Le Parlement n'a cessé, depuis le milieu des années 1980, de renouveler l'ambition portée par notre pays pour son développement universitaire, scientifique et technologique face à des défis environnementaux, technologiques et socio-économiques d'une ampleur sans précédent. Mais pour la première fois sous la Ve République, il examine un projet de loi qui rassemble enseignement supérieur et recherche.
Les études supérieures ont vocation à élever les connaissances et le niveau de compétences de la nation. L'université est d'ailleurs la seule institution à établir un lien entre l'excellence pédagogique et l'excellence scientifique. La recherche universitaire en est le principal moteur. En réformant notre système d'enseignement supérieur et de recherche, nous devons simultanément concilier l'amélioration de nos conditions de vie, accroître la compétitivité de notre économie, et protéger notre l'environnement. Au sein d'une société plus juste et plus inclusive, chacun doit trouver les moyens et les opportunités de réaliser un projet personnel et professionnel à la hauteur de ses capacités et de ses aspirations.
De manière cohérente avec les dispositions du projet de loi pour la refondation de l'école de la République, le gouvernement fait de la réussite de tous les étudiants l'objectif prioritaire de ce projet de loi. Il réaffirme ainsi un engagement fondamental pour l'avenir de notre pays : offrir à chaque jeune la possibilité de s'émanciper hors de tout déterminisme, leur donner les moyens de concrétiser leurs ambitions.
Ainsi qu'Ambroise Dupont et moi-même le relevions dans le rapport sur le contrôle de son application, la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) a souffert d'un certain nombre de dysfonctionnements. Le présent projet de loi entend y remédier.
Le texte élaboré par le gouvernement renforce d'abord la gouvernance collégiale au sein des universités, en instaurant un conseil académique doté de compétences consultatives et décisionnelles aux côtés d'un conseil d'administration conforté dans sa fonction stratégique. Il répond à la demande de régulation nationale des formations formulée par les personnels et les étudiants, contrepartie indispensable de l'autonomie pédagogique, budgétaire et financière des établissements. En effet, l'État doit être le garant de l'intérêt général et du libre accès de tous les étudiants à un service public de l'enseignement supérieur et de la recherche de qualité sur l'ensemble du territoire national.
Des stratégies claires et ambitieuses en matière d'enseignement supérieur et de recherche seront en outre élaborées en concertation avec l'ensemble des parties prenantes. L'offre de formation et de recherche de tous les acteurs sera coordonnée au niveau du territoire académique ou inter-académique dans le cadre d'un contrat de site unique. Afin de rendre cette offre plus lisible, les modalités de regroupements universitaires et scientifiques seront reprécisées et la visibilité de l'ensemble des acteurs sera renforcée auprès des élus locaux, de l'État, ainsi que de nos partenaires européens et internationaux.
Les amendements que je vous propose découlent de la même ambition : créer une formation universitaire et scientifique au service de la société. En premier lieu, l'introduction de la notion de transfert parmi les missions et objectifs du service public de l'enseignement supérieur et de la politique nationale de recherche n'est pas une fin en soi. Plusieurs d'entre nous s'en sont émus. Je propose de redéfinir le transfert comme l'une des composantes de la valorisation des résultats de la recherche au service de la société. L'innovation, l'expertise et l'appui aux politiques publiques pour répondre aux défis sociétaux, aux besoins sociaux et environnementaux en sont d'autres.
Je vous propose aussi d'intégrer l'encouragement de la participation du public à la prospection, à la collecte des données et au progrès de la connaissance scientifique dans la définition des missions de recherche du service public de l'enseignement supérieur. L'audition du président du Museum national d'histoire naturelle, Gilles Boeuf, a achevé de nous convaincre que le code de l'éducation pourrait promouvoir les sciences participatives.
L'amélioration de la qualité de vie étudiante doit être un objectif prioritaire de la réforme de l'enseignement supérieur. Les contrats de site devront reposer sur l'amélioration de la qualité de la vie étudiante et la promotion sociale des étudiants. Je propose que l'ensemble des partenaires élaborent, sous l'égide du réseau des oeuvres universitaires, un projet porteur de la synthèse des besoins en la matière, qui sera transmis à l'État et aux collectivités territoriales comme un document d'aide à la décision.
