Beaucoup de questions ont été posées sur le vin et je reconnais bien là notre tradition française et sénatoriale. Je serai à Vinexpo le 17 juin et m'exprimerai à ce sujet pour rappeler que je soutiens les producteurs français. Le commissaire Karel De Gucht lui-même a reconnu qu'il n'y avait pas de vin subventionné en France - pas plus qu'ailleurs. Mais la Chine va suivre la même procédure que la Commission : engager une enquête qui peut durer jusqu'à 18 mois et peut-être prendre des mesures provisoires. Ce que vous évoquez, le blocage en douane, est hélas une pratique courante. J'étais à Cognac il y a quelques semaines et j'ai appris que la Chine bloquait des caisses de Cognac. Cela fait partie des aléas du commerce : c'est une mesure préventive et une forme de patriotisme.
Je souligne que les produits haut de gamme n'ont rien à craindre : ils sont hors marché, et en Chine, il n'y a pas de moyenne gamme. Le secteur qui va souffrir, c'est le vin en vrac. La Chine, aujourd'hui, prétend que le dumping s'élèverait à 21 % sur ces produits, en incluant dans le calcul les aides octroyées dans le cadre de l'Organisation commune de marché (OCM), l'aide à la distillation, les aides à la promotion, les assurances agricoles, les aides au développement rural, et les aides régionales. Quoi qu'il en soit, je suis résolument au côté des producteurs dans cette affaire.
M. de Montesquiou indique que nous discutons en position de faiblesse mais je réponds au contraire, que nous sommes 500 millions de consommateurs européens, ce qui renforce notre pouvoir de négociation.
M. Bourquin a bien illustré le concept de réciprocité en évoquant les marchés publics. Les marchés publics sont plus fermés aux Etats-Unis qu'en Europe et nous souhaitons simplement demander que les éventuels assouplissements soient réciproques. C'est l'objet de la négociation et c'est l'idée que j'ai défendue auprès de nos amis allemands. M. Bourquin a aussi évoqué la parité dollar/euro, mais la monnaie ne fait pas partie des négociations puisque, dans l'Union européenne, tous les États ne sont pas dans la zone euro. Rappelons que les dévaluations monétaires peuvent influencer la demande intérieure mais on ne doit pas les utiliser pour faire de la dévaluation compétitive vis-à-vis des autres partenaires commerciaux.
Mme Lamure a parlé des transferts de technologie et je vous confirme qu'ils ne sont pas couverts par cet accord. Elle a justement mentionné la problématique du « ticket d'entrée » : effectivement, nous ne sommes plus dans cette ancienne relation vis-à-vis des grands émergents qui consistait à arriver dans un pays avec l'idée que la seule qualité de nos produits permet de les exporter facilement. Aujourd'hui, soit nous avons un produit de niche et alors la question ne se pose pas, soit le marché est concurrentiel, ce qui est le cas le plus fréquent, et alors les pays acheteurs nous demandent de nous internationaliser et de produire localement. En même temps, ces pays demandent des transferts de compétences, de savoir-faire et de technologie. Il faut désormais admettre que l'acheteur de nos produits doit être aussi un partenaire. Dans certains secteurs, l'État aura naturellement son mot à dire : il s'agit des secteurs stratégiques comme le nucléaire où il faut encadrer les transferts. Mais ce partenaire émergent peut devenir un concurrent, ce qui nous incite à garder une longueur d'avance pour conserver une attractivité suffisante. Mme Lamure m'interroge également sur les chiffres du commerce extérieur et fait très précisément référence aux dernières statistiques douanières. Il est vrai que le déficit s'élevait à environ 67 milliards en 2012, ce qui s'explique essentiellement par le poids de notre facture énergétique. J'ai pour objectif de rééquilibrer nos échanges hors énergie, car il est impossible de maîtriser le coût de cette dernière : tout ce que nous pouvons faire, c'est favoriser l'efficacité énergétique. Les chiffres de notre commerce extérieur s'améliorent, mais nous avons toujours un problème avec notre marché de proximité, c'est-à-dire l'Europe et plus particulièrement l'Espagne et l'Italie, comme en témoigne la chute des ventes d'automobiles dans ces deux pays du sud de l'Europe. En avril, nos exportations ont progressé de 4 %, mais nos importations repartent aussi à la hausse.
M. Vaugrenard, M. Bizet et M. Gattolin ont évoqué la question des normes sociales. J'ai reçu les neuf candidats à la succession de Pascal Lamy et j'ai posé à chacun d'entre eux la même question sur le rapprochement de l'OMC des autres organisations internationales comme l'OIT. Ce sont des domaines différents, mais les normes sociales sont une source de concurrence déloyale, au-delà de la problématique essentielle des droits de l'Homme.
Je remercie M. Bizet d'avoir rendu hommage à Pascal Lamy qui a soutenu les grands principes du libre-échange. Je souligne que le commerce Sud-Sud mondial, représente aujourd'hui un tiers du commerce international. Les règles traditionnelles sont mises à mal et certains considèrent que le multilatéralisme est en panne. Certes, plusieurs échéances se profilent pour remédier à cette situation et tenter de relancer le cycle de Doha. Cependant, les grands émergents ont bouleversé les règles habituelles du commerce mondial parce qu'ils sont devenus des puissances de premier ordre mais ils n'assument pas leurs responsabilités de puissance commerciale vis-à-vis du reste du monde, et c'est cela qui crée de la distorsion. Les accords de libre-échange qui se négocient aujourd'hui dans le Pacifique et l'Atlantique vont mettre ces nouvelles puissances au pied du mur. Le Brésil se présente tantôt comme un pays riche avec les pauvres et tantôt un pays pauvre avec des riches : en jouant sur les deux tableaux, il parvient à rendre son marché très difficile d'accès. La qualité essentielle d'un bon directeur de l'OMC réside dans sa capacité à rallier les Etats-Unis et les grands émergents au multilatéralisme.
Le sénateur César, administrateur d'Ubifrance, exerce sa vigilance et je l'en remercie. Je réponds par la même occasion à M. Gattolin : en 2008, le Gouvernement a pratiqué la « dévolution » : les services compétents pour les grands contrats, qui sont des services du Trésor, sont implantés dans les ambassades sans pour autant relever du ministère des affaires étrangères. Ubifrance se consacre à l'essentiel du commerce, assuré par les PME, PMI et ETI. Le commerce extérieur de la France s'élève à 440 milliards dont 8 % sont assurés par les grands contrats comme l'aéronautique. Tout le reste correspond au commerce courant dont le « navire amiral » que constitue le luxe. Quant à la question des visas, j'y vois le signe que les PME se mobilisent de plus en plus pour conquérir les marchés lointains. Nous réorganisons nos services sur le territoire et à l'étranger pour soutenir cet effort. Dans le cadre de la modernisation de l'action publique, je suis chargée d'évaluer notre dispositif à l'exportation pour le rendre plus lisible.