Je voterai naturellement ces amendements de suppression.
Nous sommes très attachés au scrutin majoritaire pour l’élection des sénateurs dans les départements qui en élisent trois, tout simplement parce que c’est un scrutin de liberté. Il permet à des candidats de se présenter seuls, en liste complète ou incomplète, et il permet aux grands électeurs de se déterminer de manière tout à fait libre, avec la possibilité de panacher, comme on le fait aux élections municipales dans les petites communes.
Il suffit d’assister à un dépouillement pour constater que les grands électeurs usent pleinement de cette faculté. Ils votent très souvent à la fois pour une liste portée par une famille politique dans laquelle ils se reconnaissent et pour un candidat, homme ou femme, envers lequel ils éprouvent de l’estime ou de l’attachement ou, tout simplement, auquel ils témoignent ainsi leur reconnaissance pour le travail qu’il a accompli.
Il nous paraît donc important de préserver ce mode de scrutin auquel les élus locaux sont très attachés. J’insiste sur ce point, monsieur le ministre, car j’ai le sentiment que vous n’en avez pas conscience. Je suis d’un département où l’on élit de la sorte les sénateurs et je peux vous dire que les grands électeurs que je rencontre, maires, adjoints ou autres élus, sont très mécontents d’apprendre que l’on s’apprête à les priver de cette liberté et de cette souplesse dans le choix de leurs sénateurs.
On nous explique qu’il s’agit de parité. Une fois encore, la parité a bon dos ! Je n’ai pas besoin de rappeler que cela n’aura des effets sur la parité qu’à la marge dès lors que le scrutin proportionnel s’appliquera pour élire un nombre très limité de sénateurs. Une fois encore, l’exemple de 2001 est très éclairant à ce sujet.
On nous explique que cela favorisera le pluralisme, mais comme cela vient d’être dit, le pluralisme existe déjà. Un certain nombre de départements à trois sénateurs désignent des parlementaires de familles politiques différentes avec le scrutin majoritaire, précisément parce que c’est un mode de scrutin qui favorise la liberté.
Tout à l'heure, monsieur le ministre, je crois bien vous avoir entendu dire, à propos du conseiller départemental, que le Président de la République et le Gouvernement s’étaient engagés à revenir sur le conseiller territorial. En revanche, le changement de mode de scrutin aux élections sénatoriales, lui, n’a fait l’objet d’aucun engagement : il n’a jamais été question de cela durant la campagne électorale, et le Premier ministre n’en a pas non plus parlé quand il a engagé la responsabilité de son gouvernement. À aucun moment, il n’a été dit aux Français que l’on changerait le mode de scrutin des élections sénatoriales.
En fait, cette mesure est sortie du chapeau au terme de petits calculs ! Vous avez sans doute fait tourner vos logiciels, et vous estimez que cela permettra d’éviter que le Sénat ne bascule de l’autre côté et que votre majorité, déjà très courte, ne disparaisse.
Voilà, à mon sens, la réalité de vos intentions. Il ne s’agit pas de parité ! En prétendant vouloir changer le mode de scrutin pour cette raison, vous cherchez à nous leurrer !