Intervention de Jean-Pierre Plancade

Réunion du 22 décembre 2004 à 21h00
Ouverture du capital de dcn — Vote sur l'ensemble

Photo de Jean-Pierre PlancadeJean-Pierre Plancade :

Nous l'avons, tour à tour, défendue et promue, et je ne peux pas vous laisser l'accaparer. La France, nous l'aimons, pas plus que vous, madame, certes, mais autant que vous. Et nous voulons la défendre, pas plus que vous, certes, mais autant que vous, et avec une totale conviction.

La société nationale DCN a été créée par un article de la loi de finances rectificative pour 2001, un article dans lequel la volonté du législateur était expressément affirmée : le capital de la société était intégralement détenu par l'Etat. Cet aspect majeur du projet proposé avait été exprimé par le ministre de la défense, M. Alain Richard.

Depuis, nous avons pu constater la réussite de la transformation de la DCN. Ces progrès ont d'ailleurs été unanimement soulignés.

Pour sa première année d'activité industrielle et commerciale en tant que société, DCN présente des résultats encourageants. Elle a accru son chiffre d'affaires en le portant à 1, 659 milliard d'euros, répartis entre ses deux pôles opérationnels - navires et systèmes, services et équipements -, soit une progression de 14 % par rapport à 2002.

Elle a réalisé des gains sur achats significatifs et sa productivité s'est améliorée. Cela a permis à DCN de réaliser en 2003 un résultat d'exploitation supérieur à 6 % du chiffre d'affaires et un résultat net positif de 41 millions d'euros. Les résultats consolidés sont également encourageants, puisque le résultat net s'élève à 47, 7 millions d'euros.

Cette entreprise, devenue performante grâce à une réforme opportune, risque aujourd'hui de sortir fragilisée et d'être demain affaiblie par un projet de loi mal conçu, mal présenté et traité en moins de trois heures.

Est-ce parce que cette société fonctionne bien qu'il faut maintenant la livrer aux convoitises du marché ? Qui pourra empêcher des fonds de pension ou des spéculateurs financiers de mettre la main sur une partie - pour l'instant ! - du capital de DCN ou sur ses filiales ? On s'apprête à ouvrir le capital de DCN sans même savoir à qui cette ouverture profitera !

L'ouverture du capital de DCN, comme mes collègues l'ont déjà expliqué, n'est pas la bonne réponse aux besoins actuels de l'industrie navale et militaire. Certes, la construction navale européenne nécessite une réforme profonde de ses structures, mais la voie est mal choisie et ne nous semble pas adaptée.

Que le trop grand morcellement du secteur nuise à ses capacités industrielles, c'est un fait. Toutefois, la forme actuelle de DCN lui permet complètement de commencer à apporter des réponses.

Or, la volonté du Gouvernement s'est limitée à une seule option, l'ouverture de capital. Est-ce la panacée ? Est-ce la seule possibilité ? N'existe-t-il pas d'autres alternatives ? Malheureusement, nous n'aurons pas l'occasion d'en débattre franchement et longuement sur le fond.

En programmant l'examen de ce projet de loi dans les conditions que nous savons, le travail serein et en profondeur nécessaire au débat nous a été tout simplement interdit !

Pour favoriser l'essor d'une industrie navale européenne capable de faire face au double défi américain et asiatique, il faudrait un peu plus de concertation entre Européens, d'abord. Sur un dossier aussi essentiel pour l'avenir de notre défense et de notre marine, notre pays devrait proposer un travail en commun.

Nous sommes, bien sûr, convaincus que nous devons construire l'Europe, l'Europe de la défense et de l'armement. Sur ce chemin européen, nous devrions pouvoir mutualiser nos efforts, évaluer en commun nos besoins et nos potentialités, avancer ensemble vers des budgets communs et une recherche technologique partagée. Je crois que nous sommes tous, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, d'accord sur ce point.

Mais, une fois de plus, pour relever ces défis, on ne voit pas ce qu'apporte cette « ouverture du capital » proposée par le Gouvernement. Mme la ministre nous dit qu'il est nécessaire d'ouvrir le capital de DCN afin de pouvoir conclure des partenariats ou des alliances à l'échelon européen.

Mais en quoi le fait que DCN soit une entreprise dont le capital est détenu à 100 % par l'Etat l'empêche-t-elle de nouer des alliances ? De la même façon, en quoi la création de filiales dans lesquelles l'Etat sera minoritaire est-elle la condition pour la création d'une Europe de l'armement navale ? Sur ces questions, vos réponses ne nous ont pas convaincus.

Ce projet peut s'avérer dangereux pour les emplois et les droits sociaux des travailleurs de DCN. Les mesures prévues dans le texte et destinées à garantir les acquis sociaux ne nous semblent pas suffisantes. Mon collègue Jean-Pierre Godefroy l'a justement expliqué.

Cette entreprise a beaucoup évolué, comme en témoigne l'effort qui a été demandé aux personnels. Près de 40 % des effectifs ont été supprimés. Une question mérite donc d'être posée : sommes-nous à la veille d'une nouvelle et douloureuse réduction des effectifs ? Notre attention doit être tournée vers les sites qui ont déjà connu des restructurations diverses.

Certes, il faut permettre à DCN de développer un projet d'entreprise compatible avec l'évolution européenne et la compétition internationale, un projet répondant aux demandes et aux besoins des clients. Ainsi, la palette de services que l'opérateur industriel sera en mesure de proposer doit s'étendre à l'entretien et à la formation.

Mais est-ce à dire qu'il faut accepter votre méthode sans commencer par explorer d'autres pistes ? De plus, ne conviendrait-il pas d'impliquer les salariés dans cette recherche ? Je vous rappelle notre souci, qui est de savoir comment préserver l'unité et le niveau de compétence de DCN.

Madame la ministre, parce que vos arguments en faveur de l'ouverture du capital de DCN ne sont pas convaincants, parce que les emplois de DCN sortiront fragilisés de ce projet de loi, parce que nous estimons que cette ouverture de capital dessert les intérêts de l'Etat et parce que les conditions du débat n'ont pas été à la hauteur des enjeux, le groupe socialiste votera contre ce projet de loi.

Enfin, compte tenu de ce qui a été dit ou promis au cours de la discussion, soyez assurée que le groupe socialiste restera vigilant sur l'avenir de DCN et de ses personnels.

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