Intervention de Nicole Bricq

Commission des affaires économiques — Réunion du 11 juin 2013 : 1ère réunion
Audition de Mme Nicole Bricq ministre du commerce extérieur

Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur :

Merci de votre accueil. Comme vous le savez, dès vendredi, je présenterai la position de la France aux 26 autres ministres du commerce extérieur des pays de l'Union européenne. Ces négociations entre l'Union européenne et les Etats-Unis, qui concernent 40 % du commerce mondial et les deux tiers des investissements innovants du monde, pourraient être plus longues et difficiles que certains l'envisagent. Je fais observer que, dans les négociations avec le Canada, nous étions partis d'un mandat relativement imprécis et les discussions se poursuivent encore au bout de cinq ans avec de nombreuses questions nouvelles.

Je rappelle également que les États-Unis sont organisés selon un mode fédéral et plusieurs États ne sont juridiquement pas liés par les choix du gouvernement central et, d'après les rencontres que j'ai pu faire lors de mon déplacement aux Etats-Unis, nous aurons affaire à forte partie. En parallèle, les États-Unis négocient l'accord de partenariat transpacifique et leur intérêt pour cette zone mérite d'être souligné. J'observe que le succès de l'accord transatlantique serait de nature à faire réfléchir les grands pays émergents : la Chine et le Brésil, pour ne pas se trouver exclus de certaines normes, pourraient alors être tentés d'affermir leur position dans le multilatéralisme, lequel serait indirectement favorisé par ces accords.

La France a un intérêt global à la réussite de ce partenariat et la majorité de nos entreprises y sont favorables. Celles de l'agro-alimentaire sont cependant partagées, car les perspectives diffèrent selon les types de produits envisagés et nous devrons peut-être invoquer une clause de sauvegarde pour certains d'entre eux. Nous avons des intérêts offensifs dans des secteurs tels que la chimie, la pharmacie, le textile et l'habillement, les marchés publics, les transports maritimes et aériens. S'agissant de l'accès aux marchés publics, le règlement européen en cours d'élaboration vise à inclure une clause de réciprocité dans ce domaine ; je regrette que l'Allemagne s'oppose à l'introduction d'un tel mécanisme, qu'elle estime à tort protectionniste, alors qu'il pourrait nous être très utile dans nos négociations avec les États-Unis. Je remercie, à cet égard, le Sénat d'avoir adopté une résolution qui soutient l'introduction de cette réciprocité.

Nous avons également des intérêts défensifs. Nous souhaitons d'abord protéger les indications géographiques mais nous ne sommes pas les seuls dans ce cas, comme en témoigne, du reste, mon récent déplacement en Malaisie et en Indonésie. S'agissant de l'industrie de la défense, avec le soutien du Royaume-Uni et de la Suède, la Commission a accepté de ne pas inclure ce secteur dans le mandat de négociation. Avec l'Allemagne, nous avons demandé que le mandat de négociation encadre le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États : si le contentieux des relations commerciales est étendu aux entreprises contre les États, nous craignons que les avocats et les compagnies américaines ne s'en emparent, comme on l'a observé dans le cadre de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), à l'encontre du Mexique. En ce qui concerne nos préférences collectives, la France réaffirme son refus des OGM ainsi que du boeuf aux hormones et de la décontamination des carcasses : sur ces points nous avons obtenu des avancées.

Nous maintenons une position très ferme sur les services audiovisuels et culturels : ils doivent être exclus du mandat de négociation, conformément à la pratique constamment suivie. De nombreux pays nous indiquent qu'ils sont d'accord avec nous, mais ils craignent, si ces services étaient exclus du mandat de négociation, que les États-Unis ne demandent eux aussi l'exclusion de certains secteurs. Je crois cependant qu'ils pourraient plaider, de toute manière, pour l'exclusion de certains services. La France doit prendre l'initiative sur cette question, même si elle peut paraître un peu isolée au début des négociations : je ne veux pas que la culture fasse l'objet d'un marchandage.

L'actualité m'amène aussi à évoquer la politique commerciale à l'égard de la Chine. La France est favorable aux mesures de défense commerciale. Elles relèvent cependant de la compétence exclusive de la Commission européenne qui a proposé le lancement d'une procédure anti-dumping à l'encontre de la Chine sur les ventes de panneaux photovoltaïques ; je rappelle qu'elle avait été saisie par des entreprises françaises et allemandes, pour un intérêt qui concerne surtout ces dernières. Des taxes sont instituées de manière provisoire, pour une durée d'un an, en attendant les résultats de l'enquête. La Commission s'est également autosaisie dans le domaine des télécommunications, sur le cas des subventions versées aux deux entreprises qui dominent ce secteur en Chine. La Commission se met ainsi en position de négocier avec ce pays et, en réalité, ni l'Union européenne, ni la Chine n'ont intérêt à une guerre commerciale. Les différents contentieux ne représentent d'ailleurs que 1 % de nos échanges et nous soutenons la Commission pour parvenir à un compromis. Par un « effet miroir », la Chine a annoncé l'ouverture d'une enquête sur le vin.

Je conclus sur les responsabilités du commerce mondial en matière de respect des normes sociales et environnementales. L'accident survenu dans une usine au Bangladesh a fait plus de 1000 victimes et des entreprises européennes et nord-américaines ont été indirectement impliquées en tant que clientes à travers des chaînes d'approvisionnement complexes. J'ai récemment attiré l'attention de l'OCDE sur l'importance du respect des normes sociales et environnementales et des entreprises françaises se sont ralliées à la charte sur la sécurité des bâtiments au Bangladesh élaborées par des ONG. J'ai également sensibilisé à cet égard le commissaire Karel De Gucht, qui m'a indiqué qu'il prendrait des initiatives au mois de juillet, et le Premier ministre m'a confié la promotion de la responsabilité sociale et environnementale dans le commerce international. Le commerce international a besoin de règles et de normes environnementales et sociales : c'est le devoir de la France de les promouvoir.

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