Intervention de Vincent Eblé

Réunion du 18 juin 2013 à 9h30
Questions orales — Situation des patrimoines en période de guerre cas de tombouctou

Photo de Vincent EbléVincent Eblé :

Madame la ministre, il était urgent d’intervenir au Mali. Le Président de la République l’a compris et nos forces armées sont venues au secours des populations, ce dont je me réjouis.

À présent, nous devons nous préoccuper de l’avenir des peuples maliens. Bambaras, Bobos, Bozos, Dogons, Khassonkés, Malinkés, Minianka, Peuls, Sénoufos, Songhaï, Soninkés, Toucouleurs : ce sont plus d’une vingtaine d’ethnies qui vivent au Mali. Malgré leurs échanges au cours de l’histoire, chacune d’entre elles possède une culture spécifique. Elles composent la mosaïque ethnique de ce pays.

Demain, donc, ces peuples vont devoir reconstruire la paix, et cela passera par la reconnaissance par chacun des identités culturelles des autres.

Les patrimoines sont souvent le vecteur de ces identités, le ferment des dénominateurs communs qui permettent les réconciliations.

Dans ce contexte, il me semble primordial de réfléchir ensemble à l’action qu’il est nécessaire de mener pour assurer la sanctuarisation des patrimoines.

Depuis le XIIe siècle, Tombouctou est un carrefour commercial au milieu du Sahara ; au XVe siècle, il est devenu un centre prestigieux d’études islamiques, accueillant jusqu’à 25 000 étudiants.

Les « manuscrits de Tombouctou » recèlent des traités de médecine, de mathématiques, d’astronomie, mais aussi de la poésie, de la musique, des enluminures, de la littérature religieuse et des traités de droit et de gouvernance. Ces manuscrits sont l’un des plus importants trésors culturels de l’Afrique. Ils sont un symbole important de l’histoire africaine, ils démontrent singulièrement le rôle et l’influence des intellectuels musulmans africains entre le XIVe et le XVIIe siècles.

Au total, certains estiment à plus de 200 000 le nombre de ces manuscrits, dont seulement 30 000 étaient rassemblés à l’Institut des hautes études et de recherches islamiques Ahmed-Baba.

Nous savons aujourd’hui que les exactions des « bandits » ont amené la destruction de plusieurs milliers de manuscrits anciens, ainsi que de sept mausolées et d’une partie de la grande mosquée Sidi Yahia.

Les réactions internationales ont été à la mesure du drame : l’UNESCO a inscrit, le 28 juin 2012, Tombouctou sur la liste du patrimoine mondial en péril ; l’ONU, par sa résolution 2056 du 5 juillet 2012, a rappelé que les attaques contre le patrimoine culturel ou religieux peuvent « constituer des violations des lois internationales ».

Nous savons que la culture est ce qui donne à un peuple la force de se reconstruire. Nous savons, car nous l’avons vécu dans notre histoire, qu’il est douloureux de voir son patrimoine disparaître. Nous savons que ceux qui détruisent les biens communs ont pour objectif de porter atteinte à l’identité et à l’héritage culturel de la population, afin de semer la haine. Enfin, nous savons que le conflit malien a commencé par une guerre culturelle, les extrémistes ayant tout d’abord nié l’existence d’une identité complexe et d’un islam tolérant.

Le 4 février, le Président de la République s’est ému du sort de ces patrimoines ; le 18 février, une réunion d’experts de l’UNESCO a évalué les dégâts commis et examiné les moyens de les réparer.

Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, quelles actions la France a menées pour protéger le patrimoine au cours du conflit, quelle est la situation du patrimoine malien et quelles propositions nous sommes en mesure de faire aux Maliens en vue d’accompagner les restaurations ? Enfin, j’aimerais connaître votre point de vue quant à la mise en place d’un service d’intervention d’urgence sur le patrimoine, afin de prévenir dans la mesure du possible les exactions contre les patrimoines lors des conflits.

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