Intervention de Christiane Taubira

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 11 juin 2013 : 1ère réunion
Réforme du conseil supérieur de la magistrature et attribution du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et d'action publique — Audition de Mme Christiane Taubira ministre de la justice garde des sceaux

Christiane Taubira, garde des sceaux :

Sans commenter l'observation ultime du rapporteur, je vous remercie de la qualité de vos observations. Elles enrichissent le débat sur ce sujet profond, qui relève bien plus de l'éthique et de la philosophie que d'une mécanique procédurale. Les magistrats endossent la robe et jugent au nom du peuple français, mais n'en sont pas moins membres d'une société politique, titulaires de droits civiques, et animés de convictions idéologiques. En définitive, la réforme ne vise qu'à renforcer leur impartialité, de manière à protéger les justiciables, notamment les plus vulnérables, que la crise a multipliés.

Le CSM fonctionne. Aucun scandale n'a entaché son activité. Nous veillons à la solidité de l'institution et à renforcer son éthique, dans le respect des principes démocratiques. Nous ne divergeons que sur les moyens d'y parvenir. Il n'y a pas de système parfait. D'ailleurs, vos observations sont parfois contradictoires : vous déplorez l'insuffisante indépendance du CSM tout en craignant le corporatisme.

Nous tenons au modèle de parquet à la française, et ne cherchons qu'à atténuer ses imperfections. Ce débat rejoint celui relatif à la création d'un parquet financier à compétence nationale. Notre choix consiste à conserver le lien hiérarchique affirmé dans l'ordonnance de 1958, car il est nécessaire pour que le pouvoir politique, responsable de la politique pénale sur l'ensemble du territoire, rende des comptes. Donner aux justiciables toutes les garanties d'impartialité consiste également à rendre le système lisible et compréhensible, à lui conférer une indispensable apparence d'impartialité.

Ne confondez pas le milieu judiciaire et la société civile. Le CSM doit être placé en position de dialogue avec celle-ci, et sous sa vigilance. L'on ne peut reprocher simultanément au collège d'être corporatiste et d'inclure des personnalités extérieures. Sinon, refusons la société civile ! Aux côtés des membres de la Cour de cassation, du Conseil d'Etat et de la Cour des comptes, il y a par exemple un membre du CESE, dont le rôle est d'agréger ses différentes composantes.

Votre crainte de la cooptation n'est pas fondée. La Constitution dispose déjà que les six personnalités qualifiées n'appartiennent pas à l'ordre judiciaire. Il faudrait un vice particulier pour aller les y chercher. Je fais confiance aux commissions des lois des deux assemblées pour récuser ces magistrats honoraires dont vous redoutez l'omniprésence. La cooptation n'est en effet pas souhaitable, qui laisserait les magistrats traiter seuls des sujets les concernant.

Dans notre système politique, la légitimité provient du suffrage universel direct : il fait du Président de la République le plus légitime détenteur de pouvoir qui soit. Hors cohabitation, les présidents des assemblées appartiennent à la même famille politique que lui.

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