFRS PME. Il avait été conçu à l'origine plutôt pour des pays émergents. Il est en train d'évoluer vers les pays développés et d'être d'ailleurs adopté par certains d'entre eux. La Grande-Bretagne a failli récemment directement passer aux normes IFRS. L'Italie l'a fait avec beaucoup de difficultés. C'est un sujet compliqué, qui n'est pas binaire. Je ne pense pas que conceptuellement il faille avoir des différences fondamentales entre les entreprises susceptibles de se financer sur le marché - et nous savons qu'avec les règles prudentielles, le marché jouera sans doute un rôle plus important dans le futur en Europe que cela n'a été le cas dans le passé.

Votre question sur l'enchevêtrement de normes prudentielles et comptables est au coeur de notre « dispute ». Il y a pour moi une différence de nature entre la norme prudentielle et la norme comptable, qui a vocation à décrire le mieux possible les opérations, les actifs et les passifs et qui n'a pas à se préoccuper de politique, de stratégie, qu'elle soit de court terme ou de long terme, cela, c'est le problème des choix et des décisions, qui appartient aux acteurs du marchés, aux chefs d'entreprises et aux pouvoirs publics, à travers leurs fonction de régulation. Très souvent, on fait porter au normalisateur comptable la responsabilité de décisions qui sont prises au niveau de la régulation prudentielle. La problématique de l'articulation entre normes comptables et prudentielles est extrêmement difficile. S'agissant de l'assurance-vie, qui pose un problème non réglé sur le plan comptable à l'heure actuelle - il y a des débats très compliqués au niveau des IFRS et des autres normalisateurs - la problématique prudentielle n'est pas en cause. En revanche, les orientations qui sont prises par le comité de Bâle pour les banques ou par les associations d'assureurs pour le secteur de l'assurance, ont des conséquences managériales et macroéconomiques tout à fait considérables. Il faut vraiment faire la distinction entre, d'une part, la recherche difficile menée par le normalisateur comptable d'une représentation aussi complète que possible de la réalité et des performances financières de l'entreprise à destination des acteurs du marché et, d'autre part, les règles prudentielles, les comportement des autorités publiques et des managers.

Le débat du court terme et du long terme est un débat extraordinairement difficile à traiter par la voie comptable. C'est comme si on disait d'un navigateur qui fait actuellement la course du Figaro, qu'il doit se préoccuper uniquement d'arriver à la fin de la course sans se préoccuper de ce qui se passe aujourd'hui, à la minute près, dans sa manière de naviguer.

Il navigue avec des appareils de mesure qui lui donnent instantanément le court terme. A partir de cela, il lui appartient de prendre des décisions qui vont affecter le long terme. Le comptable est d'une certaine manière dans cette contradiction là. On le voit aujourd'hui avec la problématique de Bâle et de la directive Solvabilité.

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