La responsabilité sociale des établissements d'enseignement supérieur doit également être consacrée. Dans le respect des travaux du dernier colloque de la conférence des présidents d'université (CPU) et suivant l'impulsion de la ministre, je formulerai des propositions visant à mieux prendre en compte les situations de handicap au sein des universités ; à appliquer un principe d'université inclusive, à l'instar des dispositions adoptées sur le projet de loi de refondation de l'école ; à inclure la résorption de la précarité de l'emploi au sein des universités dans le bilan social des universités présenté chaque année au conseil d'administration par le président.
Malgré les ambitions affichées par le précédent gouvernement dans le cadre du plan « Réussite en licence », les indicateurs de performance se sont dégradés : seuls 27 % des inscrits obtiennent leur licence en trois ans, et 6 % seulement des bacheliers professionnels. Le gouvernement a rappelé que les enseignements de lycée devaient préparer à la poursuite d'études dans l'enseignement supérieur et que l'enseignement supérieur devait s'intéresser à l'accompagnement de ces lycées vers la réussite.
Les députés ont souhaité réserver des places aux meilleurs élèves de chaque lycée dans les filières sélectives, en particulier dans les classes préparatoires. Je vous propose d'ajuster le dispositif : d'une part, en précisant la pluralité des séries et des voies qui peuvent être suivies en amont, pour éviter de favoriser à nouveau les bacheliers scientifiques ; d'autre part, en supprimant les critères supplémentaires de vérification des aptitudes des lycéens, laissés à l'appréciation des recteurs. Pour garantir l'efficacité et l'équité du dispositif, seuls les résultats du baccalauréat seront pris en compte.
Afin de renforcer le rapprochement entre filières sélectives et universités, je vous propose un mécanisme de double inscription des élèves de STS et de classes préparatoires (CPGE) dans leur lycée et dans une université liée à celui-ci par une convention. L'élève de CPGE s'acquittera des droits d'inscription à l'université et bénéficiera en contrepartie de tous les services universitaires. Par coordination, je vous recommanderai de revenir sur la suppression de la gratuité des classes préparatoires, introduite à l'Assemblée nationale. La double inscription me paraît plus lisible, plus efficace et juridiquement beaucoup plus sûre.
Le projet de loi complète les missions du premier cycle d'études supérieures afin de renforcer le principe de l'alternance et de faciliter l'orientation de chacun en garantissant une spécialisation progressive du cursus universitaire. Celle-ci sera facilitée par une plus grande pluridisciplinarité des enseignements dispensés en licence, que les évolutions rapides du monde du travail rendent nécessaire.
La réalisation de ces objectifs ambitieux s'appuiera sur un renforcement des moyens humains des universités, entamé depuis la rentrée universitaire de 2012, avec la création de 1 000 emplois dédiés à la réussite en licence, qui pourront être affectés par les universités éligibles à l'accompagnement pédagogique, administratif ou technique, dans des conditions précisées par leur contrat pluriannuel d'établissement. Conformément aux engagements du président de la République, 5 000 emplois auront été créés à cette fin dans les universités à la fin du quinquennat.
Il est en outre proposé de substituer à l'actuelle procédure d'habilitation des établissements d'enseignement supérieur à délivrer des diplômes nationaux une procédure d'accréditation, destinée à renforcer l'autonomie pédagogique des établissements et à simplifier l'offre de formations. L'accréditation sera fondée sur un critère de capacité plutôt que d'engagement. Elle rendra l'offre de formation plus lisible en réduisant les spécialités au niveau master, et instaurera une nomenclature nationale des intitulés de mentions. En revanche, elle ne modifiera pas le régime en vigueur des diplômes nationaux, des diplômes d'établissement et des grades. L'extension de l'accréditation aux établissements privés ne pourra concerner que les grades puisque la délivrance des diplômes universitaires ne concerne que les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP).
Pour remédier au taux d'échec en première année de médecine, qui dépasse 80 %, le gouvernement prévoit enfin l'expérimentation de nouvelles modalités d'admission aux études médicales. Une réorientation précoce et adaptée sera proposée à 15 % d'étudiants, dont le niveau à l'issue d'épreuves organisées au cours du premier semestre sera jugé insuffisant pour qu'ils envisagent le passage en deuxième année. Pour qu'ils ne perdent pas leur année, des passerelles seront aménagées vers la deuxième ou troisième année d'une licence mieux adaptée dans les domaines des sciences et de la santé. Cette expérimentation pourrait utilement être étendue à d'autres filières.
