Je n'oublierai jamais les femmes que j'ai rencontrées, comme cet agent de police à Nanterre, Agnès, trente-trois ans, vivant seule avec un enfant de sept ans, gagnant 1 100 euros par mois et heureuse d'avoir un emploi. Sa garde d'enfant coûtait 750 euros par mois, parce qu'elle travaillait en horaires décalés et habitait loin de son lieu de travail. Il lui restait 450 euros pour vivre. Voilà la réalité vécue par cette femme, qui est pourtant fonctionnaire.
En France, les familles monoparentales représentent un cinquième, voire un quart des familles. Elles sont composées, pour 85 % d'entre elles, de femmes. Elles sont au total deux millions de familles, un chiffre qui a presque triplé en l'espace de quarante ans.
Tout le monde ici connaît au moins une famille monoparentale. Mais personne n'en parle. J'ai commencé à mener ce combat il y a trois ans pour mettre un terme à ce silence. Plus je creusais la réalité du terrain, plus je découvrais qu'il fallait agir. Pour rejoindre le sujet qui nous réunit aujourd'hui, les enfants des familles monoparentales feront, eux aussi, la France de demain. Bien sûr, tous ne sont pas dans des situations de détresse. On peut réussir lorsque l'on a grandi dans une famille monoparentale. Toutefois, comme je l'ai écrit dans mon ouvrage Le scandale du silence, ces familles sont les premières victimes de la crise, de la pauvreté et du surendettement. Comme personne n'en parlait, j'ai dû mener des enquêtes, des recoupements, pour faire état de ces réalités.
Selon les experts, la séparation d'un couple met un enfant en difficulté pendant deux ans. S'il est bien accompagné, l'enfant a de très bonnes chances de s'en sortir. Toujours selon les experts, il importe de mettre un terme à la féminisation à outrance de l'enseignement en maternelle et au primaire. Pour aider la femme qui élève seule son enfant, il serait souhaitable que davantage d'hommes enseignent à ces niveaux. L'enfant est souvent uniquement entouré de femmes jusqu'à son entrée en sixième.
Ce n'est pas parce qu'il grandit dans une famille monoparentale qu'un enfant deviendra délinquant. Néanmoins, la plupart des délinquants sont issus de familles monoparentales. L'enfant a besoin d'autorité, de repères, qu'il va parfois chercher dans les gangs.
Dans ce contexte, le système de scolarisation est essentiel. Les familles monoparentales connaissent souvent des histoires familiales complexes, qui influencent le quotidien de l'enfant.
La fondation que j'ai créée il y a trois ans concentre son action sur la garde d'enfants. En effet, les familles monoparentales ont trois sources de revenus : la pension alimentaire, les aides et l'emploi. Or, 40 % des pensions alimentaires décidées par les tribunaux ne sont pas payées. Par ailleurs, les aides ne vont pas aux personnes les plus défavorisées. Concernant l'emploi, son premier frein réside dans la garde d'enfants.
Les horaires atypiques complexifient encore plus la garde d'enfants et l'organisation du quotidien, donc in fine l'avenir de l'enfant. J'ai le souvenir de cette femme seule, au chômage, trouvant finalement un emploi à horaires décalés, dont la petite fille faisait ses devoirs dans une cabine téléphonique en face de l'école en attendant que sa mère vienne la chercher, à vingt et une heures trente. Je me suis employée à trouver les moyens d'assurer la prise en charge de son enfant jusqu'à son retour. Il s'agit d'une réalité dont on ne parle pas. De tels cas sont pourtant nombreux.
Ma fondation agit concrètement. Lors de la Journée internationale des familles, j'ai organisé divers ateliers pour aider les femmes à obtenir des conseils dans de multiples domaines : aide au CV, entretien avec un psychologue, un avocat, mais aussi atelier maquillage, etc.
J'agis et j'agite les pouvoirs publics, avec le livre que j'ai évoqué précédemment, ou en intervenant régulièrement dans des colloques. J'ai également élaboré récemment un rapport, qui comporte dix propositions d'actions pour aider les familles monoparentales à sortir de l'impasse. Je l'ai remis au Président de la République, au Premier ministre et à tous les membres du gouvernement.
Pour conclure, j'énoncerai tout simplement ma deuxième proposition : « Instaurer des horaires atypiques pour les modes de garde ».