Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 26 janvier 2006 à 15h00
Retour à l'emploi — Article 19

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

L'article 19, qui a été introduit par l'Assemblée nationale, après avoir fait l'objet d'un avis très favorable du Gouvernement, vise à supprimer la condition d'ancienneté des bénéficiaires d'un minimum social requise pour l'accès au contrat d'avenir ou au CI-RMA.

Sans plus d'explications pour justifier cette mesure à laquelle il se disait pourtant attaché, Laurent Wauquiez, rapporteur du texte au Palais-Bourbon, s'est contenté de déclarer que « le délai de latence constitue une absurdité administrative : il n'y a en effet aucune raison pour faire patienter six mois un bénéficiaire de minima sociaux avant qu'il n'accède à un contrat aidé ».

Loin d'être une absurdité, le critère d'ancienneté de six mois retenu par l'actuelle majorité se voulait être un garde-fou contre d'éventuels effets de substitution.

Je me souviens de M. Fillon argumentant en faveur d'une condition d'ancienneté, fixée initialement à deux ans pour le CI-RMA, laquelle permettait, selon lui, de réserver ce contrat aidé à ceux qui, sans être trop désocialisés et éloignés de l'emploi, ne sont pas assez proches de l'emploi ordinaire. Il a tenu ses propos lors d'une de ses auditions devant le Sénat, salle Médicis. Je suis persuadé qui tous ceux qui étaient présents s'en souviennent.

A l'époque, cette démarche ciblée sur les personnes effectivement les plus en difficulté était comprise par la majorité sénatoriale. Certes, cette dernière s'était interrogée sur la pertinence du critère de deux ans. Elle avait décidé de ramener cette condition d'ancienneté à un an, considérant - je cite notre rapporteur - que ladite condition « semble à la fois suffisante pour prévenir tout effet d'aubaine et nécessaire pour permettre au dispositif de répondre pleinement à se vocation ».

Aujourd'hui, la majorité fait volte-face, ouvre largement les vannes du CI-RMA et du contrat d'avenir, après avoir déjà consenti nombre d'assouplissements sur ces deux dispositifs.

J'entends bien les justifications que nous a présentées M. le rapporteur, notamment les freins que constitue cette mesure à la réinsertion sociale et professionnelle des titulaires de minima sociaux.

Il apparaît en réalité que les raisons de ce revirement sont moins nobles et plus simples : ces contrats ne font pas recettes et il est urgent, pour M. de Villepin, de faire rapidement baisser les statistiques du chômage !

Tout est donc bon pour inciter à la signature d'un plus grand nombre de contrats aidés, quitte à fermer les yeux sur les effets d'aubaine déjà constatés, notamment par l'Observatoire français des conjonctures économiques, voire à encourager les employeurs à bénéficier indûment de ce système d'aides publiques. La majorité sénatoriale promeut aujourd'hui comme un atout une disposition qu'elle fustigeait hier.

Nous ne pensons pas que la solution au problème du chômage réside dans la déqualification de l'emploi, ni dans l'extension au plus grand nombre de contrats précaires à temps partiel. Nous ne pensons pas davantage qu'il faille pousser les bénéficiaires de minima sociaux à accepter n'importe quelle norme d'emploi.

C'est dans cet esprit qu'il faut lire notre amendement de suppression de l'article 19.

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