Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens avant tout à remercier notre collègue Yves Détraigne de nous donner l’occasion de débattre d’un sujet particulièrement important : la sécurité routière.
Jusque dans les années soixante-dix, le nombre de tués sur les routes n’a cessé d’augmenter, pour atteindre un pic en 1972 avec près de 18 000 morts. Ce n’est qu’à cette époque que les pouvoirs publics se sont emparés du problème. Selon les estimations de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière, la mortalité routière serait ainsi progressivement tombée à 3 645 tués en 2012.
L’évolution de la réglementation et de la répression, l’amélioration des infrastructures et des véhicules, le changement de comportement de certains conducteurs expliquent pour beaucoup cette évolution.
Renforcer la prévention et la sécurité routière est un enjeu majeur pour nous tous. Pour autant, la proposition de loi de nos collègues constitue-t-elle une solution efficace pour diminuer le nombre de morts sur les routes ? Sincèrement, je ne le crois pas.
Chaque accident provoqué par une personne âgée relance le débat sur l’aptitude à conduire de cette catégorie de la population. Toutefois, cela a été dit, les conducteurs âgés n’ont pas, contrairement aux idées reçues, plus d’accidents que les autres et ne conduisent pas plus dangereusement, mais ils sont sans doute plus vulnérables et peuvent parfois être troublés par les nouvelles infrastructures ou l’évolution de la signalétique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, comme l’a souligné Mme la ministre, la prévention routière organise, depuis quelques années déjà, des stages de remise à niveau à l’attention de cette catégorie de conducteurs.
Alors pourquoi stigmatiser cette catégorie de conducteurs, pourtant plus responsable et plus prudente que les autres ? Pourquoi l’âge des conducteurs devrait-il être un critère, quand près d’un accident mortel sur quatre est dû à la consommation excessive d’alcool, et un tiers des accidents causé par la fatigue ou la somnolence, sans parler de la vitesse excessive, qui n’est pas l’apanage des personnes âgées ?
L’âge ne doit pas être un facteur discriminant, d’autant que la voiture constitue pour les personnes âgées, comme l’a souligné Mme la ministre, un symbole fort d’indépendance. À la campagne ou dans les périphéries des centres-villes, la voiture est souvent le seul moyen pour faire ses courses, se rendre chez le médecin, ou tout simplement maintenir un lien social avec la famille. Restreindre la conduite sur le seul critère de l’âge accélérerait le processus d’isolement, précipitant ces personnes vers la dépendance d’un tiers. Accessoirement, cela donnerait aussi un coup d’accélérateur aux ventes de voitures sans permis, lesquelles ne sont pas sans danger.
En réalité, la question de l’aptitude à conduire dépend plus de l’état de santé des conducteurs que de leur âge.
Certaines addictions, certaines pathologies ou certains traitements médicamenteux présentent en effet des risques, parfois très élevés, pour la conduite. De nombreux patients ignorent encore que certaines pathologies nécessitent un avis de la commission médicale des permis de conduire et qu’en prenant le volant, ils sont un danger potentiel pour eux-mêmes et pour les autres. De la même façon, ils n’ont pas toujours conscience des risques qu’ils encourent en absorbant certains médicaments utilisés couramment dans le traitement de la douleur ou de la toux, lesquels peuvent altérer leurs capacités.
Dans ces conditions, le médecin joue un rôle particulièrement important pour l’estimation du risque. Il doit informer son patient des conséquences de sa pathologie, des risques de l’alcool, des stupéfiants ou de certains médicaments sur la conduite. Il doit par ailleurs l’inciter à s’adresser à un médecin agréé ou à la commission médicale départementale du permis de conduire. Le médecin n’a cependant qu’une obligation de moyens et il ne peut en aucun cas contraindre son patient à arrêter de conduire.
Tenu au secret médical, il ne peut pas non plus signaler son patient à l’autorité préfectorale. Cela est plutôt étonnant quand on sait qu’il doit, en revanche, signaler aux autorités administratives tout sportif soupçonné de consommer des substances dopantes. Pourquoi ne pas l’envisager pour un conducteur souffrant d’une pathologie ou d’une addiction comportant des risques pour lui-même et les autres usagers de la route ? J’ai déposé, avec plusieurs de mes collègues, deux amendements en ce sens.
Aussi, madame la ministre, mes chers collègues, aucun des membres du RDSE n’apportera son soutien à la présente proposition de loi, qui nous semble inutilement discriminatoire.