En matière de gouvernance, je vous propose d'augmenter le nombre de personnalités extérieures désignées par le conseil d'administration, afin de limiter des nominations par voie institutionnelle qui sont loin de garantir l'assiduité. Un appel public à candidatures permettra de sélectionner des personnalités qualifiées ayant justifié une motivation et un intérêt tout particuliers pour le projet de l'université.
Afin de résoudre le problème posé par le millefeuille d'instruments de coopération universitaire et scientifique hérité de la loi Goulard de 2006, et le foisonnement des structures temporaires servant de support à des projets financés par le programme des investissements d'avenir, l'article 38 du projet de loi rationalise les modalités de regroupement possibles. Demeurent possibles la fusion, la participation à une communauté d'établissements et l'association d'établissements.
Reprenant trois suggestions du groupe écologiste, je vous propose, en accord avec la ministre, de renforcer le caractère démocratique du conseil d'administration des communautés afin d'y garantir la présence d'au moins 50 % de représentants élus. Autre suggestion : consacrer la dimension confédérale du mécanisme de l'association d'établissements en précisant que le projet partagé doit être défini d'un commun accord et que le volet commun du contrat de site unique doit être adopté par une majorité qualifiée des suffrages exprimés par les conseils d'administration des différents membres.
Un mot sur la recherche. Le projet de loi veut libérer et sécuriser la recherche fondamentale et stimuler les transferts technologiques. Je vous propose d'introduire le principe d'une évaluation de la dépense budgétaire et fiscale de l'État, crédit d'impôt recherche (CIR) compris, en faveur de la recherche privée et de la recherche partenariale par l'OPECST qui peut solliciter des pouvoirs d'enquête étendus à cet effet. Je vous suggère, en outre, de recentrer le CIR sur le dispositif « jeunes docteurs », suivant en cela les propositions du rapport de Jean-Yves Le Déaut et du rapport de notre collègue Michel Berson.
En matière de valorisation de la recherche menée sur fonds publics, le projet de loi demande un engagement contractuel ferme des entreprises partenaires d'exploiter l'invention brevetée exclusivement sur le territoire de l'Union européenne. Le CNRS, l'Inserm et la Caisse des dépôts s'en sont inquiétés. Si le régime d'exploitation du titre de propriété industrielle est trop rigide, nous courons le risque d'inhiber sérieusement la signature de contrats de licence. Je vous recommanderai donc, conformément à l'avis de la commission des affaires économiques, d'assouplir cette condition contraignante pour demander plutôt à l'entreprise de prévoir une exploitation au moins partielle sur le territoire de l'UE.
Enfin, la suppression de la dénomination de l'actuelle Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES) est injustifiée. L'on peut conserver la dénomination et la personnalité morale actuelles de l'agence tout en changeant ses missions, sa gouvernance et son fonctionnement tels que le proposent les articles 49 et 50 du projet de loi. Plusieurs amendements en ce sens ont été présentés par de nombreux collègues qui ont recueilli, au-delà des affirmations hâtives, les avis éclairés de nombreux universitaires. Ces amendements entendent, dans les principes de l'évaluation, accorder une place particulière à la transparence, à la prévention des conflits d'intérêts dans la mise en place des comités d'experts et au principe du contradictoire.
Compte tenu des votes exprimés à l'issue du débat à l'Assemblée nationale, des interrogations des membres de cette commission et des réflexions recueillies lors des rencontres de travail, l'exercice de ce matin est inédit. Soit la logique de groupe se poursuit ici et le débat tournera vite court, soit cette logique fait place au travail approfondi de notre commission au service de l'intérêt général, et nous enrichirons ce texte majeur pour l'avenir de notre jeunesse. Le débat d'hier soir portant sur le rapport de contrôle de la loi LRU réalisé par notre collègue Ambroise Dupont et moi-même a montré que nous pouvions dépasser les clivages idéologiques. Ayons cette ambition forte pour préparer la France de demain.