Si je parle de conflit d’intérêts à mon propos, ce n’est pas parce que ma vue bouge, mais parce que je suis titulaire d’un permis E, qui impose une visite médicale tous les cinq ans. Je suis donc bien placée pour vous dire que, dans mon cas, une telle visite médicale n’apporte pas un suivi suffisant pour garantir une réelle aptitude à conduire. Je dois donc prendre la responsabilité de faire corriger ma vue en tant que de besoin, et pas seulement tous les cinq ans, sauf à devenir rapidement un danger public au volant !
En l’occurrence, une visite médicale tous les cinq ans, qui plus est à partir de l’âge de 70 ans, n’améliorerait nullement les choses en termes d’accidentologie.
Cette situation personnelle m’a sans doute incitée à réfléchir plus profondément sur les raisons de cette focalisation sur l’âge, alors même que j’étais initialement plutôt favorable à votre proposition, monsieur le rapporteur. Pourquoi les accidents impliquant des personnes âgées sont-ils à ce point médiatisés ?
Contrairement à toutes les autres causes d’accidents, l’âge est une condition qui nous est imposée. On n’a aucune prise sur lui, alors que les excès de vitesse, la conduite en état d’ivresse et la conduite sous l’effet de médicaments ou d’autres drogues dépendent de notre seule volonté et de notre seule responsabilité.
Le côté affectif joue également un rôle. On connaît tous des parents ou des grands-parents que l’on aimerait bien voir lâcher le volant, parce que l’on se fait un peu de souci pour eux, mais aussi pour nos enfants quand ils montent en voiture avec eux.
Cette dimension affective, et le fait que l’âge nous soit une condition imposée, entraînent une sorte de paralysie de la réflexion et de l’analyse.
Lorsqu’une personne âgée a un accident, ce serait donc forcément à cause de son âge. Sauf que c’est peut-être aussi à cause d’un excès de vitesse, d’un défaut d’attention, d’un endormissement, d’un panneau de signalisation mal lu ou encore d’un état d’ivresse ; on peut avoir 70 ans et boire un peu plus que de raison lors d’un repas.
L’âge nous apparaît donc comme la cause évidente de l’accident, alors qu’il ne l’est pas en tant que tel.
Cela a été dit et redit à cette tribune depuis le début de la discussion générale : à partir d’un certain âge, les causes physiques d’accidents peuvent certes être un peu plus fréquentes, parce qu’on fatigue plus vite, parce qu’on voit moins bien ou parce que nos réflexes sont moins rapides.
Mais ces problèmes ne surviennent pas seulement avec l’âge. Certaines maladies neurodégénératives peuvent ainsi entraîner dès l’âge de 20 ans des modifications physiques qui induisent un changement de l’état de santé et une moindre aptitude à conduire.
Certains diabètes, avant qu’ils ne soient stabilisés par un traitement médical, peuvent aussi être associés à des baisses d’attention, voire à des malaises qui rendent la conduite dangereuse.