Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous abordons un sujet qui intéresse tous nos concitoyens. Cette proposition de loi traite en effet du permis de conduire, et plus particulièrement des conditions de renouvellement du titre permettant la conduite des véhicules par les personnes âgées.
Je souhaite tout d’abord profiter de cette tribune pour adresser un message de vigilance et de prudence. La tendance baissière, constatée depuis le début de l’année en matière de mortalité routière, s’est accentuée au mois de mai dernier, avec une diminution de près de 30 % du nombre de tués sur nos routes. Ce sont 95 vies qui ont ainsi été épargnées en mai 2013. Ce fut, de tous les mois de mai, le moins meurtrier sur nos routes. Sur les cinq premiers mois de 2013, la mortalité routière a baissé de 16 % par rapport à la même période de l’année précédente, ce qui représente 222 vies sauvées.
Ces résultats encourageants ne doivent en aucun cas faire oublier que la sécurité routière se joue au quotidien, et que près de dix personnes décèdent encore chaque jour dans un accident de la circulation. L’entrée dans la période des beaux jours, qui offrent traditionnellement l’occasion de sorties, notamment pour les deux-roues, doit inciter chaque usager de la route à redoubler de prudence.
Ces quelques éléments rappelés, j’en reviens au cœur de la proposition de loi soumise à votre examen.
Contrairement à une idée reçue, les personnes âgées n’ont pas plus d’accidents que les autres. De manière générale, elles sont même sous-représentées dans les statistiques des accidents de la route : elles sont ainsi cinq fois moins victimes que les jeunes d’accidents de la circulation routière. En effet, bien souvent conscientes de leurs limites, elles privilégient fréquemment des modes de déplacement alternatifs à l’automobile ou aux deux-roues et, lorsqu’elles conduisent un véhicule motorisé, adoptent un comportement éminemment prudent, qui se traduit notamment par une vitesse peu élevée, une vigilance accrue et des trajets courts.
Ce constat a conforté le Gouvernement dans son souci de donner aux personnes âgées la possibilité de se déplacer le plus longtemps possible, car leur autonomie en dépend. À ce titre, la conduite automobile et la possession d’une voiture sont essentielles pour les personnes âgées.
La tentation d’instaurer une visite médicale obligatoire pour les conducteurs âgés est grande : plusieurs pays ont déjà mis en place une telle mesure. Pour autant, l’obligation de se soumettre à un examen en fonction de l’âge n’a jamais fait la preuve de son efficacité, comme l’atteste le rapport de l’OCDE sur le vieillissement et les transports publié en 2001.
En France, l’incitation au dialogue avec son médecin, voire avec des spécialistes pour faire vérifier sa vue ou son audition, a été privilégiée afin de définir les restrictions auxquelles la personne âgée doit se conformer. Une brochure a été réalisée par l’ordre des médecins et la délégation interministérielle à la sécurité routière à destination des médecins généralistes pour leur rappeler leur rôle de conseil auprès de leurs patients en fonction des pathologies. Une brochure équivalente à destination des conducteurs est en cours de réalisation avec l’ordre des pharmaciens et sera diffusée dès juillet.
Le faible taux d’accidents de la route impliquant des personnes âgées tend à montrer que cette stratégie fonctionne bien.
Fortement complémentaire de celui du médecin, le rôle de la famille est, nous le savons, important, car cette dernière peut entamer le dialogue avec la personne âgée, même si cela est bien souvent délicat. En dernier recours, elle peut faire appel, comme tout autre citoyen d’ailleurs, au préfet, qui pourra enjoindre au titulaire du permis de conduire de se soumettre à un contrôle médical. Cet examen sera réalisé par un médecin agréé consultant hors commission médicale.
Dans ce domaine, je tiens à préciser que le décret du 17 juillet 2012 a introduit deux mesures qui participent à la prévention des risques du conducteur. La première tient à l’extension du champ du contrôle, qui porte non seulement sur l’aptitude physique, comme c’était le cas auparavant, mais aussi sur l’aptitude cognitive et sensorielle du patient. La seconde permet aux médecins qui examinent l’usager de lui prescrire des examens complémentaires, notamment des tests psychotechniques d’aptitude à la conduite. Au vu de l’avis médical émis, le préfet pourra alors prononcer, s’il y a lieu, la restriction de validité, la suspension ou l’annulation du permis de conduire.
Par ailleurs, les assureurs, les collectivités locales, les caisses de retraites et les caisses d’assurance maladie organisent déjà, avec le soutien de l’État et le concours de bénévoles, des stages destinés aux conducteurs seniors, qui sont très positifs.
J’aimerais à ce titre saluer le travail de l’Association prévention routière qui permet annuellement à 30 000 personnes de suivre ce type de stage. Certes basés sur le volontariat, ils permettent aux personnes âgées de réactualiser leurs connaissances tant théoriques que pratiques et de prendre mieux conscience de leurs limites. La CARSAT, la Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail, la MSA, la Mutualité sociale agricole, et l’Association Générations mouvement ont également monté un partenariat sur le territoire amiénois, que je crois exemplaire en la matière. Je souhaite que ce type de partenariats se développe sur l’ensemble du territoire. C’est l’un des objectifs que j’ai fixés à la mobilisation nationale contre l’isolement social des personnes âgées, lancée en décembre dernier, et dont le groupe de travail proposera le 12 juillet prochain une phase de déploiement.
Enfin – et je crois qu’il s’agit là d’un point majeur dont chacun de nous doit prendre conscience –, la conduite étant aussi une forme importante de prévention de la perte d’autonomie, il convient de favoriser l’accès aux technologies d’aide à la conduite, qui ne cessent de se développer et qui sont encore trop peu connues des personnes âgées et de leurs familles.
Un centre d’expertise national de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, le CEREMH, le Centre de ressources et d’innovation mobilité handicap, spécialisé dans les questions de mobilité, travaille à recenser et à faire connaître les innovations en matière d’aménagement et de nouveaux véhicules, pour garantir une conduite sécurisée et pallier efficacement les premières faiblesses que peut parfois engendrer l’âge.
En lien avec le pôle de compétitivité Mov’eo, avec les constructeurs automobiles, les prestataires de transport et divers laboratoires de recherche, la recherche s’amplifie ; ses développements sont prometteurs pour la silver economy, l’économie liée à l’âge, et donc pour la création d’emplois.
L’étape future est le développement territorial de ce type de centre.
C’est maintenant à chaque intervenant du domaine des transports, de la formation à l’utilisation, en passant par le conseil, le contrôle et la distribution, de s’en saisir pour que les technologies permettent de garantir une mobilité sûre des personnes âgées le plus longtemps possible, comme cela est le cas pour les personnes handicapées.
La concertation menée jusqu’à présent avec les professionnels nous a montré que l’inaptitude médicale dépend davantage de l’état de santé du conducteur et des médicaments qu’il prend que de son âge. L’évaluation médicale figurant dans la proposition de loi comporte donc un caractère discriminatoire d’autant plus injuste qu’il est infondé au regard des données d’accidentalité dont nous disposons. Elle comporte surtout le risque d’aboutir à une perte brutale d’autonomie et d’indépendance des personnes âgées.
Vous l’aurez donc compris, le Gouvernement n’est pas favorable à l’instauration d’une évaluation médicale à la conduite systématique pour tous les conducteurs âgés de 70 ans et plus. §